LE RETOUR DU "RENARD ROUGE"
Jean Géronimo
‘’A l’étoile rouge du Che, notre
vrai berger"
‘’Les blocs de béton et les pierres
du Mur de Berlin sont depuis longtemps des souvenirs. (…) Or, maintenant,
on s’efforce de nous imposer de nouvelles lignes de démarcation
et de nouveaux murs’’.V. Poutine
10 février 2007 Discours à la Conférence de Munich sur
la sécurité
Depuis sa mise en œuvre en 2000, la politique de Vladimir
Poutine est suspectée de ‘’retour au soviétisme’’.
Dans son essence, cette affirmation politiquement orientée n’est
pas neutre. Et surtout, elle masque une position idéologique radicale,
ouvertement anti-russe, dans le prolongement de l’anti-soviétisme
de la guerre froide. La lutte contre le communisme n’a pas disparu avec
la chute du mur de Berlin. Elle n’a pas non plus disparu avec la fin de
l’histoire, ardemment souhaitée - et programmée - par la
vague du néo-libéralisme messianique encensée par F. Fukuyama
(1992). D’autant plus que depuis la disparition de l’URSS, l’Amérique
s’est autoproclamée gendarme du monde, s’autorisant par ce
biais le droit arbitraire d’utiliser la force. Avec une certaine arrogance,
Z. Brzezinski (2004, p. 7), ancien conseiller du président Carter, a
ainsi reconnu que ‘’la puissance de l’Amérique
(…) est aujourd’hui l’ultime garant de la stabilité
internationale’’. Cela est ouvertement dénoncé
par le discours russe : ‘’les Etats-Unis
se sont arrogés le droit exclusif de déterminer quel pays menaçait
la sécurité internationale, et de décider eux-mêmes
s’il fallait ou non employer la force à son encontre. En même
temps, ils ont proclamé leur ferme volonté d’exporter la
démocratie dans des pays dont le régime ne leur convient pas.’’
Aujourd’hui, l’esprit de guerre froide tend à
être consciemment réactivé par le discours provocateur de
l’élite dirigeante américaine, encline à reconstituer
une structure conflictuelle de nature idéologique. Dans son essence,
cette conflictualité idéologique apparait comme une variable régulatrice
de l’équilibre des grandes puissances à l’échelle
planétaire et dans le même temps, une variable structurante des
rapports de force issus du post-communisme. Cette montée des tensions
est illustrée par la surprenante affirmation du chef du Pentagone, R.
Gates, soulignant la menace présentée ‘’par le cheminement
incertain de la Chine et de la Russie’’ . Désormais, les
plus ardents défenseurs du libéralisme intégral - les néoconservateurs
- voient ‘’des rouges partout’’ et, en conséquence,
considèrent V. Poutine comme un héritier de la révolution
bolchevique d’Octobre 1917. Un temps prisonnier des oubliettes libérales
de l’histoire, ‘’l’homo-soviéticus’’
serait-il donc de retour ?
Une question sous-jacente est l’objectif réel
du nouveau premier ministre de la Russie, récemment nommé par
le président Medvedev. V. Poutine ne viserait t’il pas, d’une
certaine manière, à restaurer l’ancien Ordre social soviétique,
sous le contrôle d’une nouvelle élite auto-proclamée
‘’avant-garde’’ du grand peuple russe ? Et au-delà,
l’orientation politique russe actuelle, principalement en matière
de stratégie extérieure et sécuritaire - en zone post-communiste
- serait-elle marquée par l’existence d’inerties soviétiques
? Brzezinski (2000) a lui-même regretté que la Russie n’ait
‘’accompli qu' une rupture partielle avec son passé
(…)’’. De manière implicite, cela pose le problème
du statut de la zone post-soviétique - l’actuelle CEI - dans la
perception russe et, en dernière instance, du statut de l’arme
nucléaire. Or depuis 2000, sous l’impulsion de V. Poutine, la ligne
stratégique russe a connu un revirement spectaculaire, intégrant
la politique extérieure américaine - et son bras armé otanien
- comme une réelle menace. En effet, afin de conforter sa domination
en Eurasie, l’Amérique tente de bloquer toute velléité
de reconquête russe en zone post-communiste. Dans ce but, elle privilégie
5 leviers : l’extension de l’Otan (qui ‘’dépasse
les limites de sa compétence’’ selon V. Poutine ),
l’élargissement de l’UE, la fragilisation de la CEI, la formation
de coalitions ouvertement anti-russes (du type GUAM ) et la neutralisation stratégique
de la Russie (via le bouclier anti-missile ABM). Dans le prisme stratégique
russe, cette configuration traduirait un comportement de guerre froide. Il s’agit
là d’une donnée expliquant l’actuel positionnement
de Moscou sur la scène internationale, sous la houlette de V. Poutine,
dans la perspective de défendre ses intérêts nationaux et
à cette fin, mettre en œuvre une stratégie de puissance.
Cette offensive américaine a conduit V. Poutine à exiger, dés
2005, une réactualisation de la doctrine stratégique russe. En
définitive, cela est confirmé - sous la houlette de D. Medvedev
- par l’inflexion de la politique étrangère russe contre
les velléités hostiles de l’Occident sur sa périphérie
eurasienne. Il est notamment souligné que ‘’
l’Otan qui ne doit pas assurer sa sécurité aux dépens
de la sécurité de la Russie (…)’’ .
Dans ce schéma, il conviendrait de s’interroger
sur l’homme Vladimir Poutine lui-même, dans ses composantes politico-psychologiques,
qui fondent sa stratégie politique et motivent in fine ses décisions
majeures. En tant que spécialiste de l’économie soviétique
et de la transition post-communiste, je voudrais présenter un point de
vue purement personnel sur la ‘’ligne Poutine’’ dont
je revendique, par définition, la seule responsabilité.
Le poids de la culture soviétique
L’ancien président russe (2000 – 2008) est
issu de la filière du KGB soviétique, au sein de laquelle il a
assumé de hautes responsabilités, en particulier comme lieutenant
colonel. Son accession à la tète de l’Etat russe est étroitement
liée à sa carrière au sein de l’appareil du KGB qui,
en quelque sorte, lui a servi de tremplin politique. Tel un renard, Poutine
a intelligemment profité des opportunités politiques offertes
par sa fonction au KGB. Mais son engagement vis-à-vis de l’Etat
russe est sincère et loyal. Son éducation, renforcée par
une formation rigoureuse au sein des structures du KGB, l’a fortement
imprégné des valeurs de l’Ordre politique soviétique,
notamment dans le domaine de la rigueur morale et disciplinaire. Cela peut expliquer
son double attachement d’une part, à l’ordre et à
l’obéissance et d’autre part, au stricte respect des lois
et directives des supérieurs. Autrement dit, V. Poutine est resté
fidèle au principe de soumission hiérarchique, sacralisé
sous l’ère communiste, en tant que principe régulateur de
l’économie centralement planifiée (ECP) et du système
politique qui assurait sa direction. Une caractéristique du modèle
socialiste était, en effet, la stricte soumission de la sphère
économique (via le plan) aux directives politiques du PCUS, expression
supérieure de la structure monolithique du pouvoir. L’omniscience
de l’Etat-parti (autrefois soviétique, aujourd’hui, fédéral)
est alors justifiée par sa conscience sociale supérieure et son
infaillibilité décisionnelle. Dans ce cadre, la soumission à
la ligne centrale – définie par l’Etat-parti – devient
une obligation politique.
