Interview avec Philip Agee, acien agent de la CIA

La nature de l’intervention de la CIA au Venezuela

JONAH GINDIN *

Caracas (Venezuela) - 30 mars 2005

http://www.alia2.net/article4412.html

Philip Agee est un ancien agent de la CIA [Central Intelligence Agency] qui a quitté l’agence en 1967 après avoir perdu ses illusions en constatant que la CIA oeuvrait pour un statu quo dans la région. "J’ai commencé à rèaliser que ce que nous faisions, mes collègues et moi, au sein de la CIA en Amérique latine n’était rien de plus que la continuation de pratiquement 500 ans d’exploitation et de gènocide et ainsi de suite.

J’ai commencè alors à penser à ècrire un livre - chose impensable auparavant - pour expliquer les rouages." Le livre, "Inside the Company : CIA Diary" devint immédiatement un best-seller et fut publié dans plus de 30 langues. En 1978, trois ans après la publication du livre, Agee et un groupe de journalistes ont commencé à publier un bulletin "Covert Operations Information Bulletin" (bulletin des opèrations clandestines" - appelè désormais Covert Action Quarterly [1]] ) dans le cadre d’une "guèrilla journalistique" visant à dèstabiliser la CIA et à rèvèler ses activitès.

Sans surprise, les réactions du gouvernement des Etats-Unis et de la CIA en particulier devant le travail d’Agee ont été quelque peu agressives, et celui-ci a été contraint depuis les années 70 à partager son temps entre l’Allemagne et Cuba. Actuellement, il est représentant d’une société pétroliére canadienne en Amérique latine.

Malgré la récente vague d’articles anti-Chavez dans les médias états-uniens, et les déclarations menaçantes de tout un ensemble de hauts représentants du département d’Etat et de la défense, Agee perèoit une stratégie plus cynique au Venezuela. S’appuyant sur les travaux de William I.

Robinson sur l’intervention états-unienne au Nicaragua dans les années 80, et sur des documents rècemment publiés qui détaillent les activitès de la CIA et du gouvernement des Etats-Unis au Venezuela, Aggee suggère que la stratégie de la CIA de "promotion de la démocratie" est pleinement mise en oeuvre au Venezuela.

Comme pour le Nicaragua dans les années 80, un certain nombre de fondations distribuent des millions de dollars à l’opposition vénézuélienne, sous la supervision d’une société privée de conseil contractèe par l’USAID (United States Agency for International Development). Le secrétaire d’Etat adjoint aux affaires du continent américain, Roger Noriega, a rècemment rèaffirmé la dûtermination du département d’Etat dans sa stratégie, en dèclarant devant la commission des Affaires étrangeres du Sènat le 2 mars 2005, que "nous soutiendrons les èlèments démocratiques au Venezuela afin qu' ils puissent continuer à occuper l’espace politique auquel ils ont droit".

Le financement de ces "èlements démocratiques" a pour objectif la rèunification de l’opposition vènuméro zuélienne ( jusque-là regroupèe dans une organisation informelle appe l' e la Coordination démocratique) pour l' élection présidentielle de 2006.

En cas d’èchec aux élections de 2006, prèvient Agee, la CIA et consorts se concentreront sur les élections suivantes de 2012, puis de 2018, et ainsi de suite, "parce que ce qui est en jeu est la stabilité du système politique aux Etats-Unis, et la sécurité de la classe politique aux Etats-Unis."

- Comment analysez-vous les èvènements rècents au Venezuela ?

- Lorsque Chavez fut èlu la première fois et que j’ai commencé à suivre les èvènements ici, la suite s’annonuméro ait clairement, comme pour le Chili en 1970 et le Nicaragua en 1979-80. Il ne faisait aucun doute pour moi que les Etats-Unis tenteraient de modifier le cours des èvènements au Venezuela - comme ils l’avaient fait au Chili et au Nicaragua, et avant dans diffèrents autres pays.

