Au crible des informations tendancieuses, la situation en Syrie
Mère Agnès-Mariam de la Croix Et Communauté
du Monastère Saint Jacques l’Intercis
envoyer à un ami
On m’a demandé mon avis sur ce qui se passe chez
nous. Vous le savez je travaille en Syrie à la réhabilitation
d’un monastère du VIème siècle tombé en ruine.
Notre communauté monastique est dévouée au témoignage
et à l’unité de l’Eglise d’Antioche et chargée
de servir les pèlerins et les personnes en recherche spirituelle. Nous
recevons près de 20000 visiteurs par an. Cette affluence, avec le réseau
local et régional d’amitiés de la communauté, nous
permet d’avoir une idée assez objective de la situation qui nous
préoccupe.
J’aimerai d’abord souligner que la politique n’est pas un
domaine où je m’aventure, ce qui m’intéresse c’est
le salut final de l’homme qui est son bien suprême. Cet angle de
vue aide à juger de la politique. Aussi, pour ne pas me fier uniquement
à ma propre vision je me suis documentée sur le web. Je suis tombée
sur des analyses que j’ai trouvées pertinentes et qui m’ont
confirmée dans mes intuitions. Ces sites sont en « marge »
des réseaux d’informations officiels qui, nous nous le concédons,
pratiquent la langue de bois, ou pire, le lissage sémantique pour parvenir
à des fins occultes quand ils ne font que puiser, sans vérification,
à des sources douteuses.
Il va sans dire que le Moyen-Orient vit des moments de bouleversements
majeurs. Il nous est demandé en tant que chrétiens de lire les
signes des temps, ce que le Seigneur, Maître de l’histoire, est
en train de travailler –au sens johannique (cf. Jean 5,17). Il est important
aussi de juger de la situation avec un œil spirituel pour pouvoir s’engager
dans la réalité des faits d’ après notre responsabilité
de témoins du Christ.
Un nouveau-né très médiatisé
Les manifestations qui ont commencé en Egypte pour
atteindre le Yémen, le Bahrain, la Jordanie, la Libye et la Syrie, sans
oublier l’ Arabie Séoudite, sont acclamées et favorisées
dans les médias mondiaux comme des mouvements légitimes et spontanés
et mêmes charismatiques et inspirés . Quoi de plus louable et digne
de sympathie que des foules qui réclament la liberté, la démocratie
et le changement constructif au sein de leurs pays respectifs dont les monarchies
vétustes et les régimes désuets au pouvoir désormais
héréditaire sont tous tyranniques et corrompus?
On nous annonce avec fracas qu' un enfant vient de naître des cendres
de l’arabisme moribond, il s’appelle révolution. Avec l’Amérique
pour parturiente, et pour marraines la Ligue Arabe et les Nations-Unies, présidées
par la France et l’Angleterre, le nouveau-né a été
déclaré enfant légitime de la communauté internationale
alignée. Son père est l’antinationalisme arabe et sa mère
la liberté. Pour asseoir sa légitimité il a eu pour témoins
les cousins princiers du Golfe, Qatari en tête. Attendrie par sa naissance
la communauté internationale s’engage à le protéger
contre tout mal, même au prix d’une ingérence qui sera, toujours
dans son cas, strictement humanitaire.
Vraie sosie du Christ coranique l’arabisme mondialisé
est un enfant-prodige qui parle dès son berceau la nouvelle langue planétaire.
Il est le signe de la toute-puissante providence du sacro-saint monde virtuel
qui brasse les idées des hommes comme le chef de cuisine mélange
sa sauce au goût du jour. Nourrices consciencieuses du nouveau-né,
encore aux tétines dans les aréopages du net, les chaînes
satellitaires, viennent, à grand renfort de câlins, en aide à
son isolement affectif. Elles le bercent de nouvelles cantilènes où
il apprend qu' en vertu de la nouvelle paternité internationale
il n’est pas orphelin mais seulement libéré de sa mère-vampire.
Voilà qu' autour de son berceau une nouvelle arabophonie voit le
jour en un phénomène médiatique nouveau qu' on n’a
pas eu le temps de voir venir et qui s’impose. On zappe à longueur
de journée et c’est le même discours, habilement basé
sur les dogmes de la nouvelle religion mondiale.
