Les seuls papiers de nos élèves doivent être
leurs cahiers et leurs livres de classe
• L’histoire se répète…
“Subie” : déjà l’idée
même de faire son choix, son marché... parmi des individus démunis
est intolérable. Et puis qui choisira ? Les dirigeants et le patronat
des pays riches bien sûr... Et les peuples des pays pauvres ? Décidément,
après l’esclavage, la colonisation, on voudrait que l’histoire
se répète indéfiniment. Pire même, par un pillage
des énergies humaines les plus dynamiques, les plus formées...
on va compromettre davantage encore les chances de développement de ces
pays déjà martyrs. Et comme on ne s’attaque aucunement aux
causes réelles de l’émigration qui font que dans la plupart
des cas, un individu n’a que le choix entre crever ou partir, on ne fera
au bout du compte que multiplier les sacrifiés, noyés en Méditerranée
ou en Atlantique, morts de soif dans le Sahara..., et dans notre pays même
multiplier les Sans-Papiers, ces pauvres êtres démunis de tout
droit, niés dans leur existence même, à la merci de toutes
les exploitations. Ne nous y trompons pas, une telle négation de l’humanité,
du droit... ne peut que miner, à la longue, les fondements même
de notre société.
Combattre “l’immigration subie”
revient, pour Mr Sarkozy, à restreindre de façon drastique toutes
les causes des migrations qui ne seraient pas utiles à la conception
capitaliste de l’économie:
Inutile le droit à un titre de soins, inutile le
droit à vivre en famille (quand on est pauvre bien sûr), inutile
le droit au mariage et celui de vouloir vivre auprès de sa compagne ou
de son compagnon s'il est étranger, inutile le droit à étudier
en France si l’on n’est pas un “surdoué”, et
enfin inutile le droit d'asile, ce dernier droit quand on a tout perdu, ce droit
fondamental qui garantit l’exercice de tous les autres droits citoyens.
L’OFPRA n’a accordé en 2005 qu' un peu plus de 8% de
réponses positives aux demandes d’asile, c’est historiquement
le taux le plus bas! Il y a 20 ans, 80% des demandes étaient accordées.
Comme si le monde s’était sécurisé en ces 2 décennies,
il suffit d’allumer son poste de télé pour être persuadé
du contraire.
Alors, même si le droit d’asile n'est pas remis en cause en lui-même,
la France étant liée par la signature de la Convention de Genève,
il s'agit d'aggraver toutes les conditions d'accès à ce statut
de réfugié: délais pour déposer sa demande réduits
à 3 semaines et à rédiger exclusivement en français
sans l'aide d'un interprète… Exigences toujours plus fortes de
preuves à fournir incompatible avec l’urgence de la fuite. Elaboration
d'une liste de pays dits sûrs dont les ressortissants seront automatiquement
déboutés, en quelques jours, sans avoir pu être entendus.
Enfin, conditions de vie dramatiques qui font que la rédaction de la
demande pourtant déterminante ne peut être la priorité.
Quant aux Sans-Papiers qui vont avec cette loi être de plus en plus nombreux
, ils pourront le rester à vie puisque la possibilité de régularisation
après 10 ans de présence sur le territoire a été
supprimée. Il faut comprendre que le Sans-Papiers n'est intéressant
pour le patronat que s'il reste Sans-papiers justement.
Le mot qui fait le lien, la cohérence, entre le CPE, le CNE, mais au-delà
toute la loi dite avec un incroyable cynisme "d'égalité des
chances" et le projet de loi Sarkozy sur l'immigration est le mot JETABLE!
Une société de travail JETABLE exige une immigration JETABLE!
• QUI SONT CES “ CLANDESTINS ” ?
Voyons maintenant qui sont les acteurs de cette “immigration
subie”, qui se cachent derrière ces formules et cette politique
qui, nous ne pouvons en douter une seconde, n’a pour motivation que la
volonté de cacher les échecs et les affaires, et aussi servir
des ambitions personnelles , électoralistes en allant “chasser”
sur les terres du F. Haine apportant ainsi légitimité à
des idéologies menaçantes et inacceptables.
Qui sont donc ces immigrés que nous “subirions” ?
Déjà des êtres humains!... et ce n’est pas inutile
de le répéter inlassablement, des êtres humains aux histoires
terribles qui n’ont eu que “le choix” de fuir: la misère
sans aucun espoir d’avenir, la guerre, les persécutions, les exactions,
l’intégrisme, les mariages forcés, et pour les petites et
jeunes filles, les mutilations sexuelles ...
