Assaut contre Wikileaks (première partie) : Freedom of the Press Foundation coupe les donations à Wikileaks

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Jimmys LLAMA Voici la première d’une série d’articles sur Wikileaks. Julian Assange a lui-même "validé" leur contenu (par un tweet) tout en précisant qu’il n’était pas en mesure de se prononcer sur les motivations réelles de certaines personnes mentionnées ni sur les accusations portées par l’auteur (note de LE GRAND SOIR).
publié le 7 janvier 2018
publication sur Polex le : 3 Août, 2019

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eh bien, c’est officiel. Si vous êtes Julian Assange et que votre compte Twitter disparaît pendant 24h, attendez vous à voir fleurir une liste de théories conspirationnistes plus longue que la frontière du Texas. Mais si vous êtes l’éditeur le plus persécuté de la planète qui n’a jamais eu à publier une seule rétractation et que votre financement est coupé par l’organisme même que vous avez aidé à créer spécifiquement pour vous assurer que votre financement ne sera pas coupé, attendez-vous à un silence assourdissant. Ok, peut-être pas assourdissant, mais le fait est qu’il y a eu très peu de réactions sur l’annonce faite par la Freedom of the Press Foundation sur Twitter (via Micah Lee) il y a presque trois semaines, que l’organisation n’accepterait plus de dons au nom de Wikileaks à partir du 1er premier janvier 2018.

Donc, pour ceux d’entre vous qui l’ont raté parce que ça n’a pas fait beaucoup de gros titres, laissez-moi vous raconter ce qui s’est passé. La Freedom of the Press Foundation (FPF), une idée de Julian Assange et John Perry Barlow, a décidé de se séparer de Wikileaks en citant un manque de preuves que Wikileaks souffre d’un blocus financier. Assange a régi à la décision de la FPF dans une lettre qu’il a publiée plus tard sur pastebin.com, mais cela n’a pas empêché le conseil d’administration de FPF de voter à l’unanimité la cessation de toute aide à Wikileaks. à l’unanimité. Micah Lee a déclaré plus tard qu’ils continueraient à se battre pour le respect de la liberté d’expression de Wikileaks "lorsqu’elle est menacée", ce qui est l’affirmation la plus absurde du siècle puisque la FPF ne fait plus rien pour soutenir Julian Assange, Wikileaks, et son personnel qui ont tous été confrontés à des menaces de tous côtés au cours des sept dernières années.

Selon la lettre d’Assange, la Freedom of the Press Foundation a été créée après sa rencontre avec John Perry Barlow en 2011 au Frontline Club à Londres pour discuter de la création d’une organisation qui "améliorerait les perspectives de survie de Wikileaks". à l’époque, Wikileaks faisait face à un blocus bancaire de la part de géants financiers tels que Bank of America, Visa, Mastercard, Western Union et Paypal. Le 24 octobre 2011, ils ont publié une déclaration soulignant que le blocus avait commencé dix jours après leur publication en 2010 de Cablegate et qu’il avait réduit leurs revenus de 95%. Ils ont ajouté que ces attaques « faisaient partie d’une attaque politique concertée menée par des politiciens de haut rang, y compris par des appels à l’assassinat contre les membres de Wikileaks », et que le blocus était « sans contrôle démocratique ni transparence ». Ils ont également noté que le secrétaire au Trésor américain de l’époque, Timothy Geithner, avait annoncé qu’il n’y avait aucune raison de mettre Wikileaks sur la liste noire et qu’il n’ y avait « aucun jugement rendu, ni même aucune accusation, contre Wikileaks ou son personnel où que ce soit dans le monde ».

Selon John Perry Barlow, le blocus financier fut « le coup de semonce entendu dans le monde entier » et le collectif de piratage en ligne, Anonymous, a exercé une vengeance en lançant l’opération Avenge Assange en décembre 2010, une cyberattaque de représailles contre des entreprises comme MasterCard et Visa. Selon The Guardian, les attaques ont fait tomber les sites de ces deux compagnies et PayPal a par la suite libéré les fonds gelés de Wikileaks.