Malheureusement, je n’avais pas le temps de suivre les èvènements au jour le jour, mais j’ai essayè de les suivre à distance, et lors qu' Eva Golinger a lancè son site Internet (http://www.venezuelafoia.info) j’ai commencé à lire certains documents sur le site et j’y voyais la mise en oeuvre des mêmes mècanismes qu' au Nicaragua dans les années 80, par l’infiltration de la société civile et les efforts pour influer le processus politique et èlectoral au Venezuela. Au Nicaragua, j’ai ècrit, en 1979, je crois, juste après la prise de pouvoir par les Sandinistes, une analyse sur le programme que les Etats-Unis allaient appliquer là-bas.

Pratiquement tout ce que j’avais ècrit s’est réalisé parce que ces techniques, de la CIA, de l’USAID et du département d’Etat, et depuis 1984 de la National Endowment for Democracy suivent tous le même schèma.

Au Nicaragua, le programme pour influer sur le résultat des élections de 1990 avait commencè un an et demi avant, par l’unification de l’opposition, par la création d’un mouvement civique, et tout ceci est en train de se répéter au Venezuela. C’est là que réside mon intérêt politique pour le Venezuela, l’analyse des èvènements et ècrire quelques articles.

- A l’époque où vous ètiez à la CIA, quelle était la stratégie la plus frèquente, pour les services de renseignement états-uniens, pour protèger les "intérêts stratégiques" en Amérique latine ?

- Lorsque je travaillais pour l’agence (CIA) à la fin des années 50 et jusqu' à la fin des années 60, l’agence menait des opèrations à l’èchelle internationale, régionale et nationale pour infiltrer et manipuler les organes de pouvoir dans des pays à travers le monde, et ça faisait partie de mon travail à la CIA - l’infiltration et la manipulation des partis politiques, des syndicats, des mouvements de jeunes et d’ètudiants, des milieux intellectuels, professionnels et culturels, des groupes religieux et des groupes fèministes et surtout des médias. Par exemple, nous rènumérions des journalistes pour publier nos informations comme s’il s’agissait de leurs propres informations. Les opèrations de propagande n’arrétaient jamais. Nous dèpensions aussi de grosses sommes d’argent pour nos candidats lors des élections.

La CIA avait une vision manichèenne du monde, à savoir qu' il y avait ceux qui étaient avec nous, et ceux qui étaient contre nous. Le travail de l’agence était d’infiltrer, d’affaiblir, de diviser et de dûtruire ces forces politiques qui étaient perçues comme des ennemis, qui se situent normalement à gauche de la social-démocratie, et soutenir et renforcer les forces politiques, dans toutes ces institutions que je viens de mentionner, qui étaient favorables aux intérêts des Etats-Unis.

Un des problèmes rècurrents pour la CIA dans ce genre d’opèrations, qui ont commencè en 1947, était de pouvoir couvrir toutes ces grosses transactions d’argent qui étaient difficiles à cacher. Alors, très tôt, l’agence a crèè une sèrie de fondations, ou a trouvé des arrangements avec certaines fondations existantes.

Parfois, les fondations de l’agence n’existaient que sur papier, dirigées par un avocat à Washington sous contrat avec la CIA. Au dèbut des années 50, le programme international de l’Association nationale des ètudiants des Etats-Unis (National Students Association of the United States) - une assocation présente sur pratiquement tous les campus - était dirigée en fait par la CIA, toute l’opèration internationale de l’association était une opèration de la CIA.

Et chaque nouveau directeur de l’association des ètudiants était mis au courant sur le fonctionnement de ce programme sous la direction de la CIA. Mais celui qui a été nommé à la tête de l’association en 1966 - c’était l’époque de la Guerre du Vietnam et des mouvements de protestations - a refusé de suivre et a racontè toute l’histoire à Ramparts Magazine, une magazine lié à l’Eglise catholique. Ramparts publia l’histoire et un énorme scandale èclata. Mais l’histoire ne s’arrêta pas là parce que tous les médias la reprirent. En février 1967, le Washington Post publia un long Exposé du réseau de financement international de la CIA.

