Assaut contre Wikileaks (troisième partie) : trahis pour l’argent et le pouvoir ?

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Jimmys LLAMA
publié le 14 janvier 2018
publié par Polex le : 28 juillet 2019

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Lorsque la Freedom of the Press Foundation (FPF) fut créée à la fin de 2012, Wikileaks avait déjà fait face à un barrage d’attaques de la part des gouvernements américain et suédois, des médias et des studios de cinéma, d’anciens volontaires de Wikileaks, et d’institutions bancaires et financières comme PayPal, Visa et MasterCard, qui ont imposé un blocus financier contre Wikileaks en décembre 2010. Lorsque Julian Assange et John Perry Barlow ont décidé de créer la FPF, c’était en réponse directe au blocus illégal qui faisait perdre la majeure partie des revenus de Wikileaks. étonnamment, après sa création, trois membres du conseil d’administration de la FPF se sont vus offrir des postes confortables de journaliste et de technicien grâce la haute bienveillance de Pierre Omidyar, dont l’entreprise PayPal était directement impliquée dans le blocus financier. De façon choquante, ils ont accepté.

En 2007, le journaliste Glenn Greenwald a écrit,

« Je pense qu’il est pertinent de savoir qui possède un média d’information. La raison est évidente. Les gens qui travaillent pour des entreprises savent qui les paie et savent que le travail qu’ils font devra plaire aux gens qui signent leurs chèques de paie... il n’y a jamais de preuve tangible ou un élément unique qui pourrait démontrer que n’importe quel média d’information a un parti pris particulier ou un objectif politique. Tout ce qu’on peut faire est d’examiner l’ensemble des éléments... Et un de ces éléments est le contexte idéologique des propriétaires et qui les financent. »

Et pourtant, sept ans plus tard et après le partenariat de Greenwald avec Omidyar, sa réponse à l’article du journaliste Pando Mark Ames selon lequel Omidyar aurait investi des centaines de milliers de dollars avec l’USAID, la International Renaissance Foundation de George Soros et le National Endowment for Democracy dans des groupes d’opposition ukrainiens impliqués dans le renversement du gouvernement du pays, a révélé que son attitude avait changé de manière inexplicable.

'Je ne savais pas auparavant que le Réseau Omidyar avait fait un don à ce groupe ukrainien [Center UA]. Parce que, avant de créer The Intercept avec Laura Poitras et Jeremy Scahill, je n’ai pas fait de recherches sur les opinions politiques d’Omidyar ni sur des dons... ses opinions politiques et ses dons ne m’intéressent pas particulièrement...’.

En considérant que Greenwald a fait cette déclaration à l’époque où il encaissait déjà des chèques signés par Omidyar, sa réponse n’est malheureusement pas une surprise. Mais ce qui est alarmant dans l’attitude apparemment apathique de Greenwald face à l’implication de son patron dans les coups d’état étrangers, c’est le fait que Greenwald siège au conseil d’administration de la FPF qui a été créée spécifiquement pour combattre Omidyar et d’autres qui ont initié le blocus financier illégal contre Wikileaks. Le mois dernier, le conseil d’administration de la FPF a pris la décision unanime de couper les liens avec Wikileaks et de cesser d’accepter tous les dons à son nom.

Outre les questions évidentes qui se posent lorsque Greenwald se trompe en croyant que les tentatives d’Omidyar de faire taire Wikileaks signifiaient d’une certaine manière qu’une telle chose lui serait épargnée ou lorsqu’il est arrivé à la conclusion qu’Omidyar était au-dessus de tout soupçon, qui est ce Pierre Omidyar et comment a-t-il réussi à convaincre plus d’un membre du conseil d’administration de la FPF soutenant Wikileaks de fermer les yeux sur ses activités et de tourner le dos à Julian Assange ?

Pour trouver une réponse possible, il faut examiner les liens politiques, les activités et les dons d’Omidyar, ce que Greenwald refuse de faire.