Un militant a déclaré,
Nous tirerons sur tous ceux qui tentent de censurer Wikileaks, y compris les compagnies multi-milliardaires PayPal... Twitter, vous êtes les prochains sur la liste pour avoir censuré la discussion sur #WikiLeaks. La grosse tempête de merde commence.

Nous sommes pourtant en 2018 et la seule grosse tempête de merde que je vois est celle lancée contre Wikileaks et Julian Assange. Les activistes qui ont soutenu Assange au fil des ans semblent lui avoir tourné le dos, chose stupéfiante à la lumière de certaines personnes qui siègent au conseil d’administration de la Freedom of the Press Foundation (FPF) comme Edward Snowden, Laura Poitras et Glenn Greenwald. N’est-ce pas l’équipe de rêve à l’ère Snowden-NSA de 2013 ? Ces gens ne sont-ils pas ceux qui se sont exprimés ad nauseum sur la corruption gouvernementale, la surveillance illégale et la liberté d’expression au fil des ans ? Les mêmes qui ont défendu le camp d’Assange pendant des années pour se laisser emporter par le Russiagate, l’histoire de la collusion entre Trump et les Russes et la notion ridicule qu’Assange serait un fasciste de droite ? Allô G-2.space et Catalonia. Si vous trouvez tout cela bizarre, vous n’êtes pas les seuls. Il est vraiment plus que bizarre qu’un petit groupe de journalistes et d’activistes très intelligents qui ont travaillé ensemble dans les mêmes organisations, au sein des mêmes conseils d’administration et dans les mêmes médias, qui reçoivent des fonds de plusieurs des mêmes sources, puissent gober une propagande diffusée par l’état profond. Mais est-ce vraiment le cas ?

Depuis que la source présumée de Wikileaks, l’ancien soldat américain Bradley Manning, maintenant connu sous le nom de Chelsea Manning, a peut-être commencé à communiquer avec eux à la fin de 2009, Wikileaks a été sérieusement pris pour cible, de sorte que la décision du FPF d’arrêter de gérer les dons pour Wikileaks semble suivre un scénario connu. Ce que je veux dire, c’est que ce petit groupe d’intellectuels qui a dominé la scène journalistique sur la surveillance gouvernementale et la liberté d’expression depuis qu’Edward Snowden a transmis ces documents de la NSA à Glenn Greenwald et Laura Poitras dans une chambre d’hôtel de Hong Kong sont peut-être ceux qui ont été infiltrés, compromis, menacés par les états-Unis, ou tout ce qui précède. Peut-être que les personnes qui financent ces journalistes tiennent le volant et que la CIA est assise à la place du passager. Comme @AssangeFreedom l’a dit, « L’endroit le moins susceptible d’être pris sous contrôle par la CIA est @Wikileaks ! » donc pour ceux d’entre vous qui pencheraient pour cette thèse, mes trois prochains articles pourraient vous aider à réévaluer qui exactement aurait pu être infiltré.

Commençons par Laura Poitras, membre du conseil d’administration de la FPF et auteure-chérie de documentaires. Elle a grandi dans une famille privilégiée proche de Boston et quand je dis privilégiée, je veux dire que ses parents ont déjà fait don de vingt millions de dollars à L’Institut McGovern pour la recherche sur le cerveau du M.I.T. en 2008, donc oui, je parle de ce genre de privilège. Vers l’âge de vingt ans, elle travaillait comme sous-chef à San Francisco jusqu’à ce qu’elle déménage à New York en 1992 pour se consacrer à la réalisation de films. En 1996, elle est diplômée de la New School for Public Engagement à New York, la même année que George Soros a lancé le Fonds Soros pour le documentaire. Six ans plus tard, le Fonds Soros pour le documentaire a été intégré aux programmes de Sundance [festival de cinéma aux US – NdT] et est devenu le Sundance Institute’s Documentary Film Program. La Open Society Foundation a fait un don de cinq millions de dollars au programme documentaire de Sundance en 2009 et 2014 et Poitras a reçu une partie de ce financement pour ses documentaires. Elle a également développé et entretenu des relations étroites avec Diane Weyermann, ex-directrice du Fonds Soros pour le documentaire et directrice de la programmation documentaire du Sundance Institute, Diane Weyermann la qualifiant de ’chère amie’ lors de sa participation au 52e Festival du film de New York en 2014.