En d’autres termes, ils désignèrent nommément les fondations, et un certain nombre d’organisations bénéficiaires à l’ètranger de cet argent de la CIA dans les différentes institutions que j’ai mentionnuméro es - partis politiques, syndicats, mouvements d’ètudiants et ainsi de suite - et ce fût un dèsastre pour l’agence. Je me trouvais au siège de l’agence, entre deux missions entre l’Equateur et l’Uruguay, lorsque tout ceci eut lieu. Ce fut un dèsastre pour la CIA.

En moins de deux mois, après la chute de l’appareil de financement international, Dante Fascell - un membre de la Chambre des représentants de Miami, étroitement lié à la CIA et aux Cubano-américains d’extrême droite de Miami - proposa au congrès de créer des fondations non-gouvernementales qui recevraient de l’argent du congrès et qui en retour le distribueraient ouvertement à différentes organisations qui en temps normal auraient été financées clandestinement par la CIA.

Mais c’était en 1967 et le consensus entre Démocrates et républicains sur la politique étrangere était, dans une certaine mesure, brisè et la proposition de Fascell n’a pas abouti.

Pour ces raisons, la CIA a continuè, même après l’effondrement de son réseau de financement international, à être l’agence du gouvernement des Etats-Unis pour toutes ces activitès appe l' es "opèrations clandestines". Par exemple, la CIA était responsable de la dèstabilisation du gouvernement d’Allende à partir de 1970. Il se trouve qu' Allende a failli être èlu en 1958. Les élections se dèroulaient tous les six ans au Chili et en 1964, à l’èchèance suivante, la CIA a commencè tôt, plus d’un an à l’avance, à travailler pour empêcher son élection en 1964. L’argent a été consacrè en partie à discréditer Allende et le Parti socialiste et sa coalition appelée Unitè Populaire et à financer la campagne d’Eduardo Frei - le Chrètien démocrate. Frei remporta les élections, mais à l’èchèance suivante de 1970, Allende fût finalement èlu.

Il est prouvè que la CIA a tentè d’empêcher la ratification de sa victoire par le congrès après l' élection par un coup d’état militaire qui a èchouè. Allende prit le pouvoir et la CIA était à l’époque l’agence chargèe de fomenter le mécontentement populaire, de diffuser une propagande discontinue contre Allende et son gouvernement, de fomenter des grêves très dures ; la plus importante a été celle des camionneurs, qui interrompit pendant plusieurs mois la distribution des biens et services pour finalement aboutir au coup d’état de Pinochet en septembre 1973.

- Y’a-t-il eu des changements significatifs de stratégie dans la CIA depuis votre départ en 1968 ?

Oui, tout à fait. Dans les années 70, il y avait des dictatures militaires brutales dans tout le Cône Sud - Uruguay, Argentine, Paraguay, Brésil, et bien sûr, le Chili avec Pinochet. Toutes étaient soutenues par la CIA, soit dit en passant. C’est à cette époque qu' une nouvelle pensèe a commencé à germer dans les esprits des hauts responsables de la politique étrangere des Etats-Unis.

Cette nouvelle pensèe était que toutes ces dictatures militaires, avec leur repression, les disparitions, les escadrons de la mort, etc, n’étaient peut-être pas la meilleure solution pour préserver les intérêts des Etats-Unis en Amérique latine, ni même ailleurs. Selon cette nouvelle pensèe, les intérêts des Etats-Unis seraient mieux préservès par des gouvernements démocratiquement èlus formés par une élite politique qui s’identifierait à la classe politique états-unienne.

