D’ après Le Nouvel Obs, Caracas jubile quand un prédicateur US appelle à tuer Chavez.

(http--www.marocconnect.ma- et Nouvel Observateur).

Un célèbre télévangéliste américain a créé une vive émotion mardi, aux Etats-Unis et au Venezuela, en appelant à assassiner le président vénézuélien Hugo Chavez, des propos immédiatement qualifiés de "déplacés" par Washington qui a affirmé ne pas partager le point de vue de ce "simple citoyen".

Le très conservateur Pat Robertson, volontiers polémiste, a exhorté les Etats-Unis à assassiner M. Chavez lors d'une émission religieuse lundi soir. "S'il (Chavez) croit que nous essayons de le tuer, je pense que nous devrions y aller et le faire", a déclaré le prédicateur, 75 ans, sur la chaîne câblée Christian Broadcasting Network (CBN), proche des chrétiens fondamentalistes.

L'élimination physique de Chavez, "dangereux ennemi" des Etats-Unis, "coûterait beaucoup moins cher que de lancer une guerre", a avancé M. Robertson. « Nous n'avons pas besoin d'un autre conflit à 200 milliards de dollars pour nous débarrasser d'un dictateur violent », a-t-il poursuivi" après avoir détruit l'économie du Venezuela, (Chavez) veut faire de son pays un tremplin pour l'infiltration communiste et l'extrémisme musulman sur tout le continent", a-t-il lancé.

Le président Hugo Chavez a réagi avec mesure à ces propos, n'y accordant "aucune importance".

"Je ne sais pas qui il est et je ne le connais pas", a déclaré M. Chavez à des journalistes à Cuba où il est en visite. Donc en ce qui me concerne ça n'a aucune importance".

"Nous savons nous défendre quand nous avons à le faire. Je suis ici pour parler de la vie, il existe des choses plus importantes", a ajouté le président vénézuélien.

Un peu plus tôt son ministre des Affaires étrangères Ali Rodriguez avait souhaité que la justice américaine lance des poursuites contre M. Robertson, estimant que ses propos représentaient "une incitation au crime".

"C'est un délit puni par pratiquement toutes les législations du monde et j'espère que les Etats-Unis n'y feront pas exception. En outre, c'est un délit commis en public", avait déclaré M. Rodriguez.

Un porte-parole du département d'Etat, Sean McCormack, a dénoncé mardi ces propos en assurant qu'"ils ne représentaient pas la politique des Etats-Unis". Ces commentaires sont "déplacés" et "toutes les allégations indiquant que nous préparons une action hostile contre le gouvernement du Venezuela sont complètement sans fondement", a-t-il dit.

"Les gens, partout dans le monde, doivent entendre ces propos pour ce qu'ils sont: la simple expression d'un citoyen", a-t-il insisté.

Interrogé de son côté pour savoir si l'assassinat de M. Chavez avait été envisagé, le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld a répondu: "Pas que je sache. Et je pense que je le saurais. (...) C'est un simple citoyen (Robertson) et les simples citoyens sont habitués à dire toutes sortes de choses tout le temps". (Note de MV : Les simples citoyens peuvent donc prôner le terrorisme en appelant, à la télévision, à l’assassinat d’un chef d’Etat étranger ? Donc, si l’on comprend bien, dans n’importe quel pays du monde, des leaders d’opinion (Ben Laden ?) peuvent expliquer à un million de téléspectateurs qu’il faut assassiner Bush sans que la Maison Blanche ne s’en émeuve ? Notons aussi que, pour Rumsfeld, si l’assassinat de Chavez était envisagé, « il le saurait ». Mauvaise  réponse. La bonne aurait été : « C’est inenvisageable, notre pays combat le terrorisme, etc.).

L'ambassadeur vénézuélien à Washington s'est inscrit en faux contre cette explication, rappelant que M. Robertson, candidat malheureux à l'investiture présidentielle du parti républicain en 1988, était "l'un des alliés les plus fidèles du président" Bush.

"M. Robertson n'est évidemment pas qu'un simple citoyen", s'est emporté Bernardo Alvarez Herrera, lors d'une conférence de presse retransmise par plusieurs chaînes américaines.

"La coalition chrétienne qu'il dirige compte 2 millions d'adhérents et un budget de plusieurs millions de dollars par an", a-t-il souligné, notant qu'en 2000 ce groupe avait soutenu de manière décisive la campagne de M. Bush pour la Maison Blanche.

L'ambassadeur a jugé que les propos du prédicateur méritaient "une condamnation très forte de la part de la Maison Blanche". Il a également appelé Washington à assurer la sécurité du président Chavez lors de sa visite prévue aux Nations Unies en septembre.

