Crise gazière Russo-ukrainienne : un enjeu géopolitique
au cœur de l’Eurasie, le retour de Zbigniew Brzezinski ?
Jean Géronimo
‘’Dés 1994, Washington accorde la
priorité aux relations américano-ukrainiennes. Sa détermination
à soutenir l’indépendance du pays est généralement
perçue à Moscou – y compris par les ‘modernisateurs’
– comme une intrusion dirigée contre les intérêts
vitaux de la Russie, laquelle n’a jamais abandonné l’idée
de recréer un espace commun.’’
après la crise géorgienne de l’été
2008 - centrée sur un problème nationaliste - la Russie a dû
affronter en janvier 2009 la crise ukrainienne, centrée sur un problème
énergétique . Avec une hardiesse surprenante et selon une approche
unilatéralement focalisée contre Moscou, restée selon eux
‘’fidèle à l’URSS’’, certains ont
qualifié la récente crise gazière de ‘’nouvelle
guerre froide’’ . Il s’agit, dans un premier temps, de relativiser
cette analyse fondée sur des préjugés désormais
caducs et percevant la Russie comme un simple ‘’avatar de l’Union
soviétique’’ . Dans l’optique de comprendre l’implicite
de cette crise, on se doit d’abandonner toute lecture conjoncturelle et
événementielle, privilégiant une dimension médiatique
nourrie des vieux reflexes anti-communistes.
Dans une perspective plus structurelle, si on considère
que la Géorgie et l’Ukraine sont des leviers potentiels de l’ingérence
américaine en zone post-communiste, cette succession de crises prend
une dimension stratégique, liée au vieil antagonisme russo-américain.
En effet, depuis la disparition de l’Etat soviétique le 25/12/1991
– et faute de contrepoids idéologique crédible – Washington
tend à projeter, de manière unilatérale, sa puissance militaire
et sa vision du monde à l’échelle planétaire. Cela
a été clairement rappelé par R. Kagan (2006, p. 46), un
des leaders du courant néo-conservateur américain : ‘’Dans
l’Histoire, la puissance militaire des Etats-Unis à l’issue
de la guerre froide et, notamment, sa capacité à propulser cette
puissance aux quatre coins du globe, demeurent sans précédent.’’
Et surtout, selon l’aveu troublant de Z. Brzezinski du 30 mars 2008, l’Amérique
se devait de saisir ‘’l’opportunité du ‘moment
unipolaire’ ’’ né de l’effondrement de l’Union
soviétique .
Tendanciellement, l’Amérique a réussi à
imposer ses choix stratégiques majeurs au monde, finissant par configurer
un ordre international conforme à ses intérêts. De manière
implacable, cette orientation stratégique post-guerre froide a été
patiemment appliquée, souvent au mépris des intérêts
russes : ‘’Les Etats-Unis n’ont (jamais : jg) renoncé
à aucune des leurs décisions précédentes telles
que l’élargissement de l’OTAN, le redéploiement des
leurs bases de l’Europe de l’Ouest vers l’Europe de l’Est,
la militarisation de l’espace et de l’Arctique, ainsi que des opérations
militaires hors de la zone de responsabilité de l’Alliance. De
plus, Washington poursuit le dialogue stratégique avec Pékin’’
.
Désormais, l’hyperpuissance américaine,
autoproclamée seul arbitre légitime du nouvel ordre international,
considère l’Eurasie comme ‘’son’’ espace
politique et en cela, comme son espace potentiel d’intervention : ‘’Les
Etats-Unis règnent comme superpuissance unique et l’avenir se joue
sur la scène eurasiatique où ils sont pour une durée indéterminée
en position d’arbitre.’’ Cette aspiration au leadership en
Eurasie post-communiste a été (paradoxalement) réactivée
par le nouvel homme fort de l’administration Obama, Joe Biden, interdisant
à la Russie toute ingérence politique - via la manipulation d’alliances
- en périphérie post-soviétique et, en particulier, dans
sa zone historique d’influence, la CEI (Communauté des Etats indépendants).
Ainsi, le 9/02/2009, lors de la Conférence de sécurité
à Munich, J. Biden a, avec arrogance, refusé à Moscou le
droit ‘’de décider au lieu de ses voisins à quelles
alliances ils doivent adhérer.’’ – alors que dans le
même temps, Washington abuse de ce droit dans le cadre de l’Otan
qui reste, selon la formule de l’ex-président B. Clinton utilisée
en mars 1997, ‘’l’image inversée du pacte de Varsovie’’
. Inutile provocation.
Dans ce schéma, la montée de crises dans les
anciennes républiques soviétiques – historiquement stratégiques
– de Géorgie et d’Ukraine n’est pas fortuite. De manière
globale, ces deux crises s’inscrivent dans une lutte d’influence
au cœur de l’espace eurasien, entre les deux anciens ennemis de la
guerre froide. En ce sens, on assiterait à une véritable partie
d’échecs russo-amérivcine, surfant sur les crises eurasiennes
et visant, in fine, à une utilisation optimale de ces dernuières.
Car, depuis la phase post-communiste, les Etats russe et américain n’hésitent
pas à instrumentaliser les crises émergentes en vue, in fine,
de les intégrer dans une stratégie de ‘’zones d’influence’’.
Ainsi, face à une Amérique chancelante sur ses bases eurasiennes,
l’Etat russe tend à utiliser ces crises comme levier de son retour
comme grande puissance sur la scène internationale. Et pour se mieux
se défendre - et par ce biais, réduire l’instabilité
internationale - l’Amérique, selon Kagan (2006, p. 148), doit ‘’rester
la première puissance militaire du monde, et (…) rester assez forte
pour dissuader tout autre pays de contester sa supériorité’’
. En ce sens, il y aurait une inertie comportementale dans cette confrontation
latente, ressurgie des abimes de la guerre froide, entre deux superpuissances
sturucturellment antagonistes.
Une crise instrumentalisée : lutte d’influence.
Dans son essence, cette confrontation est donc fondamentalement
guidée par les intérêts géopolitiques russes et américains
– ici relayés par l’Ukraine. Certes, la nouvelle orientation
de la politique américaine, suite à la victoire présidentielle
de B. Obama, devrait - en théorie - infléchir cette orientation.
Mais - en réalité - dans un proche avenir, on peut redouter certaines
dérives. Au sens où la politique démocrate risque d’être
influencée par des personnalités telles que Z. Brzezinski, R.
Gates et J. Biden, peu soucieuses de moralité et dont la lecture à
géométrie variable des critères démocratiques a
un caractère inquiétant. D’autant plus qu' ils manifestent
une hostilité instinctive à l’égard de la Russie,
perçue comme l’héritière politique de l’Union
soviétique et, en cela, comme un ‘’résidu’’
de la guerre froide . A ce titre, on rappellera que le tandem Brzezinski/Gates
est fortement enclin à poursuivre la vieille politique de contrôle
de la puissance russe, inaugurée en phase de guerre froide. Il s’agirait,
en particulier, de se rapprocher de l’Iran, pays ‘’voyou’’
de l’administration Bush, pour court-circuiter les relations étrangères
avec la Russie et continuer la politique de déstabilisation des anciens
satellites de l’URSS. Pour cette raison, il convient de revenir sur ces
deux personnalités majeures l’équipe démocrate.
D’une part, Z. Brzezinski (2000, p. 141) - actuel conseiller
d’Obama - est poussé par une haine viscérale envers les
russes et, il est persuadé que ‘’la Russie post-soviétique
n’a accompli qu' une rupture partielle avec le passé. Ses
dirigeants ‘démocratiques’, bien que conscients du passif
du système, en sont eux-mêmes le produit (…). Les institutions
clés du pouvoir soviétique (…) n’ont pas disparu.
A Moscou, sur la place rouge, le mausolée de Lénine, toujours
en place, symbolise cette résistance de l’ordre soviétique.’’