Ainsi V. Poutine a forgé son caractère et ses
valeurs sous le régime communiste, qui implose officiellement en décembre
1991, avec la démission présidentielle de Mikhaïl Gorbatchev,
dernier premier secrétaire du PCUS. Des rumeurs - encore actuelles -
l’ont fait passé pour un ‘’agent communiste’’
s’inspirant des méthodes du KGB et avide de rétablir une
dictature plus ou moins éclairée sous la direction d’une
élite nomenklaturiste plus ou moins mafieuse. Certains lui ont aussi
reproché d’utiliser une rhétorique verbale manipulatrice
dans le plus pur style brejnévien. De telles affirmations, au-delà
de leur caractère mensonger, trahissent une méconnaissance totale
de l’histoire du communisme de type soviétique et en définitive,
de la véritable personnalité de V. Poutine qui, pour être
comprise, doit dépasser une simple lecture conjoncturelle.
L’héritage structurel du communisme permet d’ailleurs
d’expliquer l’orientation stratégique de la Russie moderne.
Fondamentalement, à l’instar de l’Union soviétique,
la Russie a gardé une pensée stratégique de grande puissance,
recentrée sur la défense de ses intérêts nationaux,
depuis l’arrivée au pouvoir de V. Poutine et en rupture avec le
suivisme occidental de la politique de l’ancien président B. Eltsine
: ‘’Les intérêts nationaux de la Fédération
de Russie dans la sphère internationale consistent en la garantie de
la souveraineté, dans la consolidation des positions de la Russie en
tant que grande puissance et qu' un des centres influents du monde multipolaire
(…)‘’. Et dés l’année 2000 est confirmée,
sous l’influence décisive de Poutine, ‘’son rôle
important dans les processus mondiaux, en vertu (notamment : jg) de sa position
stratégique unique sur le continent eurasien.’’ Mais il s’agit
surtout de souligner, à l’instar d’I. Facon, que la politique
de V. Poutine reposant sur la défense de l’indépendance,
de la souveraineté russe et sur la primauté de l’intérêt
national apparait comme une orientation structurelle, s’inscrivant dans
la durée . Cette orientation a d’ailleurs été reprise
par D. Medvedev. Le nouveau Concept de politique étrangère russe,
entériné par le président Medvedev, rappelle en effet que
‘’La Russie mène une politique ouverte et pragmatique qui
protège ses intérêts nationaux’’ . En réalité,
cette inflexion radicale de la politique extérieure russe a été
initialement opérée dés 1996 par E. Primakov, alors ministre
russe des affaires étrangères et qui s’inscrit dans l’héritage
de la ligne soviétique. En 2007, Primakov a reconnu que V. Poutine a
‘’adopté une ligne qui conjugue la défense ferme des
intérêts nationaux de la Russie avec la volonté d’éviter
toute confrontation avec les autres pays’’ . Dans ce schéma,
il s’agit de souligner la forte propension idéologique de V. Poutine
à s’inspirer de la ligne stratégique de l’ex-URSS,
qui a permis à cette dernière de se maintenir comme grande puissance
et surtout, d’équilibrer la surpuissante Amérique.
Selon une lecture plus structurelle, intégrant les valeurs
inertielles de l’homo-soviéticus, on peut insérer la politique
de V. Poutine dans une stratégie cohérente de longue période,
présentant une certaine rationalité. Celle-ci est alimentée
par l’instinct de survie organique du système soviéto-russe,
défini par A. Zinoviev (1991, p. 234) comme un ‘’instinct
social de conservation’’. Particulièrement surdimensionné
sous le communisme - en raison de la guerre latente contre le capitalisme -
cet instinct de conservation a été repris, dans ses grandes lignes,
par les dirigeants russes actuels, du fait des velléités agressives
croissantes du néo-impérialisme américain en zone post-communiste,
qui reste la ‘’chasse gardée’’ de Moscou. Cette
stratégie de survie héritée du communisme vise, dans le
cadre d’un rapport de force initialement défavorable, à
organiser dans un premier temps le repli stratégique de l’Etat
post-soviétique pour, dans un second temps, élaborer les bases
permissives du ‘’retour russe’’.
Dans un remarquable ouvrage, Guy Bensimon avait, dés
1996, fait l’hypothèse d’un repli temporaire et purement
tactique de l’Etat russe. Ainsi, Bensimon (1996, p. 259) a souligné,
à propos de la nouvelle Russie, la faible probabilité qu' une
réforme puisse jamais ‘’y défaire les relations communistes.
La ligne historique du capitalisme n’a traversé ce pays que sur
une période relativement brève, et elle n’y a pas été
dominante. Les rapports communistes y sont bien ancrés, le pays est massif,
et si sa vocation historique est d’être une puissance mondiale,
c’est incontestablement grâce au système communiste qu' elle
l’a réalisée. Elle a perdu la guerre froide, mais elle n’est
pas détruite pour autant. Dans une perspective historique, on peut considérer
la période actuelle comme celle d’une retraite stratégique
de la Russie, pendant laquelle elle tente de consolider et accroître ses
forces avec l’aide de son adversaire occidental’’. Cette analyse
de Bensimon montre une rare lucidité intellectuelle, au sens où
il anticipe une réalité géopolitique désormais dominante
à l’échelle du vaste Echiquier eurasien. La Russie post-communiste,
d’abord encline à se reconstruire pour retrouver des forces s’est,
par la suite, efforcée de redéfinir une structure identitaire
en adéquation avec sa volonté de retrouver le statut prestigieux
(officiellement regretté) de l’Union soviétique, contre
son ennemi historique : l’Amérique.
Tel le renard à l’affût dans son terrier,
il s’agit pour Poutine d’éviter l’affrontement en situation
de faiblesse, pour guetter sa proie et se jeter sur elle au moment opportun.
Autrement dit, le renard russe s’est placé dans une situation d’attente
afin de choisir le lieu et le moment du combat final. On peut donc comparer
la stratégie de V. Poutine à celle d’un renard, harcelé
par un ennemi surarmé (le chasseur américain) et contraint, dans
un premier temps, à une attitude défensive. Dans ce cadre, la
tendance de V. Poutine à reproduire un comportement typique du communisme
justifie l’expression du ‘’renard rouge’’. Cette
inertie comportementale, héritée de l’histoire soviétique,
a été conceptualisée par A. Zinoviev à travers la
notion de ‘’coefficient systémique’’ . Dans cet
axéè, G. Bensimon (1996, p. 245) a mis en évidence à propos de
la Russie, en raison de son statut d’héritière historique
de l’URSS, l’existence d’un effet-système. Globalement,
il s’agit de la propension du modèle socialiste à peser
sur la logique du nouveau modèle fédéral. Pour reprendre
la terminologie de B. Chavance (1994, p. 189), cet ‘’héritage
systémique’’ tend à orienter - voire à ‘’verrouiller’’
- la trajectoire historique du modèle russe. En ce sens, on peut parler
d’une forme de déterminisme systémique.
Globalement, selon une approche zinovienne, on peut définir
ce coefficient systémique comme la tendance du nouveau système
russe (fédéral) à reproduire une partie - évaluée
par un coefficient (%) compris entre 1 et 0 - du comportement de l’ancien
système russe (soviétique). Ce coefficient traduit donc une inertie
structurale issue de l’idéologie communiste qui a forgé,
de 1917 à 1991, la rationalité des décideurs soviétiques.
En ce sens, Poutine apparait comme un sous-produit partiel de l’homo-soviéticus,
formaté par la culture communiste. Une hypothèse implicite est
que la rationalité décisionnelle des élites russes actuelles
reste, en partie, verrouillée par les anciennes normes communistes. Tendanciellement,
V. Poutine s’est appuyé sur les valeurs extérieures de la
politique de l’ex-URSS et de sa stratégie de puissance, élaborée
en phase de guerre froide contre le bloc de l’Otan. Depuis l’ère
stalinienne, les 3 variables privilégiées par la stratégie
de puissance soviétique ont été l’Etat, l’Armée
(surtout l’atome militaire) et l’Energie. Autrement dit, l’ancienne
URSS fondait son pouvoir géopolitique sur la capacité d’un
Etat fort et centralisé (E=Etat) à utiliser son potentiel nucléaire
(A=Atome) et énergétique (E=Energie) comme instrument de pression
– donc de pouvoir - sur la scène internationale. Sur longue période,
cette instrumentalisation des variables EAE (Etat/Atome/Energie) se présente
pour Moscou comme le vecteur de la puissance projetée et, surtout, perçue
par son environnement géopolitique. En phase de guerre froide, la variable
centrale dans la structuration du rapport de force Est-Ouest était l’image
projetée – et non l’image (la puissance) réelle. Aujourd’hui,
l’objectif latent de l’Etat russe est d’utiliser cette stratégie
d’inspiration soviétique pour rebondir sur le Grand échiquier
eurasien et se reconstruire une image de puissance majeure, redoutée
et respectée.