Farouche critique de la politique américaine, M. Chavez a plusieurs fois accusé les Etats-Unis de chercher à l'assassiner. Il soupçonne Washington d'être derrière le coup d'Etat d'avril 2002 et la grande grève de décembre 2002 à février 2003, qui visait à torpiller l'industrie pétrolière vénézuélienne, le poumon économique du pays.

Un extrémiste bien connu

Âgé de 75 ans, Pat Robertson est le fondateur de la Christian Coalition et ancien candidat à l'élection présidentielle de 1988. Il s'illustre depuis plusieurs années par des propos controversés.

En 2003, en désaccord avec la politique du département d'état, il avait déclaré qu'« une toute petite bombe nucléaire lâchée sur [le département] pourrait faire bouger les choses ».

Il a aussi estimé que le féminisme « poussait les femmes à quitter leurs maris, à tuer leurs enfants, à pratiquer la sorcellerie, à détruire le capitalisme et à devenir lesbiennes ».

Le Nouvel Obs du 24 août (Site Internet) rend compte de cette affaire sous un titre qui devrait rester dans les annales :

"Regain d'animosité entre Washington et Caracas --par Anne Gearan"—

Le procédé (du type : un partout, la balle au centre) est admirable. Il faut l’exploiter. Par exemple :

Quand un fou met le feu à la pinède : « Regain d’animosité entre les pompiers et les pyromanes ».

Quand un obsédé viole une enfant : « Regain d’animosité entre les pédophiles et les parents d’élèves».

Quand un désoeuvré désargenté vous pique le portefeuille à la sortie du boulot : « Regain d’animosité entre les travailleurs et les chômeurs ».

Quant un passant fatigué part au volant de votre voiture après vous avoir enfermé dans le coffre : « Regain d’animosité entre les piétons et les claustrophobes ».

Quand un patron délocalise en Croatie : « Regain d’animosité entre les syndicats et le MEDEF ». Etc.

Pêchée aussi dans l’article du Nouvel-Obs, cette autre perle rare : « A Caracas, les autorités n'en reviennent toujours pas, savourant cette occasion offerte sur un plateau de dénoncer à nouveau Washington. » Ah ! les fourbes en effet qui, sous le moindre prétexte (on veut seulement assassiner leur président élu) en profitent pour dénoncer « à nouveau » (ils l’avaient déjà fait, ils ne s’en lassent pas) Washington (victime expiatoire) en se léchant les lèvres (en « savourant ») avec une gourmandise obscène. Ils « n’en reviennent toujours pas » de l’aubaine. Pensez, un appel public à tuer leur président, c’est inespéré, une sorte de jackpot alors qu’on ne jouait même pas. Les « autorités » vénézuéliennes se regardent avec des yeux ronds, des mines réjouis, se tapent sur les cuisses, croient rêver tant c’est beau, demandent qu’on les pince : à la télé du puissant voisin, on appelle à tuer Chavez ! Ah, ça fait du bien cette nouvelle occasion de fustiger le gros, ça faisait longtemps. Vivement qu’il nous irakise, nous afghanise, pour qu’on puisse le critiquer sans retenue, qu’on se lâche à fond, avec gros mots et tout.

La suite de l’article est du même tonneau :

« Les Etats-Unis sont soupçonnés d'avoir été impliqués dans l'assassinat en 1963 du président sud-vietnamien Ngo Dinh Diem, ainsi que dans plusieurs tentatives contre le cubain Fidel Castro »

Soupçonnés ? Mais les preuves abondent, dont des documents US déclassifiés !). « Et ce, sans compter, au fil des ans, les nombreuses opérations de déstabilisation des régimes "ennemis", au Chili, au Nicaragua ». « Déstabilisation », charmant euphémisme que les os de Salvador Allende doivent apprécier ainsi que les Nicaraguayens liquidés par les « contras » payés, organisés, appuyés par la CIA.

Un dernier pour la route : « Artisan d'une "révolution bolivarienne" autocratique et sociale, il (Chavez) a failli être renversé en 2002 et accuse Washington, principal acheteur de son pétrole, d'avoir soutenu cette tentative de putsch. » Mais, là aussi, les preuves de l’implication directe des USA existent, non seulement dans le soutien, mais dans l’organisation et dans la reconnaissance ultra-rapide du nouveau (et éphémère) gouvernement.

Pour souligner encore le niveau d’objectivité et de délicatesse de l’hebdomadaire, notons que cette volée de bois vert est administrée tandis que Chavez se trouve en Martinique pour rendre hommage aux victimes françaises de l'accident d'avion colombien de Maracaïbo. Le président colombien, ami de Bush est resté chez lui mais, puisque la presse ne le déplore pas, n’en parlons pas. La règle est en effet de taper sur les chefs d’Etat, amis de la France mais brouillés avec Washington, pas sur les chefs d’Etat qui laissent voler des avions poubelles pleins de Français, mais qui sont aimés par Washington.