Cette méfiance, encore actuelle, l’a conduit très tôt
à élaborer une stratégie anti-soviétique de guerre
froide. Rappelons, notamment, que le mouvement des talibans est un produit direct
de la ligne anti-soviétique de Brzezinski, qui a précipité
l’intervention de l’armée rouge en Afghanistan en décembre
1979 – dans le but de l’enliser dans un conflit périphérique.
Pour reprendre l’expression de Brzezinski, c’était alors
‘’l’occasion de donner à l’URSS sa guerre du
Vietnam’’. Et ce dernier a fièrement précisé,
le 15 mai 1998, dans le cadre d’une interview au nouvel Observateur, que
sa politique était la bonne : ‘’qu' est-ce qui est le
plus important au regard de l’histoire du monde ? Les talibans ou la chute
de l’empire soviétique ? Quelques excités islamistes ou
la libération de l’Europe centrale et la fin de la guerre froide
?’’ Fin janvier 2009, Brzezinski a réaffirmé que la
stratégie américaine d’extension du bouclier anti-missiles
ABM en Europe de l’Est dépendait ‘’du comportement’’
de la Russie, admettant en cela, de manière implicite - dans la continuité
de la lutte anti-soviétique - la centralité de la Russie dans
la politique étrangère américaine.
D’autre part, R. Gates – secrétaire actuel
à la Défense du président Obama – a longtemps reproché
à la Russie, sous l’administration Bush, son ‘’impérialisme
latent’’ dans la pure tradition soviétique. Et, selon une
ligne structurellement anti-communiste, il est à l’origine du soutien
financier de l’armée contre-révolutionnaire des Contrats
en vue de déstabiliser le régime sandiniste de D. Ortega au Nicaragua.
A l’instar de l’Etat russe, l’Etat américain a besoin
d’un ennemi central et virtuel pour réguler son métabolisme
en tant que ‘’système’’ . Ainsi, au début
de février 2007, Gates a déclaré que les Etats-Unis devaient
‘’résister aux menaces auxquelles ils sont confrontés
en raison (notamment : jg) des positions floues de pays tels que la Russie ou
la Chine qui ne cessent d’augmenter leurs arsenaux’’ . Cette
rhétorique de guerre froide sera ouvertement condamnée par le
président russe regrettant, peu de temps après, que le ‘’Mur’’
n’était pas tombé dans toutes les têtes. Dans son
célèbre discours de Munich du 12/02/2007, centré sur l’unilatéralisme
américain, V. Poutine a en effet affirmé que ‘’les
blocs de béton et les pierres du Mur de Berlin sont depuis longtemps
des souvenirs. Mais il ne faut pas oublier que sa chute est devenue possible
notamment grâce au choix historique de notre peuple - le peuple de Russie
- en faveur de la démocratie et de la liberté, de l’ouverture
et du partenariat sincère avec tous les membres de la grande famille
européenne. Or, maintenant, on s’efforce de nous imposer de nouvelles
lignes de démarcation et de nouveaux murs.’’ Le plus inquiétant,
aujourd’hui, est de constater le maintien de ce comportement hostile de
l’élite dirigeante américaine envers son ennemi historique,
la Russie.
Depuis la chute de l’URSS, un nouveau rapport de forces
a émergé en zone eurasienne post-communiste, dans un premier temps
au profit de l’Amérique. Jusqu' en 1991, Washington a mesuré
sa puissance internationale à sa capacité à ‘’endiguer
l’expansion militaire et politique soviétique’’ selon
l’affirmation de H. Kissinger (2004, p. 30). Cette politique ‘’d’endiguement’’
de l’Union soviétique théorisée par G. Kennan visait,
selon Kissinger, ‘’à faire face au conflit entre superpuissances
nucléaires’’ (p. 30). Mais par la suite et jusqu' à
aujourd’hui, de manière insidieuse, la prude Amérique de
G.W. Bush a cherché, par diverses manœuvres politiques, à
renforcer son autorité dans l’espace post-communiste face à
une Russie avide de recouvrir son statut prestigieux de superpuissance de l’ère
soviétique. Il s’agit donc de bloquer la stratégie russe
de ‘’restauration impériale’’ au cœur de
la CEI. Pour reprendre Brzezinski (2000, p. 121), ‘’il est indispensable
qu' elle (l’Amérique : jg) contre toute tentative de restauration
impériale au centre de l’Eurasie qui ferait obstacle à son
objectif géostratégique numéro un : la mise sur pieds d’un
vaste système euro-atlantique’’.
Or, dans ses grandes lignes, la stratégie de reconquête
russe semble en bonne voie, d’autant plus que désormais, elle se
fait à nouveau respecter dans l’ancien espace soviétique,
son pré-carré géopolitique et que in fine, elle a réussi
à contrecarrer ‘’les tentatives des Etats-Unis d’accroître
leur influence dans les anciennes républiques soviétiques’’
. En outre, ce ‘’retour russe’’ est facilité
par le fait que la sur-extension impériale de l’Amérique
a fini par épuiser son économie et, par ce biais, remis en cause
sa stratégie militaire partiellement focalisée contre Moscou .
Cette orientation stratégique est illustrée par le projet américain
d’implanter un bouclier anti-missiles dans l’Est européen
(Pologne, Tchéquie) voire, à terme - envisagé par l’administration
Bush - en Géorgie et en Ukraine, aux portes de la Russie. Le 7/02/2009,
le vice-président des Etats-Unis, J. Biden, a confirmé cette orientation
en rappelant que ‘’Nous poursuivrons la mise en place de notre bouclier
anti-missiles pour parer à d’éventuelles attaques venant
du Proche-Orient (…)’’ . En ce sens, on observerait une forme
d’inertie comportementale de la puissance américaine - indépendamment
de la couleur politique de son administration - intégrant la Russie comme
‘’ennemi systémique’’, selon l’expression
judicieuse de J. Fontanel (1998, p. 6) et, au-delà, comme une cible stratégique
potentielle. Cette inertie stratégique justifie, dans son essence, la
méfiance de S. Ivanov.
Ainsi, selon le vice-premier ministre russe, le bouclier ABM
serait le ‘’maillon d’une infrastructure stratégique
visant à neutraliser le potentiel balistique nucléaire russe’’
. Dans le prolongement de l’affrontement bipolaire de la guerre froide,
il s’agit donc d’une lutte de domination - par alliés interposés
- mais cette fois centrée sur le contrôle du pouvoir énergétique
(soft power) et qui s’est exprimée in fine, par la récente
crise de 3 semaines, qui a privé de gaz la moitié de l’Europe.
Dans cette optique, la crise russo-ukrainienne s’inscrit dans une forme
de guerre froide réactualisée et atténuée, axéee
sur le contrôle de l’espace eurasien : la guerre ‘’tiède’’
. Depuis l’amorce de la transition post-communiste, Washington - selon
la ligne anti-russe de Brzezinski - n’a pas hésité à
manipuler certains Etats majeurs (pivots géopolitiques) de l’ancien
espace soviétique, dont l’Ukraine, la Géorgie, l’Azerbaïdjan
et - dans une moindre mesure - l’Ouzbékistan et le Kirghizstan
. Or dans ces deux derniers pays, cette stratégie politique est remise
en cause par le récent retour de l’influence russe - et de son
aide économique et militaire – habilement ‘’monnayée’’
contre l’expulsion de facto de la puissance américaine. Ce recul
de Washington en Eurasie post-soviétique est, notamment, symbolisé
par la perte récente de ses bases militaires (bases ouzbek de Karshi-Khanabad
en 2005 et kirghize de Manas en 2009).
De manière implicite, cela montre que rien ne peut se
faire dans cette partie de l’Eurasie sans ‘’entente’’
avec Moscou. F. Loukianov, analyste politique, l’a parfaitement souligné
: ‘’Le Kremlin montre actuellement que pour coopérer avec
les pays d’Asie centrale, il faut d’abord se mettre d’accord
avec la Russie.’’ Mais, surtout, cette évolution géopolitique
menace les fondements eurasiens de la suprématie mondiale américaine.
