Le 11 septembre 2001 : une provocation mondiale
Général
Leonid Ivashov
L’expérience de l’humanité montre
que le terrorisme apparaît partout où se produit à un moment
donné une aggravation des contradictions, où les relations commencent
à se dégrader au sein de la société et où
l’ordre social change, où surgit l’instabilité politique,
économique et sociale, où se libèrent des potentiels d’agressivité,
où les valeurs morales périclitent, où triomphent le cynisme
et le nihilisme, et où la criminalité explose.
Les processus liés à la mondialisation créent des conditions
favorables à ces phénomènes extrêmement dangereux.
Ils entraînent un redécoupage de la carte géopolitique du
monde, une redistribution des ressources planétaires, violent la souveraineté
et effacent les frontières des États, démantèlent
le droit international, anéantissent la diversité culturelle,
appauvrissent la vie spirituelle et morale.
Je pense que nous sommes en droit aujourd’hui de parler
de crise systémique de la civilisation humaine. Elle se manifeste de
manière particulièrement aiguë au niveau de l’interprétation
philosophique de la vie. Ses manifestations les plus spectaculaires concernent
le sens donné à la vie, l’économie et le domaine
de la sécurité internationale.
L’absence de nouvelles idées philosophiques,
la crise morale et spirituelle, la déformation de la perception du monde,
la diffusion de phénomènes amoraux contraires à la tradition,
la course à l’enrichissement illimité et au pouvoir, la
cruauté, conduisent l’humanité à la décadence
et peut-être à la catastrophe.
L’inquiétude, ainsi que le manque de perspectives de vie et de
développement de nombreux peuples et états constituent un important
facteur d’instabilité mondiale.
L’essence de la crise économique se manifeste
dans la lutte sans merci pour les ressources naturelles, dans les efforts déployés
par les grandes puissances du monde, avant tout par les États-Unis d’Amérique,
mais aussi par des entreprises multinationales pour soumettre à leurs
intérêts les systèmes économiques d’autres
États, prendre le contrôle des ressources de la planète
et surtout des sources d’approvisionnement en hydrocarbures.
La destruction du modèle multipolaire qui assurait l’équilibre
des forces dans le monde a entraîné également la destruction
du système de sécurité internationale, des normes et des
principes qui régissaient les relations entre États, ainsi que
du rôle de l’ONU et de son Conseil de sécurité.
Aujourd’hui les États-Unis d’Amérique et l’OTAN
se sont arrogés le droit de décider du destin d’autres États,
de commettre des actes d’agression, de soumettre les principes de la Charte
des Nations Unies à leur propre législation.
Ce sont précisément les pays occidentaux qui,
par leurs actions et agressions contre la République fédérale
de Yougoslavie et l’Irak, ainsi qu' en permettant de toute évidence
l’agression israélienne contre le Liban et en menaçant la
Syrie, l’Iran et d’autres pays, ont libéré une énorme
énergie de résistance, de vengeance et d’extrémisme,
énergie qui a renforcé le potentiel de la terreur avant de se
retourner, comme un boomerang, contre l’Occident.
L’analyse de la substance des processus de mondialisation, ainsi que des
doctrines politiques et militaires des États-Unis d’Amérique
et d’autres États, permet de se convaincre que le terrorisme favorise
la réalisation des objectifs de domination du monde et la soumission
des États aux intérêts de l’oligarchie mondiale. Cela
signifie qu' il ne constitue pas un sujet en tant que tel de la politique
mondiale mais un simple instrument, le moyen d’instaurer un nouvel ordre
unipolaire ayant un centre de commandement mondial unique, d’effacer les
frontières nationales et d’assurer la domination d’une nouvelle
élite mondiale. C’est elle qui constitue le sujet principal du
terrorisme international, son idéologue et son « parrain ».
C’est elle aussi qui s’efforce de diriger le terrorisme contre d’autres
États, y compris contre la Russie.
La principale cible de la nouvelle élite mondiale est
la réalité naturelle, traditionnelle, historique et culturelle
qui a jeté les bases du système de relations entre les États,
de l’organisation de la civilisation humaine en États nationaux,
de l’identité nationale.
Le terrorisme international actuel est un phénomène
qui consiste, pour des structures gouvernementales ou non gouvernementales,
à utiliser la terreur comme moyen d’atteindre des objectifs politiques
en terrorisant, déstabilisant les populations sur le plan socio-psychologique,
en démotivant les structures du pouvoir d’État et en créant
les conditions permettant de manipuler la politique de l’État et
le comportement des citoyens.