En 2002, Laura Poitras fonde sa propre société cinématographique Praxis Films, Inc. et reçoit cette même année un financement de la Fondation Robert et Joyce Menschel. Vous ne connaissez pas les Menschels ?
Robert était le directeur principal de Goldman Sachs, la même société d’investissement que vous vous rappelez peut-être avait le faveurs de Hillary Clinton. Il n’est donc pas surprenant que selon le Washington Post, Robert et Joyce ont soutenu ’les six campagnes électorales des Clinton’ avec des dons variant entre $100 000 et $500 000. En guise de remarque qui a son importance, ils ont aussi fait un don à la Freedom of the Press Foundation, mais quand on aime, on ne compte pas, n’est-ce pas ?

En 2004, la Fondation Robert et Joyce Menschel et l’Institut Sundance ont financé le documentaire de Poitras, My Country My Country ; le premier d’une série de trois films qui incluait plus tard The Oath et Citizenfour, tous deux également financés par Sundance. Selon un article paru dans le New York Times, My Country My Country était un « regard triste sur le chaos en Irak sous l’occupation américaine » et c’est peu après sa première à Berlin, en 2006, que Poitras a commencé à être arrêtée à la frontière américaine. Lors d’un entretien en 2012 avec Amy Goodman de DemocracyNow.org, Poitras a déclaré qu’elle avait été détenue au moins quarante fois et, selon une déclaration déposée par Poitras dans l’affaire Poitras vs. U. S. Department of Homeland Security et al, les agents frontaliers ont effectué des copies des carnets et documents trouvés dans ses bagages à au moins dix occasions distinctes. Elle a également noté qu’en 2011, elle a également commencé à être arrêtée lors de voyages internationaux.

Elle a écrit,

A partir de la mi-2011, lorsque j’ai commencé à travailler sur un documentaire sur Julian Assange et WikiLeaks, les autorités américaines ont commencé à m’interroger et à me fouiller en Europe avant de pouvoir monter à bord des avions qui rentraient aux Etats-Unis, en plus de m’arrêter, de m’interroger et de me fouiller à mon arrivée.

à l’automne 2012, j’ai déménagé à Berlin, en Allemagne, en raison du harcèlement que j’avais subi à la frontière américaine. J’ai déménagé parce que, malgré des mesures de sécurité extrêmes pour crypter et protéger mon matériel, j’ai senti que je ne pouvais pas remplir mon obligation de journaliste de protéger mes sources.’

Le 8 avril 2012, Glenn Greenwald a publié un article dans Salon intitulé ’U. S. Filmmaker Repeatedly Detained At Border’ dans lequel il détaille la saga de Poitras. Qualifiant le cas de Poitras comme « peut-être le plus extrême », il a mentionné ses premiers travaux en Irak pour My Country My Country, ses aspirations à réaliser une trilogie sur ’La guerre contre le terrorisme’, et que son travail était entravé ’par le harcèlement constant, les fouilles invasives et les tactiques d’intimidation auxquelles elle est régulièrement soumise à chaque fois qu’elle rentre dans son propre pays’. Bien que Poitras n’ait pas toujours fait preuve de transparence au sujet des questions qui lui ont été posées aux frontières, Greenwald a rapporté dans l’article qu’elle avait été interrogée au sujet de l’endroit où elle allait, des personnes qu’elle rencontrait ou avec qui elle parlait et qu’’ils avaient manifesté un intérêt particulier à découvrir pour qui elle travaillait’. Il a également mentionné que son ordinateur portable, son appareil photo et son téléphone cellulaire avaient été saisis et parfois rendus ’au bout de plusieurs semaines, le contenu ayant probablement été copié’. Il a écrit : ’Elle évite maintenant de voyager avec des appareils électroniques... Et elle ne veut tout simplement pas monter ses films chez elle par crainte - évidemment bien fondée - que les agents du gouvernement tenteront de fouiller et de saisir les images brutes ’.