Car comme l’a rappelé Z. Brzezinski (2000, p. 250), ‘’la
longévité et la stabilité de la suprématie américaine
sur le monde dépendront entièrement de la façon dont ils
manipuleront ou sauront satisfaire les principaux acteurs géostratégiques
présents sur l’échiquier eurasien et dont ils parviendront
à gérer les pivots géopolitiques clés de cette région’’.
Dans ce schéma, le futur recentrage de l’effort stratégique
américain sur l’Afghanistan – au détriment d’un
désengagent progressif du bourbier irakien – s’inscrit dans
la volonté de Brzezinski de stabiliser la domination de Washington en
Asie centrale. Ce dernier a ainsi reconnu : ‘’La fin de l’occupation
(de l’Irak : jg) sera donc une opportunité pour la guerre contre
Al Qaïda, mettant ainsi un terme à une aventure malheureuse qui
non seulement a précipité l’apparition d’Al-Qaïda
en Irak, mais a aussi détourné les États-Unis de l’Afghanistan,
où la menace originelle d’Al Qaida persiste et augmente.’’
Et il ajoute que ‘’mettre fin à la guerre en Irak’’
est une ‘’première étape nécessaire’’
.
Dans le cadre de cette confrontation bipolaire en Eurasie post-soviétique,
la Géorgie et l’Ukraine présentent un intérêt
vital, en vue notamment du ‘’reformatage stratégique’’
de la région. De ce point de vue, la crise gazière de janvier
2009 - élément clé d’une partie d’échecs
à l’échelle du continent eurasien - est une indéniable
opportunité stratégique. Mais, pour mieux la comprendre, un bref
retour sur le passé s’impose.
Le poids de l’histoire : la rupture de 1991.
Sur un plan historique, l’Ukraine est structurellement
liée à la Russie. Dans l’inconscient politico-psychologique
russe, Kiev a une place à part : elle reste un élément
clé de l’identité impériale russe et de son statut
de grande puissance. En ce sens, pour reprendre Brzezinski (2000, p. 151), ‘’aucune
restauration impériale, qu' elle s’appuie sur la CEI ou sur
un quelconque projet eurasien, n’est possible sans l’Ukraine’’.
Initialement, Kiev a été son cœur politique et a tenu une
place centrale dans la formation de l’Empire russe (tsariste puis soviétique).
Sous la période soviétique, elle a été son ‘’grenier
à blé’’ dans le cadre d’une division internationale
(socialiste) du travail assise sur une spécialisation productive des
différentes régions de l’ex-URSS. Dans ce cadre, de forts
liens politiques et économiques se sont progressivement noués
renforçant, par ce biais, l’interdépendance des deux Etats.
Sur un plan politique, l’Ukraine était alors une république
centrale de l’URSS et avait un certain poids - via ses lobbies, relayés
par certains cadres du Parti - dans l’orientation de la politique soviétique.
Sur un plan économique, elle assurait - dans le cadre du plan - une forte
production agricole au profit des autres républiques soviétiques
et en contrepartie, bénéficiait d’une énergie à
bon marché (pétrole et gaz). Dans la logique de l’économie
centralement planifiée (ECP), les prix – dont ceux de l’énergie
– avaient une fonction surtout politique (mais aussi comptable), dans
la mesure où le plan soviétique était fondamentalement
subordonné à un objectif idéologique : la construction
de la société communiste .
Dans sa politique de Restructuration (Perestroïka), conduite
de 1985 à 1991, M. Gorbatchev - dernier président de l’URSS
- avait bien compris le statut stratégique de l’Ukraine et il s’était
efforcé de la conserver sous influence russe. Dans la configuration réformée
de l’URSS, visant à instaurer un ‘’socialisme à
visage humain’’ - par la suite, transformé en ‘’économie
sociale de marché’’ - et à renforcer la cohésion
de la nouvelle Union, Gorbatchev voulait donc préserver cette centralité
politique de l’Ukraine. Mais l’histoire l’a rattrapé
et le processus final de décomposition de l’URSS a rendu caduc
ce projet de ‘’reforme radicale’’ et en cela, n’a
pu préserver une Ukraine ‘’soviétisée’’.
En décembre 1991, suite au coup d’Etat militaire
du 19 août, on assiste en effet à l’implosion finale de l’Union
soviétique, opportunément précipitée et utilisée
dans une optique de pouvoir, par B. Eltsine. Très vite, l’Ukraine
a été courtisée par Washington - et donc, par l’Otan
- dans le cadre d’un ‘’partenariat pour la paix’’
et de la mise en œuvre de ‘’dispositions spéciales’’,
pour reprendre l’expression de H. Kissinger (2004, p. 52). Certes, dans
un premier temps, l’Ukraine post-communiste est restée très
proche de Moscou, du fait de la ‘’culture soviétique’’
de ses élites dirigeantes, jusqu' à la présidence
de Leonid (Danilovytch) Koutchma. Mais la ‘’révolution orange’’
va, de manière radicale, remettre en cause cette orientation.
La révolution orange : la main de Washington.
En 2004, on assiste en Ukraine à une révolution
politique, soigneusement impulsée, encouragée et planifiée
par l’Etat américain. On peut alors noter l’activisme politique
de certaines ONG américaines et – guère surprenant –
de Z. Brzezinski. Cette élection présidentielle manipulée
amène au pouvoir Viktor (Andriïovytch) Iouchtchenko - partisan d’un
rapprochement avec Washington - et dont la femme est une ancienne fonctionnaire
du Département d’État des Etats-Unis… A l’époque,
on parlait d’un danger de dictature préparé par Moscou,
dans le cadre d’élections ‘’arrangées’’
comme à la plus belle époque soviétique. Moscou était
alors soupçonnée de vouloir reconstituer son espace impérial
et, notamment, de récupérer les ‘’républiques
infidèles’’. Aux yeux d’une Amérique étrangement
convaincue de sa ‘’destinée manifeste’’ à
l’échelle planétaire, cela a justifié un droit d’ingérence
politique sous prétexte de protéger les libertés et d’étendre
la démocratie, comme levier d’une paix (libérale) universelle.
V. Poutine a récemment dénoncé cette ingérence :
‘’Les manifestations de rue de ces dernières années
en Ukraine (‘Révolution orange’ de 2004 notamment - ndlr)
résultent de l’attitude de la précédente administration
américaine et de l’UE qui ont soutenu ces actions anticonstitutionnelles’’
. Sous une apparence de démocratie, une élite libérale
pro-américaine est donc arrivée au pouvoir à Kiev et a
adopté une politique ouvertement anti-russe axéee, en dernière
instance, sur l’instauration d’une économie de marché.
Le divorce avec la Russie était donc définitivement consommé
malgré certaines tentatives russes, sous l’impulsion de V. Poutine,
de se rapprocher de l’Ukraine.
Une suite logique à cette séparation politique,
soigneusement dirigée par l’élite néo-conservatrice
américaine, était pour Moscou de revenir à un certain réalisme
économique. Il s’agissait, notamment, de tirer les conséquences
de ce revirement politique de Kiev - avide de se rapprocher de la sphère
occidentale et de bénéficier de l’aide américaine
aux réformes - dans le cadre d’un réajustement des prix
de l’énergie, dont avait jusque là allègrement bénéficié
l’Ukraine à titre de ‘’pays frère’’
(tarifs du gaz au moins de trois fois inferieurs à ceux du marché).
Autrement dit, les bas prix énergétiques - autrefois politiquement
justifiés - n’avaient plus aucune raison d’être. Car
l’Ukraine était sortie de la sphère soviéto-russe
et ne pouvait plus, pour cette raison, bénéficier de tarifs ‘’amicaux’’,
d’autant plus qu' elle pratique depuis une politique hostile et relativement
provocante à l’égard de la Russie, en qui elle voit désormais
– à travers V. Poutine – un ‘’ennemi’’
, pour reprendre le terme du président géorgien Saakasvili, totalement
solidaire avec son homologue ukrainien, le président Iouchtchenko. Ainsi
Kiev prévoit, à terme, une adhésion à l’UE
et - comme la Géorgie - à l’Otan, bras armé de l’Amérique
et vestige de la guerre froide.