En fait, ce qui nous pose problème n’est pas
le phénomène des manifestations contre les régimes de notre
région mais le timing, et l’accompagnement tendancieux qui est
réservé à ces dernières de la part des chaînes
satellitaires, en coordination parfaite avec certains gouvernements. Elles étaient
préparées pour l’année, le jour et l’heure.
Al Jazzirah, huée cependant par les forces de la coalition en Iraq mais
transformée aujourd’hui en porte-parole international –oh
combien ambigu- des valeurs du nouveau Moyen-Orient ; Al Arabiyah, qui
s’exprime, oh paradoxe, au nom de la liberté à partir du
fief de la plus grande théocratie arabe en Arabie Saoudite ; Al
Hurra, née des cendres du régime de Saddam Hussein par insufflation
washingtonienne ; CNN, le vétéran de la guerre du Golfe,
le très royal BBC New, France 24, à peine adoubé, dans
leurs versions internationale et arabe. Ces mastodontes évoluent en parfaite
harmonie idéologique avec les aréopages du net : les leurs
propres ainsi que Facebook, Tweeter, Utube ou autre et sont relayés par
la presse écrite en ligne.
Notre expérience en Syrie
Tant que l’information ne nous concernait pas nous ingurgitions
passivement les nouvelles savamment orchestrées des autres pays en souffrance.
Mais lorsque il s’est agi des évènements éclatés
en Syrie, nous avons commencé petit à petit à nous rendre
compte que ces chaînes n’informent pas elles cherchent à
infléchir le cours des évènements par des moyens virtuels
perfectionnés. Ce faisant elles représentent un totalitarisme
d’un type nouveau qui manipule l’opinion publique. Il nous a été
aisé de découvrir que les données médiatiques sont
soumises à un subtil filtrage qui fausse leur sens. On les traite d’une
manière sélective pour aboutir à une image donnée
de la situation et, ce qui est pire, l’orienter insidieusement dans un
sens voulu. Une nouvelle « source » de renseignements
pour ces chaines est qu' elles quémandent les messages MMS, multimédia,
envoyés clandestinement à partir de téléphones portables.
Ces messages téléphoniques sont souvent l’unique source
d’information visuelle ou sonore pour retransmettre ce qui se passe dans
tel ou tel pays. Nos jeunes ont été sollicités, par des
SMS ou par des mails, à envoyer ces documents aux chaînes satellitaires
avec, en contrepartie, la promesse d’une rémunération financière.
Par appât du gain et parce qu' il y a preneur,
tout et n’importe quoi est offert sur ce marché dérisoire
de l’information. Un de nos contremaîtres m’a montré
un vidéo-clip local réalisé par des jeunes syriens pour
illustrer une chanson arabe. On y voit une bande de jeunes habillés de
noir circulant armés dans des voitures décapotables comme des
gardes de sécurité. A notre grande stupéfaction cette même
vidéo a été montrée sur la chaîne Al Jazira
comme étant la preuve de l’arrogance des services secrets syriens !
On s’allongerait beaucoup s’il fallait revenir
sur tous les montages et fictions des chaînes satellitaires qui ne traitent
qu' une partie de l’information et cherchent à imposer leurs
propres vues de la réalité. Comme cela a été attesté
sur l’excellent Blog Syria Comment de Joshuah Landis, on arrive à
transmettre le contraire de ce qu' attestent les personnes interviewées.
Le Colonel ‘Uday Ahmad témoigne qu' il roulait avec son beau-frère
le Colonel Yasir Qash’ur sur l’autoroute près de Banyas le
10 avril 2011, lorsque des tirs les ont pris en chassé croisé
et ont tué sur le coup Qash’ur et huit autres soldats dans leur
camionnette. A qui voulait l’entendre le Colonel ‘Uday a affirmé
qu' ils n’avaient pas été tués par l’armée
mais dans un guet-apens d’inconnus, on lui a fait dire le contraire.