Reconstruction identitaire de la Russie post-soviétique
Dés l’origine, Poutine a fondé sa politique
sur certaines valeurs normatives de l’ère soviétique . Sous
sa présidence, on peut en effet remarquer une montée en puissance
des valeurs socio-politiques du soviétisme, principalement marquées
par le retour de l’Etat sur la base d’un centralisme autoritaire
et d’un interventionnisme économique ciblé, subordonnés
à la réalisation d’un grand projet politique. Le statut
de ce projet, dans le prolongement du messianisme de l’idéologie
communiste, sera déterminant dans la capacité du nouveau système
fédéral à se restructurer et à se rassembler sur
un objectif commun, porteur de la légitimité de l’élite
dirigeante.
En fait, comme ses prédécesseurs soviétiques
- donc, hors B. Eltsine - Poutine a cherché à rendre à
la Russie sa ‘’fierté’’ et surtout, à
lui redonner son statut de ‘’Grande puissance’’. Dans
l’inconscient politico-psychologique du peuple russe, cette soif de reconnaissance
internationale est prégnante. Elle se présente avant tout comme
une réaction spontanée à un retrait géopolitique
traumatisant pour un Etat russe blessé par l’arrogance et l’unilatéralisme
du bloc américain. Cette domination politico-militaire des Etats-Unis
est remise en cause, officiellement, par le Concept de sécurité
russe de 2000 (toujours en vigueur) sous l’influence de Poutine. Sont
ainsi considérées comme ‘’menaces principales’’
contre la sécurité nationale russe : ‘’le renforcement
de blocs et alliances militaro-politiques, en premier lieu l’élargissement
de l’Otan à l’Est, l’apparition potentielle de bases
militaires et de contingents étrangers à proximité directe
des frontières de la Russie (…)’’ .
Sept ans plus tard, dans son célèbre discours
de Munich de février 2007 officialisant une nouvelle ère de tension
américano-russe, ce néo-impérialisme libéral sous
leadership américain a été ouvertement dénoncé
par V. Poutine. Celui-ci a notamment regretté que l’Etat américain
cherche à imposer par la force ses règles et son idéologie
à la planète entière, dans le but ultime de jeter les bases
d’un monde unipolaire, rendant sa domination infaillible et surtout, totalitaire
: ‘’Nous sommes témoins d’un mépris de plus
en plus grand des principes fondamentaux du droit international. Bien plus,
certaines normes et, en fait, presque tout le système du droit d’un
seul Etat, avant tout, bien entendu, des États-Unis, a débordé
de ses frontières nationales dans tous les domaines : dans l’économie,
la politique et dans la sphère humanitaire, et est imposé à
d’autres États.’’ Au-delà, l’Amérique
est suspectée – via l’Otan – de structurer selon ses
seuls intérêts le système de sécurité internationale,
en vue d’une domination globalisante qui nie toute légitimité
à l’ONU, dont le ‘’rôle central et coordinateur’’
dans l’ordre mondial a été pourtant reconnu par Moscou .
Cela est attesté par l’avertissement du directeur du Département
de la coopération européenne du ministère russe des Affaires
étrangères (MID), Sergueï Riabkov, le 16 mai 2008 : ‘’’L’OTAN
cherche à jouer un rôle global en matière de sécurité
internationale’’ .
L’Occident est suspecté d’avoir contribué
au chaos de la transition post-soviétique, en imposant une reforme libérale
- issue du ‘’consensus de Washington’’ - fondamentalement
inadaptée aux besoins de l’économie russe et surtout, déstructurante
par son impact désastreux sur son tissu social. Renouant d’une
certaine façon avec le mythe du ‘’complot stalinien’’,
certains leaders russes pensent que cette politique a été volontairement
biaisée de façon à empêcher un retour prématuré
de la puissance russe et à la maintenir comme ‘’puissance
pauvre’’, pour reprendre le titre de l’excellent ouvrage de
G. Sokoloff (1993). Depuis la transition post-communiste, amorcée en
1992, la Russie - alors en situation de faiblesse - a subi les pires humiliations
de la part d’un Occident américanisé, donneur de leçons,
et avide de sanctionner sa victoire finale de la guerre froide. Le plus inquiétant
pour Moscou est de voir cette politique anti-russe relayée par certaines
institutions internationales politiques, économiques ou militaires (BM,
FMI, G8, OTAN, OMC, OSCE). Et surtout - suprême provocation - de voir
cette politique insidieuse, catalysée par la double extension de l’Otan
du bouclier ABM aux ex-Etats socialistes, s’étendre à l’espace
post-soviétique de la CEI, cœur historique de la domination russe.
Avec l’intégration programmée de l’Ukraine et de la
Géorgie à l’Alliance atlantique, un point de non retour
sera définitivement franchi. Le chef de l’Etat-major général
des Forces Armées de Russie, Iouri Balouïevski a ainsi indiqué
qu' en cas d’adhésion de l’Ukraine et de la Géorgie
à l’OTAN, la Russie serait obligée d’adopter (notamment)
des mesures militaires pour garantir sa propre sécurité . En dernière
instance, la Russie a le sentiment d’avoir été trahie par
une Amérique n’hésitant pas à renier ses promesses.
Le 7/05/2008, M. Gorbatchev a notamment déclaré : ‘’Les
Américains avaient promis que l’OTAN ne s’étendrait
pas au-delà des frontières de l’Allemagne après la
Guerre froide. Résultat, la moitié des Etats d’Europe centrale
et orientale sont désormais membres de l’Alliance, et l’on
se demande bien ce que sont devenues ces promesses issues du post-communisme.
Cela prouve qu' on ne peut pas leur faire confiance’’ .
Aujourd’hui, la Russie se sent encerclée et en
conséquence, menacée sur ses frontières périphériques,
comme l’a rappelé V. Poutine à Munich : ‘’l’Otan
rapproche ses forces avancées de nos frontières’’
. Plus récemment, le 6/06/2008, S. Lavrov a déclaré que
‘’l’elargissement de l’Otan, qui se poursuit ces derniers
temps, pousse la Russie à avoir des doutes sur la véritable mission
de l’Alliance (…)’’ . E. Primakov a, lui, souligné
que ‘’l’extension de l’Otan s’accompagne d’une
rhétorique anti-russe ainsi que d’une politique offensive des Etats-Unis
dans les ex-républiques soviétiques’’ . Désormais,
les risques de déstabilisation de l’Eurasie post-soviétique
sont énormes, du fait de cette stratégie expansive destinée
à éroder l’influence russe. Car jusqu' à présent,
celle-ci a joué le rôle de verrou sécuritaire, donc stabilisateur,
dans une région politiquement sensible. Or, quels qu' en soient
les coûts, Washington a un intérêt objectif à maintenir
la Russie en état de faiblesse, voire à la ‘’rejeter
en arrière’’ pour reprendre la vieille expression de Lénine.