Le terrorisme est un moyen de faire la guerre de manière différente,
non conventionnelle. Simultanément, le terrorisme, allié aux médias,
se comporte comme un système de contrôle des processus mondiaux.
C’est précisément la symbiose des médias et de la
terreur qui crée les conditions favorables à des bouleversements
dans la politique mondiale et dans la réalité existante.
Si l’on examine dans ce contexte les événements
du 11 septembre 2001 aux États-Unis d’Amérique, on peut
en tirer les conclusions suivantes :
l’attentat terroriste contre les tours jumelles du World Trade Center
a modifié le cours de l’histoire du monde en détruisant
définitivement l’ordre mondial issu des accords de Yalta-Potsdam ;
il a délié les mains des États-Unis d’Amérique,
de la Grande-Bretagne et d’Israël, leur permettant de mener des actions
contre d’autres pays en faisant fi des règles de l’ONU et
des accords internationaux ;
il a stimulé l’amplification du terrorisme international.
D’autre part, le terrorisme se présente comme un instrument radical
de résistance aux processus de mondialisation, comme un moyen de lutte
de libération nationale, de séparatisme, un moyen de résoudre
les conflits entre les nations et entre les religions, ainsi que comme in instrument
de lutte économique et politique.
En Afghanistan, au Kosovo, en Asie centrale, au Proche Orient et dans le Caucase
nous constatons que la terreur sert aussi à protéger des narcotrafiquants
en déstabilisant leurs zones de passage.
On peut constater que dans un contexte de crise systémique mondiale la
terreur est devenue une sorte de culture de la mort, la culture de notre quotidien.
Il a fait irruption dans la prospère Europe, tourmente la Russie, secoue
le Proche-Orient et l’Extrême-Orient. Il favorise l’accoutumance
de la communauté internationale à des ingérences violentes
et illégales dans les affaires intérieures des États et
à la destruction du système de sécurité internationale.
La terreur engendre le culte de la force et lui soumet la politique, le comportement
des gouvernements et de la population. Le plus effrayant est que le terrorisme
a un grand avenir en raison de la nouvelle spirale de guerre qui s’annonce
pour la redistribution des ressources mondiales et pour le contrôle des
zones clé de la planète.
Dans la stratégie de sécurité nationale
des États-Unis d’Amérique, approuvée cette année
par le Congrès états-unien, l’objectif avoué de la
politique de Washington est « de s’assurer l’accès
aux régions clé du monde, aux communications stratégiques
et aux ressources mondiales », avec comme moyen pour y parvenir de
procéder à des frappes préventives contre n’importe
quel pays. Du point de vue du Congrès, les États-Unis d’Amérique
peuvent donc adopter une doctrine de frappes nucléaires préventives
qui s’apparente à du terrorisme nucléaire.
Cela implique l’utilisation à grande échelle de substances
nocives et d’armes de destruction massive. On ne s’embarrassera
pas de scrupules pour choisir les moyens de répondre à une attaque.
Pour se défendre les parties n’auront que le choix des moyens.
La provocation par un acte terroriste devient un moyen d’atteindre des
objectifs politiques d’ampleur globale, régionale et locale. Ainsi,
une provocation organisée dans la localité de Rachic (Kosovo,
Serbie) a fini par entraîner le changement de régime politique
en Serbie et l’effondrement de la République fédérée
de Yougoslavie, tout en servant de prétexte à l’agression
de l’OTAN et à la séparation du Kosovo de la Serbie. Il
s’agit d’une provocation d’ampleur régionale.
Les explosions dans le métro de Londres, les désordres
à Paris en 2005-2006 sont des provocations locales qui ont eu des répercussions
sur la politique et l’opinion publique en Grande Bretagne et en France.
Pratiquement chaque acte terroriste dissimule des forces politiques puissantes,
des entreprises transnationales ou des structures criminelles ayant des objectifs
précis. Et presque tous les actes terroristes, à l’exception
des activités de libération nationale) sont en réalité
des provocations.
Même en Irak, les explosions dans les mosquées sunnites et shiites
ne sont rien d’autre que des provocations organisées en vertu du
principe « diviser pour régner ». Il en va de même
de la prise en otage et de l’assassinat de membres de la mission diplomatique
russe à Bagdad.
