Que se passe-t-il en Syrie ?
Domenico Losurdo
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Amour et vérité
Ces derniers temps, par les interventions surtout de la secrétaire
d’État Hillary Clinton, l’administration Obama ne rate pas
une occasion de célébrer Internet, Facebook, Twitter comme instruments
de diffusion de la vérité et de promotion, indirectement, de la
paix. Des sommes considérables ont été attribuées
par Washington pour potentialiser ces instruments et les rendre invulnérables
aux censures et attaques des « tyrans ». En réalité,
pour les nouveaux media comme pour les plus traditionnels, la même règle
est de mise : ils peuvent aussi être des instruments de manipulation et
d’attisement de la haine et même de la guerre. La radio a été
savamment utilisée en ce sens par Goebbels et par le régime nazi.
Pendant la Guerre froide, plus encore qu' un instrument
de propagande, les transmissions radio ont constitué une arme pour les
deux parties engagées dans le conflit : la construction d’un efficient
« Psychological Warfare Workshop » est un des premiers devoirs assignés
à la CIA . Le recours à la manipulation joue un rôle essentiel
aussi à la fin de la Guerre froide ; entre-temps, à côté
de la radio, est intervenue la télévision. Le 17 novembre 1989,
la « révolution de velours » triomphe à Prague, avec
un mot d’ordre qui se voulait gandhien : « Amour et Vérité
». En réalité un rôle décisif est joué
par la diffusion de la fausse nouvelle selon laquelle un étudiant avait
été « brutalement tué » par la police. C’est
ce que révèle, satisfait, à vingt ans de distance, «
un journaliste et leader de la dissidence, Jan Urban » protagoniste de
la manipulation : son « mensonge » avait eu le mérite de
susciter l’indignation de masse et l’effondrement d’un régime
déjà périclitant.
À la fin de 1989, bien que fortement discrédité,
Nicolae Ceausescu est encore au pouvoir en Roumaine. Comment le renverser ?
Les mass media occidentaux diffusent massivement dans la population roumaine
les informations et les images du « génocide » perpétré
à Timisoara par la police de Ceausescu. qu' était-il arrivé
en réalité ? Laissons la parole à un prestigieux philosophe
(Giorgio Agamben), qui ne fait pas toujours preuve de vigilance critique à
l’égard de l’idéologie dominante mais qui a synthétisé
ici de façon magistrale l’affaire dont nous traitons :
« Pour la première fois dans l’histoire
de l’humanité, des cadavres à peine enterrés ou alignés
sur les tables des morgues ont été déterrés en hâte
et torturés pour simuler devant les caméras le génocide
qui devait légitimer le nouveau régime. Ce que le monde entier
avait sous les yeux en direct comme vérité sur les écrans
de télévision, était l’absolue non-vérité
; et bien que la falsification fût parfois évidente, elle était
de toutes façons authentifiée comme vraie par le système
mondial des media, pour qu' il fût clair que le vrai n’était
désormais qu' un moment du mouvement nécessaire du faux »
.
Dix ans après, la technique décrite ci-dessus
est de nouveau mise en acte, avec un succès renouvelé. Une campagne
martèle l’horreur dont s’est rendu responsable le pays (la
Yougoslavie) dont le démembrement a déjà été
programmé et contre lequel on est déjà en train de préparer
la guerre humanitaire :
« Le massacre de Racak est atroce, avec des mutilations
et des têtes coupées. C’est une scène idéale
pour susciter l’indignation de l’opinion publique internationale.
Quelque chose semble étrange dans la tuerie. Les Serbes tuent d’habitude
sans procéder à des mutilations […] Comme la guerre de Bosnie
le montre, les dénonciations d’atrocités sur les corps,
signes de tortures, décapitations, sont une arme de propagande diffuse
[…] Peut-être n’est-ce pas les Serbes mais les guérilleros
albanais qui ont mutilé les corps » .
Si ce n’est qu' à ce moment-là, les
guérilleros de l’UCK ne pouvaient pas être suspectés
d’une telle infamie : c’étaient des freedom fighters, des
combattants de la liberté. Aujourd’hui, au Conseil d’Europe,
le leader de l’UCK et père de la patrie au Kosovo, Hashim Thaci,
« est accusé de diriger un clan politico-criminel né à
la veille de la guerre » et impliqué dans le trafic non seulement
d’héroïne mais aussi d’organes humains. Voici ce qui
arrivait sous sa direction au cours de la guerre : « Une ferme à
Rripe, en Albanie centrale, transformée par les hommes de l’UCK
en salle d’opération, avec comme patients des prisonniers de guerre
serbes : un coup dans la nuque, avant d’explanter leurs reins, avec la
complicité de médecins étrangers » (on présume
occidentaux) . Et vient ainsi au jour la réalité de la «
guerre humanitaire » de 1999 contre la Yougoslavie ; mais pendant ce temps
son démembrement a été porté à terme et au
Kosovo s’installe et veille une énorme base militaire étasunienne.