C’est en septembre 1995 que Pierre Omidyar, homme d’affaires iranien et naturalisé citoyen américain, né à Paris (France), crée la bourse en ligne eBay, aujourd’hui présente dans plus de trente pays. Sept ans plus tard, pour 1,5 milliards de dollars, il achète PayPay Holdings, Inc. une société créée à l’origine par plusieurs membres de la mafia PayPal, dont Peter Thiel, Max Levchin et Elon Musk. Vous vous souvenez peut-être de Peter Thiel. Sa société, Palantir, fondée en 2004, travaille en étroite collaboration avec la CIA et a créé cette présentation sur la manière de faire tomber Wikileaks à l’époque même où Omidyar utilisait PayPal pour couper les dons et geler le compte de Wikileaks. Coïncidence ? J’en doute.

Deux ans après l’achat de PayPal, Omidyar a également créé le Omidyar Network (Réseau Omidyar) qui, soyons honnêtes, lui a permis de faire ce que tout bon philanthrope milliardaire aime faire : s’ingérer dans les affaires intérieures et extérieures des états-Unis, même s’ils n’ont jamais été élus à aucun poste par un citoyen US. Le Réseau a accordé des subventions dans le monde entier et même fait des dons à GuideStar, dans un effort je suppose de rendre son activité aussi opaque que possible. De plus, Omidyar a fait des dons à l’Open Society Foundation de Soros, à la Tides Foundation, à l’Electronic Freedom Foundation et même au Tor Project par le biais du Réseau Omidyar ainsi que d’autres projets. Il finance également la FPF et Field of Vision, une société de médias qu’il a co-fondée avec Laura Poitras en 2013.

Les journaux de la Maison-Blanche montrent également que le Réseau Omidyar avait des liens étroits avec l’administration Obama. Entre 2009 et 2013, il s’est rendu plus de treize fois à la Maison-Blanche avec son épouse et ses hauts cadres, notamment à une réunion au cours de laquelle l’épouse d’Omidyar a rencontré le directeur du Conseil national de sécurité et Matthew Bannick, directeur général adjoint d’Omidyar Network, a rencontré le président Obama, la Première Dame, et Peter Rundlet, adjoint au président, à trois reprises. Omidyar et son épouse ont également rencontré le président Obama dans sa résidence privée et peu de temps après, comme l’a souligné le journaliste Paul Bradley Carr, le Réseau Omidyar a investi dans le Centre ukrainien Center UA, une organisation fortement impliquée dans les manifestations de Kiev, et mentionnée plus haut.

La dernière visite connue d’Omidyar à la Maison-Blanche a eu lieu en décembre 2012, ce qui me fait penser qu’il s’agissait peut-être plutôt d’une visite à Hillary, car il a également fait don d’un million de dollars à la Fondation Clinton pour leurs œuvres de charité en Afrique et un autre don de 55 millions de dollars à la Clinton Global Initiative. Il a été considéré comme un donateur potentiel de premier plan pour Obama, mais dans cette pièce jointe au courriel de Wikileaks, vous pouvez constater que la campagne de Hillary a également sollicité le soutien d’Omidyar. Quand la Fondation Clinton a voulu créer un fonds de dotation permanent pour la Fondation, Omidyar était sur la liste des « donateurs potentiels ». Est-ce vraiment une surprise alors que le Département d’état américain sous le règne d’Hillary a envoyé une lettre à PayPal en 2011 pour dire que PayPal devait fermer le compte de Wikileaks ? Est-ce étonnant que PayPal l’ait fait ? La bonne nouvelle, c’est qu’Omidyar a perdu $100 000 en faisant un don à un autre cheval perdant, le super PAC [PACs : organismes chargés de la récolte de fonds électoraux – NdT] anti-trump NeverTrump. Aïe.

En 2013, Omidyar était occupé à créer le Democracy Fund et First Look Media et non, je n’ai absolument aucune idée des buts de Democracy Fund, si ce n’est le fait que leur site Web dit que l’organisation ’travaille pour s’assurer que notre système politique soit en mesure de résister aux nouveaux défis et de tenir sa promesse au peuple américain’. Qu’est-ce que ça veut dire ? Parmi ceux qui siègent au Comité consultatif national du Fonds on trouve des Démocrates comme RobinCarnahan, qui a déjà organisé un dîner à $25000 par tête, et Juleanna Glover, la lobbyiste qui a travaillé en étroite collaboration avec Bill Browder pour faire adopter la loi Magnitsky par le Congrès.

