NON AU DEMANTELEMENT DU SERVICE PUBLIC DE LA RECHERCHE !

Déclaration du Collectif « Indépendance des Chercheurs »

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LA RECHERCHE NE DOIT PAS ETRE UNE MARCHANDISE

La recherche scientifique et technologique doit avoir pour objectif le bonheur et le bien-être de tous les citoyens, le progrès de la connaissance et la transmission à la société de cette connaissance. Elle ne doit pas être soumise à des intérêts privés. Telle est, en France, la raison d’être des organismes nationaux comme le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM), l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique), l’INRIA (informatique et automatique)… autour desquels s’est articulé depuis la Libération le service public de la recherche.

Pourtant, à l’insu de la grande majorité des citoyens dans le monde entier, la notion même de service public a été radicalement mise en cause par les gouvernements lors de la création de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) par l’Accord de Marrakech de 1994. L’une des annexes à cet accord est l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) : il n’y est plus question de service public mais de service tout court, et ce service n’est plus une prestation due à tous mais une marchandise qui en tant que telle ne saurait être gratuite ni même avoir forcément un prix à la portée de tous. La Recherche, l’Education, la Santé… sont des prestations marchandes aux termes de cet accord. En clair, elles sont destinées à devenir progressivement réservées aux riches, au capital privé et aux groupes influents.

Depuis sa création par le Traité de Maastricht en 1992, l’Union Européenne (UE) a été l’instrument de la même politique au service des lobbies financiers et des multinationales. En mars 2000, elle a officiellement adopté la stratégie de Lisbonne introduisant la notion de marché de la connaissance. Depuis, l’expression « marché européen de la recherche » est devenue courante. La connaissance et la recherche deviennent ainsi des marchandises, tout comme la « main d’œuvre intellectuelle » qui les produit ou les transmet. Il ne s’agit d’ailleurs pas en réalité d’un marché européen mais d’un marché mondial : la recherche scientifique et technologique des pays de l’Europe occidentale et des Etats-Unis subit depuis les années 1980 des délocalisations dont la crise actuelle a été très largement le résultat inéluctable.

Les « décideurs » occidentaux des années 1990-2000, toutes façades politiques confondues, ont invariablement répété que les délocalisations ne présentaient aucun danger pour les économies des pays dits « riches ». Car, nous disait-on, elles ne concernaient que le travail « peu qualifié ». Mais, outre l’arbitraire de la séparation entre « travail peu qualifié » et « travail très qualifié », la marchandisation de la connaissance devait nécessairement entraîner la délocalisation du travail intellectuel. A présent, la facture est très lourde. Lors de sa campagne électorale de 2008, Barack Obama avait dû reconnaître la débâcle des Etats-Unis dans la recherche et l’éducation. De même, les indices d’une véritable dégringolade européenne dans le domaine de la haute technologie deviennent de plus en plus nombreux.

DEFENDRE LA RECHERCHE ET L’EDUCATION PUBLIQUES

La privatisation du patrimoine public et des services publics français depuis 1986 a été présentée comme une « modernisation ». Mais ce discours ne correspond à aucune réalité : au 19ème Siècle, il n’y avait pas de services publics et les « petits citoyens » étaient à la merci des riches et des influents. C’est dans ce sens qu' on évolue à présent avec le dumping social, le pouvoir rapproché des « managers », la disparition du droit du travail... où sont le « progrès » et la « modernité » dans ces « réformes » ou dans les suicides que déclenche l’actuelle organisation du travail ? D’ après l’OCDE, le travail dit « informel », sans contrat ni statut et qui en France relèverait du travail au noir, atteint 50% de la population active mondiale. Il pourrait toucher plus des deux tiers des travailleurs de la planète en 2020. où est le « progrès social », après deux décennies de délocalisations qui ont ruiné les pays dits « riches » ?

C’est au nom d’une prétendue « efficacité » et « bonne gestion », que les transformations qui ont conduit à la crise actuelle ont été opérées. Privatisation de banques et d’entreprises publiques, développement de pouvoirs discrétionnaires... Dans l’éducation et la recherche, le processus de Bologne lancé en 1998-89 et présenté comme une « harmonisation des diplômes » à l’échelle continentale a été l’instrument d’une machine de dumping social et de précarisation du travail intellectuel. La « logique gestionnaire » introduite dans la fonction publique française par la LOLF (Loi Organique relative aux Lois de Finances adoptée en 2001) et que la loi récente sur la « mobilité » des fonctionnaires complète et aggrave, a amené la déréglementation et la mise en place d’un pouvoir mal contrôlé des « chefs » au nom d’une fausse rentabilité dont usagers et agents des services publics ont fait les frais. Depuis vingt-cinq ans, des « réformes » ont préparé la disparition de nos services publics au nom d’un prétendu « modèle américain » inspiré de la politique de Ronald Reagan et des Bush. Mais Barack Obama a reconnu que les Etats-Unis ne forment pas suffisamment leurs citoyens et qu' ils ont perdu leur hégémonie technologique. C’est pourtant ce « modèle » en faillite aux USA, que le gouvernement français et l’Union Européenne voudraient nous imposer, soutenus par les « experts » d’instances comme l’OCDE ou le Fonds Monétaire International. L’entrée en application du Traité de Lisbonne prépare une nouvelle aggravation de la même stratégie.

La recherche et l’éducation publiques françaises, comme l’ensemble de nos services publics, continuent à être des cibles de cette politique qui a détruit les économies occidentales. Le gouvernement français va même beaucoup plus loin que les administrations Reagan et Bush. Jamais aux Etats-Unis la recherche fédérale n’a été la cible d’une entreprise de démantèlement comme celle qui frappe le CNRS et les autres établissements français. Le rôle dirigeant des organismes nationaux de recherche n’a jamais été officiellement mis en cause aux USA, que ce soit en tant que réalisateurs directs, en tant qu' évaluateurs ou en tant que fournisseurs de moyens. Pareil pour leur indépendance par rapport aux grandes multinationales. Mais en France, l’actuelle politique (développement de l’ANR et de l’AERES, Opération Campus, contrat d’objectifs 2009-2013 du CNRS, fragmentation des organismes en instituts, intervention croissante de services « des ressources humaines » dans le « suivi » des chercheurs…) met directement en cause ces principes républicains en plaçant la recherche sous la coupe de structures en voie de privatisation ou d’universités qui devront se tourner vers le capital privé. Comment la recherche pourra-t-elle rester au service de l’intérêt général ? SEULE UNE MOBILISATION DE TOUS LES CITOYENS POURRA EMPECHER LA DISPARITION DU SERVICE PUBLIC DE LA RECHERCHE.

Source : http://science21.blogs.courrierinternational.com

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