Souvent des militants qui ont cru que le pays des Droits de l’Homme serait,
dans leur lutte, à leur côté.
Oui, des êtres humains que Mrs Sarkozy et Villepin, dans une compétition
indigne, veulent réduire à des chiffres!
Ainsi chaque année, les objectifs chiffrés de reconduite à
la frontière augmentent. Alors il faut organiser des traques, des rafles...
et ainsi bafouer les droits fondamentaux de la personne humaine!
Ainsi pour être plus “efficace”, le Ministère de l'Intérieur
a envoyé en date du 21 février 2006 une circulaire à destination
des préfets et des procureurs qui est en fait un manuel pratique pour
éviter que les expulsions ne soient remises en cause par les tribunaux.
Tous les lieux possibles d'interpellation des Sans-papiers sont répertoriés
et, pour chacun d'entre eux, la marche à suivre est explicitement détaillée.
Pour exemple, dans un foyer, dans un hôpital… il faut éviter
les arrestations dans les chambres qui sont considérées par la
jurisprudence comme un domicile. Aucune difficulté par contre pour arrêter
dans les lieux communs des foyers, les halls, les couloirs et même les
blocs opératoires des hôpitaux! Ce cynisme ne semble pas connaître
de limite!
Pourtant qui pourra nous faire croire que ces personnes, ces enfants, menacent
notre République ? Ces enfants sont même la jeunesse dont notre
société vieillissante va cruellement manquer d’ici peu de
temps!
• LES ELEVES SANS PAPIERS…
Et puisque nous abordons la question des enfants, rappelons
l’histoire formidable de ce mouvement de solidarité né en
faveur des élèves Sans-papiers : sous la pression de luttes
déterminées qui ont fleuri sur tout le territoire, Nicolas Sarkozy
a été contraint de reculer concédant que les enfants scolarisés
et leur famille pourraient achever leur année scolaire. Suspension bien
fragile et totalement insuffisante. Aussi, pour des milliers d’enfants
et de jeunes majeurs, le 1er juillet 2006 n’a pas marqué le début
des vacances d’été, mais bien le commencement d’un
calvaire.
Une nouvelle circulaire du Ministre de l’Intérieur, contraint à
nouveau de reculer par l’ampleur des mobilisations, a été
envoyée aux Préfets en date du 13 juin 2006. Comme on nous l’a
dit en Préfecture de l’Oise: “Ce n’est pas une circulaire
de régularisation” … régularisations qui ne devront
être qu' exceptionnelles. On ne peut être plus clair et en
effet elle demeure insuffisante et injuste, surtout que, dans le même
temps, les quotas d’expulsions demeurent. Et surtout, elle laisse les
mains totalement libres aux Préfets pour l’interpréter.
Des notions comme “le sérieux des études” , “l’absence
de lien avec le pays d’origine” ... laissent la porte ouverte à
tous les arbitraires. C’est un peu comme si chaque préfet était
maître en son royaume! où est le principe d’égalité
républicaine ?
Ce ne sont pas davantage les déclarations d’Arno Klarsfeld nommé
médiateur national, déclarations aussi ambiguës que le personnage,
qui nous rassurent car il n’a de plus et bien évidemment aucun
pouvoir sur les préfets.
Et que deviendront les enfants trop jeunes pour être scolarisés,
les jeunes arrivés après l’âge de 13 ans, les jeunes
majeurs ...? tous non concernés par cette circulaire... Bref, on se situe
toujours dans le cadre d’une vague programmée d’expulsions
massives.
Il est à craindre que peu d’enfants seront concernés par
cette circulaire! Tous les autres devront préparer leur valise, la peur
au ventre. Ils vont vivre dans la hantise de perdre à jamais leur école,
leurs enseignants, leurs copains... pour un aller-simple vers un pays qu' ils
ne connaissent pas ou plus, dont certains ne parlent pas (ou plus) la langue,
papa-maman menottés, entravés comme des bêtes et attachés
à leurs sièges.
A l’arrivée, ce sera pour la plupart l’extrême misère
: pas de logement ou le bidonville, pas de travail et pas d’espoir d’en
trouver. Des persécutions, parfois les plus atroces! Ils paieront à
nouveau pour avoir osé fuir et certains pour avoir dénoncé
leurs tortionnaires à l’étranger. Pour les enfants, pas
d’école, dans des pays où la scolarisation est un luxe.