Après qu’Omidyar ait décidé qu’il allait aider notre système politique à ’ résister aux nouveaux défis ’, il s’est engagé à ’ financer un nouveau site web d’informations ’ dirigé par les membres du conseil d’administration de la FPF Glenn Greenwald et Laura Poitras, ainsi que par le journaliste Jeremy Scahill. Comme Scahill l’a déclaré dans une interview accordée à Democracy Now le 5 décembre 2013,

’... Glenn, Laura et moi parlions déjà de créer une sorte de site d’informations,.. et à l’époque, j’étais à Rio pour en discuter avec Glenn et ensuite nous avons recevons ce courriel d’un ami commun de Glenn et Pierre qui nous dit que Pierre est, vous savez, en train de monter ce nouveau media et veut nous parler d’une éventuelle collaboration.’

Je vous encourage à continuer de regarder la vidéo parce que ce que Scahill dit au fond, c’est qu’Omidyar leur a dit tout ce qu’ils avaient envie d’entendre. Pour ce qui est des antécédents d’Omidyar, eh bien, Scahill a parlé à certaines personnes et Omidyar a l’air d’un chic type et un « meneur d’hommes ». On est dans un film là, ou bien ? Et non, vous ne rêvez pas. L’offre d’Omidyar tombe à leurs pieds quelques mois à peine après que Snowden eut remis ses documents de la NSA à Greenwald et Poitras dans une chambre d’hôtel à Hong Kong.

First Look Media, une filiale d’Omidyar Network, est devenue la nouvelle chaîne d’information dont Scahill se vantait et qui promettait à son auditoire une approche journalistique sans concessions, courageuse et indépendante. L’entreprise de médias multi-plateformes a non seulement offert des emplois lucratifs à Greenwald et Poitras, qui ont tous deux accepté, mais l’organisation a par la suite fait appel à un autre membre du conseil d’administration de la FPF et au directeur de la technologie, Micah Lee. Embauché pour protéger les documents de Snowden, entre autres, selon un article paru en 2014 dans Mashable, Lee n’était pas seulement le garde du corps numérique de First Look, « en charge du trésor de documents top secret de la NSA que Snowden avait remis ». Selon Greenwald, il était « le cerveau » derrière leurs opérations de sécurité et Greenwald et Poitras l’ont choisi pour faire partie de leur « dream team ». « Il était en haut de ma liste », a dit Poitras.

Lorsque First Look Media a décidé de se lancer dans l’aventure médiatique, The Intercept, l’’équipe de rêve’ s’est jointe au projet, ce qui nous ramène aux déclarations antérieures de Greenwald selon lesquelles les opinions politiques et les dons d’Omidyar ne l’intéressent pas particulièrement. Comment être audacieux, sans concessions et indépendant envers le milliardaire qui vient littéralement de vous offrir de multiples plate-formes médiatiques (One Look Media, The Intercept, Field of Vision) et un salaire lucratif sur un plateau d’argent ? Le fait qu’Omidyar ait soudainement voulu offrir à ces journalistes le monde - surtout après cette rencontre à Hong Kong - aurait dû les inquiéter. La déclaration de Greenwald selon laquelle aucun d’entre eux n’a enquêté sur Omidyar avant de s’associer avec lui est absurde au mieux et, compte tenu des circonstances, tout aussi irresponsable que Laura Poitras, qui continuait de voyager avec ses documents en sachant très bien qu’elle serait arrêtée à la frontière. Pire encore, une grande majorité des documents de Snowden, dont je soupçonne qu’ils sont maintenant sous le contrôle d’Omidyar, n’ont pas encore été rendus publics.