Ainsi, dans les premières années difficiles de la Russie bolchevique,
cette stratégie de compression de la puissance russe était déjà
au cœur de la ligne occidentale, comme l’atteste cette observation
pleine d’actualité de Lénine en 1923 : ‘’(…)
la situation internationale fait que la Russie est aujourd’hui rejetée
en arrière (…). Les puissances capitalistes de l’Europe occidentale,
partie sciemment, partie spontanément, ont fait tout leur possible pour
nous rejeter en arrière, pour profiter de la guerre civile en Russie
en vue de ruiner au maximum notre pays.’’
Le retour de la Russie sur la scène internationale n’est
pas réellement souhaité par Washington, car en tant que contre-pouvoir
virtuel, elle menace son hégémonie. Ce retour suppose la reconstruction
des bases militaro-industrielles de la puissance russe en vue de rééquilibrer
son rapport de force avec les Etats-Unis qui restent, quoi qu' on en dise,
une sorte d’ennemi héréditaire dont le système soviéto-russe
a besoin pour se réguler et, en dernière instance, justifier le
maintien d’une force nucléaire impressionnante. Cela semble d’autant
plus vital que le pouvoir des élites militaires et des lobbies liés
au CMI dépend étroitement de cette surcapacité nucléaire.
Selon une logique de balancier stratégique structurée en phase
de guerre froide, la Russie poutinienne tend donc à structurer son identité
contre l’Amérique et par ce biais, à égaliser sa
puissance.
Sur un plan historique, ce principe d’opposition est
un élément clé du métabolisme interne du système
russe, pour reprendre une approche à la fois systémique et thermodynamique
. En ce sens, l’antagonisme idéologique est le régulateur
d’une société russe doublement définie par sa dimension
impériale et centralisée. La Russie reste un empire multinational
à la dimension d’un continent. Et sa survie exige un pouvoir central
fort, doté d’une légitimité quasi-messianique, comme
levier de sa cohésion unitaire. Autrement dit, la nature dirigiste et
autoritaire du régime politique russe répond d’abord –
et avant tout – à une contrainte de survie systémique et
non, comme l’ont affirmé à tort certains célèbres
politologues, à une obscure volonté de dictature . Cela peut justifier
l’affirmation récente du président Medvedev : ‘’Malgré
tout le respect que j’ai pour la démocratie parlementaire, je crois
qu' un tel système en Russie signifierait la mort de la Russie en
tant que pays’’ . La renaissance des structures étatiques,
détruites par le chaos post-communiste, passe par une recentralisation
s’inscrivant dans la tradition soviétique. Dans ce but, Poutine
a divisé le territoire russe en super régions et nommé
par décrets sept ‘’super préfets’’. Lors
de sa réélection en mars 2004, Poutine a justifié sa politique
autoritaire en déclarant que ‘’la survie de notre nation
est menacée’’ . Chercher à imposer les normes démocratiques
libérales, dans le cadre d’une décentralisation politique
plus poussée, est un non-sens au regard des contraintes géopolitiques
pesant sur l’espace russe et davantage, conduirait à une dangereuse
déstabilisation de la région. En fait, l’idée même
d’une démocratisation libérale relève d’une
rhétorique occidentale anti-russe, dont la réalisation permettrait
de facto, d’éroder la domination russe et par ce biais, de favoriser
la progression américaine. La structure de son environnement international,
par nature hostile, condamne ainsi le système russe à une ‘’veille
stratégique’’ permanente. Dans cette optique, l’attention
du système russe est structurellement focalisée contre l’ennemi
central. Et surtout, sa capacité à l’affronter et à
afficher sa supériorité conditionne sa légitimité
et par ce biais, sa survie politique . L’existence d’une menace
latente, plus ou moins virtuelle, est donc nécessaire à la stabilité
de long terme du régime russe. En cela, on peut parler ‘’d’ennemi
systémique’’ faisant cohérence, depuis Lénine,
avec le mode de régulation interne de la société russe.
Retour de ‘’l’esprit de puissance’’
(derjavnost)
Dans le but d’accélérer son retour international
et son intégration au nouvel Ordre mondial, V. Poutine a donc admis comme
priorité première la reconstruction géopolitique de la
puissance russe. En cela, il est revenu à une forme de réalisme
stratégique s’inspirant d’une part, du pragmatisme léniniste
des années 20 composant avec la réalité socio-politique
et d’autre part, de la ‘’Real Politik’’ ouest-allemande
dominante dans les années 70. Cette politique fut, à l’origine,
initiée par l’ancien chancelier (1969-1974) de la République
fédérale d’Allemagne (RFA) W. Brandt, dans le cadre d’une
‘’coexistence pacifique’’ Est/Ouest. Celle-ci, fondée
sur l’Ostpolitik, a marqué une évolution fondamentale dans
le rapprochement politique des deux blocs antagonistes.
Ainsi, sur la base d’une ‘’nouvelle pensée’’
(novoe mychlenie) plus réaliste - définie par Poutine comme une
forme de ‘’pragmatisme idéologique’’ - et prenant
en compte les nouveaux rapports de forces dans le monde, V. Poutine s’est
efforcé de redonner à la Russie sa grandeur passée. Dans
ce but, il a appuyé sa politique globale d’une part, sur les valeurs
‘’capitalistes’’ sur le plan interne (économique)
et d’autre part, sur les valeurs ‘’communistes’’
sur le plan externe (géopolitique). A terme, un objectif implicite est
de créer une sorte d’Economie sociale de marché, fortement
encadrée par l’Etat et réhabilitant le facteur humain dans
une structure concurrentielle soumise aux normes libérales d’un
marché désormais mondialisé. E. Primakov a utilisé
l’expression ‘’d’économie à option sociale’’
. Sur le plan interne, il s’agit de préserver un Etat centralisé
et volontariste, impulsant les orientations fondamentales du développement,
à partir d’une action permanente sur le tissu économique
(via les moyennes entreprises) et sur un ensemble de programmes prioritaires
(via les grandes entreprises). L’objectif de V. Poutine est de créer
une économie mixte centralement régulée au niveau des branches
stratégiques (politiquement sensibles) et s’appuyant, à
la périphérie, sur une structure industrielle régulée
par le libre marché. Comme le dernier président soviétique,
M. Gorbatchev (1985-1991) auteur d’une reforme radicale de restructuration
politique et économique (Perestroïka ) en vue d’un ‘’socialisme
de marché’’, V. Poutine est donc à la recherche d’une
‘’troisième voie’’, entre les modèles
libéral et dirigiste. En effet, M. Gorbatchev voyait dans le ‘’Socialisme
à visage humain’’ – selon l’expression de A.
Dubcek en 1968 – une possible troisième voie du développement
. A travers l’héritage de Gorbatchev, la culture soviétique
est donc encore particulièrement présente dans certaines orientations
de la politique économique russe, qui revient vers une forme de dirigisme
étatique de marché. Dans sa quête d’un modèle
de développement idéal, Poutine a construit une sorte de système
hybride s’inspirant des pratiques capitaliste et communiste dans l’optique
d’une efficacité économique optimale intégrant certaines
normes sociales, spécifiques au contexte russe. Pour reprendre la terminologie
zinovienne, il s’agit en quelque sorte d’une ‘’efficacité
sociale’’ de l’économie.
L’enjeu sous-jacent à cette question est la définition
d’un modèle alternatif de développement dont pourraient
s’inspirer certains Etats marginalisés par la mondialisation libérale
ou même, certaines puissances nouvellement émergentes. A terme,
et dans le prolongement du soviétisme, Moscou cherche à reprendre
le leadership moral et politique du Tiers monde exploité. Dans son discours
de Munich de février 2007, V. Poutine a ainsi revendiqué ‘’un
système plus démocratique et plus équitable de rapports
économiques qui donne à tous une chance et une possibilité
de développement’’ . Implicitement, il s’agit surtout
de créer un contrepoids géopolitique à l’unilatéralisme
hautain et à l’excès de puissance de la vertueuse Amérique.