Faisons un autre saut en arrière de plusieurs années.
Une revue française de géopolitique (Hérodote) a mis en
relief le rôle essentiel joué, au cours de la « révolution
des roses » qui a lieu en Géorgie à la fin de 2003, par
les réseaux télévisés qui sont aux mains de l’opposition
géorgienne et par les réseaux occidentaux : ils transmettent sans
discontinuer l’image (qui s’est révélée ensuite
fausse) de la villa qui serait la preuve de la corruption d’Edouard Chevardnadze,
le dirigeant qu' il s’agit de renverser. après la proclamation
des résultats électoraux qui signent la victoire de Chevardnadze
et qui sont déclarés frauduleux par l’opposition, celle-ci
décide d’organiser une marche sur Tbilissi, qui devrait sceller
« l’arrivée symbolique, et pacifique même, dans la
capitale, de tout un pays en colère ». Bien que convoquées
de tous les coins du pays à grands renforts de moyens propagandistes
et financiers, ce jour-là affluent pour la marche entre 5 000 et 10 000
personnes : « ce n’est rien pour la Géorgie » ! Et
pourtant grâce à une mise en scène sophistiquée et
de grande professionnalité, la chaîne de télé la
plus diffusée du pays arrive à communiquer un message totalement
différent : « L’image est là, puissante, celle d’un
peuple entier qui suit son futur président ». Désormais
les autorités politiques sont délégitimées, le pays
est désorienté et abasourdi et l’opposition plus arrogante
et agressive que jamais, d’autant plus que les médias internationaux
et les chancelleries occidentales l’encouragent et la protègent
. Le coup d’État est mûr, il va porter au pouvoir Mikhaïl
Saakashvili, qui a fait ses études aux USA, parle un anglais parfait
et est en mesure de comprendre rapidement les ordres de ses supérieurs.
Internet comme instrument de liberté
Venons-en maintenant aux nouveaux media, particulièrement
chers à Madame Clinton et à l’administration Obama. Pendant
l’été 2009 on pouvait lire dans un quotidien italien réputé
:
« Depuis quelques jours, sur Twitter, circule une image
de provenance incertaine […] Devant nous, un photogramme d’une valeur
profondément symbolique : une page de notre présent.
Une femme avec le voile noir, qui porte un t-shirt vert sur des jeans : extrême
Orient et extrême Occident ensemble. Elle est seule, à pieds. Elle
a le bras droit levé et le poing fermé. Face à elle, imposant,
la gueule d’un SUV, du toit duquel émerge, hiératique, Mahmoud
Ahmadinejad. Derrière, les garde du corps. Le jeu des gestes touche :
de provocation désespérée, celui de la femme ; mystique,
celui du président iranien ».
Il s’agit d’ « un photomontage », qui
certes semble « vraisemblable », pour arriver plus efficacement
à « conditionner des idées, des croyances » . D’autre
part, les manipulations abondent. À la fin du mois de juin 2009, les
nouveaux media en Iran et tous les moyens d’information occidentaux diffusent
l’image d’une belle fille touchée par une balle : «
Elle commence à saigner, elle perd conscience. Dans les secondes qui
suivent ou peu après, elle est morte. Personne ne peut dire si elle a
été prise dans le feu croisé ou si elle a été
touchée de façon ciblée ». Mais la recherche de la
vérité est la dernière chose à laquelle on pense
: ce serait de toutes façons une perte de temps et ça pourrait
même se révéler contre-productif. L’essentiel est
ailleurs : « à présent la révolution a un nom : Neda
». On peut alors diffuser le message désiré : « Neda
innocente contre Ahmadinejad », ou bien : « une jeunesse courageuse
contre un régime vil ». Et le message s’avère irrésistible
: « Il est impossible de regarder sur Internet de façon froide
et objective la vidéo de Neda Soltani, la brève séquence
où le père de la jeune femme et un médecin essaient de
sauver la vie de le jeune iranienne de vingt-six ans » . Comme pour le
photomontage, dans le cas aussi de l’image de Neda, nous sommes en présence
d’une manipulation sophistiquée, attentivement étudiée
et calibrée dans tous ses détails (graphiques, politiques et psychologiques)
dans le but de discréditer et de rendre la plus odieuse possible la direction
iranienne. (Voir addenda en fin de texte, NdT).