Dans sa plainte, Poitras notait qu’une pétition signée par un groupe de documentaristes avait été envoyée au Département de la sécurité intérieure pour protester contre le traitement auquel elle avait été soumise. Elle a également déclaré que ses détentions aux aéroports ont cessé après la publication de l’article de Greenwald, en citant la période vers juin 2012. En fait, elle attribue spécifiquement l’article de Greenwald comme la raison pour laquelle les détentions ont cessé parce que chacun sait qu'un article rédigé par un journaliste arrêtera toujours le gouvernement américain - a dit un jour quelqu’un qui n’a jamais suivi l’affaire Russiagate.

Poitras a écrit,

« Mes détentions aux aéroports ont cessé vers juin 2012, après que le journaliste Glenn Greenwald ait publié un article sur mes expériences dans Salon.com, le 8 avril 2012. »

Et puis

»....les contrôles de sécurité renforcés auxquels j’étais régulièrement soumise lors de mes voyages ont repris quelques années plus tard et n’ont complètement cessé qu’en juin 2012, après la publication de l’article de Salon. »

Selon l’Electronic Frontier Foundation (EFF) créée par John Perry Barlow, membre du conseil d’administration de la FPF, Poitras a déposé des demandes d’accès à l’information auprès de plusieurs agences fédérales en 2014 dans le but de découvrir les raisons pour lesquelles elle avait été arrêtée si souvent au cours des six dernières années. Comme l’a dit une avocate du EFF : « Nous poursuivons le gouvernement pour l’obliger à divulguer tout document qui montrerait pourquoi des agents de sécurité ont pris pour cible Poitras pendant six ans, même si elle n’avait pas de casier judiciaire et qu’il n’y avait aucune indication qu’elle posait un risque pour la sécurité ». Alors oui, on a bien compris. Article après article, interview après interview, le public s’est laissé dire que Poitras n’avait aucune idée de la raison pour laquelle elle était détenue, à part le fait que cela aurait pu avoir un rapport avec ses reportages et documentaires sur la surveillance post-911 et la guerre contre le terrorisme. Lorsque le gouvernement a refusé de lâcher des documents, Poitras a porté plainte devant la justice un an plus tard et a découvert pourquoi elle avait été arrêtée si souvent à la frontière.

Selon le gouvernement américain (ici et ici),

En 2004, l’armée américaine a reçu des informations concernant la cinéaste indépendante américaine Laura Poitras, qui aurait pu être impliquée dans une embuscade contre des forces US près de Bagdad, qui a causé la mort d’un soldat américain et blessé grièvement plusieurs autres. L’armée a été informée que Poitras observait et filmait l’embuscade du haut d’un bâtiment voisin. Poitras a par la suite confirmé qu’elle était sur le lieu de tournage d’un documentaire consacré à l’élection irakienne de 2005. En 2006, le FBI a reçu d’autres informations sur l’implication de Poitras, y compris la possibilité qu’elle ait eu connaissance de l’embuscade et qu’elle ait délibérément choisi de ne pas la signaler. En conséquence, l’armée américaine a demandé une enquête sur Poitras en raison de son implication possible avec les forces anticoalition pendant son séjour en Irak en tant que représentante indépendante des médias.’