Dans l’optique de contrebalancer l’omniscience américaine
en Eurasie, Poutine a essayé de se rapprocher de la Chine et de l’Inde
pour former une alternative idéologique crédible. En cela, on
peut parler d’un retour de l’idéologie.
Sur le plan externe, il s’agit de redonner à la
Russie son aura internationale par restauration de sa puissance, triplement
fondée sur les potentiels énergétique, économique
et militaire. Dans un premier temps, la Russie a repris la main dans le ‘’grand
jeu’’ qui l’oppose aux puissances occidentales pour le contrôle
des ressources énergétiques et de leur transport, au cœur
de l’Asie centrale, zone historique de domination. Le retour en force
du Complexe militaro industriel - dont la moitié de la production est
aujourd’hui destinée au secteur civil - s’inscrit dans ce
contexte. Dans la tradition soviétique, le CMI retrouve un rôle
central comme levier catalyseur (et secteur moteur) de la croissance économique.
En outre, sous l’impulsion de Poutine, la Russie a durci sa doctrine militaire
et redonné une certaine vigueur à son armée en déliquescence
accélérée sous le régime Eltsine. Dans cet axéè,
on note un recentrage de la stratégie militaire russe sur la force dissuasive
du nucléaire et l’utilisation préventive de l’atome
militaire dans des conflits régionaux .
Cette inflexion de la ligne nucléaire est très
nette à partir de 2000, comme l’atteste le Concept de sécurité
2000 de la Russie, qui reste un élément majeur de sa doctrine
stratégique : ‘’L’objectif essentiel de la Fédération
de Russie est la réalisation de la dissuasion en vue de prévenir
une agression de n’importe quelle envergure, y compris avec l’emploi
de l’arme nucléaire, contre la Russie et ses alliés’’.
Le rôle de l’atome sera d’ailleurs renforcé dans la
future doctrine militaire de la fédération de Russie, présentée
par le général Gareev, le 20 janvier 2007 : ‘’Pour
la Russie, étant donné un rapport des forces qui lui est extrêmement
défavorable sur tous les axéès stratégiques, l’arme nucléaire
demeurera capitale, le plus sûr moyen de dissuasion stratégique
d’une agression extérieure et le plus sûr moyen de garantir
sa propre sécurité.’’ Mais au-delà et dans
la tradition brejnévienne, l’atome tend à être instrumentalisé
(avec l’énergie) comme vecteur de la politique extérieure
russe. Dans le même temps, on note une influence croissante des élites
militaires dans le processus de décision politique, dans la continuité
des anciens lobbies soviétiques du CMI. En dernière instance,
Poutine a mis en œuvre une reforme visant à moderniser et rationaliser
la technologie militaire russe pour faire face aux nouvelles menaces et aux
nouveaux défis imposés par l’expansionnisme américain
sur sa proche périphérie. Dans le prolongement de la ligne extérieure
soviétique, cette orientation stratégique privilégie donc
la projection de force comme levier de la puissance russe. Ainsi, selon T. Gomart,
la Russie serait en train de vivre ‘’un moment néo-impérial
que sous-tend une classique volonté de puissance’’ .
La zone post-soviétique comme priorité
Depuis la chute du régime communiste en 1991, la Russie
post-soviétique a essuyé de profonds revers politiques, économiques
et stratégiques. Désormais, la Russie ne veut plus reculer au
cœur même de son espace historique ouvertement menacé par
l’impérialisme américain. Encouragé par le chaos
russe du post-communisme, cette progression du néo-impérialisme
américain est aujourd’hui relayée par ses doubles bras otanien
et européen. A terme, l’objectif latent de Washington est d’intégrer
certains ex-Etats socialistes à l’UE et à l’Otan en
vue de comprimer la zone d’influence russe et surtout, renforcer l’orbite
euro-atlantique. Ceci est explicite dans le discours stratégique américain
: ‘’L’Union européenne et l’Otan doivent travailler
à leur élargissement ou perdre le bénéfice de la
victoire de la guerre froide (...). L’extension de l’orbite euro-atlantique
rend impérative l’inclusion de nouveaux Etats indépendants
ex-soviétiques et en particulier l’Ukraine’’ . Or Moscou
considère l’avancée de l’Amérique, de l’Otan
et de l’Europe sur sa périphérie eurasienne comme une véritable
menace pour ses intérêts nationaux et en définitive, pour
sa sécurité. Cela est clairement affirmé dans sa doctrine
stratégique (en cours de réactualisation) et à l’origine,
mentionnée dans son Concept de sécurité. Dans la vision
russe, cette ingérence est issue d’une pratique de guerre froide
et vise à réduire sa zone-tampon sécuritaire assurant une
‘’profondeur stratégique’’ (Romer, 1999) dans
l’optique de la fragiliser. Cette avancée occidentale en zone post-soviétique
est d’autant plus provocante que Moscou n’a pas renoncé à
‘’l’idée d’une intégration dans cet espace’’,
selon la nouvelle conception de la politique étrangère russe .
Moscou redoute une tentative occidentale de compression de sa puissance sur
ses zones périphériques, en particulier dans son ‘’étranger
proche’’. A cet égard, on peut suspecter l’extension
est-européenne du bouclier anti-missiles américain de chercher
à neutraliser la puissance nucléaire russe : ‘’les
zones de positionnement de l’ABM américain sont déployées
à des endroits qui sont loin d’être optimaux pour intercepter
des missiles en provenance d’Iran ou de Corée du Nord, mais, en
revanche, étonnamment propices à l’interception de missiles
tirés depuis le territoire russe en direction des Etats-Unis’’
. Mais le plus inquiétant pour Moscou est la capacité de l’Otan
à violer les règles internationales - dont onusiennes - pour imposer
ses choix unilatéraux, laissant par ce biais planer une menace constante
sur d’éventuelles incursions en zone post-communiste. La direction
des affaires étrangère russe (MID), à travers la position
de S. Riabkov, a récemment réitéré cette crainte
: ‘’L’alliance déclare de plus en plus fort qu' elle
peut effectuer ses opérations sans mandat du Conseil de Sécurité
de l’ONU, en manifestant sa foi dans le droit international sans aucun
soutien des autres Etats. Ce n’est rien d’autre que la volonté
de l’OTAN de s’arroger le droit de prendre des décisions
unilatérales dans la sécurité international’’.
Dans son essence, cette offensive américaine –
instrumentalisant les institutions internationales - s’inscrit dans la
ligne anti-russe de Z. K. Brzezinski (2000), le ‘’faucon yankee’’,
qui cherche à renforcer la domination de Washington sur le continent
eurasien, via la déstabilisation, l’encerclement et l’érosion
de la puissance russe. Le maintien de la suprématie mondiale de l’Amérique
se joue désormais en Eurasie et, en ce sens, elle fait de ce continent
‘’l’enjeu géopolitique principal’’, selon
l’expression de Brzezinski (2004). Ce dernier souligne qu' une préoccupation
majeure de l’Amérique sera donc de contrôler les principaux
acteurs de l’Echiquier eurasien : ‘’La longévité
et la stabilité de la suprématie américaine sur le monde
dépendront entièrement de la façon dont ils manipuleront
ou sauront satisfaire les principaux acteurs géostratégiques présents
sur l’échiquier eurasien (...)’’. Sous la bienveillance
américaine, la création du GUAM, alliance ouvertement antirusse,
s’inscrit dans cette stratégie. A terme, l’objectif sous-jacent
est de lézarder la cohésion de la CEI pour accélérer
le déclin russe dans son ‘’étranger proche’’
et surtout, saper les fondements de son espace politique – qui, en définitive,
définit sa zone potentielle d’intervention. Or la CEI reste un
espace stratégique pour la Russie et surtout, fait partie de sa sphère
d’intérêts vitaux. Cela explique qu' elle soit devenue
la priorité de la politique extérieure russe. En effet, Moscou
utilise la CEI comme un levier d’influence sur ses anciennes républiques
et, pour cette raison, prône une intégration maxéimale : ‘’Le
potentiel d’intégration (de la CEI : jg) n’est pas épuisé’’,
a réaffirmé D. Medvedev, le 15/07/2008 . En outre, dans la perception
historique russe, la CEI exprime un lien symbolique fort avec son ancien statut
(soviétique) de superpuissance et en ce sens, elle est partie intégrante
de ses fondements identitaires – d’autant plus qu' elle a permis
de préserver une certaine unité politique avec ses ex-républiques,
principalement en Asie centrale. Enfin, de manière tendancielle, l’influence
russe en CEI joue un rôle de stabilisateur géopolitique. Autrement
dit, la CEI est perçue par Moscou comme une zone sécuritaire intégrée
à sa stratégie globale de défense. Dans ce contexte, toute
érosion de l’influence russe en CEI - et a fortiori, toute déstabilisation
éventuelle de cette zone - est considérée comme une menace
pour la structure sécuritaire de l’Etat russe. Sont ainsi mentionnées
comme menaces majeures ‘’l’affaiblissement des processus d’intégration
dans la CEI ; l’apparition et l’escalade de conflits prés
des frontières d’Etat de la Fédération de Russie
et des frontières extérieures des Etats membres de la CEI ; les
prétentions à l’encontre du territoire de la Russie’’
.