Mais même si Greenwald et Poitras en conservent toujours le contrôle, la question demeure : est-ce que Omidyar et ses relations empêchent leur publication ? Je me demande si la suppression de documents peut être considérée comme du journalisme audacieux et sans concessions.

Que penser aussi de l’article de Mark Ames selon lequel ’En Inde, le chef des opérations d’Omidyar Network, Jayant Sinha, travaillait en même temps pour Narendra Modi, chef du parti d’extrême droite BJP, l’aidant à prendre le pouvoir en 2014, après quoi Modi nomma le partenaire d’Omidyar Network comme ministre adjoint des finances’, et que The Intercept n’a pas parle de cette histoire parce qu’elle impliquait directement leur patron ?

Est-ce considéré comme du journalisme intrépide ? Ou encore, que penser du fait que Sinha a été directeur du ’principal groupe de réflexion politique’ du parti du BJP, l’India Foundation, qui a été fondée comme par hasard par l’ancien directeur de l’Indian’s Intelligence Bureau, le service de renseignement du pays ?

Bien sûr, The Intercept a couvert les atrocités commises par Modi et son régime en 2002, comme le meurtre de 2 000 personnes, le viol et la mise à feu d’enfants et le massacre de mères dans cet article, mais plutôt que de mentionner que ces événements horribles étaient les raisons pour lesquelles Modi fut placé sur une liste noire par les Etats-Unis en 2005, que c’est l’administration Obama qui a rétabli son visa, ou les liens de leur patron avec Modi, ils ont utilisé l’histoire pour s’en prendre au président Donald Trump.

L’art du parti pris et comment mentir à votre lectorat. Les amis, je ne veux pas tirer sur une ambulance, mais le fait que Greenwald, Poitras, Micah Lee et Jeremy Scahill refusent d’en parler nous entraîne vers de nouveaux sommets de l’absurde. Et si vous pensez qu’un tel niveau d’absurdité est préoccupant, attendez de voir les films de Laura Poitras.

Commençons par le documentaire Citizenfour. Selon le site d’IMDB et le site Praxis Films de Laura Poitras, le film fut produit par Praxis Films, Participant Media et HBO Documentary Films. Praxis Films est la société cinématographique de Poitras tandis que Participant Media fut fondée par Jeff Skoll qui est également le fondateur et le directeur de Skoll Global Threat Fund et l’ancien (et premier) président de... retenez votre souffle... eBay. Mais ce qui est vraiment amusant avec les médias participants, c’est Diane Weyermann que j’ai mentionnée dans mon précédent article.

Weyermann, présidente de Documentary Film & Television chez Participant Media et ’cher amie’ de Poitras, a auparavant été pendant sept ans directrice du programme artistique et culturel de l’Open Society Institute de George Soros à New York. Elle a par la suite lancé le Soros Document Fund, qui a été intégré au programme documentaire de Sundance en 1996 et rebaptisé Fonds documentaire de l’Institut Sundance. Fait intéressant, la même année où Citizenfour est sorti, l’Open Society Institute a annoncé qu’il donnait 5 millions de dollars à l’institut Sundance, mais je suis sûr que ce n’est qu’une coïncidence, même si le Sundance Documentary Fund figure parmi les financiers du film.

Diane Weyermann et David Linde, PDG de Participant Media David Menschel, co-producteur du film, est également le président de Vital Projects Fund, l’un des financiers du film. Le Fonds est contrôlé par Robert Menschel que j’ai mentionné dans le premier article de cette série,

Vous ne connaissez pas les Menschels ? Robert était le directeur principal de Goldman Sachs, la même société d’investissement que vous vous rappelez peut-être était la favorite de Hillary Clinton. Il n’est donc pas surprenant que selon le Washington Post, Robert et Joyce ont soutenu ’les six campagnes électorales des Clinton’ avec des dons variant entre $100 000 et $500 000.

Et remarque qui a son importance, ils ont aussi fait un don à la Freedom of the Press Foundation, mais quand on aime, on ne compte pas, n’est-ce pas ? En fait, la Robert and Joyce Menschel Family Foundation soutient Poitras depuis qu’elle a démarré sa compagnie de cinéma Praxis Films en 2002 et a soutenu financièrement son documentaire de 2006, My Country My Country .