Dans la vision russe, l’Otan reste une alliance hostile
et cette méfiance a été renforcée, très tôt,
par l’attitude du sénat américain soulignant, le 4 mai 1998,
que l’Otan était ‘’avant tout et surtout une alliance
militaire’’ dont l’existence devait empêcher ‘’la
réapparition d’une puissance hégémonique susceptible
de menacer l’Europe’’ . L’ancien conseiller du président
Nixon et stratège émérite de la guerre froide, H. Kissinger
(2004, pp. 37-38), a réaffirmé cette instrumentalisation politique
de l’Otan, soutenant notamment qu' elle demeurait ‘’la
clé de voûte de la politique étrangère américaine.
Même après la disparition de la menace soviétique, l’Alliance
atlantique est restée pour les Etats-Unis le principal rempart de l’ordre
international.’’ Cette fonction politique de l’Otan est d’ailleurs
rappelée par R. Kagan (2006, p. 37), soulignant avec une certaine euphorie,
que son élargissement à l’ancien bloc soviétique
était une ‘’consécration de la victoire de la guerre
froide’’.
Aujourd’hui, cette volonté politique de l’Ukraine
et de la Géorgie de rejoindre une Otan américanisée a été
réitérée par les élites dirigeantes – libérales
– au pouvoir. D’une part, le président ukrainien Viktor Iouchtchenko
a déclaré, le 12/02/2009, qu' il ne voyait pas d’alternative
à l’adhésion de son pays à l’Alliance de l’Atlantique
Nord, soulignant que c’était un objectif à long terme :
‘’L’adhésion à l’OTAN est un projet à
long terme qui demande du temps. (…) la seule issue pour notre pays (…).
Et je suis convaincu que l’Europe n’a pas, elle non plus, d’alternative.
Nous sommes une partie intégrante de l’Europe, et la participation
à ce système de sécurité peut être la seule
politique possible pour nous.’’ D’autre part, le président
géorgien Mikhaïl Saakachvili, dans le cadre de son message annuel
au pays, a précisé que la Géorgie aspirait toujours à
adhérer aux structures européennes et euro-atlantiques : ‘’Nous
y sommes poussés par l’existence de l’ennemi qui a occupé
nos territoires et ambitionne une dislocation complète de la Géorgie.’’
Car, précise Saakachvili, ‘’depuis la disparition de l’Union
soviétique le Kremlin tente de reconquérir des fragments de l’ex-URSS
par la force (…)’’, tout en comparant la Russie de Poutine
à ‘’l’Allemagne nazie ou l’URSS de Staline’’
( !!). Enfin, il souligne que le conflit russo-géorgien a permis à
l’Europe de découvrir que ‘’pour les russes, le mensonge
est un mode de vie et un instrument de communication’’ ( !). Cette
attitude haineuse à l’encontre de Moscou est perçue par
celle ci comme un reflexe de guerre froide. Inutile gifle.
Dans ce schéma, la Russie serait considérablement
fragilisée dans son proche étranger et, en particulier, à
sa périphérie sud-eurasienne, déjà grevée
par une forte instabilité nationaliste. Et, dans la mesure où
elle perçoit une forme d’encerclement par les structures de l’Otan,
elle se sent ouvertement menacée. Et cela, d’autant plus que l’extension
future de l’Otan risque de concerner d’autres ex-républiques
soviétiques, dans l’axéè des objectifs américains. ‘’L’élargissement
de l’Europe et de l’Otan serviront les objectifs aussi bien à
court terme qu' à long terme de la politique américaine’’
a confirmé Brzezinski (2000, p. 255). En dernière instance, cette
avancée de l’Otan a conduit Moscou à rénover et renforcer
son potentiel nucléaire militaire, centré - dans le prolongement
du soviétisme - sur une logique de dissuasion.
Ce maintien de la dissuasion nucléaire a été
confirmé par le chef de l’Etat-major général des
Forces Armées de Russie, Nikolaï Makarov : ‘’Pour l’armée
russe, l’arme nucléaire reste le facteur essentiel de dissuasion,
elle l’était et le reste et elle peut se perfectionner’’.
Le général Makarov rappelle, en outre, que ‘’des menaces
peuvent surgir que seule la menace de les utiliser (les forces nucléaires
: jg) pourrait écarter. Aussi le rôle de ces forces pourrait-il
croître à l’avenir’’ . Dans cet axéè, en référence
à une inertie stratégique soviétique, et pour reprendre
le titre de notre précédent article, on peut parler du ‘’retour
de l’Atome rouge’’ . A terme, Moscou espère faire de
l’OTSC un réel contrepoids à l’Otan - via, notamment,
la création d’une Force collective de déploiement rapide
(FCDR). Sous l’ère Bush, D. Rumsfeld voyait à travers l’OTSC
et surtout l’OCS, la ‘’main de Moscou’’ et dénonça
son ‘’comportement inamical’’ ( !). Dans ses grandes
lignes, l’OTSC (avec l’OCS) est considérée par Moscou
comme un moyen privilégié de refouler l’avancée américaine
en Asie centrale, région politiquement stratégique et riche en
hydrocarbures. Et surtout, il s’agit désormais pour les Etats membres
de l’OTSC et (en particulier) pour la Russie, ‘’de mener une
politique indépendante dans leur sphère d’influence, sans
laisser des pays tiers s’y immiscer’’ . Une fois encore, les
velléités agressives de Washington sont implicitement visées.
Pour Moscou, une conséquence logique de cette nouvelle
configuration géopolitique était de réajuster son partenariat
économique avec ses anciens ‘’alliés’’
de la période soviétique. Autrement dit, il convenait d’appliquer
les prix de marché dans le cadre des nouvelles relations russo-ukrainiennes,
notamment au niveau des échanges commerciaux (dont énergétiques).
Pour reprendre une source officielle russe, il s’agissait de concrétiser
‘’le passage au mécanisme européen transparent du
marché pour former le prix sur la base de la formule généralement
admise’’ . Or, à l’origine, l’Ukraine a refusé
toute remise en cause brutale des tarifs préférentiels, déclenchant
par ce biais une crise gazière qui, in fine, s’est étendue
à toute l’Europe .
Réaction légitime russe : l’arme énergétique.
Aujourd’hui, on peut donc comprendre l’incompréhension
russe. Et Moscou se sent d’autant plus blessée, que l’Europe
l’a rendue partiellement responsable du conflit gazier . Dans la vision
russe, il s’agit d’un soutien implicite à Kiev. L’augmentation
des prix du gaz est doublement justifiée sur les plans politique et économique.
Il s’agit d’un réajustement légitime des prix aux
structures de coût réel. Dans la nouvelle configuration géopolitique,
Moscou n’a plus à subventionner une économie ukrainienne
adhérant aux principes du marché sous-tendus par l’idéologie
libérale. Mais il n’est pas dans son intérêt d’aggraver
une crise coûteuse en termes d’image vis-à-vis de ses clients
européens. En outre - contrairement aux accusations de Kiev - Moscou
n’a pas intérêt à couper l’approvisionnement
énergétique de l’Europe, source de devises et de financement
pour son développement . D’autant plus que l’effondrement
du prix du pétrole tend à réduire le surplus financier
potentiellement disponible pour les investissements d’infrastructures
et stratégiques (complexe militaro-industriel, recherche/développement,
technologies de l’information, capital humain), dans l’optique finale
d’intensifier la croissance économique. Par contre, l’Ukraine
peut utiliser cette crise gazière - via le blocage du transit - pour
inciter l’Union européenne (client majeur de Moscou) à faire
pression sur la Russie et l’obliger à modérer sa politique
.
