11 septembre, voilà que revoilà le fantôme
de minuit
GIULIETTO CHIESA
Voici la nouvelle apparition de l’ectoplasme,
autrement dit Osama Ben Laden. Veille du sixième anniversaire du 11 septembre,
ponctuel comme le fantôme de minuit. Le directeur de la Cia qui l’a
annoncé, fait savoir que c’est la première preuve, depuis
2004, que Ben Laden soit encore vivant. C’est-à-dire depuis la
fameuse externalisation, à trois jours du vote, qui contribua de façon
pas négligeable du tout à la réélection de Georges
W. Bush. A cette allure, quelque chose est en train de se préparer cette
fois aussi.
Entre les terroristes arrêtés en Allemagne et ceux pris au Danemark,
le climat d’une attaque contre les Etats-Unis semble finalement propice.
Exactement comme l’avait prévu Zbignew Bzezinski le 2 février
dernier, devant la Commission Défense du sénat américain.
Vous verrez, avait dit l’ex-secrétaire à la sécurité
étasunien (sous la présidence de Jimmy Carter), quand il sera
clair que Al Maliki n’arrivera pas à atteindre les objectifs qu' on
lui a assignés, Washington commencera à accuser l’Iran,
puis il y aura un attentat terroriste à grande échelle, éventuellement
contre les Etats-Unis, après quoi, immédiatement, le président
ordonnera l’attaque contre l’Iran. La seule chose que Bzezinski
n’avait pas dit c’était que, pour la mise en scène,
il aurait été opportun que l’ectoplasme réapparaisse.
Le vide a été comblé.
Dommage que l’ectoplasme ait eu la barbe un peu trop noire. Peut-être
ont-ils exagéré avec la teinture.
Pour le moment, tout le monde écrit les nouvelles que fournit la Cia
et, après elle, CNN et ainsi de suite en recopiant. Mais il n’est
pas exclu que, même dans ce cas, on ne découvre, entre un photogramme
et l’autre, le logo d’Intelservices, la boîte américaine
qui semble avoir l’exclusivité des images de Ossama Ben Laden.
Nous verrons, mais en attendant, il sera utile de se souvenir
que pas une seule des apparitions de l’ectoplasme cité précédemment
n’a été authentifiée comme vraie.
A commencer par la première, quelques mois après la tragédie,
qui fut mystérieusement trouvée dans une cassette au fond d’une
grotte afghane, par des militaires étasuniens non mieux identifiés.
Dans ce cas, comme dans tous ceux qui ont suivi, le courant dominant mondial
dans son ensemble mordit à l’hameçon (volontiers d’ailleurs)
sans vérifier, sans contrôler. Exactement comme cette fois ci.
Il aurait suffi de peu, à l’époque, pour découvrir
que le protagoniste ressemblait à peu près autant à Osama
Ben Laden que l’auteur de ces lignes ne ressemble à Magdi Allam
(journaliste italien d’origine égyptienne, directeur-adjoint du
Corriere della Sera, que nos médias qualifieraient sans doute de « musulman
modéré » c’est-à-dire pas trop musulman,
quoi, NdT). Le nez n’était pas le sien, les yeux non plus, il avait
une bague en or qu' il n’aurait pas du avoir, et la caméra
semblait vraiment accrochée au collet d’un espion fourré
dans le groupe pour filmer en cachette. Et surtout on ne comprenait pas grand-chose
à ce qu' il disait. Allez vous fier aux traductions. Peut-être
que, dans ce cas, c’était le fameux Memri qui l’avait faite,
le gars de Washington, qui a été dirigé par un ex-agent
du Mossad et qui se trompe – comme par hasard - pour traduire même
Ahmanidejad. En principe, quand il m’arrive de douter des histoires qu' on
nous raconte sur le 11 septembre, il se trouve toujours quelqu' un pour
me demander, mi stupéfait mi indigné (même chez les gens
de gauche) : mais comment peut-on douter ? Ben Laden lui-même
a revendiqué être l’auteur de l’attentat !
En effet, il faudrait d’abord être certains que celui qui parle
est Osama. Et nous avons de nombreuses raisons d’en douter. Mais, même
s’il l’était, il resterait toujours bon nombre de questions
à résoudre. Quand il parle, les rares fois, et toujours fort à
propos, où il le fait, il arrive toujours à boucler des considérations
insignifiantes et quelque stupidité. Cette fois aussi : « Chez
nous on ne paye pas d’impôt », aurait-il dit. Mais vous
croyez vraiment, avec le peu de temps qu' il a à sa disposition,
que quelqu' un qui prétend tenir en échec tout l’occident
n’arriverait pas inventer quelque chose de plus solennel, plus hiératique ?
Et, si ce n’est pas lui qui parle – chose que je suis enclin à
penser- comment n’aurait-il jamais eu le moindre sursaut d’orgueil
en envoyant à Al Jazzera un véhément communiqué
de démenti ? Pas un, au contraire. Comme s’il était
d’accord et laisse qu' on lui fasse jouer ce rôle. Un tel comportement
ne serait excusable que s’il était mort.
Mais, s’il était mort, qui est l’auteur de cet ectoplasme ?
Son adjoint Al Zawahiri, n’en parlons même pas. Celui là
apparaît beaucoup plus fréquemment, mais depuis qu' on a su
qu' il avait participé activement aux épisodes des brigades
islamiques qui ont combattu en Bosnie et au Kosovo, équipées par
le Mpri (Military personnel research incorporated, filiale de la Cia) et, quelques
années auparavant, qu' il avait fait un tour aux Etats-Unis, accompagné
par un agent des services secrets étasuniens, pour recueillir des fonds
de soutien à la Jihad, nous avons peu de doutes sur le fait qu' il
s’agit d’un personnage équivoque. Agent simple, double ou
triple. Et un agent qui se respecte ne dément jamais. Un peu comme le
défunt Al Zerkawi, le si terrible chef de Al Qaeda en Irak ; celui
dont le général Georges W. Casey Junior dit qu' il lui a
fabriqué certains papiers, et dont le commandant des opérations
psychologiques en Irak, Mark Kimmit, dit textuellement que « le programme
Al Zarkawi d’opérations psychologiques en Irak (psyop) est la campagne
d’information la mieux réussie » (voir Washington Post
du 10 avril).
Et comment prendre au sérieux le nouveau chef de Al Qaeda, un certain
Abu Omar al-Baghdadi, « commandeur des croyants », alors
que Kevin J Berger, conseiller du président étasunien, révèle
que celui qui le représenta au moment de sa plus solennelle apparition,
le 15 octobre 2006, était un acteur et que « Al Qaeda en Irak
est une pure mystification » ? (New York Times, 19 juillet).
On peut tout faire, sauf les croire.
Edition de dimanche 9 septembre 2007 de il manifesto http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/09-Settembre-2007/art9.html
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
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