De même sur ce blog on fait état du journal anglais
en ligne the Guardian qui assure que des soldats syriens avaient été
fusillés parce qu' ils refusaient de tirer sur la foule et se réfère
à une vidéo sur YouTube où , en réalité, l’interviewer
harcèle un soldat blessé pour lui arracher l’aveu qu' il
avait refusé de tirer sur les gens. Question : quand vous n’avez
pas tiré que s’est-il passé ? Mais le soldat ne comprend
pas la question parce qu' il venait de dire qu' il n’avait pas
reçu des ordres pour tirer sur les gens, aussi répond-t-il « rien,
les tirs ont commencé de toutes les directions ». L’interviewer
répète sa question d’une autre manière en demandant « pourquoi
tiriez-vous sur nous, des musulmans ? » Le soldat lui répond : « je
suis aussi un musulman ». Alors l’interviewer lui demande : « pourquoi
alors alliez-vous tirer sur nous ? et le soldat de répondre : « nous
n’avons pas tiré sur les gens ont nous a tiré dessus sur
le pont ». Non seulement ces pauvres soldats sont abattus cyniquement
par des mercenaires mais les médias s’évertuent à
en faire des bourreaux !
Des ingérences étrangères dans les
évènements
Il faudrait vraiment se désintoxiquer de la désinformation
concertée des ces mega medias. Quel zèle haineux a soudainement
envahi leurs comités de rédaction pour qu' ils puissent à
ce point mentir dans l’agencement de l’image et du son ? En
campagne au nom de la liberté les voici qui commencent par nous imposer
un totalitarisme de l’opinion qui surpasse en efficacité celle
des pires régimes d’antan. Il est décrété
que les peuples arabes doivent se révolter et changer de régime
à l’aveuglette et à n’importe quel prix pour exorbitant
qu' il soit. Il est clair qu' on cherche à créer un
vide sécuritaire et à affoler l’habitant. Parallèlement
les médias soufflent sur le feu pour l’amener au paroxysme. Ces
agissements sont loin de la déontologie journalistique, ils sont manipulateurs,
ils devraient être stigmatisés.
Alix Van Burren, reporter vétéran de la Repubblica,
le journal italien bien connu est à Damas et il a envoyé un rapport
sur le rôle possible d’agitateurs à la solde de Khaddam à
Banyas. Le dimanche deux personnes de l’entourage de l’ex-vice président
ont été arrêtées. Des activistes des droits de l’homme
ont confirmé qu' ils étaient en train de semer le trouble
en distribuant de l’argent et des armes. Haytham al Maleh, un membre de
l’opposition, a été le plus explicite à montrer du
doigt l’interférence des gens de Khaddam qui « joue
avec le sang des innocents » dans et autour de Banyas. Il a aussi
mentionné les chiens galeux, loyaux de Rifa’t al Assad, oncle mafieux
et déchu de Bashar El Assad. Ces gens, d’ après la Repubblica,
sont actifs sur la côte entre Tartous et Lattaquieh.
Depuis l’assassinat de Rafic Hariri au Liban, son fils
Saad qui accuse la Syrie d’avoir commandité le meurtre cherche
à affaiblir le régime, voire à l’éradiquer
par tous les moyens. La semaine passée nous avons lu dans Wikileaks que
ce même Saad Hariri avait demandé aux USA de mettre fin au régime
de Assad stipulant que Khaddam et les Frères Musulmans, aidés
de Hikmat Al Shebahi pourraient remplir le vide occasionné. Depuis quelques
années nous savons que souvent des armes passent par les montagnes qui
nous entourent, limitrophes avec le Liban qui sont difficilement contrôlables
par la douane en provenance du village pro-haririen de ‘Arzâl. Pas
plus tard qu' hier un tracteur a été intercepté contenant
des armes, il est passé par devant notre monastère sis sur le
chemin de contrebande à l’orée du village. Depuis les années
60 le fondamentalisme sunnite cherche à émerger au sein des régimes
arabes. Réprimés par ces régimes, les Frères musulmans
et les djihadistes salafistes ont constitué des réseaux occultes
qui ces dernières années ont infiltré des jeunes désoeuvrés.
Certains, dans notre village, ont été enrôlés pour
se battre à côté de Al Qaeda en Iraq et ont été
tués. Nous avons su que ce qu' on croyait être de simples
ouvriers égyptiens, des résidents jordaniens ou libanais ou des
réfugiés irakiens faisaient partie en réalité des
cellules dormantes qui s’équipaient petit à petit pour un
scénario de renversement du régime savamment élaboré
entre diverses capitales et patronné par certaines grandes puissances
et quelques pays arabes. Cependant, et c’est le comble, ces médias
et leurs invités tournent en dérision toute nouvelle concernant
l’implication de tierces personnes dans les évènements en
Syrie et se hâtent de démentir les preuves apportées de
l’implication active de régimes et de factions à l’arrière-fond
des évènements en Syrie, avec la présence de mercenaires
professionnels armés et équipés.