L’acte terroriste commis à des fins de provocation est aussi ancien
que l’humanité elle-même. Ce sont précisément
des provocations terroristes qui ont servi de prétextes au déclenchement
des deux guerres mondiales. Les événements du 11 septembre 2001
constituent une provocation mondiale. On peut parler d’opération
d’ampleur mondiale. De telles opérations permettent en général
de résoudre plusieurs problèmes mondiaux à la fois. On
peut les définir comme suit :
1. L’oligarchie financière mondiale et
les États-Unis d’Amérique ont obtenu le droit non formel
de recourir à la force contre n’importe quel État.
2. Le rôle du Conseil de sécurité s’est trouvé
dévalué. Il fait de plus en plus figure d’organisation criminelle
complice de l’agresseur et alliée à la nouvelle dictature
fasciste mondiale.
3. Grâce à la provocation du 11 septembre, les États-Unis
d’Amérique ont consolidé leur monopole mondial et ont obtenu
l’accès à n’importe quelle région du monde
et à ses ressources.
Dans le déroulement d’une opération-provocation il y a toujours
trois éléments obligatoires : le commanditaire, l’organisateur
et l’exécutant. En ce qui concerne la provocation du 11 septembre
et contrairement à l’opinion dominante, « Al-Qaida »
ne pouvait être ni le commanditaire, ni l’organisateur, ne disposant
pas des moyens financiers suffisants (et ils sont énormes) pour commander
une action d’une telle ampleur.
Toutes les opérations menées par cette organisation ne sont que
des actions locales et assez primitives. Elle ne dispose pas des ressources
humaines, d’un réseau d’agents suffisamment développé
sur le territoire des États-Unis d’Amérique, pour réussir
à pénétrer les dizaines de structures publiques et privées
qui assurent le fonctionnement des transports aériens et veillent à
sa sécurité. Al-Qaida ne saurait donc avoir été
l’organisateur de cette opération (sinon à quoi peuvent
bien servir le FBI et la CIA ?). Ces gens pourraient en revanche fort bien
avoir été de simples exécutants de cet acte terroriste.
À mon avis, le commanditaire de cette provocation pourrait avoir été
l’oligarchie financière mondiale, dans le but d’installer
une fois pour toutes « la dictature fasciste mondiale des banques »
(l’expression appartient à l’économiste états-unien
bien connu Lyndon LaRouche) et d’assurer le contrôle de ressources
mondiales en hydrocarbures limitées. Il se serait agi par la même
de s’assurer la domination mondiale pour longtemps.
L’invasion de l’Afghanistan, riche en ressources gazières,
de l’Irak et peut-être aussi de l’Iran, qui possèdent
des réserves mondiales de pétrole, mais aussi l’instauration
d’un contrôle militaire sur les communications pétrolières
stratégiques et l’augmentation radicale du prix du pétrole
sont des conséquences des événements du 11 septembre 2001.
L’organisateur de l’opération pourrait avoir été
un consortium bien organisé et abondamment financé formé
de représentants (anciens et actuels) des services secrets, d’organisations
maçonniques et d’employés des transports aériens.
La couverture médiatique et juridique a été assurée
par des organes de presse, des juristes et des politiciens stipendiés.
Les exécutants ont été choisis sur la base de leur appartenance
ethnique à la région qui possède les ressources naturelles
d’importance mondiale.
L’opération a réussi, les objectifs sont atteints.
L’expression « terrorisme international » en tant
que principale menace pour l’humanité a fait irruption dans le
quotidien politique et social.
Cette menace a été identifiée en la personne d’un
islamiste, ressortissant d’un pays disposant d’énormes ressources
en hydrocarbures.
Le système international mis sur pied à l’époque
où le monde était bipolaire a été détruit
et les notions d’agression, de terrorisme d’État et de droit
a la défense ont été altérées.
Le droit des peuples de résister aux agressions et aux activités
subversives des services secrets étrangers ainsi que de défendre
leurs intérêts nationaux est foulé aux pieds.
Toutes les garanties sont assurées en revanche aux forces qui cherchent
à instaurer une dictature mondiale et à dominer le monde.
Mais la guerre mondiale n’est pas encore finie. Elle a été
provoquée le 11 septembre 2001 et elle n’est que le prélude
à de grands événements à venir.
*Le général Leonid Ivashov est vice-président
de l’Académie des problèmes géopolitiques. Il fut
chef du département des Affaires générales du ministère
de la Défense de l’Union soviétique, secrétaire du
Conseil des ministres de la Défense de la Communauté des États
indépendants (CEI), chef du Département de coopération
militaire du ministère de la Défense de la Fédération
de Russie. Il était chef d’état-major des armées
russes, le 11 septembre 2001.
sommaire