Et oui, je sais ce que vous pensez : « Mais... mais... peut-être que Poitras ne savait rien de tout ça avant la publication des documents par le gouvernement en 2016 ? » Je vous comprends.
Mais voici le hic : John Bruning a publié un livre intitulé The Devil’s Sandbox : With the 2nd Battalion, 162nd Infantry at War in Iraq en 2006, qui détaille le récit d’un soldat américain selon lequel « Poitras avait connaissance d’une embuscade contre des troupes américaines le 20 novembre 2004, mais n’a rien fait pour les avertir ». De plus, après avoir contacté Poitras, l’auteur a affirmé que Poitras lui avait admis, lors d’échanges de courriels, qu’elle avait effectivement filmé depuis le toit d’un immeuble au moment de l’embuscade.
De plus, des documents gouvernementaux montrent que Poitras et le leader irakien local avec lequel elle vivait ont été interrogés par un lieutenant-colonel US sur ’l’endroit où ils se trouvaient pendant l’embuscade et si l’embuscade avait été filmée.’ Poitras a nié l’avoir filmée. Lorsqu’elle a commencé à être arrêtée sur frontières en 2006, Poitras déjà savait que certains se posaient des questions sur son implication dans l’embuscade.

Examinons tout ça en détail. Selon le gouvernement américain, Poitras a été arrêtée des dizaines de fois essentiellement pour avoir filmé à l’heure et au lieu exacts où des troupes américaines étaient piégées. Raisonnement hasardeux ? Dans les circonstances dans lesquelles elle avait traîné, vécu et filmé avec les dirigeants irakiens locaux, oui, il semble plausible que les Irakiens lui aient dit - au minimum - de rester dans les parages pendant un certain temps parce que quelque chose pourrait se produire. Il y a ensuite le livre de Bruning, l’histoire du soldat et la déclaration du gouvernement selon laquelle Poitras a admis qu’elle se trouvait sur le toit du bâtiment.

Ont-ils tous menti qu’elle filmait ? Bien sûr, tout est possible, mais pourquoi alors Poitras n’a-t-elle pas dénoncé ou nié publiquement les accusations ? Pourquoi faire l’idiote pendant toutes ces années ? Regardez ce titre de 2017 tiré d’artnet.com, « Laura Poitras a finalement appris pourquoi elle a été retenue dans les aéroports pendant des années. » C’est tout simplement absurde. Bien sûr, Poitras savait pourquoi on l’arrêtait. Le FBI a clos son enquête sur Poitras le mois dernier, après après constaté qu’il avait « les mains vides » (levez les yeux aux ciel), et selon l’EFF, Poitras est innocente de tout acte répréhensible parce que « le gouvernement n’a jamais cherché à récupérer ses images tournées ce jour-là, ce qui montre qu’elle n’a pas filmé d’embuscade ». Je suis presque sûr que la logique est tragiquement imparfaite, alors passons à un autre article de l’EFF où ils ne nient pas qu’elle filmait dans le quartier au moment de l’embuscade...

En fin de compte, si cette brillante et talentueuse journaliste d’investigation s’attend vraiment à ce que quelqu’un croie qu’après avoir été interrogée par l’armée américaine en 2004, qu’un livre ait été publié en 2006 détaillant sa présence dans un quartier où les forces irakiennes ont tendu une embuscade aux troupes américaines et après avoir été détenue et interrogée au moins quarante fois dans des aéroports, qu’elle n’a jamais été en mesure de recueillir des informations sur les raisons pour lesquelles elle se faisait arrêter ?