Et nous arrivons ainsi au « cas libyen ». Une revue
italienne de géopolitique a parlé à ce propos d’
« utilisation stratégique du faux », comme le confirme en
premier lieu la « déconcertante affaire des fausses fosses communes
» (et d’autres détails sur lesquels j’ai attiré
l’attention). La technique est celle dont on se félicite et qu' on
utilise depuis des décennies, mais qui à présent, avec
l’avènement des nouveaux media, acquiert une efficience terrible
: « La lutte est d’abord représentée comme un duel
entre le puissant et le faible sans défense, et rapidement transfigurée
ensuite en une opposition frontale entre le Bien et le Mal absolus ».
Dans ces circonstances, loin d’être un instrument de liberté,
les nouveaux media produisent le résultat opposé. Nous sommes
en présence d’une technique de manipulation, qui « restreint
fortement la liberté de choix des spectateurs » ; « les espaces
pour une analyse rationnelle sont comprimés au maximum, en particulier
en exploitant l’effet émotif de la succession rapide des images
» .
Et ainsi, on retrouve pour les nouveaux media la règle
déjà constatée pour la radio et la télévision
: les instruments, ou potentiels instruments, de liberté et d’émancipation
(intellectuelle et politique) peuvent se renverser et souvent se renversent
aujourd’hui en leur contraire. Il n’est pas difficile de prévoir
que la représentation manichéenne du conflit en Libye ne résistera
pas longtemps ; mais Obama et ses alliés espèrent dans l’intervalle
atteindre leurs objectifs, qui ne sont pas vraiment humanitaires, même
si la novlangue s’obstine à les définir comme tels.
Spontanéité d’Internet
Mais revenons au photomontage qui montre une dissidente iranienne
défier le président de son pays. L’auteur de l’article
que je cite ne s’interroge pas sur les artisans d’une manifestation
si sophistiquée. Je vais essayer de remédier à cette lacune.
A la fin des années 90 déjà, on pouvait lire dans l’International
Herald Tribune : « Les nouvelles technologies ont changé la politique
internationale » ; ceux qui étaient en mesure de les contrôler
voyaient augmenter démesurément leur pouvoir et leur capacité
de déstabilisation des pays plus faibles et technologiquement moins avancés
.
Nous sommes là en présence d’un nouveau
chapitre de guerre psychologique. Dans ce domaine aussi les USA sont décisivement
à l’avant-garde, ayant à leur actif des décennies
de recherche et d’expérimentations. Il y a quelques années
Rebecca Lemov, anthropologue de l’université de l’État
de Washington, a publié un livre qui « illustre les tentatives
inhumaines de la CIA et de certains parmi les plus grands psychiatres de "détruire
et reconstruire" la psyché des patients dans les années 50
» . Nous pouvons alors comprendre un épisode qui s’est déroulé
dans cette même période. Le 16 août 1951, des phénomènes
étranges et inquiétants vinrent troubler Pont-Saint-Esprit, «
un village tranquille et pittoresque » situé « dans le Sud-est
de la France ». Oui, « le pays fut secoué par un mystérieux
vent de folie collective. Cinq personnes au moins moururent, des dizaines finirent
à l’asile, des centaines donnèrent des signes de délire
et d’hallucinations […] Beaucoup finirent à l’hôpital
avec la camisole de force ». Le mystère, qui a longtemps entouré
ce coup de « folie collective », est maintenant dissipé :
il s’agît d’une « expérimentation menée
par la CIA, avec la Special Operation Division (SOD), l’unité secrète
de l’Armée USA de Fort Detrick, au Maryland » ; les agents
de la CIA « contaminèrent au LSD les baguettes vendues dans les
boulangeries du pays », causant les résultats que nous avons vus
ci-dessus . Nous sommes aux débuts de la Guerre froide : bien sûr
les États-Unis étaient des alliés de la France, mais c’est
justement pour ça que celle-ci se prêtait facilement aux expérimentations
de guerre psychologique qui avaient certes comme objectif le « camp socialiste
» (et la révolution anticoloniale) mais pouvaient difficilement
être effectuées dans les pays situés au-delà du rideau
de fer.
Posons-nous alors une question : l’excitation et l’attisement
des masses ne peuvent-ils être produits que par voie pharmacologique ?
Avec l’avènement et la généralisation d’Internet,
Facebook, Twitter, une nouvelle arme a émergé, susceptible de
modifier profondément les rapports de force sur le plan international.
