Bush est encore pire que ce que l’on peut imaginer
Danielle Bleitrach
Bush est peut-être fou, et les militaires étasuniens
le disent de plus en plus ouvertement, mais les intérêts qu' il
a derrière lui ne le sont pas.
Nous avons une politique qui mêle de l’irrationnel et des intérêts
prêts à aller jusqu' au bout. Son dernier discours peut apparaître
comme le summum de l’impuissance, une simple redite du bourbier Vietnamien
où les Etats-Unis soutenaient un gouvernement fantoche en insufflant
vainement toujours plus de soldats, c’est mal mesurer la course en avant
dans laquelle se sont engouffrés Bush et sa poignée de conseillers.
Dans un contexte d’impopularité grandissante aux Etats-Unis où
60 % de la population est hostile à sa politique en Irak et où
le Congrès vient de changer de majorité.
1- Le rendez-vous de l’Apocalypse :
Il y a une manière de décrire la politique de G.W.Bush, ce moment
crépusculaire où un Président perd tout sens commun et
s’enfonce dans la paranoïa, c’est ici d’imaginer un colloque
singulier avec Dieu. La description des derniers moments de Nixon invitant Kissinger
à prier avec lui laisse loin derrière la relation de l’actuel
Président avec les évangélistes type Pat Robertson, les
Chrétiens sionistes qui sont convaincus que le temps de l’antéchrist
est là. Ce dernier prendrait la tête des mouvements pacifistes
pour empêcher la grande bataille finale qui verra la descente du Christ-roi
sur la terre et ce du côté l’Armageddon en Israël. Cette
vision est si folle que nous avons du mal à y croire et pourtant l’autre
scénario dont il a plusieurs fois été fait état,
celui d’une intervention d’Israël contre l’Iran est tout
aussi démente tout en étant parfaitement crédible.
Notons tout de suite que dans son discours du 11 janvier 2007, Bush ne fait
même pas allusion au conflit israélo-palestinien, alors que chacun
s’accorde à reconnaître que c’est là le problème
prioritaire sans lequel on ne peut pas imaginer une solution pacifique au Moyen
orient. qu' il ne soit pas fait allusion dans ce discours à Israël
ne doit pas nous masquer que ce pays joue dans la doctrine Bush un rôle
central qui n’a rien de pacifique justement. Avec la capture cet été
de trois soldats Israéliens par le Hezbollah au Liban Bush avait imaginé
envoyer Israël contre la Syrie, mais on sait à quel point le projet
a temporairement avorté par suite de la résistance du Hezbollah,
de la condamnation de l’opinion publique et des incapacités d’Israël.
De même Bush et Olmert, tous deux affaiblis politiquement dans leur propre
pays, cherchent à profiter de l’absence d’alternative politique
réelle, qu' il s’agisse des démocrates au Etats-Unis,
ou des travaillistes en israêl pour pratiquer une fuite en avant vers
les mêmes objectifs, diviser le Moyen orient, créer le chaos et
en profiter pour régler leur compte à leurs ennemis, l’Iran,
la Syrie, Le Hezzbolah, les Palestiniens, avec la complicité des «
sunnites » que l’on aura apeuré et réussi à
regrouper derrière les saoudiens. L’idée d’une attaque
préventive de l’Iran par Israël qui avait été
déjà agitée juste avant la maladie de Sharon et la désastreuse
expédition du Liban, est en train de ressurgir. Intox, fuites organisées
pour peser sur le gouvernement iranien, tout est possible y compris le pire.
2- Cette politique du chaos pour continuer à régner
seuls malgré la défaite a sa « logique », celle d’un
déclin.
Le vrai problème est que si les Etats-Unis sont une
hyperpuissance militaire qui dépensent à eux seuls plus que le
reste de la planète, s’ils tiennent toute la communication mondiale
qui monte en épingle leur force, ils sont entrés en lutte contre
leur déclin et ils sont devenus complètement dépendants
de leurs bailleurs de fond, le japon comme déjà au temps du Viet-Nam
mais désormais la Chine. Le caractère « irrationnel »
de la politique nord-américaine est donc de refuser d’atterrir
en douceur dans un monde multipolaire. Bush imagine qu' il va pouvoir prolonger
la situation post-seconde guerre mondiale où les Etats-Unis avaient acquis
leur hégémonie dans la lutte contre l’Union Soviétique
en inventant un ennemi représentant « le mal », comme le
communisme dans un autre temps : l’islamisme. Irrationnelle cette vision
du monde et pourtant s’appuyant sur la réalité du complexe
militaro-industriel étasunien qui est devenu une des bases fondamentales
de l’économie nord-américaine, son vecteur de développement,
son facteur de régulation.
