Un article publié par Libération, le 9
janvier dernier, présente Hugo Chavez comme un « anti-sémite ». C’est
là une attaque tout à fait ignoble contre le président du Venezuela. Dans la
foulée, d’autres médias ont repris le même thème. La presse française et
internationale a souvent qualifié Chavez de dictateur, de
« populiste », de manipulateur, de terroriste ou de collaborateur d’Al
Qaeda. Quant aux fondamentalistes chrétiens qui grouillent dans les coulisses de
la Maison Blanche, ils n’hésitent pas à présenter Chavez comme l’agent du Diable
en personne ! Et maintenant, on prétend qu’il est anti-sémite. La Riposte
et la campagne internationale Pas touche au
Venezuela ! dénoncent cette nouvelle tentative de salir la réputation du
dirigeant de la révolution vénézuélienne. A travers cette calomnie, on cherche à
discréditer la révolution elle-même aux yeux des travailleurs et des jeunes de
France. L’objectif de ce genre d’article est de préparer l’opinion publique à
une nouvelle tentative, de la part de l’opposition et de ses maîtres à
Washington, de renverser le gouvernement vénézuélien par la force.
Il n’y a pas, chez Chavez, la
moindre trace de racisme ou d’anti-sémitisme. L’argumentation de l’article
publiée par Libération est complètement tirée par les cheveux, et repose
sur une version sciemment tronquée du discours. Pour comprendre la manœuvre, il
suffit de comparer la version de Libération, présentée par Jean-Hébert Armengaud, au texte intégral
de l’extrait du discours incriminé.
Dans l’article de Libération, on lit :
« Anti-néolibéral, anti-impérialiste... et antisémite ? Le président
vénézuélien Hugo Chavez, héros de la gauche radicale latino-américaine, a
identifié les " maîtres du monde " : " Les descendants de ceux
qui ont crucifié le Christ. " Cette " minorité s'est emparée
des richesses du monde ". Des déclarations tenues le 24 décembre,
passées d'abord inaperçues et qui inquiètent la petite communauté juive
vénézuélienne, 0,1 % de la population, d’autant que d’autres soupçons visaient
déjà depuis longtemps le président vénézuélien. La veille de Noël, Hugo Chavez
visite un centre d’hébergement et de réinsertion de personnes sans domicile fixe
à Miranda, dans l’Etat de Zulia. Il discute avec la directrice et les personnes
qui vivent là, se lance dans des diatribes habituelles contre
" l’impérialisme " et célèbre " Jésus, le commandant
des commandants des peuples, Jésus le justicier (...), le Christ
révolutionnaire, le Christ socialiste ". " Plus que jamais, le
Christ nous manque (...), mais il se trouve qu'une minorité, les
descendants de ceux qui ont crucifié le Christ (...) s’est emparée des
richesses du monde [...] et a concentré ces richesses entre quelques
mains. " »
Or voici ce qu’a réellement dit Hugo
Chavez : « Je viens de terminer ce matin le dernier rapport de l’ONU
sur la situation du monde, et c’est alarmant. C’est pour cela que je dis
qu’aujourd’hui plus que jamais en 2005 ans, Jésus Christ nous manque, parce que
le monde est en train de se consumer jour après jour, ainsi que les richesses du
monde, parce Dieu et la nature sont sagesse. Le monde a de l’eau en quantité
suffisante pour que chacun ait de l’eau, le monde a suffisamment de richesses et
de terres pour produire de la nourriture pour la population mondiale, le monde a
suffisamment de pierres pour construire afin que personne ne soit laissé sans
logement. Le monde possède assez pour
tous, donc, mais dans les faits des minorités, les descendants de ceux qui
crucifièrent le Christ, les descendants de ceux qui jetèrent Bolivar hors d’ici
et le crucifièrent à leur manière à Santa Marta en Colombie, une minorité s’est
appropriée la richesse du monde, une minorité s’est appropriée l’or de la
planète, de l’argent, des richesses minérales, des eaux, des bonnes terres, du
pétrole, toutes les richesses donc, et a concentré les richesses entre quelques
mains : moins de 10% de la population du monde est propriétaire de la
moitié de la richesse du monde entier, et plus de la moitié des habitants de la
planète sont pauvres, et chaque jour il y a de plus en plus de pauvres dans le
monde. Ici, nous avons décidé de changer
l’Histoire. »
Décidément, il faut un esprit
particulièrement tordu pour voir dans ce discours un contenu
« anti-sémite » ! Il est difficile de comprendre l’article
d’Armengaud autrement que comme une tentative délibérée de déformer les propos
d’Hugo Chavez. Hugo Chavez utilise souvent, dans ses discours, des analogies et
des citations, pour mieux faire comprendre le sens de la révolution
bolivarienne. Au cours d’un même discours, il peut citer Marx, Trotsky, Simon
Bolivar, Cervantès, Victor Hugo et Jésus Christ. Par exemple, il a l’habitude de
dire pour résumer la différence entre la droite et la gauche, entre le
capitalisme et le socialisme, que
« Jésus Christ était de gauche et Judas
de droite ». Le Venezuela est un pays où la vaste majorité de la population
est catholique, et les couches les plus pauvres et exploitées de la population
voient dans le message de Jésus Christ, tel qu’elles le comprennent, un appel à
la justice sociale, à l’égalité, à une vie meilleure,
sans oppression. A l’inverse, la personnalité de Judas incarne à leurs yeux la
perfidie, l’avarice, le mensonge, l’égoïsme, la recherche du profit – en un mot,
tout ce qui caractérise la classe capitaliste de nos jours, que ce soit au
Venezuela ou en France !
En ne citant qu’une partie de
l’allocution présidentielle, l’auteur veut faire passer l’idée suivante :
puisque Chavez a dénoncé le fait que les richesses du monde ont été accaparées
par une minorité de la population mondiale, et puisqu’il a fait allusion à
« ceux qui crucifièrent le Christ », il s’ensuit qu’il vise
spécifiquement les Juifs, en les accusant ainsi d’être des accapareurs. La
mauvaise foi et l’hypocrisie d’un tel raisonnement sont patentes. Il n’y a pas
trace d’anti-sémitisme dans le texte en question. Par contre, il contient un
certain nombre de vérités sur le monde dans lequel nous vivons. Notons au
passage que le journaliste qui a rédigé ce texte est
visiblement aussi ignorant du contenu de la Bible que de la
situation au Venezuela. Jésus Christ lui-même était un Juif. Dès lors, comment
le fait de dénoncer la mise à mort d’un Juif peut-il être jugé
anti-sémite ?
Les réactionnaires qui contrôlent non seulement les ressources naturelles et productives du monde, mais aussi la quasi-totalité de la presse et de l’industrie audio-visuelle, ne sont nullement dérangés par la discrimination sociale et raciale qui écrase l’immense majorité des travailleurs et des jeunes latino-américains. Par contre, ils crient haut et fort leur hypocrite indignation contre le moindre soupçon de racisme ou d’anti-sémitisme – en l’occurrence, inventé de toute pièce par eux-mêmes – chez Chavez. Leur haine contre le président vénézuélien s’explique justement par le véritable contenu de son discours, et par la puissance du mouvement révolutionnaire qui menace de faire tomber tout l’édifice de l’exploitation capitaliste au Venezuela et à travers l’Amérique latine.
Greg Oxley