Diplomates, espions et kidnappeurs CIA épinglés
en Italie
Par Jean-Guy Allard
Ce nord-américain de 52 ans qui est né au
Honduras et a participé avec son père à des opérations
de la CIA dans la guerre sale contre les sandinistes nicaraguayens, s'est joint
après 2001 à une 'Opération Condor' version Moyen-Orient.
Caractérisée par les enlèvements, les prisons secrètes,
la torture et les disparitions, l'opération culmine maintenant avec la
nomination de John Negroponte, ex ambassadeur à Bagdad et ex-tsar du
renseignement nord-américain, comme secrétaire d'État chargé
du dossier Irak.
Parmi les 26 inculpés qui seront jugés in abstentia à partir
du 8 juin en Italie, se trouvent, en outre, l'ex-chef de la CIA à Rome,
Jeff Castelli, et la femme (maintenant, dit-on, installée au Mexique)
qui a dirigé le commando, Betnie Medero, ainsi qu'une mystérieuse
fonctionnaire du Département d'État, Monica Courtney Adler.
Ce procès constitue le premier dossier pénal au monde sur les
«redditions extraordinaires» qu'a autorisées George W. Bush
après le 11 septembre.
Abou Omar a été séquestré dans une rue de Milan
en février 2003, conduit à la base militaire Guerzoni et, après
voir été enfermé dans un véhicule sans ouvertures,
transféré à la base militaire nord-américaine d'Aviano,
d'où il a été envoyé sur Ramstein, en Allemagne,
avec la collaboration de ce pays, et de là au Caire où il a été
torturé en présence de ce même "Bob" Seldon Lady.
Parmi les membres du commando qui a réalisé le kidnapping, le
cas de Betnie Medero est particulièrement intéressant. Cette femme
de 33 ans agissait comme deuxième secrétaire de l'ambassade nord-américaine
à Rome. Elle est arrivée en Italie en août 2001 avec statut
diplomatique et, selon le quotidien Corriere della Sera, a dirigé sur
le terrain le rapt, en plus d'assurer le transport du prisonnier jusqu'à
la base étasunienne d'Aviano, dans le nord du pays. On croit maintenant
qu'elle s'est déplacée sur Mexico où elle se trouve à
l'ambassade des Etats-Unis, affirme le même journal italien.
Monica Courtney Adler, autre acusée dans ce scandale, était la
fonctionnaire du Département d'État qui, il y a quelques années,
avait reçu, au nom de l'administration Clinton, le banquier Jorge Castro
Barredo, un Vénézuélien d'origine cubaine qui a contribué
financièrement au fonds électoral du Parti démocrate et
qui s'est trouvé impliqué dans des dossiers de fraude et de blanchiment
d'argent.
Autres cas possiblement liés aux activités de la CIA en Amérique
latine, ceux de Pilar Rueda. 44 ans, née en Californie, de famille mexicaine,
ainsi que Lorenzo Carrera Gabriel, 34 ans, et Victor Castellano, 39 ans, tous
deux nés au Texas.
Rueda est résident de Miami, à quelques quadrilatères de
l'Université internationale de la Floride dont l'affiliation à
la CIA est bien connue, en particulier dans tout ce qui a trait à Cuba.
Les caractéristiques du chef de ce groupe, le natif de Tegucigalpa Robert
"Bob" Lady qui a été durant quatre ans chef de la station
CIA de Milan, illustre la dimension des opérations sales de l'agence
nord-américaine.
Fils de William "Bill" Lady, un vieil agent de la CIA installé
au Honduras, 'Bob' Lady a géré avec Manuchar Ghorbanifar, un sulfureux
négociant iranien, la vente secrète d'armes en Iran qui, avec
les opérations de narcotrafic dirigées par Félix Rodríguez
Mendigutía et Luis Posada Carriles, a provoqué le plus grand scandale
qui ait secoué l'administration Reagan.
Lady effectuait ses connections sales sous les ordres du colonel de marines
Oliver North qui supervisait aussi les opérations de Ilopango, toujours
dans le but de pourvoir illégalement d'armes la Contra nicaraguayenne.
Les activités de Lady au Honduras coïncident avec la présence
dans ce pays de John Negroponte, célèbre pour son appui aux sanglantes
opérations du Nataillon 316 qui a massacré, torturé et
éliminé des centaines d'Honduriens.
'Bob' Lady était toujours actif en Amérique centrale en 1994 quand
l'espion Aldrich Ames l'a brûlé en révélant son nom
au renseignement russe, affirme la presse nord-américaine.
Son nom a été associé au 'Nigergate', l'opération
de désinformation qui a justifié l'occupation de l'Irak sous le
prétexte, totalement inventé, que Saddam Hussein cherchait à
acheter de l'uranium au Niger. Pour cette manœuvre grossière, on
a eu recours à Manuchar Ghorbanifar et à Larry Franklin, un nord-américain
condamné l'an dernier pour espionnage en faveur d'Israël.
Lady a fui précipitamment l'Italie en juin 2005 quand il a su que la
justice de ce pays s'intéressait à l'enlèvement d'Abou
Omar. Alertée, son épouse a effacé tous les dossiers de
son ordinateur mais les spécialistes de la police sont arrivés
à récupérer une grande partie du matériel.
Parmi les documents reconstruits, on note diverses photographies de la victime,
prises quelques 33 jours avant le crime, et des recherches sur Internet pour
la route la plus courte entre le lieu du rapt et l'aéroport d'Aviano.
Des sources assurent que 'Bob' Lady se trouve maintenant de retour en Amérique
centrale où il remplirait des tâches de la CIA sur Cuba, le Venezuela
et d'autres gouvernements progressistes de la région.
Dans un écrit récent, l'auteure argentine Stella Calloni a comparé
les opérations illégales réalisées par la CIA en
territoire européen, en relation avec l'Irak, à «une grande
Opération Condor, plus sophistiquée».
Ce qu'illustre le cas de James Steele, le créateur des escadrons de la
mort parrainés par John Negroponte qui a participé aux opérations
d'approvisionnement de la contre-révolution nicaraguayenne depuis la
base aérienne salvadorienne d'Ilopango, gérée par Posada
Carriles.
La découverte inattendue des actions menées par Lady et sa bande
en territoire italien, au mépris de la souveraineté de cette nation
européenne, démontre une fois de plus que pour le renseignement
impérial, la guerre sale n'a pas de frontières.
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