En dernière instance - conformément à
la volonté de Brzezinski d’empêcher l’apparition d’une
superpuissance eurasienne hostile et au-delà, de la ‘’refouler’’
- l’Europe et l’Amérique ont la capacité de freiner
l’intégration de l’économie russe au nouvel ordre
international. Or cette intégration, comme levier de son renforcement
économique et de son retour comme grande puissance, est devenue une priorité
vitale de la transition russe post-communiste. En effet, en tant que futur membre
de l’OMC, la Russie cherche à s’insérer dans le système
économique mondial dans le cadre d’une logique de marché
et de respect des règles et normes économiques (dont les normes
de prix). Mais Washington s’est longtemps opposée à l’adhésion
russe à l’OMC et, par différents moyens, l’a considérablement
retardée. Ainsi le 18/09/2008, la secrétaire d’Etat américaine,
Condoleezza Rice, a prévenu la Russie que son adhésion à
l’Organisation mondiale du commerce (OMC) était ‘’remise
en cause’’. Madame Rice a, à l’époque, accusé
Moscou d’être ‘’de plus en plus autoritaire dans le
pays et agressive à l’étranger’’ visant, de
manière explicite, son comportement - et sa réaction ‘’disproportionnée’’
- dans la crise géorgienne. Du fait de sa stratégie d’insertion
internationale impliquant une restructuration économique, Moscou a un
besoin énorme d’investissements. Or dans son essence, la crise
mondiale actuelle menace son projet d’instaurer un modèle économique
mixte, fondé sur une ‘’troisième voie’’
et s’appuyant sur une identité eurasienne.
L’affaire du gaz ukrainien prend donc une indéniable
dimension (géo-)politique. L’Ukraine, dans l’axéè de la ligne
américaine, a politiquement intérêt à pousser Moscou
- déjà meurtrie par la crise géorgienne - dans ses derniers
retranchements et à la faire passer pour une dictature, renouant avec
ses vieux reflexes soviétiques et cherchant à imposer ses seuls
intérêts nationaux, voire ‘’impériaux’’.
Cette volonté impérialiste lui est ouvertement reprochée
par l’élite politique de l’UE, véritable nomenklatura
européenne, repliée sur ses préjugés et son confort
bureaucratique. Ainsi, dans le cadre des auditions sur les relations Russie-UE
à la commission des Affaires étrangères du Parlement européen
à Bruxelles, le député russe K. Kossatchev a dénoncé
l’idée répandue en Europe, selon laquelle ‘’la
Russie était faible et reprenait la politique impériale de l’URSS’’
. Dans la vision américaine, la Russie viserait à reprendre le
contrôle de son ‘’étranger proche’’ qui,
selon Brzezinski (2000, p. 144) ‘’recouvre un ensemble de considérations
géopolitiques aux résonnances impériales indubitables’’.
La rhétorique de guerre froide de ‘’l’axéè du mal’’
est donc de retour.
A ce titre, on rappellera qu' en 2003, la Géorgie
- autre ex-république centrale de l’URSS - s’est politiquement
éloignée de Moscou suite à une autre ‘’révolution
libérale’’ (‘’révolution des roses’’),
encore une fois fomentée par Washington. Or cette stratégie d’extension
de l’espace politique américain a partiellement échoué
en Asie centrale : ‘’les Etats-Unis se sont punis eux-mêmes
en essayant de faire en Asie centrale ce qu' ils ont fait en Géorgie
et en Ukraine : renverser les régimes existants et y imposer des régimes
pro-américains faibles et incompétents’’ a affirmé
D. Kossyrev . Car l’Amérique, quel qu' en soit le coût,
vise à ‘’détacher’’ la sphère eurasienne
post-communiste de la domination politique russe, selon une volonté jamais
démentie : ‘’Les Etats-Unis s’emploient à détacher
de l’empire russe ce qu' on dénomme aujourd’hui ‘l’étranger
proche’, c’est-à-dire les Etats qui, autour de la fédération
de Russie, constituaient l’Union soviétique’’ .
A terme, un risque majeur de cette offensive américaine
en Eurasie est de déstabiliser la CEI et notamment, le Caucase et l’Asie
centrale, au sens où Moscou y joue historiquement un rôle régulateur
. Or le contrôle de cet espace énergétique est une priorité
fondamentale de Washington. Cela est clairement dit par Brzezinski (2000, p.
193) soulignant, en outre, qu' il fallait ‘’résister
aux efforts que la Russie déploie afin de garder le monopole sur cet
accès (aux sources énergétiques de l’espace eurasien
: jg), car il est nuisible à la stabilité de la région’’.
Cette rivalité énergétique en zone eurasienne post-communiste
a parfaitement été anticipée par H. Kissinger (2004, p.
466), reconnaissant que ‘’la rivalité entre Etats-Unis et
Russie pour accéder aux gisements et aux réseaux de distribution
de pétrole’’ risquait de faire obstacle à ‘’la
coordination de leurs politiques’’. En renforçant leur influence
en zones ukrainienne, sud-caucasienne et centre-asiatique, les Etats-Unis selon
G. Minassian ‘’ont pour ambition de contrôler les routes des
hydrocarbures’’ . Dans le même temps, Washington vise –
en imposant une culture libérale – à y créer une
nouvelle forme de dépendance politique à son profit. Cela a été
flagrant en Afghanistan : ‘’l’Occident renforce sa pression
militaire et instaure ‘des institutions démocratiques’ sur
le sol afghan, en imposant aux habitants autochtones des formes d’administration
et de structure sociale qui leur sont étrangères’’
. Pour le bien de l’humanité, dont elle s’est autoproclamée
l’avant-garde messianique, la vertueuse Amérique cherche à
imposer la démocratie libérale en Eurasie post-communiste, contre
les intérêts russes et selon la ligne de R. Kagan (2006, p. 239),
spécifiant que Washington doit promouvoir ‘’les principes
de la démocratie libérale, non seulement comme moyen de renforcer
la sécurité mais aussi comme une fin en soi.’’
Dans ce cadre, il s’agit véritablement d’une
lutte d’influence entre deux camps structurellement opposés, au
cœur de l’Eurasie et centrée sur le contrôle des ex-républiques
‘’stratégiques’’ de l’URSS. L’ingérence
américaine en zone post-communiste est donc politiquement orientée
et joue de manière alternative sur les variables militaire, nationaliste
et énergétique. D’autant plus qu' elle se réclame,
selon l’idée de R. Kagan (2006, p. 156), d’un unilatéralisme
légitime : ‘’les Etats-Unis doivent suivre les règles
d’un monde hobbesien (…). Ils doivent refuser de se plier à
certaines conventions internationales qui risquent de limiter leur capacité
à combattre efficacement (…). Ils doivent soutenir le contrôle
des armements, mais pas toujours pour eux-mêmes. Il leur faut observer
une double norme, et il leur faut parfois agir unilitateralement (…)’’.
Tendanciellement, Washington cherche ainsi à rendre légitime son
droit à la ‘’double norme’’, c’est-à-dire
son droit à manipuler les règles et institutions internationales
dans l’optique d’imposer ‘’sa’’ politique
extérieure. Sur long terme, cette politique d’ingérence
s’inscrit dans la stratégie de ‘’roll back’’
(reflux) de la puissance russe prônée par le stratège américain
Z. Brzezinski et visant à comprimer cette dernière au cœur
de son espace historique .
Ultime provocation. La ligne Brzezinski : au cœur du
Grand échiquier eurasien…
Jusqu' à aujourd’hui - et l’élection
de B. Obama - l’Amérique de Bush sous la férule théorique
de Z. Brzezinski, a cherché à prendre le contrôle de l’Eurasie,
cœur stratégique du monde et en cela, elle s’oppose au retour
russe dans l’espace post-soviétique. Cela a été reconnu
sans ambigüité par Brzezinski (2000, p. 249), enclin à définir
une géostratégie globale à l’échelle de l’Eurasie
et qui, paradoxalement - si on admet l’influence déterminante de
Brzezinski - pourrait être mise en œuvre par la politique démocrate
: ‘’L’heure est venue pour les Etats-Unis de formuler et de
mettre en place une géostratégie d’ensemble à long
terme concernant l’Eurasie.’’ Mais, de manière plus
générale, elle s’oppose aussi à l’émergence
d’une puissance majeure en Eurasie post-communiste, comme l’a précisé
Z. Brzezinski (2000, p. 193) : ‘’Le principal intérêt
de l’Amérique est (…) de s’assurer qu' aucune
puissance unique ne prenne le contrôle de cet espace géopolitique
et que la communauté mondiale puisse y jouir d’un accès
économique et financier illimité’’.