Des informations dignes de foi assurent le contraire. Des
mercenaires circulent un peu partout. Le cousin de notre tailleur de pierre
allait au restaurant depuis une semaine. Une voiture sans immatriculation passe
près de lui et l’abat à bout portant. Hier à Deir
Atiyeh, village cossu à quatre kilomètres du nôtres, un
groupe armé a tiré sur le restaurant le plus sélect et
a endommagé plusieurs magasins. La présence de ces mercenaires
a fait que nos jeunes des quartiers chrétiens de Homs, Rableh, Qusayr,
Dmaineh, Jousseh, ont formé des comités populaires pour fermer
l’entrée des ruelles et villages et s’assurer de l’identité
de tout arrivant. Ils témoignent que les forces de sécurité
elles-mêmes acceptent d’être fouillées. Nos jeunes
de Homs ont poursuivi et attrapé des fauteurs de troubles, qui étaient
des étrangers de nationalités irakienne, libanaise ou égyptienne,
armés et arborant des téléphones portables type Thuraya
(connectés par satellites).
Mais ce qui donne le frisson est le récit que m’a
fait ce matin un témoin oculaire. G.B.A.N qui est institutrice Cette
personne est digne de foi, elle est membre de notre paroisse et très
proche de notre monastère depuis des années: Voici ce qu' elle
m’a raconté :
Témoignage d’une institutrice
« Les manifestants que nous avons vu déferler
le jour des Rameaux ne sont pas de Homs. Ils nous demandaient comment se diriger
dans les rues. Beaucoup sont des gamins qui portent des sortes de pantoufles
qu' ils égarent dans la rue. Ces adolescents se sont targués
devant nous de « gagner de l’argent ». Ils ont fait
état de sommes d’argent qui leur ont été distribuées
pour participer à la manifestation. Pour quelques-uns c’était
500 livres syriennes la journée, pour d’autres c’était
1000 livres syriennes.
Nous avons entendu nos voisins se répéter les uns les autres :
« d’où viennent ceux-là et pourquoi doivent-ils
s’exprimer chez nous à notre place ? ». Les gens
de Homs avaient peur et se barricadaient chez eux. Les manifestants étaient
mal élevés, des Hardabasht. A 18h30 ils se sont arrêtés
à l’église Saint Antoine des grecs-orthodoxes à Bab
El Sbah et ont parlé insolemment avec les Pères Wahib Bitar et
Tohmeh Tohmeh qui faisaient les prières des Rameaux. Ils les ont interrompu
et leur ont intimé l’ordre de se dépêcher pour terminer.
Du jamais vu en Syrie où la coexistence islamo-chrétienne est
idéale.
Nos jeunes étaient à leur poste à l’entrée
des quartiers sous le contrôle des comités populaires : A
Adawiya, Al Nuzhat, Bab El Sbah, Al Zahra’ et Khaldiyé. Ils ont
réussi à empêcher l’accès de nos quartiers
aux manifestants.
Les manifestants ont continué leur chemin, cassant
des magasins, brûlant des pneus et molestant les passants. Ils proféraient
des paroles vulgaires et insultantes. On a fait état de personnes assassinées,
comme un général qui allait dans sa voiture faire des achats.
On leur a tiré à bout portant puis on les a coupé en morceaux
pour causer la plus grande frayeur au public. Le même procédé
a été utilisé par les salafistes à Nahr El Bared
avec l’armée libanaise, où les soldats eurent les yeux crevés
et les membres coupés. Durant leurs obsèques tout Homs était
bouleversé et acclamait le Président. Mais les médias étrangers
n’ont donné aucune importance à cet incident. Ils attribuent
tout à des « coups montés » du régime.
Le lendemain après-midi les manifestants sont revenus.
Les services d’ordre ont remarqué qu' un immeuble en réfection
était infiltré par des snipers. Ils ont entouré l’immeuble
pour se saisir des snipers et ont demandé aux forains d’éteindre
toute lumière. Quelques-uns des snipers qui cherchaient à fuir
ont été touchés par les balles de nos soldats. Ils ont
été transportés à l’hôpital militaire.