Enfin, il y a JustFilms de la Fondation Ford, qui a également contribué au financement du film. Julian Assange mentionne la Fondation Ford dans sa lettre de décembre 2017 adressée à la Freedom of the Press Foundation,

La FPF est critiquée pour avoir reçu des dons en notre nom, mais c’est sa fonction. Si elle s’incline devant la pression politique, elle devient une partie du problème qu’elle était censée résoudre et juste une fausse organisation de défense de la liberté d’expression de plus - et il y en a beaucoup. Wikileaks ne peut pas ’s’effacer’ au fur et à mesure que la pression politique s’accentue ou que la FPF cherche à plaire à des fondations de l’establishment telles que Ford [sic], dont les relations historiques avec la CIA sont bien documentées. C’est trahir l’objectif fondateur de la FPF.’

Tout d’abord, je peux vous assurer que Laura Poitras a trahi l’objectif fondateur de FPF en se mouillant avec la Fondation Ford, non seulement avec son film Citizenfour, mais aussi avec Risk. Si vous ne croyez pas Assange, commencez par une simple recherche google comme ’Ford Foundation’ + ’CIA’. Mieux encore, cherchez ’Ford Foundation’ sur Wikileaks et prenez plaisir à parcourir les résultats.

Par exemple, on y trouve un courriel de 2012 de Mélanie Verveer à Hillary Clinton où Verveer annonce, « nous pouvons déjà vous annoncer un engagement de $20 millions de la part de la Fondation Ford... » Ou celui-ci tiré des Podesta Mails de Wikileaks où Heather Boushey demande à John Podesta s’il connaissait des candidats potentiels pour le poste de directeur du département Inclusive Economics. évidemment, il s’agissait d’une recherche de candidat pour la Fondation Ford et non pour la campagne de Hillary.

Si vous préférez le style vintage, rendez-vous à la salle de lecture de la CIA et lisez certains des documents qu’ils ont là-bas impliquant la Fondation Ford et d’anciens directeurs de la CIA. Ce qui est intéressant, c’est de voir comment dans le passé (et très probablement encore aujourd’hui) la CIA aimait implanter des agents au sein de la Fondation Ford et d’autres organisations, tactique dont la Fondation Ford était non seulement au courant, mais à laquelle elle participait.

Vous vous souvenez du Réseau Omidyar en Inde ? Oui, Ford était là aussi. En juillet 2015, le président de la Fondation Ford, Darren Walker, a envoyé un courriel à John Podesta pour le remercier de ses ’sages conseils et de son aide’.

Apparemment, le gouvernement de Modi a mis la Fondation Ford sur une liste de surveillance pour avoir violé la Loi sur la réglementation des contributions étrangères, mais après avoir ’soigné et cajolé le gouvernement du premier ministre Modi’ et grâce à l’’aide’ de Podesta, Walter a senti que les choses allaient bon train. En fait, Thurgood Marshall Jr., un fiduciaire de la Fondation Ford, a écrit à Podesta : « ... J’ai été soulagé et agréablement surpris par la tournure positive rapide des événements... Darren [Walker] vous a identifié comme la principale raison de ce revirement positif » et il souligna « l’aide déterminante avec le premier ministre indien » fournie par Podesta. Bien sûr, Marshall Marshall a dû dire combien il aime le fait que Ford donne de l’argent au Center for American Progress (un million de dollars pour être précis), un groupe de réflexion libéral où on trouve parmi les membres du conseil d’administration le sénateur Tom Daschle, John Podesta, Neera Tanden, Susan Sandler, Hansjörg Wyss, et l’ancien conseiller de Bill Clinton, Glen Hutchins.