Car la Russie fait - à nouveau - peur et elle cherche,
à terme, à travers la CEI, à restructurer une zone sécuritaire
et économique politiquement stable, dans la continuité du glacis
protecteur de l’ère soviétique . Et elle fait d’autant
plus peur qu' elle reste une superpuissance nucléaire - perçue
comme la digne héritière de l’Etat communiste - et n’hésitant
pas à s’opposer aux intérêts stratégiques américains
. Désormais, elle a recentré sa politique étrangère
sur la défense de ses intérêts nationaux - élargis
à la CEI - selon l’axéè défini par le président Medvedev
et repris par le ministre des Affaires étrangères, S. Lavrov :
‘’Nous avons l’intention de poursuivre la politique étrangère
active et constructive fondée sur le pragmatisme, l’ouverture et
la promotion ferme mais sans confrontation des intérêts nationaux’’
. Tout en s’inscrivant dans l’ancienne ligne soviétique Gorbatchev/Primakov,
la politique extérieure russe vise l’instauration d’un ordre
mondial multipolaire fondé, selon l’expression du premier ministre,
V. Poutine, sur ‘’un mécanisme de consensus collectif dans
le cadre du droit international.’’ Pour reprendre l’expression
pertinente de Lavrov, il s’agit de jeter les bases d’un véritable
‘’polycentrisme politique’’ , désormais rendu
possible par l’orientation politique d’Obama – inversement
à l’impérialisme militaire de Bush. Dans cette optique,
Poutine a rappelé, le 29/01/2009, ‘’que le penchant excessif
pour la force lors du règlement des problèmes et le mépris
des normes du droit international sont destructifs pour les relations internationales’’.
Dans le prolongement de son discours de Munich de février 2007 - véritable
harangue anti-impérialiste - Poutine a affirmé que les ‘’questions
clés de la vie internationale’’ ne devaient pas être
résolues ‘’sur la bases de décisions unilatérales
adoptées dans un centre unique’’ .
Mais ce faisant, Moscou freine la stratégie d’expansion
américaine dans l’espace post-communiste qui vise à fragiliser,
voire à déstabiliser la CEI, dans l’optique d’y réduire
l’autorité russe et par ce biais, y inverser les rapports de force
. Pour cette raison, la composante géopolitique du conflit gazier continuera
d’être instrumentalisée par les deux anciennes superpuissances
de la guerre froide, en vue de renforcer leurs positions en Eurasie. Certes,
la nouvelle orientation de la politique démocrate américaine va
certainement atténuer cette conflictualité structurelle et quasi
instinctive. Mais, sur longue période, le prix du gaz russe conservera
une fonction politique indéniable, justifiant son utilisation comme ‘’arme
stratégique’’.
Dans la mesure où ses adversaires ne reculent devant
rien et ont une pratique de tricherie systématique, Moscou aurait objectivement
tort de se priver d’une telle arme. D’autant plus que Z. Brzezinski
est de retour, au cœur de la politique américaine – et que
J. Biden vient de confirmer, dans le prolongement de la ligne Bush, son soutien
total à Kiev, en vue ‘’d’épauler la progression
de la démocratie en Ukraine’’ . Les américains, pour
reprendre la prophétie de G.F. Kennan (1947), doivent accepter les ‘’responsabilités
du leadership moral et politique, dont l’Histoire voulait tout simplement
les charger’’ . Les leçons de l’histoire n’ont
pas été retenues. Sur le grand Echiquier eurasien, désormais,
tous les coups sont permis…
ANNEXES
I La stratégie eurasienne de l’Amérique est
décrite dans 2 ouvrages majeurs de Brzezinski. Voir donc Brzezinski Z.
(2000) : ‘’Le grand échiquier – L’Amérique
et le reste du monde’’, éd. Hachette (1° éd. :
Bayard, 1997) et Brzezinski Z. (2004) : ‘’Le Vrai Choix’’,
éd. Odile Jacob.
II Suite à la provocation militaire géorgienne du 8/08/2008 -
intervention meurtrière de Kiev dans la république sécessionniste
d’Ossétie du sud - la Russie a été contrainte d’intervenir,
pour (notamment) protéger ses ressortissants nationaux. Cette crise a
débouché sur la double indépendance autoproclamée
de l’Abkhazie et de l’Ossétie du sud, le 28 aout 2008, très
vite reconnue par Moscou. Aujourd’hui, le Caucase est devenu particulièrement
instable, d’autant plus que l’Amérique de Bush l’a
utilisé pour comprimer la puissance russe. Le président de l’Ossétie
du Nord, Taïmouraz Mamsourov, a ainsi affirmé : ‘’Nous
ne nous faisons pas d’illusions, et sommes conscients que le Caucase est
la première cible de ceux qui essayent de faire ‘désintégrer’
la Russie et d’y semer le chaos’’. www.rian.ru.fr, ‘’Caucase
russe : les présidents nord-ossète et ingouche prônent la
stabilité’’, 22/01/2009.
III. Moscou a coupé le 1° janvier 2009 l’approvisionnement
en gaz de l’Ukraine, faute d’un accord sur les prix pour 2009 et
sur des arriérés de paiement. Par la suite, le 7/11/2009, Moscou
a été obligée de suspendre ses livraisons de gaz via l’Ukraine,
accusant celle-ci de ‘’voler’’ une partie du gaz russe
transitant sur son territoire vers le reste de l’Europe. En effet, un
contrôle du groupe gazier Gazprom a établi que les ukrainiens siphonnaient
le gaz destiné à l’Europe (au moins 86 millions de mètres
cubes détournés depuis le début de l’année).
Le 11/01/2009, les pertes de Gazprom, consécutives à l’arrêt
du transit du gaz russe sur le territoire ukrainien, s’élevaient
selon V. Poutine à 800 millions de dollars. www.rian.ru.fr, ‘’Arrêt
du transit du gaz via l’Ukraine : Gazprom perd 800 M USD’’,
11/01/2009. Le 14/01/2009, selon I. Setchine, vice-premier ministre russe, les
pertes de Gazprom étaient de 1,2 milliards de dollars et les pertes de
recettes d’exportations, de 1,1 milliards de dollars. www.rian.ru.fr,
‘’Rencontre quadripartite à Moscou : Medvedev propose un
sommet’’, 14/01/2009. Au 22/01/2009, après la reprise du
transit (20/01) les pertes directes de Gazprom dépassaient les 2 milliards
de dollars !
IV. ‘’La guerre du gaz, nouvelle guerre froide’’, I.
Kadare, Le Monde, 4/02/2009.
V. www.LExpress.fr, ‘’Pourquoi la Russie nous menace’’,
P. Sylvaine/A. Chevelkina, 22/08/2008.
VI. Date de la démission de M. Gorbatchev de la présidence de
l’URSS.
VII. Kagan R. (2006) : ‘’La puissance et la faiblesse’’,
suivi de ‘’Le revers de la puissance’’, éd. Hachette
littératures.
VIII. ‘’Comment sortir intelligemment de cette folle guerre ?’’,
Z. Brzezinski, Washington Post, 30/03/2008.
IX. www.rian.ru.fr, ‘’Les USA renoncent à l’ABM et
Moscou raisonne Téhéran : piège ou marché honnête’’,
(Vremia novosteï), 16/02/2009.
X. Brzezinski (2000, p. 21).
XI. www.rian.ru.fr, ‘’Munich : Biden et Ivanov s’offrent une
partie de ‘poker diplomatique’ ‘’ (Moskovski komsomlets),
9/02/2009.
XII. Cité par Kissinger (2004, p. 52).
XIII. Cette contrainte de domination, d’ après Kagan (2006, pp.
148-149), serait l’expression ‘’d’un principe tacite
de la planification stratégique de l’Amérique, sinon de
son budget de défense et de son potentiel militaire, depuis la fin de
la guerre froide’’.