Le terrain de cette guerre mondiale du bien contre le mal c’est l’Iran
aujourd’hui mais le discours de Bush nous annonce un élargissement
.. Voici le discours :
« Ce soir en Irak, les forces armées des Etats-Unis sont engagées
dans un combat qui déterminera la direction de la guerre globale contre
le terrorisme et notre sécurité ici à la maison. La nouvelles
stratégie que je développe ce soir changera notre orientation
en Irak et nous aidera à gagner dans le combat contre le terrorisme.
» (...)
« après voir analysé les succès et surtout les échecs
de la stratégie américaine, le président Bush affirme :
"Les conséquences d’un échec sont claires : le radicalisme
islamique extrémiste grandirait, grandirait en force et gagnerait de
nouvelles recrues. Ils seraient en meilleure position de renverser des gouvernements
modérés, créer le chaos dans la région, et d’utiliser
les revenus pétroliers pour financer leurs ambitions. L’Iran serait
encouragée à poursuivre sa recherche d’armes nucléaires.
Nos ennemis auraient des bases sûres d’où ils pourraient
planifier et lancer des attaques contre le peuple américain. Le 11 septembre
2001, nous avons vu qu' un refuge pour les extrémistes de l’autre
côté du monde pouvait apporter dans les rues de nos villes. Pour
la sécurité de notre peuple, nous avons besoin que l’Amérique
réussisse en Irak. »
3- Il y a dans cet extrait déjà un élément
« rationnel » si l’on peut considérer le capitalisme
comme rationnel au stade où il est parvenu,
Bush dit en effet la stratégie adoptée par les
Etats-Unis eux-mêmes pour maintenir malgré la défaite l’exploitation
de cette région et ce jusqu' à épuisement des ressources
pétrolières : « créer le chaos dans la région,
et d’utiliser les revenus pétroliers pour financer leurs ambitions
».
La défaite est là, la seule manière de continuer à
régner est de le faire par la division et par le meurtre de masse. L’élément
« rationnel » tourne autour des pétro-dollars qui unissent
par des liens sacrés les saoudiens wanabistes et les Etats-Unis.
3- Parce que nous sommes et c’est ainsi que j’ai analysé
depuis le début la mascarade de l’assassinat de Saddam Hussein,
à la veille d’un retournement d’alliance contre l’Iran
et les Chiites. Les jours du gouvernement irakien sont comptés. On insuffle
une aide à dose homéopathique mais dans le même temps par
des feintes confidences on laisse entendre qu' il s’agit de la dernière
chance et on manifeste que l’allié privilégié reste
le Saoudien devenu le défenseur des pauvres sunnites : « j’ai
fait clairement comprendre au premier ministre et aux autres dirigeants irakiens
que l’engagement américain n’était pas indéfini
dans le temps. Si le gouvernement irakien ne remplit pas ses promesses, il perdra
le soutien du peuple américain – et aussi du peuple irakien ».
On peut même penser qu' il s’agit déjà moins
de soutenir le gouvernement irakien, que d’accroître le contrôle
sur Bagdad et sur la zone verte en cas d’attaque de l’iran. Pour
cela il va falloir « nettoyer » la résistance sunnite mais
tout autant celle de Moqtad el sadr, les troupes chiites qui à Bagdad
comme à Bassorah échappent de plus à plus à tout
contrôle. Il faut les tenir en vue d’une attaque de l’Iran.
4- parce que l’objectif clairement indiqué et
que préfigure l’opération en Somalie est bien d’étendre
le conflit, d’en faire une guerre globale,
en s’appuyant ouvertement sur le conflit Chiite et sunnite
: « Réussir en Irak demande aussi de défendre son intégrité
territoriale et de stabiliser la région face au défi extrémiste.
Cela nécessite d’abord de regarder (adressing) l’Iran et
la Syrie. Ces deux régimes permettent aux terroristes et aux insurgés
d’utiliser leur territoire pour entre et sortir d’Irak. L’Iran
donne un appui matériel aux attaques contre les troupes américaines.
(...) Nous allons chercher et détruire les réseaux qui fournissent
des armes sophistiquées à nos ennemis en Irak. »
« Nous devons prendre aussi des mesures pour renforcer la sécurité
de l’Irak et protéger nos intérêts au Proche-Orient.