Pour ce qui est du film de Poitras, Risk, qu’elle a non seulement monté aux états-Unis après avoir s’être engagée à ne pas le faire, mais qu’elle a aussi remonté pour en faire quelque chose qui paraît plus sorti de son dossier chez un thérapeute qu’un documentaire sur Julian Assange, son site Web et IMDb énumèrent la liste habituelle de financeurs : Praxis Films Berlin, Praxis Films, Vital Projects Fund, Sundance (’avec le soutien de l’Open Society Foundation’) et JustFilms de la Fondation Ford. Cependant, First Look Media et Field of Vision sont également mentionnés comme producteurs et financeurs du film. Cela explique peut-être pourquoi onze minutes après le début du documentaire, on peut lire... Plusieurs institutions financières ont bloqué les dons en ligne, coupant ainsi les liquidités de l’organisation [Wikileaks]’. .... mais nulle part, avant ou après, Poitras ne signale à son auditoire que le gars qui signe ses chèques, qui a participé à la production du film et qui l’a financé, était derrière ce blocus financier. Quelle plaisanterie pathétique.

Il y a deux autres choses dont vous devriez tenir compte quand il s’agit de Pierre Omidyar avant que je ne termine : la révélation des sources et les lanceurs d’alerte. Au cas où vous ne seriez pas au courant, à ce jour, The Intercept a exposé non pas une, mais deux de ses sources : les lanceurs d’alerte de la CIA John Kiriakou et Reality Winner.

D’après Kirakou, Matthew Cole, un journaliste de The Intercept d’Omidyar, l’a non seulement induit en erreur, mais a « probablement joué un rôle dans mon inculpation », après quoi Kiriakou fut arrêté, poursuivi et condamné à la prison pour avoir révélé le programme de torture de la CIA.

Et il y a Reality Winner. Après avoir reçu des documents d’elle, une journaliste de The Intercept les a envoyés à la CIA pour vérification. Oui, vous avez bien lu. Parce qu’ils sont idiots... ou en cheville avec la CIA. Ou les deux.

En fin de compte, si vous êtes une source et que le système de soumission de documents Wikileaks n’est pas votre premier choix, vous feriez bien de repenser votre stratégie. à moins que la vie en prison ne vous attire, n’envoyez jamais rien à The Intercept. Jamais.

Quant aux lanceurs d’alerte et fuiteurs en général, jetez un coup d’oeil à ce tweet envoyé par Pierre Omidyar en 2009.

"@loic Je l’ai déjà dit hier : @techcrunch et quiconque publie des infos volées devraient aider à attraper le voleur. Ne devraient même pas les publier"

Et maintenant, c’est ce même gars qui emploie Poitras, Greenwald, Lee et Scahill ? Ben voyons. Nous sommes censés croire qu’Omidyar a effectué une sorte de demi-tour peu après (et miraculeusement) que Snowden a remis à Poitras et Greenwald des documents de la NSA ?

Comme on dit, un léopard ne change jamais ses tâches et il va sans dire que The Intercept et Field of Vision pourraient fonctionner plus ou moins comme un front de la CIA et un pot de miel. Mais ça semble un peu fou, non ? Peut-être presque aussi fou que de penser que l’effraction du 18 décembre 2017 au bureau de l’avocat de Julian Assange, Baltasar Garzón, fut une réponse directe à l’envoi de la lettre d’Assange à la FPF seulement deux jours avant. Ou peut-être pas si fou que ça.

Quant au reste des membres du conseil d’administration de la Freedom of the Press Foundation, il y a John Perry Barlow qui a cofondé la FPF et l’Electronic Frontier Foundation (EFF) où trois autres membres du conseil d’administration de la FPF ont travaillé : Micah Lee, Rainey Reitman et Trevor Timm.

Pour ce qui est du financement, l’EFF a reçu des fonds de l’Open Society Institute et il semble qu’ils soient également partenaires de la Fondation Ford, ce qui est une bonne nouvelle. John Cusack est également membre du conseil d’administration et non, je n’ai pas fait de recherches sur lui. Aucune. De même pour Rainey Reitman et Trevor Timm. Ce qui nous laisse Daniel Ellsberg (Pentagon Papers) et Edward Snowden et la seule chose que je dirai à leur sujet est qu’il est décevant qu’ils aient non seulement voté contre Wikileaks mais soient restés silencieux sur le comportement non professionnel de Micah Lee avec ses remarques diffamatoires sur Twitter.