XIV. Z. Brzezinski - ancien conseiller à la sécurité des
présidents Carter et Bush (père) - est le promoteur d’une
ligne anti-russe depuis la guerre froide, qui s’inscrit dans une stratégie
globale visant à empêcher l’émergence d’une
puissance majeure et hostile en Eurasie, potentiellement menaçante pour
le leadership américain. Aujourd’hui, il espère un désengagement
militaire de la puissance américaine en Irak pour renforcer sa présence
en Asie centrale et en Afghanistan. En 2007, il a qualifié la guerre
menée par Bush en Irak, de ‘’calamité historique,
stratégique et morale’’. R. Gates - ancien directeur de la
CIA et secrétaire à la Défense de Bush - est d’une
part, lié au scandale de l’Irangate portant sur les ventes d’armes
à l’Iran pour financer la guérilla des Contras au Nicaragua
et d’autre part, à l’origine d’une stratégie
de renforcement militaire américain en Irak. Il prône, encore aujourd’hui,
le maintien d’une politique interventionniste en Irak. De plus, dans les
années 80, il a volontairement déformé des informations
émanant des renseignements pour renforcer la politique anti-soviétique
de R. Reagan. J. Biden - vice-président d’Obama - a soutenu M.
Saakachvili contre Moscou lors de la crise géorgienne de l’été
2008. Il est à l’origine d’une aide économique et
financière considérable en faveur de Saakachvili - dont le financement
du budget géorgien - pour renforcer son régime. Un tel soutien
s’inscrit dans une longue tradition américaine d’ingérence
politique en zones eurasienne et sud-américaine. Enfin, Biden est partisan
de l’extension du système anti-missiles américain à
l’Est européen, perçu par Moscou comme un menace…
XV. Au sens de la théorie des systèmes - voir donc, Bertalanffy
L.V. (1978) : ‘’Théorie Générale des Systèmes’’,
Dunod. Sur le thème de l’auto-régulation des systèmes,
voir Mélèse J. (1979) : ‘’Approches systémiques
des organisations : vers l’entreprise à complexité humaine’’,
éd. Hommes et Techniques.
XVI. www.rian.ru.fr, ‘’A Munich, Poutine sème le désarroi’’
(Vedomosti), 12/02/2007.
XVII. ‘’Discours à la Conférence de Munich sur la
sécurité’’, V. Poutine, 10/02/2007. www.voltairenet.org/article145320.html.
XVIII. En juin 1947, dans un article ‘’The Sources of Soviet Conduct’’,
Kennan note la détermination de Staline à internationaliser la
révolution communiste. Afin de contenir l’expansionnisme soviétique,
il prône une politique d’endiguement connue comme doctrine Truman.
XIX. www.rian.ru.fr, ‘’Afghanistan : l’Occident dans le sillage
de l’ex-URSS’’, I. Kramnik, 16/02/2009.
XX. On peut donc prévoir une réduction du budget militaire américain.
Le futur premier secrétaire adjoint à la Défense, William
Lynn, a récemment déclaré que le budget actuel du Pentagone
(180 milliards de dollars par an !) était excessif. Sur la thèse
de ‘’sur-extension impériale’’ de la puissance
américaine, voir P. Kennedy (1988) : ‘’The Rise an Fall of
Great Powers’’, Fontana Press.
XXI. www.rian.ru.fr, ‘’ABM en Europe : les Etats-Unis demanderont
l’avis de la Russie’’, J. Biden, 7/02/2009.
XXII. Fontanel J. (1998) : ‘’L’économie russe, ou la
transition douloureuse’’ in ‘’L’avenir de l’économie
russe en question’’, PUG (sous la direction de).
XXIII. www.rian.ru.fr, ‘’ ABM américain en Europe : le potentiel
nucléaire russe visé’’, S. Ivanov, 6/02/2009.
XXIV. Sur ce thème, voir notre précédent article : www.regard-est.com/home/breve_contenu.php
?id=765, ‘’Le retour de l’Atome rouge, amorce d’une
guerre tiède ?’’, Revue Regard sur l’Est, 30/09/2007.
XXV. Par la suite, l’Ouzbékistan et le Kirghizstan se sont éloignés
de la tutelle américaine, en remettant en cause la politique et la présence
américaine (via la fermeture de ses bases militaires). Dans ce schéma,
l’initiative PPTE (pour les Pays Pauvres et Très Endettés)
est, pour Washington un moyen d’imposer une politique libérale
au Kirghizstan permettant, par ce biais, d’accroitre son influence dans
l’espace post-soviétique. Sur ce thème, voir Géronimo
J (2007) : ‘’Les leviers d’une stratégie anti-russe’’,
Revue trimestrielle Nouvelle Fondation, n° 6, pp. 130-133 ou www.cairn.info/article.php
?ID_REVUE=NF&ID_NUMPUBLIE=NF_006&ID_ARTICLE=NF_006_0130. Version russe
: Revue d’Etat ‘’Obshestevennyi Reiting’’, Bichkek,
Kirghizistan (19/04/2007). www.pr.kg/or/detail.php ?id=33.
XXVI www.rian.ru.fr, ‘’Afghanistan : Moscou tente d’acculer
Washington à la coopération en Asie centrale’’ (Gazeta.ru/Kommersant),
5/02/2009.
XXVII. ‘’Comment sortir intelligemment de cette folle guerre ?’’,
Z. Brzezinski, Washington Post, 30/03/2008.
XXVIII. Sur cette fonction politique des prix en ECP, voir notre thèse.
Géronimo J. (1998) : ‘’Légitimité et rôle
du Parti communiste dans la régulation du système économique
soviétique’’, Thèse de doctorat en Economie Appliquée,
UPMF Grenoble 2.
XXIX. www.rian.ru.fr, ‘’Poutine salue les signaux provenant de l’administration
Obama’’, 26/01/2009.
XXX. Un autre objectif sous-jacent était d’obtenir la protection
militaire de Washington pour s’émanciper définitivement
de la tutelle russe.
XXXI. www.rian.ru.fr, ‘’ Saakachvili qualifie Poutine d’ennemi
de la Géorgie’’, 23/01/2009.
XXXII. ‘’Protocoles du traité de l’Atlantique Nord
de 1949 sur l’accession de la Pologne et de la République tchèque’’,
4/05/1998, section 3, Congressional Record (Sénat), pp. S4217-4220 –
cité par H. Kissinger (2004, p. 53).
XXXIII. Kissinger H. (2004) : ‘’La Nouvelle Puissance Américaine’’,
éd. Fayard, le Livre de Poche.
XXXIV. www.rian.ru.fr, ‘’Ukraine : pas d’alternative à
l’adhésion à l’Otan’’, V. Iouchtchenko,
12/02/2009.
XXXV. www.rian.ru.fr, ‘’L’Abkhazie et l’Ossétie
du Sud réintégreront la Géorgie’’, M. Saakachvili,
12/02/2009.
XXXVI. www.express.fr, ‘’Poutine ne s’arrêtera pas là’’,
M. Saakachvili, 1/09/2008.
XXXVII. www.rian.ru.fr, ‘’L’arme nucléaire : facteur
essentiel de dissuasion’’, Etat major général russe,
9/02/2009.
XXXVIII. www.regard-est.com/home/breve_con tenu.php ?id=765, ‘’Le
retour de l’Atome rouge : amorce d’une guerre tiède ?’’,
Revue Regard sur l’Est, 30/092007.
XXXIX. On rappellera : OTSC (Organisation du Traité de sécurité
collective) et OCS (Organisation de coopération de Shanghai). Voir note
lvii.
XL. www.rian.ru.fr, ‘’OTSC : Moscou consolide son pré carré
en Asie centrale’’, I. Kramnik, 06/02/2009.
XLI. www.rian.ru.fr, ‘’Gaz : Kiev et Moscou ont convenu de ne pas
lier le transit et les livraisons en Ukraine’’, 18/01/2009.