Je connais le médecin en chef de cet hôpital, Dr. Kasser Finar.
Le soir il était bouleversé en nous racontant que ces snipers
étaient des syriens venus des villages reculés aux confins du
désert. Ils étaient drogués au point de ricaner tout le
temps et de n’avoir aucune sensation de souffrance.
Hier l’armée a mis la main sur une cache d’arme
importante à Homs, dans la mosquée de Mreij à Bab El Sbah.
Ce soir les manifestants se sont rassemblés autour
de la place de l’horloge qu' ils ont nommée « place
de la libération ». Nous les avons entendus vociférer
sans arrêt durant la nuit des slogans effrayants : « Le
front de Homs proclame le Jihad, habitants de Homs, au Jihad ! ».
Mais personne de la ville n’a bougé. Vers 4 heures du matin nous
avons entendu des salves d’armes à feu et le matin quel fut notre
soulagement de voir que toute cette foule hirsute avait été dispersée.
Aujourd’hui Homs est comme en état de siège. Les forces
de sécurité ont interdit les motocyclettes. Personne ne peut rentrer
à Homs mais on peut en sortir. Nous avons tous vu que ces manifestants
étaient des occupants à la solde d’une entité extérieure
à la Syrie. On nous dit que ce sont des salafistes. Nous n’avons
aucune hésitation à le croire, nous avons vu de nos yeux leurs
agissements. Ils ne sont pas des nôtres, ils viennent pour un complot
occulte, pas pour une réforme constructive. Que Dieu nous assiste. »
Témoignage de M.S. étudiant
de Qâra, résidant à Homs,
« Le mercredi 19 avril j’étais à
Homs. J’habite près de l’université Baath, à
côté du rond-point du président. En marge des manifestants
j’ai vu des voitures 4x4 équipées avec de grosses mitraillettes
bien fixées sur l’arrière. Un milicien se tenait derrière
la mitraillette et tenait la gâchette appuyée pour cribler de balle
tous les magasins de la rue commerçante qui va du rond-point au centre-ville.
Les gens qui circulaient s’aplatirent sur le sol, il y eu quelques blessés.
Les jeunes du comité populaire avec les forces de l’ordre finirent
par tirer sur le véhicule qui dérapa. Nous accourûmes pour
maîtriser ses occupants. Ils étaient trois. Quel ne fut notre étonnement
de voir qu' ils étaient dans un état inexplicable, comme
drogués. Celui qui actionnait la mitraillette avait été
blessé par une balle qui avait laminé son bras en profondeur,
mais il riait aux éclats, insensible à la souffrance. Ces gens
ont été arrêtés et transportés ailleurs par
les forces de l’ordre. »
En recueillant les témoignages de nos amis à
Damas ( Zamalka, Jobar, Abbasiyyin -tijara, koussour, kassa-Dweila, Zablatani,
Souk El Hâl, Saaba-Gotta, reliée aux camps palestiniens qui font
un juteux commerce d’armes) ou Daraa, Suwaida, Lattaquieh et littoral
ou Jezzirah, nous relevons plus ou moins le même scénario. Les
gens, jeunes et adultes confondus se rassemblent au sortir des mosquées
ou à une autre occasion. Ils s’avancent dans une manifestation
pacifique. A l’intérieur de la foule il y a des groupuscules qui
commencent à faire monter la tension. Les slogans deviennent plus violents
et fanatiques. A un moment donné ces intrus commencent à commettre
des actes violents : casser des magasins, brûler des voitures, s’en
prendre aux passants ou aux forces de l’ordre. L’ensemble des manifestants
n’est pas forcément au courant de ces agressions qui se déroulent
à un bout de la file de la manifestation. A un moment donné des
snipers embusqués sur les toits ou des gens armés de l’intérieur
de la foule, tirent tant sur les forces de l’ordre que sur les manifestants.
C’est la débandade. Les séquences de vidéo sont prises
à ce moment-là pour prouver que les forces de l’ordre ont
tiré gratuitement sur une foule pacifique.
C’est une évidence pour des observateurs impartiaux
qu' il s’agit d’un scénario habilement monté
et orchestré par les médias mondiaux à partir de concepts-clés.