Ceci n’est plus un secret, pour personne. De nos jours, aux USA, un roi
de la satire télévisée comme Jon Stewart s’exclame
: « Mais pourquoi envoyons-nous des armées s’il est aussi
facile d’abattre les dictatures via Internet que d’acheter une paire
de chaussures ? » . À son tour, avec une revue proche du département
d’État, un chercheur attire l’attention sur « comment
il est difficile de militariser » (to weaponize) les nouveaux media pour
des objectifs à court terme et liés à un pays déterminé
; il vaut mieux poursuivre des objectifs de plus ample envergure . Les accents
peuvent varier, mais la signification militaire des nouvelles technologies est
dans tous les cas explicitement soulignée et revendiquée.
Mais Internet n’est-il pas l’expression même
de la spontanéité individuelle ? Seuls les plus démunis
(et les moins scrupuleux) argumentent ainsi. En réalité —reconnaît
Douglas Paal, ex-collaborateur de Reagan et de Bush senior— Internet est
actuellement « géré par une ONG qui est de fait une émanation
du Département du Commerce des USA » . S’agit-il seulement
de commerce ? Un quotidien de Pékin rapporte un fait largement oublié
: quand en 1992 la Chine demanda pour la première fois à être
reliée à Internet, sa requête fut rejetée en raison
du danger que le grand pays asiatique ne put ainsi « se procurer des informations
sur l’Occident ». Maintenant, au contraire, Hillary Clinton revendique
l’ « absolue liberté » d’Internet comme valeur
universelle à laquelle on ne peut renoncer ; et cependant —commente
le quotidien chinois— « l’égoïsme des États-Unis
n’a pas changé » .
Peut-être ne s’agit-il pas seulement de commerce.
À ce sujet, l’hebdomadaire allemand Die Zeit demande des éclaircissements
à James Bamford, un des plus grands experts en matière de services
secrets états-uniens : « Les Chinois craignent aussi que des firmes
américaines (étasuniennes, NdT) comme Google soient en dernière
analyse des outils des services secrets américains (étasuniens,
NdT) sur le territoire chinois. Est-ce une attitude paranoïde ? »
« Pas du tout » répond-il immédiatement. Au contraire
même —ajoute l’expert— des « organisations et
institutions étrangères [aussi] sont infiltrées »
par les services secrets étasuniens, lesquels sont de toutes façons
en mesure d’intercepter les communications téléphoniques
dans tous les coins de la planète et doivent être considérées
comme « les plus grands hackers du monde » . Désormais —affirment
encore dans Die Zeit deux journalistes allemands— cela ne fait aucun doute
:
« Les grands groupes Internet sont devenus un outil de
la géopolitique des USA. Avant, on avait besoin de laborieuses opérations
secrètes pour appuyer des mouvements politiques dans des pays lointains.
Aujourd’hui il suffit souvent d’un peu de technique de la communication,
opérée à partir de l’Occident […] Le service
secret technologique des USA, la National Security Agency, est en train de monter
une organisation complètement nouvelle pour les guerres sur Internet
» .
Il convient donc de relire à la lumière de tout
ceci quelques événements récents d’explication non
aisée. En juillet 2009 des incidents sanglants sont survenus à
Urumqi et dans le Xinjiang, la région de Chine habitée surtout
par des Ouigours. Sont-ce la discrimination et l’oppression contre des
minorités ethniques et religieuses qui les expliquent ? Une approche
de ce type ne semble pas très plausible, à en juger du moins par
ce que réfère de Pékin le correspondant de La Stampa :
« De nombreux Hans d’Urumqi se plaignent des privilèges
dont jouissent les Ouigours. Ceux-ci, de fait, en tant que minorité nationale
musulmane, ont à niveau égal des conditions de travail et de vie
bien meilleures que leurs collègues Hans. Un Ouigour, au bureau, a l’autorisation
de suspendre son travail plusieurs fois pas jour pour accomplir les cinq prières
musulmanes traditionnelles de la journée […] En outre ils peuvent
ne pas travailler le vendredi, jour férié musulman. En théorie
ils devraient récupérer le dimanche. Mais le dimanche les bureaux
sont en fait déserts […] Un autre point douloureux pour les Hans,
soumis à la dure politique d’unification familiale qui impose encore
l’enfant unique, est le fait que les Ouigours peuvent avoir deux ou trois
enfants. En tant que musulmans, ensuite, ils ont des remboursements en plus
dans leur salaire étant donné que, ne pouvant pas manger de porc,
ils doivent se rabattre sur la viande d’agneau qui est plus chère
» .
Elles apparaissent alors pour le moins unilatérales
ces accusations portées par l’Occident contre le gouvernement de
Pékin de vouloir effacer l’identité nationale et religieuse
des Ouigours. Alors ?
