Pourquoi Washington attaquera Téhéran
Abdel Bari Atwane
après l’été, les affaires
sérieuses redémarrent. La diplomatie occidentale se remet en branle,
et tout indique qu' elle se focalisera à nouveau sur le Moyen-Orient.
Dans les mois à venir, le point de fixation sera l’Iran, prochaine
cible des Américains. Nous devons nous attendre à une escalade
politique, diplomatique, médiatique et militaire sans précédent
contre ce pays et son programme nucléaire. Car le temps qui reste au
président George Bush est désormais compté pour traiter
ce dossier. Un certain nombre d’évolutions récentes donnent
à penser que la guerre aura lieu dans les six prochains mois, à
moins d’un miracle sous forme de capitulation, semblable à celle
de la Libye ou, plus récemment de la Corée du Nord.
Premier indice
Pour parler du danger nucléaire iranien, George
Bush a utilisé les termes d’“holocauste nucléaire”,
avertissant ainsi clairement Téhéran de ne pas aller plus avant
dans son programme d’enrichissement d’uranium, comme s’il
voulait à la fois accentuer la menace contre l’Iran et préparer
l’opinion publique américaine, voire internationale, à l’éventualité
d’un usage d’armes nucléaires américaines contre ce
pays.
Deuxième indice
Le nouveau président français, Nicolas Sarkozy,
commence à occuper la place laissée vacante par Tony Blair, à
savoir celle du meilleur allié de Washington. Il a donc abandonné
la ligne chiraquienne au profit d’une américanisation de ses positions
à propos du Moyen-Orient. A son retour de ses vacances d’été
américaines, il a déclaré aux 188 ambassadeurs qui représentent
la France à travers le monde que l’acquisition de l’arme
nucléaire était la ligne rouge à ne pas franchir et que
l’Iran s’exposerait fatalement à des bombardements s’il
ne renonçait pas à ses ambitions.
Troisième indice
Le journaliste américain Seymour Hersh a affirmé
devant un groupe de confrères français rencontrés il y
a quelques semaines à Paris qu' il avait appris de la part de sources
à la Maison-Blanche que la décision de frappes contre l’Iran
aurait déjà été prise, que le dernier mot dans ce
dossier revenait désormais au camp proche du vice-président Dick
Cheney [faucon], et que le ministre de la Défense Robert Gates présenterait
prochainement sa démission en raison des conséquences catastrophiques
auxquelles il s’attend en cas de guerre.
Quatrième indice
Un des vice-secrétaires d’Etat américains,
Nicholas Burns, a expliqué à Roger Cohen, du New York Times, que
la plupart des pays sunnites de la région considèrent l’Iran
comme un trublion soutenant le terrorisme et comme une menace pour la stabilité
régionale. Il a ajouté que ces pays, et notamment les pétromonarchies
du Golfe, ont compris que l’Iran représentait une menace plus sérieuse
qu' Israël.
Cinquième indice
Les Etats-Unis ont fait inscrire les gardiens de la révolution
iraniens [les pasdarans] sur la liste internationale des organisations terroristes.
Ils ont également durci le ton en accusant à nouveau Téhéran
de soutenir la résistance irakienne, y compris Al-Qaida, avec des livraisons
d’armes sophistiquées qui alourdissent le bilan humain des forces
américaines.
Sixième indice
L’Arabie Saoudite a signé un contrat d’un
montant estimé à quelque 5 milliards de dollars avec une société
américaine pour entraîner et équiper quelque 35 000 hommes
chargés de protéger ses installations pétrolières.
Il faut savoir qu' il y a un an Al-Qaida avait préparé un
attentat contre ces installations, mais n’avait pas réussi à
pénétrer dans les zones de haute sécurité. L’Iran,
en revanche, aurait les moyens de les attaquer avec un avion suicide ou avec
ses missiles Shihab, ce qui pourrait provoquer l’effondrement des exportations
de brut saoudien. C’est d’ailleurs pourquoi les Américains
maintiennent leurs batteries de missiles antimissiles Patriot dans la région,
notamment au Koweït et à proximité des côtes saoudiennes.
Septième indice
La précipitation avec laquelle Washington prépare
une conférence internationale de paix, prévue pour l’automne,
et presse Mahmoud Abbas et Ehoud Olmert de se rencontrer pour annoncer un accord
de principe. Un succès dans ce domaine faciliterait un recours à
l’option militaire contre l’Iran, dans la mesure où cela
satisferait les sunnites de la région, qui pourraient alors faire cause
commune avec les Etats-Unis et Israël pour combattre les alliés
de l’Iran que sont la Syrie, le Hezbollah libanais et le Hamas palestinien.
Huitième indice
Le soudain revirement de George Bush au sujet du Premier
ministre irakien Nouri Al-Maliki. après avoir laissé entendre
qu' il souhaitait sa démission, il lui a ensuite délivré
un satisfecit. L’explication la plus plausible de ce changement est que
les plans concernant l’Iran ont été accélérés
et que l’administration américaine estime ne plus avoir assez de
temps pour provoquer un changement gouvernemental en Irak.
Neuvième indice
Le tout récent retrait des troupes britanniques
de Bassorah, qui signifie d’une part que la Grande-Bretagne est désormais
convaincue que la victoire en Irak est impossible, d’autre part qu' elle
souhaite soustraire ses troupes au risque de représailles iraniennes
en cas de frappes aériennes américaines. Les soldats britanniques
stationnés à Bassorah, à quelques encablures de la frontière
iranienne, seraient en effet une cible idéale pour les Iraniens.
Face aux deux défaites en Irak et en Afghanistan, Bush
estime que la seule possibilité qui lui reste pour sauver sa présidence
et préserver les chances de son parti aux prochaines élections
consiste à tenter le tout pour le tout, c’est-à-dire à
attaquer l’Iran. Il accepte le risque d’une nouvelle défaite,
sachant parfaitement que les missiles iraniens n’atteindront pas New York
ou Washington, mais Tel-Aviv, Riyad ou Dubaï.
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