Ce scénario se répète un peu partout en Syrie pour infléchir
la situation de sorte à pouvoir renverser le régime. Chez nous,
dans nos petits villages du Qalamun, cela se reproduit à une moindre
échelle. Nous ne cherchons pas à protéger le régime.
Nous voulons des réformes, mais pas de cette manière manipulatoire
qui est loin d’être innocente.
Pour essayer de comprendre les enjeux de la situation présente
en Syrie ou au Moyen-Orient essayons de situer les évènements
dans le fil du temps.
Les évènements au passé et au présent
D’abord le passé : Il est inévitable
de faire mémoire pour comprendre à quel point nous nous trouvons
de notre long calvaire au Moyen-Orient. Par quels labyrinthes mortifères
nos peuples ont été obligés de s’engager à
cause des alliances et contre-alliances ayant trait au conflit israélo-arabe
qui à notre grand détriment n’a pas encore été
résolu mais s’est compliqué en une nécrose purulente.
Depuis la création de l’Etat d’Israël, nous nous trouvons
dans une situation de continuelle réélaboration géopolitique
sur l’échiquier de la diplomatie et de la politique mondiale à
coup d’actions et de réactions. D’abord le panarabisme de
Naguib et de Nasser, puis la politique des petits pas de Mr. Kissinger autorisant
la partition de Chypre, le dépeçage confessionnel du Liban avec,
en arrière-fond la chute du Shah et l’émergence de la République
Islamique. Ensuite l’invention du fondamentalisme sunnite avec les Ousamma
Ben Laden et les Talibans explosant dans le World Trade Centre puis la guerre
du Golfe, celle d’Iraq et d’Afghanistan. On nous prédisait
le nouveau Moyen-Orient à partir d’une anarchie créatrice
suite au limogeage du méchant Saddam Hussein. Nous y voilà !
Piètre réalisation en vérité. Combien de sang, de
morts, de destructions ? Quelle instabilité, quelle misère,
combien de voitures piégées jusqu' à aujourd’hui !
Sans oublier la subtile et occulte redistribution démographique qui,
comme au Liban, à Chypre, dans les Balkans ou en Iraq, cherche à
morceler la géographie en des entités faibles à prédominance
confessionnelle, où souvent les chrétiens n’ont pas de place.
Afin que se réalise dans toute sa puissance l’hypothèse
du choc des civilisations de Samuel Hungtinton.
Ensuite le présent : Derrière le brouhaha
des manifestations et le fracas des armes et des slogans pseudo-humanitaires,
on assiste à l’émergence réelle d’un front
shiite qui s’oppose à un front sunnite. Pour mettre en place cet
ultime scénario on a favorisé d’une manière occulte
les mouvements « religieux », Frères musulmans
ou ayatollah. Soudainement les grandes puissances sont très soucieuses
des Droits de l’Homme dans nos pays. N’avaient-elles pas pactisé,
mieux collaboré, au grès de leurs intérêts avoués
ou occultes, pendant des décennies avec les régimes décriés
aujourd’hui ? Mais voilà que, soudain, les dirigeants mondiaux
deviennent attentifs aux principes de la démocratie chez nous, au point
que Messieurs Obama, Cameron et Sarkozy écrivent une lettre conjointe,
apparue le 14 avril dans le Herald Tribune pour consacrer dans des termes pathétiques
le principe de leur ingérence « humanitaire » en
Libye. Cette ingérence à caractère humanitaire ( ?)
a déjà fait des dizaines de morts dans la population civile. Elle
crée un précédent effrayant. Elle élimine l’Etat
de droit et sape les fondements de l’indépendance des nations,
mieux la notion elle-même de nation. La rapidité avec laquelle
la communauté internationale, Ligue Arabe et ONU, a réagi contre
le régime libyen est déconcertante. Alors qu' il s’agissait
de « protéger » la population civile contre les
tyrannies de Gaddafi voilà que les frappes de l’OTAN sont en fait
pour favoriser et accompagner une rébellion armée qui change la
donne. Il ne s’agit plus d’un peuple pacifique qui réclame
le changement à ses dirigeants mais d’une guerre civile où
la communauté internationale prend parti effective avec l’une des
factions contre l’autre.