Je ne parle pas de forces populaires, mais les classes politiques traditionnelles en Amérique latine, comme les "oligarchies", pour ne mentionner que celles-ci. C’est ainsi que fut adoptè un nouveau programme états-unien, connu sous le nom de "Projet démocratie", qui chercherait à promouvoir des élections démocratiques libres et transparentes mais d’une manière qui garantirait le pouvoir aux élites et non au peuple.

Un fondation fut crèèe en 1979, l’American Political Foundation, à laquelle participait largement la principale organisation syndicale des Etats-Unis, l’AFL-CIO, avec la Chambre de commerce des Etats-Unis et les partis démocrate et républicain. Quatre organisations majeures. Cette fondation était financée à la fois par le gouvernement et le secteur privé. Son travail était d’ètudier comment les Etats-Unis pouvaient mettre en oeuvre cette nouvelle pensèe pour promouvoir la démocratie.

La solution fût la National Endowment for Democracy (NED) et ses quatre fondations associèes : l’International Republican Institute (IRI) du Parti républicain, le National Democratic Institute (NDI) du Parti démocrate, l’American Center of International Labor Solidarity (ACILS) de l’AFL-CIO, et le Center for International Private Enterprise (CIPE) de la Chambre de commerce des Etats-Unis. En ce qui concerne la fondation de l’AFL-CIO, ils ont repris une organisation existante qui avait travaillè main dans la main avec la CIA pendant de nombreuses années qui s’appellait l’American Institute for Free Labor Development (AIFLD), et ils ont simplement changè le nom [2].

- Comment travaille exactement la National Endowment for Democracy avec la CIA ?

Le mècanisme est le suivant. Le congrès donne des millions de dollars à la NED qui passe ensuite l’argent à ce qu' ils nomment les "fondations noyaux", les quatre fondations associèes, qui, à leur tour, distribuent l’argent à des bénéficiares ètrangers. Tout ceci a commencè en 1984, et un des premiers bénéficiares fut la Cuban American National Foundation (CANF), qui était le lieu de rassemblement des èlèments et organisations anticastristes les plus extrêmistes des Etats-Unis. Mais le véritable test pour le nouveau système fut le Nicaragua. Depuis 1979-1980, la CIA avait le programme d’y organiser des forces militaires ou para-militaires contre-révolutionnaires qui sont connues comme les Contras.

Toute leur logistique et le soutien provenait du Honduras. Ils ont infiltrè [sur le territoire nicaraguayen] environ 15.000 hommes qui ont été défaits par l’arméee sandiniste. En 1987, ils avaient semè la terreur dans les campagnes du Nicaragua, causant la mort d’environ 3.000 personnes, et de nombreux handicapès à vie. Il s’agissait d’une opèration strictement terroriste. Ils ont été incapables, dans toute cette période, de s’emparer du moindre hameau et de le tenir. Militairement, ils ont été battus.

En 1987, l’Amérique centrale était fatiguèe des guerres. Le Salvador, le Guatemala, le Nicaragua. Il y eut une rèunion des présidents de ces pays dans une ville au Guatemala appelée Esquipulas et ils sont arrivés à une sèrie d’accords par eux-mêmes - les Etats-Unis n’étaient pas impliquès dans cette affaire - qui comprenaient le dèsarmement des Contras et des cessez-le-feu dans diffèrents pays.

Il y eut ainsi un cessez-le-feu au Nicaragua, mais la CIA n’a pas dèsarmè les Contras parce qu' ils savaient qu' il y aurait des élections en 1990 et ils voulaient garder les Contras comme une menace. Bien que les Contras aient été battus militairement en 1987, ils avaient provoquè d’ènormes problèmes économiques et les Nicaraguayens souffraient terriblement de toute cette destruction.

après les accords d’Esquipulas, la politique des Etats-Unis changea. Elle se focalisa plus sur l’infiltration de la société civile et le renforcement de l’opposition au Front sandiniste de libèration nationale (FSLN). Un des mècanismes était le renforcement de la Coordination démocratique nicaragueyenne, composèe de représentants locaux du patronat, de certains syndicats, partis politiques et associations anti-sandinistes.