L’objectif central de la ligne Brzezinski est de stabiliser
le leadership américain sur l’espace eurasien et à cette
fin, empêcher l’émergence de puissances potentiellement hostiles
ou concurrentes. Zbigniew Brzezinski (2000, pp. 253-254) précise notamment
que ‘’Par le biais de manœuvres politiques et de manipulations,
on pourra ainsi prévenir l’émergence d’une coalition
hostile qui pourrait chercher à contester la suprématie des Etats-Unis
(...)’’. Cela explique l’hostilité américaine
à tout rapprochement radical entre l’Europe et la Russie et à
fortiori, à toute reconstitution de la structure impériale russe,
qui remettrait en cause la légitimité de son leadership. Dans
ce but, Washington tend à instrumentaliser l’effervescence nationaliste
et indépendantiste, sous-tendue par des mouvements religieux radicaux
. Dans le passé, cette politique a été parfaitement appliquée
dés 1979 en Afghanistan (avec l’aide des talibans, pour renverser
le pouvoir pro-soviétique de l’époque) et récemment,
dans les Balkans eurasiens, au Kosovo (avec le soutien de la résistance
de l’UCK pro-albanaise, pour renverser le régime pro-russe de Milosevic).
De manière implicite, la stratégie de Brzezinski considère
le contrôle la zone post-soviétique comme la pierre angulaire du
contrôle de l’Eurasie. A terme, il s’agit notamment de créer
une Grande Asie centrale (GAC) inféodée aux intérêts
nationaux américains . Dans cette optique, le facteur religieux (surtout
islamique) est utilisé par Washington comme un vecteur de délégitimation
de l’autorité russe dans sa zone de domination traditionnelle,
autrefois impériale.
Dans une large mesure, cette instrumentalisation politique
des crises ethno-religieuses a pris une tournure dangereuse en zone post-soviétique,
notamment dans les espaces caucasien et centre-asiatique et in fine, dans le
grand Sud musulman de la Russie. Le soutien américain des extrémismes
religieux, comme levier d’une ligne anti-russe, a été une
pratique structurelle de l’ère post-communiste comme l’a
montré, avec pertinence, Victor Loupan (2000). Cela a été
illustré, de manière spectaculaire, par la radicalisation de la
crise tchétchène, où l’ingérence insidieuse
de Washington a été déterminante. Dans cet axéè, l’influence
de Washington (via Brzezinski ou de douteuses ONG) a été également
décisive dans les révolutions libérales et ‘’colorées’’
en Géorgie (1983) et en Ukraine (1984), permettant à ces républiques
de l’ex-URSS de s’émanciper de la domination russe au profit
de la tutelle (politique) américaine et bientôt, de la tutelle
(militaire) de l’Otan. Dans l’ex-Yougoslavie, la manipulation américaine
des nationalismes religieux a fait le nid de l’indépendance programmée
et illégale du Kosovo, autorisant désormais le rêve d’une
‘’grande Albanie’’.
Ainsi, dans le prolongement de la stratégie anti-soviétique
de guerre froide, Washington joue de nouveau sur le ‘’facteur islamique’’
- selon le terme de M. Appakova - en vue de comprimer la puissance russe . De
manière troublante, N. Burns, sous-secrétaire d’Etat américain
pour les affaires politiques, a déclaré au lendemain de l’indépendance
auto-proclamée du Kosovo, que les Etats-Unis considéraient ‘’comme
très positif le fait qu' un Etat musulman, un Etat à majorité
musulmane, ait été crée aujourd’hui’’
. En réponse, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a dénoncé
dans le quotidien Rossiiskaïa Gazeta l’immoralité de la ligne
américaine : ’’Encourager les tendances séparatistes
est à mon avis immoral’’ . En définitive, la parcellisation
de l’ex-Yougoslavie a jeté les bases finales du recul russe dans
l’Est-européen au profit de l’avancée américaine,
sanctionnée par la construction de nouvelles bases militaires et la future
implantation du bouclier anti-missiles (en Pologne et en République tchèque).
En déstabilisant les régimes en place, ce détournement
politique de la question nationale (donc religieuse) a transformé l’espace
multi-ethnique post-soviétique en une véritable bombe à
retardement. Les leçons de l’histoire n’ont servi à
rien.
L’avertissement posthume de Lénine
De manière prophétique, sur son lit de mort,
Lénine avait pourtant averti du danger de ne pas distinguer le nationalisme
d’une petite nation opprimée de celui d’une grande nation
opprimante. La question nationale, avait-il alors solennellement lancé
à l’adresse de Joseph Staline, ne doit pas être instrumentalisée
à des fins politiques. Or, plus de huit décennies plus tard, la
question nationale a été sacrifiée par la politique de
G.W. Bush sur l’autel du libéralisme messianique et au nom d’une
guerre idéologique entre le ‘’bien’ et le ‘’mal’’.
Mais au-delà, l’enjeu politique du contrôle de l’Eurasie
- cœur stratégique du monde selon Brzezinski - est renforcé
par la triple dimension énergétique (contrôle du pétrole
et du gaz), stratégique (extension du bouclier nucléaire américain)
et nationaliste (surfant sur les revendications religieuses) de cette lutte
d’influence implacable entre les deux anciens ennemis de la guerre froide.
Aujourd’hui, la Russie de Poutine se retrouve à
la croisée des chemins (perekrestock). En effet, elle doit faire des
choix politico-stratégiques cruciaux, qui détermineront son avenir
et sa position sur la scène internationale et par ce biais, son statut
géopolitique. Dans le but de contrebalancer le surpuissant axe Otan/Etats-Unis,
Moscou est tentée de reconstruire un axe eurasien par le biais de diverses
structures politico-militaires , sans pour autant renoncé à ses
valeurs européennes et à son ouverture vers l’Occident.
Mais à terme, face à la progression inquiétante d’un
leadership américain tentaculaire, Moscou serait encline à tourner
le dos à un Occident excessivement inféodé à Washington.
Ainsi, comme Lénine il y très longtemps, dans une Russie communiste
en reconstruction et face à la menace insidieuse de l’Occident
profitant de sa faiblesse temporaire, V. Poutine - et à sa suite, D.
Medvedev - se retrouve au cœur d’un redoutable dilemme.
