Que de mensonges sur le Venezuela de Chavez !
GIANNI MINÀ
Si dans quelques mois les délégués
du Parti Démocrate nord-américain choisissent Hillary Clinton
comme candidate aux prochaines élections présidentielles, il en
résultera que dans ces vingt dernières années, deux familles
seulement auront eu en main le gouvernement et le pouvoir aux Etats-Unis :
les Bush et les Clinton. Mieux, si on considère que l’ex- chef
de la Cia, Bush père, a été l’influent vice-président
de Ronald Reagan, la saison pendant laquelle le gouvernement de Washington a
été sous tutelle de deux clans familiaux seulement devient trentenaire.
Particularité qui pourrait soulever quelque doute sur la qualité
de la démocratie nord-américaine toujours brandie comme la meilleure.
Et en particulier dans une époque où un président, Bush
junior, fait approuver une loi qui autorise la torture et une autre qui abolit
l’institution de l’habeas corpus, droit fondamental de la défense
pour un être humain. Quoi qu' il en soit Chavez, comme il l’a
déjà fait une douzaine de fois au cours des dix dernières
années, devra d’abord être encore une fois jugé et
élu par son peuple. A condition que les élections ne soient pas
valables que lorsque ce sont ceux que nous soutenons qui les gagnent. Je ne
sais pas pourtant si Pierluigi Battista, de plus en plus inconsolable d’avoir
été communiste, a pensé à cette réalité
indiscutable quand le samedi 18 août, dans un article de première
page sur le Corriere della Sera, lacérait ses vêtements sur l’éventualité
que la modification à la Constitution vénézuélienne
puisse ouvrir la possibilité à Hugo Chavez de rester président
de ce pays pratiquement à vie.
Mais Pierluigi Battista, fort incorrectement, a oublié
le fait que parmi les modifications proposées ne figure pas celle d’abolir
l’article (unique au monde) qui permet au peuple vénézuélien
de démettre, par référendum, le président en charge.
Une possibilité qui a déjà été tentée
en 2004 par l’opposition querelleuse et « golpiste »
du pays, qui a cependant échoué misérablement par vote
d’un électorat qui avait demandé, presque par plébiscite,
la confirmation de Chavez. Ce référendum était arrivé,
entre autres, deux ans après une tentative de coup d’état
presque comique, mis en acte par cette même imprésentable opposition,
et béni par le gouvernement de Washington ; et celui de Aznar en
Espagne, comme l’a révélé au Parlement Miguel Angel
Moratinos, actuel ministre des Affaires Etrangères du gouvernement Zapatero.
Tentative grotesque qui a duré l’espace d’un jour, en impliquant
aussi quelques hauts prélats, et qui prétendait substituer au
président démocratiquement élu le président du patronat
vénézuélien, Carmona-Estanga, à présent réfugié
en Colombie.
Je ne me souviens pas, sur tous ces événements,
d’une seule ligne indignée analogue à celles écrites
samedi dernier par Battista sur le Corriere della Sera, ni d’interventions
hasardeuses de politiciens comme le sous-secrétaire aux Affaires Extérieures
Vernetti (mais n’est-ce pas Di Santo le vice-ministre délégué
à l’Amérique latine ?) qui, entre autres, se signalaient
comme l’a écrit Matteuzzi, par une connaissance fausse et incorrecte
de l’Amérique latine.
Une information qui semblait photocopiée sur celle systématiquement
mise en circulation par la Ned, l’agence de propagande de la Cia, qui
fait partie des soutiens de Reporters sans Frontières et que Wayne Smith,
le diplomate nord-américain responsable du Bureau d’intérêts
des Etats-Unis à La Havane, pendant la présidence Jimmy Carter,
a défini comme « une association qui influence et cherche
à conditionner, pour le compte du gouvernement de Washington, la presse,
les médias, les partis politiques et les organisations syndicales en
actions alignées sur les intérêts économiques et
stratégiques des Etats-Unis. Un organisme qui serait maintenant à
consigner à la poubelle de l’histoire ».
Mais il y a mieux. Bruce Jackson, enseignant de culture américaine
à la State University of New York de Buffalo, dans un essai pour Latinoamerica
(revue dirigée par l’auteur, NDT) où il reprenait le chapitre
« Trojan Horse : the National Endowment for Democracy »
tiré du livre de William Blum « Rogue State. A guide for the
World’s Only Superpower » rappelait que la Ned avait soutenu
avec 877 mille dollars les groupes qui, en 2002, organisèrent le coup
d’état raté contre le président Chavez.
Ces réalités appartiennent depuis longtemps au
domaine public pour qui s’intéresse avec honnêteté
intellectuelle, aux événements latino-américains et aux
politiques des Etats-Unis dans cette zone du monde. Comment est-il possible
alors que, de façon cyclique, on monte ces petits théâtres
grotesques sur Cuba plutôt que sur le Chili d’Allende, sur la Bolivie
ou, plus récemment sur le Venezuela ? Et pourquoi y a-t-il encore
des gens qui font semblant d’y croire ? Chavez n’est certes
pas un personnage facile, parfois il risque la démagogie, mais le Venezuela
dont il a hérité du démocrate-chrétien Calderas
et du prétendu socialiste Carlos Andrès Peres (les présidents
que peut-être Pierluigi Battista et Vernetti auraient qualifié
de « démocrates », bien qu' ils se soient
officiellement approprié des richesses du pays) était une nation
de 15 millions de pauvres sur 23 millions d’habitants où les enfants
des déshérités des ranchitos n’allaient pas à
l’école parce que, comme leurs parents, ils n’étaient
même pas inscrits à un état-civil, ils étaient « invisibles ».
Et cela bien que le Venezuela soit, comme nous le savons tous, un des premiers
producteurs de pétrole du monde.
Ce paysage, en dix ans, comme le confirment les chiffres des
organismes internationaux, a radicalement changé du point de vue de l’éducation,
de l’ascension sociale, de l’exploitation équitable des ressources
pour le bien commun.
Les invisibles, « los animales » comme
les appelait l’oligarchie prédatrice, existent maintenant, et leurs
5 millions de votes ont changé les équilibres politiques du pays,
et influencé les choix d’autres nations du continent. Les Etats-Unis
de Bush junior en ont pris acte, mais ne sont pas disposés à accepter
cet état de choses. Et répètent ainsi la même erreur
commise pendant un demi-siècle à l’égard de Cuba :
mettre en marche une stratégie de la tension pour jeter une mauvaise
lumière sur le Venezuela, le soumette à l’erreur et l’isole.
Mais l’opération est perdante parce que la terre de Chavez est
riche, très riche. Et, en Amérique Latine, souffle maintenant
un vent très fort d’indépendance et de résistance
aux politiques de saccage des multinationales, étasuniennes ou pas. Et
pourtant on trouve encore des gens qui gardent une connivence avec cette énième
tentative de manipulation historique.
Quelle tristesse.
Edition de jeudi 23 août 2007 de il manifesto http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/23-Agosto-2007/art9.html
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
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