Une société privée de conseil appelée Delphi International Group fut chargèe de diriger les opèrations destinuméro es à influer sur les élections de 1990. Cette société encaissa la majeure partie des fonds et joua un rôle clè dans le résultat des élections de 1990. La NED fut aussi active au Nicaragua à partir de 1984 et, avec ses fondations associèes, toutes les quatre, dans l’infiltration du et l’ingèrence dans le processus èlectoral au Nicaragua, qui avait commencè en 1988 mais qui a pris toute son ampleur à partir en 1989.

Afin de mobiliser au maximum les votes anti-sandinistes et contrôler les élections en crèant un front politique anti-sandiniste, la CIA et la NED ont mis en place un front civique appelè Via Civica, et leur tâche était ostensiblement la formation politique et le militantisme, l’action civique, une action civique non-partisane. En fait, toutes leurs activitès étaient orientèes à renforcer le camp anti-sandiniste. Donc, il y eut d’abord la Coodinadora, puis la Via Civica, et finalement l’unification de l’opposition, qui n’eut pas lieu avant le mois d’aout 1989 environ, soit six mois avant les élections, assez tard donc.

Mais ça faisait déjà longtemps qu' ils travaillaient sur la question et sur les vingt partis politiques d’opposition, ils en ont unifié quatorze - souvent par de simples pots-de-vin - sous le nom d’Union nicaraguayenne d’opposition (UNO). L’UNO présenta des candidats uniques à tous les postes. Les Etats-Unis choisirent Violetta Chamoro pour la présidence.

Au mois de septembre 1989, il y eut un très étrange accord entre le gouvernement des Etats-Unis et les Sandinistes, selon lequel les Sandinistes laisseraient les Etats-Unis donner 9 millions de dollars à l’opposition en échange de la promesse que la CIA ne fournirait pas d’autres fonds contre les Sandinistes. Etrangement, les Sandinistes donnuméro rent leur accord. Bien sûr, la première chose qui s’est passée, c’est que la CIA a versé des millions de dollars supplémentaires.

Celui qui rédigea le livre sur le Nicaragua dans les années 80 et sur les élections de 1990 s’appelle Bill Robinson, un universitaire, qui a vécu un certain temps au Nicaragua dans les années 80. Son livre s’appelle "A Faustian Bargain". C’est un excellent livre, très bien documenté, très bien écrit. Il a estimé que les Etats-Unis ont dépensé plus de 20 millions de dollars dans les élections de 1990.

Et, comme chacun le sait, les Sandinistes ont perdu. L’UNO a remporté environ 56 % des voix et les Sandinistes 40 %, ou quelque chose comme ça. Toutes les opérations qui avaient été lancée s pour garantir la défaite des Sandinistes en 1990 continuèrent pour garantir que les Sandinistes ne reviennent pas au pouvoir aux élections suivantes, ce qui a été le cas.

- Comment ce modèle s’applique-t-il au Venezuela ?

Au Venezuela, il y a quelque chose de similaire avec la Coordinadora Democratica, composée des mêmes secteurs et des mêmes organisations qu' au Nicaragua, bien que selon ce que j’ai pu lire, elle s’est plus ou moins effondrée à ce jour. Mais il vont la réactiver, j’en suis certain. Il y a une organisation ici qui est supposée être neutre et qui se consacre à combattre l’abstention et surveiller le déroulement des élections, qui s’appelle Sumate.

