« Solution unique en Palestine : un seul état
pour tous »
MICHELANGELO COCCO
Quelle est l’idée de base de votre « état
unique » ?
L’état unique est une vieille proposition de l’OLP
mais aussi de certains membres du mouvement sioniste avant la naissance d’Israël,
comme le philosophe Martin Buber et l’ex-président de l’université
hébraïque Judah Magnes. La nouveauté aujourd’hui se
trouve dans la nécessité de remettre cette proposition au coeur
de l’agenda politique. La réalité sur le terrain rend impossible
le fonctionnement d’un état palestinien. En même temps, l’idée
d’un état ethnique n’est plus soutenable : à
60 années de la naissance de l’état d’Israël,
l’Etat juif a échoué à la fois à obtenir une
légitimation de la part de sa population – je fais référence
aux Palestiniens qu' il occupe et à ceux de l’intérieur
des frontières d’état, qui représentent ensemble
environ la moitié des habitants et deviendront rapidement la majorité
des habitants – et à arrêter la résistance palestinienne.
En outre, il est inacceptable moralement que dans un état les droits
de citoyenneté dépendent de l’ethnie ou de la religion.
Vous parlez de nombreux éléments communs avec
l’expérience irlandaise …
Là aussi, tout a commencé avec une démarche
coloniale qui a pris des caractères ethniques et religieux. L’Irlande
du Nord a été créée en 1921 comme une partition
de l’Irlande exactement pour créer un territoire où les
protestants unionistes –qui étaient minoritaires dans toute l’île-
représentent la majorité. Créer une majorité artificielle
dans une partie de l’Irlande pour justifier et perpétuer le pouvoir
de l’occupant. C’est à cela que nous assistons en Israël :
la tentative de définir un état territorial où les juifs
soient majoritaires.
Croyez-vous que les Israéliens soient prêts à
accepter de diviser le pouvoir avec les Palestiniens ?
Il y a deux étapes à dépasser pour arriver
à cette conscience. Primo : reconnaître ses difficultés
à garder le pouvoir. Deuxièmement : il est nécessaire
d’accepter de partager avec la contrepartie. Les Israéliens ne
sont en aucune manière prêts à ce dernier passage mais ils
admettent qu' ils ont un problème de légitimation dans l’exercice
du pouvoir et de sa conservation. C’est ce qu' on entend quand Tel
Aviv parle de « menace démographique ». Un discours
raciste : les palestiniens sont en train de devenir majoritaires, donc
nous devons nous séparer pour garder l’état juif. Mais il
s’agit en même temps de la reconnaissance qu' un état
où le pouvoir est dans les mains de la minorité est illégitime.
Et ils sont donc en train d’essayer de créer une situation –exactement
comme les bantoustans sud-africains- où apparemment Israël ne gouverne
pas les Palestiniens, dans lequel ceux-ci auraient un état « fantoche »
sans pouvoirs et qu' ils n’aient ainsi pas de droits à demander
à Israël.
A quel niveau de maturation en est ce débat chez les
Palestiniens ?
Il s’élargit beaucoup, à la fois chez ceux
qui vivent en Israël et ceux qui sont en Cisjordanie et à Gaza.
Même les sondages de ces dernières années le montrent, entre
1/4 et 1/3 des Palestiniens de Cisjordanie et Gaza sont pour cette solution.
Fait extraordinaire si on pense qu' aucun parti palestinien n’en
fait la publicité. Dans le mouvement de solidarité international,
pour qui le slogan des deux états est un mantra, en commence à
prendre en considération l’état unique.
Et que faites vous du Hamas, qui vise un état islamique ?
Le Hamas a pris beaucoup de distance avec son idéologie
d’origine et n’a plus comme objectif un état islamique ;
il n’est plus une simple émanation des Frères musulmans
égyptiens. Il s’agit d’un mouvement en perpétuel changement,
qui incorpore certains principes libéraux, comme le montre la déclaration
en faveur de la liberté de la presse faite à l’occasion
de la libération du reporter de la BBC Alan Johnston.
Edition de jeudi 5 juillet de il manifesto http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/05-Luglio-2007/art44.html
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
sommaire