L’objection humanitaire est bien la motivation de ce
droit à l’ingérence. Mais alors pourquoi ne pas en faire
bénéficier tous les spoliés de la terre. Pourquoi deux
poids, deux mesures ? Pourquoi intervient-on en Libye en « faveur »
des manifestants tandis qu' au Bahreïn on intervient à leur
détriment ? Et que dire du calvaire quotidien de la population civile
à Gaza qui sert de perpétuelle chair à canons à
Tsahal avec un usage immodéré de la force contre la population
civile ?
Aussi, pour notre part, sommes-nous loin de reconnaître
dans les manifestations qui envahissent le monde arabe en général
et la Syrie en particulier, les prodromes d’un quelconque printemps, au
contraire nous préconisons le maximum de retenue et de prudence. Nous
n’y voyons qu' un acte hivernal impitoyable pour nous enrôler
dans un nouveau façonnement qui plaise aux maîtres du monde. Et
la preuve est à bout portant, nous lisons dans le Figaro du 18 avril
que les USA ont financé l’opposition en Syrie : « Selon
le Washington Post, la chaîne Barada TV est proche du Mouvement pour la
justice et le développement, un réseau d’opposants syriens
exilés. Le Département d’Etat américain a financé
ce mouvement à hauteur de 6 millions de dollars depuis 2006. L’administration
américaine a commencé à financer des figures de l’opposition
sous la présidence de George W. Bush quand ce dernier a rompu ses relations
avec Damas en 2005. Les financements ont perduré avec le président
Barack Obama…. »
Nous lisons aussi à propos des évènements
en Egypte, jugés si spontanés que la plupart des commentateurs
disent que les USA et leurs alliés ont été pris de vitesse
et qu' ils cherchaient à se rattraper en Libye :
« Cependant, bien que Moubarak ne soit certainement pas un ange,
l’opposition qui lui fit face apparaît avoir été cooptée
par des forces qui sont encore plus questionnables ». Quelles sont-elles ?
L’article les analyse avec précision : « Freedom
House, une fondation US majeure prépare des activistes pour la révolution.
La stratégie s’inscrit dans celle de l’administration américaine
divisée en néoconservateurs et néolibéraux. Pour
l’organisation et le soutien des manifestions a été appliqué
le principe de Joseph Nye, un membre de la commission Trilatérale, qui
écrit dans son livre Soft Power : The Means to Success in
World Politics : « Quand tu obtiens que les autres admirent
tes idéaux et veulent ce que tu veux tu n’as pas besoin de te dépenser
à droite et à gauche pour les attirer dans ta direction. La séduction
est toujours plus effective que la coercition ». Nyse parle de l’importance
des ONG comme possible collaborateurs dans l’administration de la puissance
douce. L’alliance entre l’ONG Freedom House et le gouvernement américain
a entraîné la mise en marche de forces privées qui exercent
des influences malsaines dans la politique étrangère et nationale.
De plus Freedom House et ses ONG alliés emploient la puissance douce
pour faciliter ce que le néoconservateur Michael Ledeen appelle : « la
destruction créatrice ». Un concept révolutionnaire
et subversif qui cherche à abattre et à reconstruire chaque aspect
de la société pour le rendre inoffensif. Pour finir nous dirons
que Freedom House n’est qu' une entité dans un réseau
d’organisations gouvernementales et non gouvernementales que des élites
déviante utilisent pour conduire des campagnes de déstabilisation,
pour remodeler le paysage politique, social, économique des pays et punir
les dirigeants nationaux récalcitrants et les dictateurs.
C’est bien de destruction créatrice qu' il
s’agit. Les architectes de nos nouvelles révolutions peuvent se
vanter qu' à un prix dérisoire ils ont pu allumer des incendies
qui tiennent à la fois du virtuel, du sentimental, de la boule de neige,
bref, de la suggestion médiatique. Mais pour mettre le feu aux poudres
il n’en faut pas plus et la puissance douce peut se changer en volcan
qui charrie tout. Car il s’agit bien d’en arriver là ?
Quelles voies pour une vraie réforme
Par-delà le factice, il y a des facteurs composés
qu' il faut détecter pour être en mesure d’analyser
la situation et lui trouver des solutions adéquates en évitant
d’idéaliser l’information qui nous parvient de ces mouvements
de masse sous forme de désinformation manipulatrice.