En effet, il y a 84 ans, face à l’offensive agressive
de l’impérialisme occidental, Lénine aspirait déjà
à établir une coalition Chine/Inde/Russie comme barrage à
une nouvelle forme de totalitarisme idéologique. En 1923, dans son article
posthume, Lénine a ainsi écrit : ‘’(…) le capitalisme
lui-même instruit et éduque pour la lutte, l’immense majorité
de la population du globe. L’issue de la lutte dépend finalement
de ce fait que la Russie, l’Inde, la Chine… forment l’immense
majorité de la population du globe. Et c’est justement cette majorité
de la population qui, depuis quelques années, est entrainée avec
une rapidité incroyable dans la lutte pour son affranchissement ; à
cet égard, il ne saurait y avoir une ombre de doute quant à l’issue
finale de la lutte à l’échelle mondiale.’’ .
Ainsi, l’espace d’une révolution, l’histoire
semble se répéter avec, pour enjeu final, le leadership mondial.
Sur le grand Echiquier eurasien, une nouvelle forme de guerre tiède ressurgie
des abimes libéraux de l’histoire, tend désormais à
s’imposer. Bien que sur le point de réussir son retour et d’achever
sa reconstruction identitaire, la Russie poutinienne redoute dans le même
temps la montée de l’instabilité politique au cœur
de son ancien empire. Alors pour reprendre l’expression historique de
Lénine, ‘’que faire’’ ?
Bibliographie
Bensimon G. (1996) : ‘’Essai sur l’Economie
Communiste’’, L’Harmattan.
Bertalanffy L.V. (1978) : "Théorie Générale des Systèmes",
Dunod.
Brejnev L. (1974) ‘’Lénine’’, éd. Albin
Michel.
Brzezinski Z. (2000) : ‘’Le grand échiquier – L’Amérique
et le reste du monde’’, éd. Hachette (1° éd. :
Bayard, 1997).
Brzezinski Z. (2004) : ’’Le Vrai Choix’’, éd.
Odile Jacob.
Chavance B. (1994) : "La fin des systèmes socialistes", l’Harmattan.
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Russie (2000), Décret présidentiel n°24, 10 janv. 2000.
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Fontanel J. (1998) : ‘’L’économie russe, ou la transition
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russe en question’’, PUG (sous la direction de), pp. 5-9.
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homme’’, éd. Flammarion.
Géronimo J. (1998) : ‘’Légitimité et rôle
du Parti communiste dans la régulation du système économique
soviétique’’, Thèse de doctorat en Economie Appliquée,
UPMF Grenoble 2.
Gorbatchev M. (1990) : ‘’Perestroïka - Vues neuves sur notre
pays et le monde’’, J’ai Lu.
Kornaï J. (1996) : "Le Système Socialiste, L’économie
politique du socialisme", PUG Grenoble - Pour l’ouvrage en anglais,
voir Kornaï (1992),"The Socialist System, The Political Economy of
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Loupan V. (2000) : ‘’Le Défi Russe’’, éd.
des Syrtes.
Mélèse J. (1972) : "L’analyse modulaire des systèmes",
éd. Hommes et Techniques.
Romer J.C. (1999) : ‘’Géopolitique de la Russie’’,
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les économies de type soviétique", La Découverte.
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et le capital occidental", PFNSP
Sokoloff G. (1993) : ‘’La Puissance pauvre – une histoire
de la Russie de 1815 à nos jours’’, éd. Fayard.
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d’Homme.
Zinoviev A. (1991) : ‘’Perestroïka et contre-Perestroïka’’,
éd. Olivier Orban.
Notes
www.voltairenet.org/article145230.html, ‘’La seconde
phase du redressement russe a commencé’’, E. Primakov, 9/02/2007.
www.fr.rian.ru, ‘’Gorbatchev : impossible de faire confiance aux
Américains’’ – cité par M. Gorbatchev, 07/05/2008.
Concept de Zinoviev (1983), soulignant signifiant le formatage d’un ‘’homme
nouveau’’ par la culture normative du soviétisme et surtout,
par la rationalité de l’ordre social communiste. La longévité
du régime soviétique peut, en partie, s’expliquer par l’efficacité
de ce formatage, exprimant in fine une forme spécifique de socialisation.
www.geostrategie.com/604/poutine-accuse-lotan-de-vouloir-remplacer-lonu, ‘’Poutine
accuse l’Otan de vouloir ‘remplacer l’ONU’ ‘’,
14/03/2008.
GUAM (Géorgie, Ukraine, Azerbaïdjan, Moldavie) : alliance politique,
économique et stratégique destinée à renforcer,
hors de la tutelle russe, l’indépendance et la souveraineté
de ses pays membres. En fait, cette alliance est une instrumentalisation américaine
orientée contre la Russie.
www.fr.rian.ru, ‘’La politique étrangère russe, mode
d’emploi’’, 22/07/2008. Concept de sécurité
nationale de la fédération de Russie, Décret présidentiel
n°24, 10 janv. 2000
www.fr.rian.ru, ‘’Dmitri Medvedev défendra-t-il les intérêts
de la Russie dans le monde avec la même intransigeance que Vladimir Poutine
?’’, 06/05/2008. www.fr.rian.ru, ‘’La Russie défendra
seule ses intérêts si ses partenaires s’esquivent’’,
D. Medvedev, 15/07/2008.
www.voltairenet.org/article145230.html, ‘’La seconde phase du redressement
russe a commencé’’, E. Primakov, 9/02/2007.
Ce coefficient systémique (Zinoviev, 1977) peut être approximé
comme l’impact micro-social de l’ancien système. Bensimon
(1996, p. 245) résume ainsi ce concept zinovien : ‘’Les hommes
et les organisations qui ont pour fonction de supprimer les anciennes relations
sociales sont eux-mêmes issus de l’ancien système de relations,
et, par définition, agissent initialement dans les conditions des anciennes
relations. Le résultat de leur activité doit donc être affecté
du coefficient systémique de l’ancien système.’’
Ce retour des normes soviétiques est évident dans la sphère
politico-militaire. D’abord, on a rétabli un bureau du FSB (successeur
du KGB) dans les unités militaires. Ensuite, on a réintroduit
des cours d’instruction militaire dans les établissements d’enseignement
secondaire. Ce sont là deux pratiques typiquement soviétiques,
réactualisées au début des années 2000.
Op. cit. http://www.voltairenet.org/article145320.html, ‘’La gouvernance
unipolaire est illégitime et immorale’’, Discours de V. Poutine,
à la conférence de Munich sur la sécurité, 10 fév.
2007.
www.fr.rian.ru, ‘’L’ONU, pierre angulaire des relations internationales
selon Moscou’’, 15/07/2008. www.fr.rian.ru, ‘’ L’OTAN
veut jouer un rôle global en matière de sécurité
: la Russie préoccupée (MID)’’,
S. Riabkov, 16/05/2008. Dans son discours de Munich, Poutine a ainsi affirmé
: ‘’Il est évident, je pense, que l’élargissement
de l’OTAN n’a rien à voir avec la modernisation de l’alliance,
ni avec la sécurité en Europe. Au contraire, c’est un facteur
représentant une provocation sérieuse et abaissant le niveau de
la confiance mutuelle. Nous sommes légitimement en droit de demander
ouvertement contre qui cet élargissement est opéré.’’