Réfléchissons sur la dynamique des incidents.
Dans une ville côtière de Chine où , malgré les différentes
traditions culturelles et religieuses préexistantes, des Hans et des
Ouigours travaillent côte à côte, se répand tout d’un
coup la rumeur selon laquelle une jeune fille han a été violée
par des ouvriers ouigours ; il en résulte des incidents au cours desquels
deux Ouigours perdent la vie. La rumeur qui a provoqué cette tragédie
est fausse mais voici que se répand alors une deuxième rumeur
plus forte encore et encore plus funeste : Internet diffuse dans son réseau
la nouvelle selon laquelle dans la ville côtière de Chine des centaines
de Ouigours auraient perdu la vie, massacrés par les Hans dans l’indifférence
et même sous le regard complaisant de la police. Résultat : des
tumultes ethniques dans le Xinjiang, qui provoquent la mort de presque 200 personnes,
cette fois presque toutes hans.
Eh bien sommes-nous là en présence d’une
intrication malheureuse et fortuite de circonstances ou bien la diffusion des
rumeurs fausses et tendancieuses visait-elle le résultat qui s’est
effectivement produit ensuite ? Nous sommes dans un situation où il s’avère
désormais impossible de distinguer la vérité de la manipulation.
Une société étasunienne a réalisé des «
programmes qui permettraient à un sujet engagé dans une campagne
de désinformation de prendre simultanément jusqu' à
70 identités (profils de réseaux sociaux, account in forum etc.)
en les gérant parallèlement : le tout sans qu' on puisse
découvrir qui tire les ficelles de cette marionnette virtuelle ».
Qui a recours à ces programmes ? Il n’est pas difficile de le deviner.
Le quotidien cité ici, non suspect d’antiaméricanisme (anti-étasunien,
NdT) précise que la société en question « fournit
des services à diverses agences gouvernementales étasuniennes,
comme la CIA et le ministère de la Défense » . La manipulation
de masse célèbre son triomphe tandis que le langage de l’Empire
et la novlangue se font, dans la bouche d’Obama, plus doux et suaves que
jamais.
Revient alors en mémoire l’ « expérimentation
conduite par la CIA » pendant l’été 1951, qui produisit
« un mystérieux vent de folie collective » dans « le
village pittoresque et tranquille » de Pont-Saint-Esprit. Et de nouveau
nous voici obligés de nous poser la question initiale : la « folie
collective » peut-elle être produite seulement par voie pharmacologique
ou bien aujourd’hui peut-elle être le résultat du recours,
aussi, aux « nouvelles technologies » de la communication de masse
?
On comprend alors les financements par Hillary Clinton et par
l’administration Obama destinés aux nouveaux media. Nous avons
vu que la réalité des « guerres sur Internet » est
désormais reconnue même par de réputés organes de
presse occidentaux ; sauf que dans le langage de l’Empire et dans la novlangue
la promotion des « guerres sur Internet » devient la promotion de
la liberté, de la démocratie et de la paix.
Les cibles de ces opérations ne restent pas sans rien
faire : comme dans toute guerre les faibles cherchent à combler leur
désavantage en apprenant des plus forts. Et voici que ces derniers crient
au scandale : « Au Liban ceux qui maîtrisent le plus les news media
et les réseaux sociaux ne sont pas les forces politiques pro-occidentales
qui soutiennent le gouvernement de Saad Hariri, mais les "Hezbollah"
». Cette observation laisse poindre un soupir : ah, comme ce serait beau
si, ainsi qu' il en a été pour la bombe atomique et pour
les armes (proprement dites) les plus sophistiquées, même pour
les « nouvelles technologies » et les nouvelles armes d’information
et de désinformation de masse, ceux qui détiennent le monopole
étaient les pays qui infligent un interminable martyre au peuple palestinien
et qui voudraient continuer à exercer au Moyen-Orient une dictature terroriste
! Le fait est —se lamente Moises Naïm, directeur de Foreign Policy—
que les USA, Israël et l’Occident n’ont plus affaire aux «
cyberidiots d’autrefois ». Ceux-ci « contre-attaquent avec
les mêmes armes, font de la contre information, empoisonnent les puits
» : une véritable tragédie du point de vue des présumés
champions du « pluralisme » . Dans le langage de l’Empire
et dans la novlangue, la timide tentative de créer un espace alternatif
à celui qui est géré ou hégémonéisé
par la superpuissance solitaire devient un « empoisonnement des puits
».
Addenda du Réseau Voltaire
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Source http://www.voltairenet.org/article169576.html
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