Pour ce faire il faut comprendre la spécificité
socioculturelle syrienne qui tient sur des équilibres non pas seulement
politiques mais humains. Bien que le parti Baas soit idéologique et essentiellement
laïc, il n’en a pas moins gardé, comme tous les autres régimes
monarchiques, républicains ou parlementaires de la région, des
profondes ramifications dans le tissu tribal et clanique, spécifique
du Moyen-Orient. Il tient grâce à ces accointances, grâce
à un continuel réajustement des relations cordiales à travers
les représentants des grandes et des petites familles. C’est cela
qui fait sa force ou sa faiblesse, comme celle des autres régimes de
la région. Les médias n’ont pas retransmis la réunion
du Président Bachar El Assad avec les notables de Daraa par exemple et
le témoignage d’un des participants. Accueillis sans aucun protocole,
ils ont été touchés par l’intérêt réel
du Président et ce contact a réussi à apaiser les esprits
et à créer un espace de dialogue et de concorde. Cependant cette
atmosphère n’a pas perduré. Entre-temps les évènements
de Homs, de Banias, de Jableh et autres sont venus verser de l’huile sur
le feu avec les nouvelles de plus en plus impartiales de l’existence d’un
véritable réseau sunnite de soutien aux manifestants. Ceci aboutit
à des mesures préventives qui sont forcément répressives
comme nous le voyons aujourd’hui à Daraa, Douma, Jableh avec, en
contrepartie, la démission de plusieurs officiers de l’armée,
de deux députés, du vice-président de la chambre de Commerce
et du mufti de Daraa.
Un dialogue serein entre les diverses composantes de la Syrie
peut commencer.
Jamais une ingérence étrangère ne pourra
remplacer le dialogue intérieur et serein dans une famille, une région
ou une nation. Je rapporte ici le point de vue d’une blogueuse du nom
de Nour qui écrit le 14 Avril : «Je crois qu' il serait
naïf de croire que ces « révolutionnaires »
avec les médias Arabes postent simplement des vidéos pour disséminer
une information qu' ils sont incapables de vérifier. Ils ne sont
pas de simples amateurs qui font des erreurs tout le temps. Ceci fait partie
d’une campagne organisée et concertée pour inciter les gens
à la violence et à la haine. C’est pourquoi je la rejette
totalement ainsi que ceux qui organisent cette charade. Quand aux vrais protestataires
j’ai déjà accepté quelques-unes de leurs requêtes
car elles sont légitimes et j’ai assuré qu' ils avaient
le droit absolu de manifester pacifiquement. Mais je condamne avec les termes
les plus sévères l’usage de la violence (TOUTE VIOLENCE)
par les officiers de sécurité contre les pacifiques protestataires.
Cependant je ne cois pas que je devrais soutenir toute personne qui s’oppose
au régime pour le simple fait d’être opposition avec le régime.
Je ne soutiens pas l’usage de moyens déshonnêtes et dégénérés
pour combattre le régime parce que les gens qui utilisent de tels moyens
ne sont pas meilleurs que le régime ».
Un changement réalisé par la force coûtera
cher laissant présager le pire des scénarios à l’avenir.
C’est l’inconnu et l’horreur du vide, même si les médias
et leurs distingués invités semblent confiants dans l’avenir
et pressent vers la déstabilisation du régime. Sous cette angle
les protestations violentes (admettons-le, il y a des intrus qui sont chargés
de faire monter la tension) nuisent à la cause de la vraie réforme.
Déjà au XVIIIème siècle l’Orientaliste
Sir William Jones, écrivant des Indes coloniales britanniques, argumentait
« qu' un système de liberté imposé à
une peuple invinciblement attaché à des habitudes opposées
serait en vérité un système de tyrannie. »
Ce que nous craignons est bien prédit par le président
russe Mr. Dimitry Medveïev parlant de la situation présente :
« Ces pays sont difficiles et il est très probable que des
temps durs nous attendent y inclus l’arrivée au pouvoir de fanatiques.
Ceci veut dire du feu pour des décades et l’extension de l’extrémisme ».
Aussi notre désir est que l’on cesse de mettre de l’huile
sur le feu et nous opposer aux formes dévoyées de toute ingérence
tendancieuse qui ne peut qu' être intéressée, et ce
faisant aveugle et insensible au vrai bien de la patrie.
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