XLII. Depuis le 20/01/2009, suite au compromis entre V. Poutine et I. Timochenko,
le transit énergétique a pu reprendre son cours normal. Lors des
négociations à Moscou dans la nuit du samedi 17 janvier entre
les premiers ministre russe et ukrainien, une entente sur le prix du gaz pour
l’Ukraine et sur le tarif du transit a été enregistrée.
Il a été notamment convenu qu' en 2009, un rabais de 20%
sera accordé à Kiev pour le gaz russe - sous condition du maintien
des tarifs de 2008 pour son transit à travers le territoire ukrainien.
www.rian.ru.fr, ‘’Gaz : Timochenko attendue lundi à Moscou’’,
19/01/2009.
XLIII. Grouchko, vice-ministre russe des affaires étrangères a
exprimé ‘’sa perplexité face à certaines évaluations’’
de la présidence de la Commission européenne, à l’occasion
de la crise gazière, ‘’provoquée par le sabotage par
Kiev de ses engagements en matière de transit’’. www.rian.ru.fr,
‘’Crise gazière : Moscou perplexe face aux déclarations
de l’UE’’, 22/01/2009.
XLIV. Au total, la Russie fournit 40% du gaz importé de l’UE, dont
80% transitent par l’Ukraine. D’où la possibilité
pour cette dernière de menacer Moscou au moyen de manœuvres douteuses
et de contraindre sa politique de prix énergétiques. Comme l’a
confirmé V. Poutine, l’Ukraine ‘’souhaite parasiter
sur le transit de gaz (…)’’. www.rian.ru.fr, ‘’L’Ukraine
veut parasiter sur le transit de gaz vers l’Europe’’, 11/01/2009.
’’Cette situation, lorsqu' un pays exige de lui accorder tout
gratuitement ou trois fois moins cher qu' à d’autres, menaçant
de couper le transit de gaz vers l’Europe qui, nous promet-il encore,
pèsera sur nous pour exiger de le rétablir - cette situation n’est
plus tolérable’’, a estimé le 16/01/2009, le chef
du gouvernement russe. www.rian.ru.fr, ‘’Conflit gazier : V. Poutine
critique l’UE pour son ‘approche égal’ envers la Russie
et l’Ukraine’’, 16/01/2009.
XLV. Refusant les nouveaux prix de Gazprom, Kiev avait objectivement intérêt
à freiner le transit gazier vers l’Europe, dans le but de faire
accuser Moscou.
XLVI. Kiev n’a pas hésité à bloquer l’approvisionnement
gazier de l’Europe et à prendre celle-ci en otage, conduisant fort
justement V. Poutine à dénoncer le 12/01/2009 le ‘’blocus
gazier’’ de l’Ukraine. www.rian.ru.fr, ‘’Poutine
dénonce le blocus gazier mené par Kiev contre l’Europe’’,
12/01/2009. Un peu plus tard, le premier ministre a confirmé que ‘’aucun
des pays de transit n’est en droit d’abuser de sa situation ni de
spéculer sur celle-ci, pour prendre en otages les consommateurs en Europe’’.
www.rian.ru.fr, ‘’Rencontre quadripartite à Moscou : Medvedev
propose un sommet’’, 14/01/2009.
XLVII. Brzezinski (2000, p. 19) a ainsi déclaré : ‘’La
partie qui se joue dans le pourtour de la Russie n’est plus l’endiguement
de la guerre froide, mais le refoulement (‘roll back’)’’.
XLVIII.Le chef de la diplomatie russe, S. Lavrov, a ainsi déclaré
que ‘’la Russie mène aujourd’hui une politique extérieure
exempte de confrontation, compréhensible, basée sur des intérêts
clairs et légitimes et sur la base du droit international et sur les
règles de l’économie du marché’’. www.rian.ru.fr,
‘’La plupart des pays occidentaux rejettent une confrontation avec
la Russie’’, S. Lavrov, 16/01/2009.
XLIX. Rappelons qu' un seul pays (principe du droit de véto) peut
empêcher l’adhésion russe à l’OMC. http://archives.lesechos.fr/archives/2008/lesechos.fr/09/18/300294165.htm.
L. www.rian.ru.fr, ‘’La Russie incomprise par l’Europe’’,
K. Kossatchev, 12/02/2009.
LI. www.rian.ru.fr, ‘’Nos amis d’Asie centrale’’,
D. Kossyrev, 26/01/2009.
LII. Brzezinski (2000, pp. 18-19).
LIII. Le président ouzbèk Islam Karimov a ainsi affirmé,
à propos du rôle stabilisateur de Moscou en Asie centrale : ‘’Le
monde change très vite (...). La Russie est un pays qui a toujours été
présent dans cette région, elle a déterminé la politique
et l’équilibre des forces’’. www.rian.ru.fr, ‘’Medvedev
en Ouzbékistan : un signal fort’’, 23/01/2009.
LIV. www.LExpress.fr, ‘’Russie-Géorgie : les enjeux du conflit
en 7 points’’, G. Minassian, 22/08/2008.
LV. www.rian.ru.fr, ‘’Afghanistan : l’Occident dans le sillage
de l’ex-URSS’’, I. Kramnik, 16/02/2009.
LVI. De ce pont de vue, suite aux ‘’révolutions colorées’’,
le double contrôle de la Géorgie et de l’Ukraine s’inscrit
dans la ligne Brzezinski de déstabilisation, d’encerclement et
de compression de l’influence russe dans son espace historique. Brzezinski
considère l’Ukraine comme un pivot géopolitique central
de sa stratégie de ‘’roll back’’.
LVII. Dans cet axéè, Moscou a renforcé sa sécurité politico-stratégique
à travers la création de l’OTSC et de l’OCS. L’OCS
est une organisation régionale regroupant 6 Etats : la Russie, la Chine,
le Kazakhstan, la Kirghizie, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan. Elle
a été crée à Shanghai les 14 et 15 juin 2001 par
les présidents des six pays eurasiatiques. L’OTSC est une organisation
militaire regroupant sept Etats - Arménie, Biélorussie, Kazakhstan,
Kirghizstan, Tadjikistan, Russie et Ouzbékistan - soit près de
70% du territoire de l’ex-URSS. Elle a été crée le
25 mai 2001.
LVIII. Elle s’oppose notamment au projet américain d’implanter
un bouclier anti-missiles (ABM) en Europe de l’Est (Tchéquie et
Pologne) dont, à juste titre, elle estime être une cible potentielle.
Sous G.W. Bush, il aurait même été question d’étendre
le bouclier ABM à certaines ex-républiques soviétiques…
LIX. www.rian.ru.fr, ‘’Le conflit osséto-géorgien
a brisé le mythe d’un monde unipolaire’’, S. Lavrov
, 1/02/2009.
LX. www.rian.ru.fr, ‘’Moscou espère qu' Obama optera
pour le polycentrisme politique’’, S. Lavrov, 12/02/2009.
LXI www.rian.ru.fr, ‘’Davos : la Russie souhaite que les USA renoncent
à leur unilatéralisme’’, V. Poutine, 29/01/2009.
LXII. ‘’Ce qui entrave le développement de la coopération
dans cet espace - ce sont les conflits qui perdurent, et nous devons nous efforcer
de les régler en utilisant les mécanismes de paix et les négociations,
ainsi que les tentatives de diviser l’espace de la CEI et d’y semer
la discorde politique et militaire’’, a souligné S. Lavrov,
ajoutant qu' il ne fallait pas utiliser les pays de la CEI comme otages
de projets géopolitiques. www.rian.ru.fr, ‘’ La Russie luttera
contre les tentatives de division de la CEI’’, S. Lavrov, 16/01/2009.
LXIII. www.rian.ru.fr, ‘’La nouvelle administration US soutiendra
l’Ukraine’’, I. Timochenko, 11/02/2009.
LXIV. G.F. Kennan (1947) : ‘’The Sources of Soviet Conduct’’,
article, Foreign Affairs, juillet 1947.
source http://www.comite-valmy.org/spip.php?article185
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