J’ai récemment ordonné le déploiement d’un
nouveau porte-avions dans la région. Nous étendrons le partage
des informations et nous allons déployer des systèmes de défense
aérien Patriot pour rassurer nos amis et nos alliés. Nous allons
travailler avec les gouvernements turc et irakien pour résoudre les problèmes
le long de leur frontière. Et nous allons travailler avec d’autres
pour empêcher l’Iran d’acquérir des armes nucléaires
et de dominer la région. »
« Nous allons utiliser toutes les ressources diplomatiques des Etats-Unis
pour rassembler des soutiens à l’Irak à travers la région.
Des pays comme l’Arabie saoudite, l’Egypte, la Jordanie et les Etats
du Golfe doivent comprendre qu' une défait américaine en
Irak créerait un nouveau sanctuaire pour les extrémistes et poserait
une menace stratégique pour leur sécurité. » (...)
Si ce discours a donc un sens, ce que ne doit pas nous masquer la « folie
» de son auteur, il signifie que les petites « mesures » annoncée
par G.W.Bush préfigurent un choix qui devrait se réaliser dans
le courant de l’année 2007, l’attaque de l’Iran, voire
de la Syrie.
Mais ce scénario risque de déboucher sur des conséquences
si incalculables que personne n’ose réellement l’aborder
alors même que l’état du pouvoir étasunien le rend
pourtant vraisemblable.
Le pouvoir aux Etats-Unis est dans les mains d’un malade, puéril
et effrayant qui limoge peu à peu tous les conseillers qui tentent de
s’opposer à son grand rêve, et par exemple lui démontrer
que la menace nucléaire iranienne n’en est pas plus une que ne
l’étaient les armes de destruction massives de Saddam Hussein.
Là encore s’agit-il de vérité ou d’intox, mais
le déplacement de John Negroponte comme « adjoint à la Secrétaire
d’État Condoleezza Rice » et la nomination à sa place
de John McConnell, vice amiral retraité de la Navy, est le signe d’un
resserrement ministériel autour de gens prêts à soutenir
Bush dans ses attaques directes ou par le biais d’Israël sur les
installations nucléaires iraniennes. Comme le 4 janvier, George Bush
a limogé les deux principaux commandants militaires au Moyen-Orient,
les généraux John Abizaid et George Casey, qui s’étaient
opposés à l’escalade militaire en Irak pour les remplacer
par l’amiral William Fallon nouveau chef du Centre de Commandement au
Moyen-Orient. Fallon appartient au cercle des néo-conservateurs.
La plupart des observateurs militaires voient là encore dans ces nominations
une confirmation de la fuite en avant de Bush et de son équipe qui ne
tient compte ni de la défaite, ni de l’opinion publique nord-américaine
et encore moins de l’opinion du monde musulman. Le pas « réaliste
» de G.W.Bush a probablement consisté dans le renoncement à
envisager un « avenir démocratique » pour le Moyen- orient,
les élections risquant de déboucher sur un renforcement des «
ennemis » des Etats-Unis, et donc un retour à l’appui de
gouvernements dictatoriaux. Et même à ce prix là, les Etats-Unis
ne peuvent pas espérer contenir longtemps la poussée, le conflit
risque de s’étendre très rapidement avec des conséquences
encore incalculables en raison de l’anti-américanisme qui se propage
et se développe encore plus depuis la pendaison de Saddam Hussein le
30 décembre 2006, le jour même de l’Aïd, sacré
pour les musulmans.. Quel est l’avenir du Pakistan, puissance nucléaire,
avec ou sans le général Pervez Musharraf ?
Si nous étions des citoyens des Etats-Unis nous pourrions tenter de soulager
le monde en proposant une procédure de destitution de ce président
fou, qui osera la proposer ? Peut-être selon la logique étasunienne
doit-on le surprendre en flagrant délit de mensonge ou d’adultère
pour envisager une mesure d’urgence?
Que pouvons-nous faire ?
Nous sommes Européens, quelle est notre marge d’action
? Elle est faible, englués comme nous le sommes dans l’Union Européenne,
mais il serait urgent de développer un grand mouvement de la paix, parce
que nous allons vers une catastrophe planétaire.
Bush, le maître du monde ne parlant plus qu' à quelques cinglés
de son espèce et à Dieu bien sûr, nous mène à
un élargissement du conflit à la Syrie, l’Iran, pourquoi
pas demain le docteur Fol amour nous conduira à l’assaut de l’immense
Chine… Le tout sans le moindre état d’âme à
utiliser le nucléaire.
La bande de crétins qui dirigent les partis politiques européens,
qui à propos de l’exécution de Saddam Hussein se sont contentés
de jouer les belles âmes contre la peine de mort, ont à cette occasion
montré ce qu' ils valaient et ce que l’on pouvait attendre
d’eux dans un monde dans lequel s’accumulent les périls.
Au secours !!!!
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