Au bout du compte, ce seront donc des vies sacrifiées !
A la rentrée, c'est devant ces places vides que leurs camarades comprendront
le sens que ce gouvernement attribue concrètement aux belles expressions
: droits de l'Homme, diversité culturelle, culture humaniste, respect
ou solidarité… toutes figurant dans les programmes scolaires.
• LE RESEAU EDUCATION SANS FRONTIERE (RESF)
Heureusement, la lutte atteint une incroyable ampleur, tant
de citoyens se découvrent, se mobilisent... sous les formes les plus
diverses. Par exemple, des parrainages républicains d’enfants par
des collectivités territoriales ou de simples citoyens se sont multipliés
partout en France. Des citoyens ignorant les risques encourus, puisque depuis
Nicolas Sarkozy la solidarité est un délit, se déclarent
prêts à cacher des enfants… Avec une volonté commune :
empêcher ce gâchis effroyable qui se cache derrière les chiffres
et les formules démagogues!
Le Réseau Education Sans Frontière, qui coordonne ces “délinquants
solidaires” l’a proclamé haut et fort : il n'acceptera
aucun tri parmi nos élèves ! Et pour beaucoup résister
devient une obligation, un devoir!
Il s’agit d’apporter assistance à personne en danger mais
aussi de défendre les valeurs et les traditions de notre République
bien plus fondamentales que des lois de circonstances!
Et c’est heureusement le cas, “…partout en France, des milliers
d’anonymes, enseignants, parents, jeunes, élus, qui n’auraient
jamais imaginé devoir le faire se retrouvent faisant signer des pétitions,
manifestant devant les préfectures, interpellant des préfets,
distribuant des tracts aux passagers dans des halls d’aéroports
pour les convaincre de refuser de voyager dans le même avion qu' un
malheureux (voire toute sa famille) , ligoté à son siège
en fond de cabine.
C’est la preuve par les faits que le racisme, la xénophobie, la
démagogie chauvine n’ont pas encore tout gangrené dans ce
pays et qu' il reste des femmes et des hommes déterminés
à défendre, dans l’action et pas seulement par des mots,
les idéaux de solidarité et de fraternité, des femmes et
des hommes qui se savent comptables de l’avenir prêts à prendre
des risques parfois importants pour cela. ” (1)
Ce gouvernement avait fait le pari de la peur, de la xénophobie, voire
du racisme... et c’est une lame de fond qui se lève pour lui répondre
“égalité”, “fraternité”, “solidarité”.
Preuve aussi que certains politiques voient notre peuple moins “ouvert”,
moins progressiste qu' il ne l’est en réalité. En tout
cas, c’est bien sur cet élan citoyen qu' une autre politique
devra s’appuyer.
Ces actes nous rappellent enfin au devoir de désobéissance lorsque
certaines lois sont iniques. Le cours de l’histoire a souvent été
changé par de telles résistances: en une époque terrible,
des femmes et des hommes cachaient déjà des enfants que la police
traquait, ils étaient terroristes, l’histoire leur a donné
raison, on les nomme désormais “les justes”, mais encore,
en 1971, le Manifeste des 343 salopes qui a permis, 3 ans plus tard, la légalisation
de l’avortement…
Comme le proclame la LDH avec des dizaines de personnalités:
“ Nous savons que dans toute société démocratique
la loi est la règle qui s'impose à tous. Mais nous savons aussi
que lorsque la loi viole des principes aussi élémentaires, c'est
notre devoir de citoyens, notre devoir de conscience de ne pas s'y plier.”
Ce bel élan citoyen, ces actes courageux faisant le choix de l’humanité
contre la barbarie sont porteurs d’espoir. Quant aux réfugiés,
enfants, familles mais aussi célibataires plus isolés encore,
ils savent désormais qu' ils ne sont plus seuls.
Jean-Michel BAVARD (RESF)
Contact RESF : www.educationsansfrontières.org
Quelques portraits :
Avec RESF, nous avons toujours fait le choix de raconter
les histoires de nos Amis, de nos élèves. Il est tellement plus
difficile de jouer sur les peurs lorsque l’on montre les visages. Ce choix
a largement contribué à l’amplification des solidarités.
Voici quelques brefs récits d’enfants réfugiés à
Beauvais (60) :
1- Perside et Tany sont
arrivées en France en octobre 2003 avec leur maman Nelly qui a dû
fuir la République Démocratique du Congo (RDC) après avoir
été persécutée et incarcérée. Jamais
pourtant notre pays ne lui a accordé le statut de réfugiée.
