Une nouvelle crise alimentaire menace le monde.

Agriculture. On n’avait pas connu cela depuis trente ans : les stocks de céréales n’assurent plus que cinquante-sept jours de nourriture à la population mondiale.

The independent on sunday (extraits). LONDRES.

La réduction dramatique de l’approvisionnement alimentaire risque de plonger le monde dans la plus grave crise qu' il ait connu depuis trente ans. De nouvelles statistiques montrent que les récoltes de cette année seront insuffisantes pour nourrir tous les habitants de la Terre, pour la sixième fois depuis sept ans.
Les hommes ont jusqu' ici mangé à leur faim en prélevant sur les stocks constitués durant les années de vaches grasses, mais ceux-ci sont désormais tombés au dessous du seuil critique.
En 2006, selon les estimations de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et du ministère américain de l’Agriculture, la récolte de céréales diminuera pour la deuxième année consécutive.
Selon la FAO, elle dépassera à peine 2 milliards de tonnes, contre 2,38 milliards en 2005 et 2,68 milliards en 2004, alors que l’appétit de la planète ne cesse de croître, à mesure que sa population augmente.
Les estimations du gouvernement américain sont encore plus pessimistes : 1 984 milliards de tonnes, soit 58 millions de tonnes de moins que la consommation prévue pour cette année.
Les stocks alimentaires sont passés d’un niveau suffisant pour nourrir le monde pendant cent seize jours en 1999 à cinquante-sept jours seulement à la fin de cette saison, bien en deçà du niveau officiel de sécurité (soixante-dix jours).Les prix ont d’ores et déjà grimpé d’au moins 20% cette année.

LA PRODUCTION A BAISSE DANS LES PAYS RICHES.

La crise qui se dessine est passée largement inaperçue parce que, pour une fois, les récoltes ont chuté dans les pays riches comme aux Etats-Unis et l’Australie, qui, en temps normal, sont exportateurs de denrées alimentaires, et non dans les pays les plus affamés du monde. Aussi, ni l’Afrique ni l’Asie n’ont-elle souffert de grande famine.
L’effet du déficit se fera sentir progressivement, lorsque les ppulations pauvres ne pourront plus acheter des aliments devenus trop chers, ou lorsque leurs propres récoltes baisseront.
A travers le monde, plus de 800 millions de personnes souffrent de la faim.
De 1950 à 1990, les rendements céréaliers ont plus que doublé, et la production est passée de 630 millions à 1,78 milliard de tonnes. Mais, depuis quinze ans, les rendements progressent bien plus lentement, et la production atteint péniblement 2 milliards de tonnes.
"Les paysans ont obtenu un résultat extraordinaire en triplant quasiment la récolte mondiale", note Lester Brown, qui préside actuellement l’Earth Policy Institute, un institut de recherche respecté de Washington. "En une seule génération, ils ont presque doublé la production céréalière par rapport aux 11 000 années qui avaient précédé, depuis le début de l’agriculture, mais maintenant, le ressort est cassé".
Outre l’amélioration des rendements, une autre méthode traditionnelle pour doper la production consiste à agrandir la superficie des terres arables.
Mais cela n’est plus possible. A mesure que la population s’accroît et que les terres cultivables servent à la construction de routes et de villes - et s’épuisent en raison de la surexploitation -, la quantité de terres disponible pour chaque habitant de la planète diminue. Elle a chuté de plus de moitié depuis 1950 ( de 0,23 à 0,11 hectare par personne).

Pourtant, la production alimentaire permettrait de nourrir correctement tout le monde si elle était bien distribuée. (souligné par nous NDLR). Certes, les habitants des pays riches mangent trop et ceux des pays pauvres pas assez. Mais des quantités énormes de céréales servent également à nourrir les vaches - et les voitures .

A mesure que les gens s’enrichissent, ils consomment plus de viande, et les animaux d’abattoir sont souvent nourris au grain. Ainsi, il faut 14 kilos de céréales pour produire 2 kilos de boeuf, et 8 kilos de céréales pour 2 kilos de porc. Plus d’un tiers de la récolte mondiale sert ainsi à engraisser les animaux.

Les voitures sont devenues un autre sujet de préoccupation,depuis que l’on encourage la production de carburants verts pour combattre le réchauffement climatique.
Une "ruée vers le maîs" s’est déclenchée aux Etats-Unis, avec l’utilisation d’une partie de la récolte pour produire un bio-carurant, l’éthanol - gr&#acirc;ce aux subventions du gouvernement Bush qui voudrait de cette façon contrer les critiques concernant son refus de ratifier le protocole de Kyoto.
Un seul plein d’éthanol pour un gros 4X4, rappelle Lester Brown, nécessite autant de céréales qu' il en faut pour nourrir une personne pendant une année entière.
En 2006, la quantité de maîs américain utilisée pour fabriquer du carburant sera égale à celle vendue à l’étranger.
Traditionnellement, les exportations américaines contribuent à nourrir cent pays, pour la plupart pauvres.

FAVORISER LES PRATIQUES RESPECTANT L’ENVIRONNEMENT.

A partir de l’année prochaine, le volume consommé par les automobiles américaines sera supérieur à celui des exportations, et la part disponible pour nourrir les pays pauvres risque bientôt de se réduire. Les usines de production d’éthanol existantes ou en projet dans l’Iowa, la grande région céréalière des Etats-Unis, absorberont pratiquement toute la récolte de cet Etat.
Les pauvres affamés seront alors mis en concurrence avec les propriétaires de voitures. Un combat perdu d’avance, si l’on considère qu' ils consacrent déjà 70% de leurs maigres revenus à la nourriture.
Fabriquer des voitures moins gourmandes et manger moins de viande atténuerait le problème, mais la seule solution à long terme est de permettre aux pays pauvres - et particulièrement à leurs populations les plus défavorisées - d’accroître les cultures vivrières.
Le meilleur moyen d’y parvenir est d’encourager les petits paysans à privilégier des cultures respectueuses de l’environnement. Les études menées par l’université de l’Essex montrent que cela permet de doubler les rendements. Mais le monde doit prendre conscience de l’urgence de la situation.
"Nous sommes au bord du gouffre", met en garde Lester Brown.
" L’Histoire juge les dirigeants sur leur capacité à faire face aux grands problèmes. Et pour notre génération, le grand problème risque fort d’être la sécurité alimentaire".

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