Op. cit. A terme, on peut redouter que cette extension touche des Etats (anciennes
républiques de l’URSS) tels que l’Azerbaïdjan, la Géorgie,
la Lituanie (qui se propose comme alternative à la Pologne)… Une
ligne rouge sera alors irrémédiablement franchie. www.fr.rian.ru,
‘’Adhésion ukrainienne à l’Otan : consultations
Moscou – Kiev’’,
23/05/2008. www.fr.rian.ru, ‘’Gorbatchev : impossible de faire confiance
aux américains’’, M. Gorbatchev, 7/05/2008. Op. cit. www.fr.rian.ru,
‘’Russie-Ukraine : régler les différends sur la base
des accords existants’’, S. Lavrov, 06/062008. www.voltairenet.org/article145230.html,
‘’La seconde phase du redressement russe a commencé’’,
E. Primakov, 9/02/2007.
V.I. Lénine : ‘’Mieux vaut moins, mais mieux’’,
1923 - cité par Brejnev (1974, p. 624). Un indicateur clé de cette
reconstruction est le retour, depuis 1999, de la croissance économique
russe à un niveau positif et élevé (autour de 6-7 % en
moyenne annuelle sur la période 1999-2007). Sur l’approche systémique,
voir Bertalanffy (1977) et Mélèse (1972). Selon Marie Mendras,
la radicalisation du discours politique russe dans un sens ‘’nationaliste,
xénophobe, anti-occidental’’ s’insère dans une
stratégie de neutralisation des oppositions internes et de justification
d’un pouvoir monolithique. Elle affirme ainsi : ‘’La diabolisation
de l’Occident est utile. Il y a la volonté de montrer au russe
moyen (jg : !!!) que le monde extérieur est dangereux et donc, qu' il
y a besoin d’un régime de type autoritaire et revanchard.’’
www.liberation.fr, ‘’Pour Poutine, la diabolisation de l’occident
est utile’’, M. Mendras, 18/07/2002.
www.fr.rian.ru, ‘’ La Russie a besoin d’un système
présidentiel fort’’, V. Medvedev, 3/07/2008. Cité
par Fedorovski (2007, p. 193). Dans notre thèse de Doctorat (Géronimo,
1998), à propos de l’URSS, nous avons montré le rôle
clé de la contrainte de supériorité (face au modèle
occidental) dans le maintien de la légitimité du pouvoir communiste,
et en cela, pour sa survie. Un indicateur clé de cette supériorité
a été le taux de croissance économique. Cela a d’ailleurs
justifié le principe même de ‘’l’économie
mobilisée’’, pour reprendre le titre de J. Sapir (1990),
c’est-à-dire la mobilisation du système ECP en vue de maxéimiser
la croissance – qui devient ainsi l’objectif politique prioritaire
de ce dernier.
Fontanel (1998, p.6). Notion conceptuelle centrale de la réforme globale
de Gorbatchev, lancée en 1985, dans l’optique de garantir la paix
dans le monde. Il s’agit d’une nouvelle vision des relations internationales,
visant à supprimer l’antagonisme Est/Ouest de l’époque
et à écarter définitivement la virtualité d’un
holocauste nucléaire. Cette inflexion de la politique extérieure
soviétique exprime, selon moi, la fin véritable de la guerre froide.
En fait, pour la Russie soviétique, ce rapprochement visait (aussi) à
accélérer les échanges avec l’Ouest dans le but d’intensifier
son développement technologique (via ‘l’importation’
du progrès technique, démontré par Sokoloff (1983)) et
surtout, sauver le régime communiste, alors menacé par une crise
systémique (qui l’emportera en décembre 1991). Loupan (2000,
p. 212). www.voltairenet.org/article145230.html, ‘’La seconde phase
du redressement russe a commencé’’, E. Primakov, 9/02/2007.
Sur cette question, voir l’ouvrage référence de Gorbatchev
(1990). Gorbatchev a ainsi affirmé : ‘’Nous voyons une autre
voie, laquelle conduit au progrès social. La nouvelle vision du socialisme
a un visage humain. Cela correspond entièrement à l’idée
de Marx pour qui la société de l’avenir signifiait l’humanisme
réel, appliqué dans la réalité. Et dans la mesure
où la perestroïka repose sur son oeuvre, nous pouvons affirmer à
juste titre que nous construisons le socialisme humaniste’’ –
cité par Kornaï (1996, pp. 679-680). Op.cit. En raison de cette
centralité stratégique de l’atome militaire dans la ligne
extérieure russe, sur la base des normes soviétiques, on peut
parler du ‘’Retour de l’atome rouge’’, pour reprendre
le titre de notre article paru dans ‘Regard sur l’Est’. Références
de cet article : http://www.regard-est.com/home/breve_contenu.php ?id=765.
www.voltairenet.org/article144842.html, ‘’la Russie sera l’arbitre
géopolitique des conflits à venir’’ (Général
Gareev), par Viktor Litovkine.
‘’Quelle influence russe dans l’espace post-soviétique
?’’, T. Gomart, Le Courrier des pays de l’Est, mai-juin 2006,
n° 1055, pp. 4-13. Brzezinski (2004).
www.fr.rian.ru, ‘’La politique étrangère russe, mode
d’emploi’’, 22/07/2008.
www.fr.rian.ru, ‘’ABM : une menace invincible ?’’, I.
Kramnik, RIA Novosti, 09/07/2008.
www.fr.rian.ru, ‘’ L’OTAN veut jouer un rôle global
en matière de sécurité : la Russie préoccupée
(MID)’’, S. Riabkov, 16/05/2008.
www.fr.rian.ru, ‘’CEI : les capacités d’intégration
ne sont pas épuisées’’, D. Medvedev, 15/07/2008. Concept
de Sécurité 2000, op. cit. V. Loupan (2000, p. 187), grand spécialiste
de la Russie, a émis un témoignage troublant : ‘’On
peut entendre, dans les couloirs du MID, des réflexions selon lesquelles
les américains intégreraient déjà cette possibilité
(leur éviction du continent européen : jg) dans leur stratégie
à moyen terme. Prévoyant à la fois leur perte d’influence
et l’envol d’une Europe englobant la Russie, ils favoriseraient
la progression de l’Islam en général et la création
de pays islamiques tels que la Bosnie et la Grande Albanie, dont le rôle
futur serait de déstabiliser le continent, afin de l’empêcher
de surpasser les Etats-Unis’’ . Autrement dit, dans l’optique
de la pensée stratégique américaine - axéee sur la
défense d’un leadership globalisant et stabilisateur - l’Europe
et la Russie doivent rester des nains politiques, même si le discours
officiel ne le laisse pas toujours apparaître…
www.fr.rian.ru, ‘’Moscou, un troisième choix pour Kaboul’’,
P. Gontcharov, RIA Novosti, 29/05/2008.
www.fr.rian.ru, ‘’Kosovo : la solidarité musulmane va-t-elle
fonctionner ?’’, M. Appakova, 22/02/2008.
www.fr.rian.ru, 22/02/2008, op cit.
www.fr.rian.ru, ‘’Lavrov juge ‘immoral’ d’encourager
les séparatismes’’, 18/03/2008. Sous l’impulsion russe,
le renforcement de l’alliance politico-stratégique OCS (Organisation
de coopération de Shanghai) semble justifié et, selon une logique
d’équilibre stratégique, adapté à l’avancée
provocante de l’Otan en zone post-soviétique. L’organisation
de Shanghai est une organisation régionale qui regroupe la Russie, la
Chine, le Kazakhstan, la Kirghizie, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan.
Elle a été crée à Shanghai les 14 et 15 juin 2001
par les présidents des six pays eurasiatiques. D’autre part, l’OTSC
(Organisation du Traité de sécurité collective), regroupe
actuellement sept Etats - Arménie, Biélorussie, Kazakhstan, Kirghizie,
Tadjikistan, Russie et Ouzbékistan - qui couvrent près de 70%
du territoire de l’ex-URSS. Elle est politiquement dominée par
la Russie. Le traité de sécurité collective a été
signé en 1992 et faisait alors figure de bras armé de la CEI,
luttant notamment contre le terrorisme et la mafia ; par la suite, elle a étendu
son action à la sphère politico-stratégique. Aujourd’hui,
avec le déclin de la CEI, l’OTSC reste très active en Asie
centrale et apparaît désormais comme le complément politico-militaire
de la communauté économique eurasienne (CEEA), qui regroupe la
Russie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, l’Ouzbékistan
et le Tadjikistan. Cité par Brejnev (1974, p. 627).
Abréviations :
source http://www.comite-valmy.org/spip.php?article72
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