"On peut apprécier la publication de documents par Wikileaks sans défendre Julian violeur, menteur et allié aux fascistes"

Comment peut-on accepter une telle chose ? Récemment, @AnonScan a publié un article qui citait Snowden : « Je ne me prononce pas sur la question de savoir si Wikileaks a fait la bonne ou la mauvaise chose, car je pense que ce genre d’expérimentation est important. Nous devons contester l’orthodoxie, » ce qui est formidable et tout sauf que lui et les autres membres du conseil d’administration tolèrent le comportement de Lee, ce qui est inexplicable.

En termes plus simples, il s’agit d’un groupe de personnes qui n’ont aucun problème à tenir tête à la communauté du renseignement et au gouvernement américain dans son ensemble, mais qui semblent ensuite incapables de dire à Micah Lee de faire ses valises parce qu’il s’en prend à Julian Assange sur Twitter et a ridiculisé le FPF.

Il y a manifestement quelque chose qui cloche ici. Alors, qu’est-ce qui a poussé le conseil d’administration de la FPF à cesser d’accepter les dons pour Wikileaks ? S’agit-il vraiment d’une manque de preuves démontrant que Wikileaks fait l’objet d’un blocus financier ? Et même s’il n’y a pas de blocus en ce moment, l’histoire montre que Julian Assange, Wikileaks et son personnel ont subi une ribambelle d’attaques au cours des huit dernières années, alors qui peut dire qu’un blocus financier ne se produira pas demain ?

Les deux premières phrases du site web de la FPF précisent ce qui suit, La Freedom of the Press Foundation protège et défend le journalisme combatif du XXIe siècle. Nous utilisons le financement participatif, la sécurité numérique et défendons via Internet les journalistes et lanceurs d’alerte dans le monde entier.

Et pourtant, la FPF ne fait rien pour soutenir Wikileaks, sans parler des déclarations très publiques et diffamatoires de Micah Lee contre Julian Assange, ce qui à l’évidence n’est pas d’une grande aide. Faut-il que Julian Assange soit un peu plus ’intrépide’ et ’combatif’ que Greenwald et Poitras ne le sont envers Omidyar pour être soutenu par la FPF ?

Et comment Omidyar a-t-il convaincu trois membres du conseil de se joindre à lui après qu’il ait tenté de détruire Wikileaks ? était-ce l’argent, ou autre chose ? Quoi qu’il en soit, le FPF est devenu un capharnaüm indigne de confiance et c’est probablement une bonne chose que Wikileaks ne soit plus lié à cette organisation - du moins tant qu’elle n’a pas été nettoyée.

Comme vous l’avez peut-être appris, Julian Assange a obtenu la citoyenneté équatorienne. Je ne suis pas tout à fait sûr de ce que cela signifie pour lui et son avenir, mais j’ai l’impression que les choses vont dans la bonne direction. Mais même si Julian sort de l’ambassade demain en homme libre, un jour Wikileaks pourrait avoir besoin d’aide pour protéger ses ressources. Si jamais cela se produit, espérons que le conseil d’administration aura retrouvé ses esprits parce que le voeu de Greenwald de voir un jour les journalistes jugés ’sur leur travail, et non par ceux qui financent les médias pour lesquels ils travaillent’ risque de ne jamais se réaliser.

(à suivre)

Assaut contre Wikileaks (première partie) : Freedom of the Press Foundation coupe les donations à Wikileaks
Assaut contre Wikileaks (deuxième partie) : Dans la ligne de mire.
Assaut contre Wikileaks (quatrième partie) : Poupées russes
Assaut contre Wikileaks (cinquième partie) : L’ennemi intérieur
Assaut contre Wikileaks (sixième partie) : les fichiers Stratfor et Syrie I
Assaut contre Wikileaks (septième partie) : le réseau du renseignement US

Source article original :Jimmys LLAMA   traduction par VD pour le Grand Soir

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