Vous avez le groupe de consultation privé états-unien qui s’appelle Development Alternatives Incorporated [3] qui remplit le même rôle que Delphi International Group au Nicaragua. Vous avez à la fois l’International Republican Institute [4] et le National Democratic Institute [5] qui ont des bureaux à Caracas. Il y a donc trois bureaux qui sont en train de distribuer des dizaines de millions de dollars, des bureaux privés qui sont en réalité sous le contrôle de l’ambassade des Etats-Unis et de l’USAID [6] se poursuivent à la hauteur d’environ 1 million de dollars par an. [7]

Au lendemain du coup d’état raté d’avril 2002 [8], la décision fût prise à Washington de faire la même chose qu' au Nicaragua, à savoir d’engager une société de consultance qui servirait de façade pour l’argent de l’USAID et qui serait beaucoup plus conséquent que celui de la NED. Le premier contrat fût signuméro le 30 août 2002, d’un montant légèrement supérieur à 10 millions de dollars sur les deux prochaines années pour des activités politiques au Venezuela. Ils ont ouvert leurs bureaux en août 2002, avec cinq personnes qui sont descendues de Washington, cinq personnes nommées par l’USAID. Notez bien : ils contractent une société privée, mais ils nomment les personnes. Et pour tout embauche d’un Vénézuelien par le Development Alternatives Institute, le contrat stipule qu' elle doit être approuvée par l’USAID à Washington. Il n’y a donc vraiment aucun doute sur la nature de ces trois bureaux ici. Ce sont des instruments de l’ambassade des Etats-Unis et derrière ces trois organisations, il y a la CIA.

L’utilité de ces fondations et de la société de consultance est que la CIA peut distribuer beaucoup plus de fonds, d’une maniére plus ouverte, à des organisations qui par ailleurs recoivent déjà de l’argent, ce qui rend la couverture de ces sommes plus aisée. Ainsi, si l’USAID donne environ 5 millions de dollars à Development Alternatives dont 3,5 millions sont destinés à des prêts pour des orgnisations vénézuéliennes, avec un million de dollars ou plus de la NED, vous avez là 6 à 7 millions de dollars ouvertement distribués. Tout ceci est connu grâce au travail d’Eva Golinger [9] Elle a fait un travail magnifique.

Dans tous les cas, la CIA peut ajouter pas mal d’argent au 6 ou 7 millions de dollars. Les documents prouvent le soutien à la grêve dans l’industrie pétroliére, de décembre 2002 à février 2003 [10], et l’appui à la campagne en faveur d’un référendum révocatoire. Ils ont échoué dans les deux cas, alors, à présent, ils vont se concentrer sur les élections [présidentielles] de 2006.

Le Venezuela n’est certainement pas le seul pays où de telles opérations sont mises en oeuvre pour renforcer la société civile, promouvoir la démocratie, former les gens aux processus électoraux, mais tout ceci n’est qu' une couverture des véritables objectifs qui sont la promotion de certaines forces politiques contre d’autres. Et en aucun cas ceci n’est limité au Venezuela. Il y a un véritable besoin de faire des recherches sur cette question parce que le Development Alternatives Institute - si vous consultez leur site www.dai.com/ - est présent partout dans le monde.

Tous leurs programmes ne sont pas financés par le gouvernement des Etats-Unis - ils sont financés par la Banque mondiale et je ne me souviens pas par combien d’autres. On peut y regarder de plus près et trouver quels sont leurs autres programmes qui ressembleraient à ceux du Venezuela, même chose avec le National Democratic Institute et les trois autres fondations associées à la NED.

On pourrait voir où ils sont en train de concentrer les opérations d’infiltration politique, en tandem avec la CIA bien-sûr. Je crois qu' il y a vraiment une urgence à exposer ces faits et les dénoncer pour ce qu' ils sont, à savoir et avant tout un mensonge, qui prêtend promouvoir la démocratie mais qui est en fait destinuméro à renverser des gouvernements, changer des régimes, ou renforcer des régimes amis déjà au pouvoir.