Depuis leur arrivée, elles sont scolarisées et parfaitement intégrées,
en 6ème et en 5ème, dans 2 collèges beauvaisiens.
Toutes deux font preuve d’une grande volonté d’étudier
et la maman est une mère particulièrement attentive à la
scolarité de ses enfants.
Sans-Papiers, toutes trois vivent dans l'angoisse, le dénuement et la
promiscuité d'un foyer.
Un renvoi vers la RDC briserait ce remarquable parcours d'intégration
et les mettrait en grand danger dans un pays ravagé par la guerre où
elles n'ont désormais plus aucun lien.
2- Doudou, 13 ans, est
arrivé en France en décembre 2003 avec ses parents et ses 3 frères.
Son père, militant, a dû fuir la République Démocratique
du Congo (RDC). Doudou est atteint d’une trisomie 21. Depuis l’année
2004, il a été pour la première fois pris en charge à
l’IME “Les papillons blancs” de Beauvais (60) où il
s’épanouit enfin. Ses progrès sont stupéfiants!
Pendant 6 mois, cette famille a disposé d'une autorisation de séjour
eu égard à l'handicap de Doudou. La papa a alors immédiatement
trouvé du travail. De façon totalement incompréhensible,
cette autorisation de séjour n'a pourtant pas été renouvelée.
Cette famille est depuis frappée d'un arrêté de reconduite
à la frontière.
Une expulsion de Doudou vers ce pays serait absolument dramatique! Une véritable
condamnation!
J. Chirac lui-même a pourtant fait de l'accueil des handicapés
l'un de ses “grands chantiers”!
3- Nesrine, née
le 24/09/2001, est arrivée en France en juin 2002 avec sa maman. Celle-ci
a fui en décembre 2001 un époux militant intégriste qu'elle
avait été contrainte d'épouser. Sa fuite a répondu
à l’urgence de protéger sa fille. En aucun cas, elle ne
pouvait accepter qu' elle soit éduquée selon des principes
intégristes dont elle a elle-même tant souffert. Un retour en Algérie
les jetterait à nouveau dans les griffes de cet homme.
Un petit frère est né en juin 2005 sur le territoire français.
Nesrine adore l'école maternelle, elle est scolarisée à
l'Ecole Jean Moulin de Beauvais (60).
4- Katia (née en
1994) et Paola (née en 1998) sont arrivées en France le 20 septembre
2003 avec leur maman. La papa militant du Cabinda (Angola) a disparu après
avoir été arrêté et leur maman a elle-même
subi de graves exactions. Elles vivent dans la promiscuité d'un foyer
à Montataire (60). Les deux filles ont été profondément
traumatisées par ces évènements comme en témoignent
les personnels enseignants et les psychologues scolaires qui les suivent.
L'Ecole Jean Jaurès de Montataire est leur havre de paix où elles
sont adorées de tous.
5- Jullyand est né
le 31 janvier 1994. Il est entré en France, avec son père, en
septembre 2002 après avoir connu des événements tragiques
au Congo Brazzavile. Il est scolarisé en 6e au Collège George
Sand de Beauvais (60). La directrice de son école élémentaire
atteste que Jullyand "est un élève extrêmement sérieux
et volontaire. Il est arrivé l’an dernier dans un état de
très grande fragilité tant scolaire que psychologique mais n’a
cessé, depuis lors, de progresser". Le traitement de pédopsychiatrie
dont il a besoin est toujours en cours. Son papa avait trouvé en emploi
en CDI. Le renouvellement de son titre de séjour lui a pourtant été
refusé.
6- Nedjma née le
23/ 05/ 2000 est arrivée en France à l'âge de 18 mois, en
2001, et ne connaît que la France. Cette famille a quitté l'Algérie
où elle n'a plus de lien pour rejoindre leurs parents qui ont des cartes
de résidence de 10 ans, elle s'est ainsi reconstituée sur notre
territoire.
Nedjma est scolarisée à la maternelle Albert Camus de Beauvais
(60).
Son petit frère, né sur le sol français en avril 2003,
est de santé très fragile. La Préfecture de l'Oise a admis
que “... L'état de santé de l'enfant nécessite une
prise en charge médicale... dont le défaut pourrait entraîner
des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Toutefois, l'intéressé
peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié
dans on pays d'origine.” On aimerait le croire.
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