Il y a ensuite la déclaration de Poitras selon laquelle elle a déménagé à Berlin parce qu’elle estimait qu’elle ne pouvait plus protéger ses sources précisément en raison des fouilles aux frontières. Il a vraiment fallu six ans d’arrêts aux frontières où son ordinateur portable, son appareil photo, son téléphone cellulaire, ses carnets de notes, ses documents et ses cartes de crédit se faisaient saisir, copier et n’étaient parfois rendus « qu’après plusieurs semaines » pour se rendre compte qu’elle mettait peut-être ses sources en danger et qu’elle devrait cesser de voyager avec tout son matériel ? Et que penser de cette vidéo @AnonScan qui montre des captures d’écran de ce qui semble être des rapports gouvernementaux concernant deux détentions différentes de Poitras (ces documents pourraient être du même incident, mais il me semble à ce point qu’il s’agit de deux incidents distincts). Dans le premier rapport, il est dit que les documents de Poitras ont été photocopiés et dans le deuxième que Poitras n’a pas consenti à ce que ses affaires soient fouillées. Alors, a-t-elle donné son consentement dans certains et pas dans d’autres ? Les autorités ont-elles fouillé et photocopié ses affaires sans son consentement ou n’ont-elles jamais été fouillées ? Est-ce que ces documents proviennent du même incident et que nous sommes face à des renseignements contradictoires ?

De plus, Poitras n’ a jamais cessé de se rendre aux états-Unis, malgré ses griefs sur les détentions envahissantes. En 2013, elle devient artiste invitée au Duke University Center et en 2014, elle revient aux états-Unis plusieurs fois pour des entrevues et des interventions autour de son documentaire Citizenfour. En 2015, elle revient aux états-Unis pour monter son documentaire Risk, rompant ainsi son accord avec Julian Assange de ne pas monter le film aux états-Unis. Rappelez-vous quand Greenwald a mentionné en 2012 que Poitras ne voulait pas monter ses films chez elle par crainte que le gouvernement ne s’empare des images brutes, une crainte qui était, comme il l’a dit, « à l’évidence fondée » ? Il semble que Poitras n’ait jamais cessé de prendre de risques quant à ses sources.

Et puis il y a Julian Assange. à l’automne 2012, Poitras avait déjà filmé Assange pendant près de deux ans et, dans ces circonstances, il semble au mieux louche qu’elle n’ait pas songé à déménager à Berlin ou littéralement n’importe où ailleurs qu’aux états-Unis plus tôt qu’elle ne l’a fait. N’oublions pas que dans toute sa paranoïa visible dans son documentaire Risk (un titre approprié) elle ne mentionne jamais que ses problèmes avec le gouvernement américain, les fouilles aux aéroports, et ses soupçons qu’elle était sous surveillance, ont commencé à cause d’un incident en Irak et bien avant qu’elle n’ait commencé à filmer Assange. Pourquoi s’arrêter à de tels détails lorsqu’on a un travail à accomplir, n’est-ce pas ?

C’est peu après le déménagement de Poitras à Berlin que la Freedom of the Press Foundation (FPF) fut créée. Cependant, avant que Wikileaks n’ait à faire face à la colère politique des membres actuels du conseil d’administration de la FPF, ils ont dû faire face à une myriade d’autres événements mis en place pour saboter Wikileaks et son rédacteur en chef et ce que vous verrez, c’est que certains des personnages auxquels ils ont du faire face entre 2010 et 2012 sont les mêmes qui financent ou siègent au conseil d’administration de la FPF aujourd’hui.

(à suivre)

Assaut contre Wikileaks (deuxième partie) : Dans la ligne de mire.
Assaut contre Wikileaks (troisième partie) : trahis pour l’argent et le pouvoir ?
Assaut contre Wikileaks (quatrième partie) : Poupées russes
Assaut contre Wikileaks (cinquième partie) : L’ennemi intérieur
Assaut contre Wikileaks (sixième partie) : les fichiers Stratfor et Syrie I
Assaut contre Wikileaks (septième partie) : le réseau du renseignement US

Source article original :Jimmys LLAMA   traduction par VD pour le Grand Soir

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