- Un ancien membre de la CIA, Felix Rodriguez, a récemment déclaré à la télévision de Miami que les Etats-Unis cherchaient à provoquer un changement au Venezuela, peut-être par la violence. Il a donnuméro comme exemple la tentative d’assassinat par l’administration Reagan du dirigeant lybien Kadhafi. Est-ce un scénario envisageable au Venezuela ?

- Et bien, il faut se souvenir qu' en ce qui concerne Kadhafi, les Etats-Unis croyaient qu' il avait organisé l’attentat contre une discothéque à Berlin, et un raid aérien sur Tripoli fut déclenché en représailles. Chavez n’a commis aucune provocation de la sorte, il n’y a donc aucune justification pour une frappe militaire et je ne crois pas que les Etats-Unis soient arrivés au point de chercher aussi ouvertement à assassiner le président d’un pays tiers. Je veux dire que la situation est déjà assez mauvaise aux Etats-Unis - pire qu' elle ne l’a jamais été - mais je ne crois pas qu' ils en sont déjà arrivés là. Mais une chose qui est très importante pour Chavez, pour le mouvement bolivarien ici, c’est de toujours garder à l’esprit que les Etats-Unis n’arrêteront jamais de tenter de faire faire une marche arrière à l’Histoire. Les intérêts des Etats-Unis sont définis comme l’accés sans entraves aux ressources naturelles, à la main-d’oeuvre, et aux marchés des pays tiers.

Ce sont des pays comme ceux d’Amérique latine qui assurent la prospérité des Etats-Unis. Plus il y a de gouvernements indépendants au pouvoir, avec une certaine dose de nationalisme et qui s’opposent à la politique des Etats-Unis et au néolibéralisme, plus ces mouvements sont considérés comme une menace à Washington, parce que ce qui est en jeu est la stabilité même du système politique et la sécurité de la classe politique des Etats-Unis.

Les Vénézuéliens devront se battre pour leur survie tout comme les Cubains ont dû se battre depuis 45 ans. Dans 45 ans, les Etats-Unis seront toujours en train de tenter de dûtruire le processus en cours au Venezuela, s’il suit le même chemin qu' aujourd’hui, tout comme ils essayent toujours de dûtruire la révolution cubaine.

Un président sera remplacé par un autre, Fidel a survécu à neuf présidents. Je pense donc qu' il est très important pour les Vénézuéliens de comprendre que cela va continuer et que la vigilance, l’organisation et l’unité seront indispensables pour échapper aux programmes des Etats-unis, pour ne pas jouer leur jeu qui est essentiellement celui de diviser pour régner.

Traduction : Cuba Solidarity Project.

Jonah Gindin
Canadian journalist.

[1] <html>[<a href="#nh2" name="nb2" class="spip_note">2</a>" class="spip_out">http://www.covertactionquarterly.org En 1997, le président de l’AFL-CIO, John Sweeney, a dissous l’AIFLD, la remplaçant par l’ACILS, mieux connue comme le "Solidaritry Center"

[3] http://www.dai.com/work/project_det.

[4] http://www.iri.org/countries.asp ?id...

[5] http://www.ndi.org/worldwide/lac/ve...

[6] Le Center for International Private Enterprise (CIPE) des la Chambre du commerce états-unien a ausis été actif au Venezuela (http://www.cipe.org/regional/lac/in...). En aoét dernier, le CIPE-CEDICE (Center for the Dissemination of Economic Information) a aidé à définir le programme politique de la coordination anti-chaviste, la Coordinadora Democratica, (voir : http://www.rethinkvenezuela.com/dow..., et http://www.venezuelanalysis.com/new...). Le premier contrat confié à Development Alternatives fut celui de l’USAID, tandis que les programmes de la NED [[ http://www.ned.org/grants/03program...

[7] http://www.venezuelanalysis.com/art...

[8] Voir notre dossier sur RISAL : http://risal.collectifs.net/mot.php....

[9] http://www.venezuelafoia.info/

[10] Voir notre dossier sur RISAL : http://risal.collectifs.net/mot.php....

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