Le retrait israélien de Gaza: un pas vers la paix?

«Nous n'évacuerons pas la moindre colonie, pas même Netzarim [minuscule colonie près de la ville de Gaza]», déclare le Premier ministre israélien Sharon en 20011. Aujourd'hui, les colonies de Gaza sont évacuées. Sharon est-il devenu un homme de paix?

Joaquim Da Fonseca & Luc Vancauwenberge
24-08-2005

1. Pourquoi y a-t-il des colons dans la Bande de Gaza?

Suite à la guerre israélo-arabe de 1967, Israėl occupe Gaza (365 km2) et la Cisjordanie (5.800 km2). C'est le début de sa politique de colonisation de ces territoires: des centaines de milliers de Palestiniens sont expropriés et déplacés. Ces colonies servent aussi à morceler le territoire palestinien. En 1973, Sharon déclare: «Nous allons insérer une bande de colonies juives entre les Palestiniens, et puis une autre à travers la Cisjordanie, de sorte que dans 25 ans, ni les Nations unies ni les Etats-Unis ne pourront encore démêler tout cela.»

Pour mener cette politique, Israėl s'appuie sur les sionistes religieux, convaincus que dieu a promis cette terre aux (seuls) juifs. Pour encourager leur religiosité, l'Etat les gratifie de nombreux avantages matériels: terres et logement très bon marché, subsides. Et une main-d'uvre bon marché à leur disposition: les 8.000 colons de Gaza avaient à leur disposition 4.000 travailleurs palestiniens, thaļlandais très mal payés.2

2. Pourquoi ce retrait d'Israėl aujourd'hui?

En mars 2002, Sharon lance son armée sur les villes palestiniennes de Cisjordanie dans le but d'écraser pour de bon la résistance palestinienne débutée en septembre 2000. Le journaliste israélien Ammon Kapeliouk explique:«Sharon a tenté d'écraser par tous les moyens l'Intifada. Mais il a échoué, il n'y a pas eu de reddition palestinienne. Les problèmes intérieurs et l'isolement international allaient grandissant. Et notamment une résistance grandissante au sein de l'armée. C'est pourquoi Sharon a changé d'avis.»3

3. Que veut Sharon?

Quelque 2.000 maisons de colons sont promises à la destruction dans la bande de Gaza, mais 6.400 nouvelles constructions pour colons sont annoncées en Cisjordanie.4 De plus s'il y a 7.000 colons à Gaza, la Cisjordanie en compte 400.000. Et Sharon accélère la construction du mur traversant les quartiers palestiniens. Un mur qui coupera un quart des Palestiniens de Jérusalem-Est du reste de la ville. L'épuration ethnique se poursuit donc.

Sharon déclare que les blocs de colonies de la Cisjordanie seront reliés à Jérusalem, qu'il ne discutera pas de Jérusalem (considéré comme «entièrement et pour l'éternité» israélien), ni du droit au retour des réfugiés palestiniens. Il affirme avoir reçu une lettre de Bush en avril 2004 dans laquelle ce dernier aurait admis que les colonies de Cisjordanie resteraient sous souveraineté israélienne.5

4. Pourquoi tant de résistance des colons?

Début aoūt, le ministre israélien des Finances Nétanyahou démissionne pour protester contre le désengagement de Gaza. Les raisons qu'il invoque: «Gaza va devenir une base islamique. Le désengagement divise le peuple et il introduit le principe au retour des frontières de 1967.» Ceux des sionistes qui continuent de rêver de Eretz Israėl (le Grand Israėl), dont les colons extrémistes et fanatisés, considèrent le démantèlement des colonies de Gaza comme un dangereux précédent.6 D'oł leur opposition désespérée. Le désengagement de Gaza crée chez eux aussi une crise de confiance à l'égard de l'Etat d'Israėl et de l'armée qui, pendant des dizaines d'années, ont traité les colons comme des pionniers, des héros. Et qui maintenant les évacuent de force.

Les élèves d'une école ont repeint un mur de Gaza.
Le thème: l'avenir de la Palestine. Pour les Palestiniens de Gaza, c'est une des manières de fêter le départ des colons israéliens de la bande de Gaza. (Photo Xinhua)


5. Une victoire palestinienne?

De nombreuses manifestations palestiniennes «fêtant la victoire» ont lieu à Gaza. Non seulement des groupes islamiques Hamas et Djihad islamique, mais aussi des mouvements de gauche, comme le FDLP (Front Démocratique pour la libération de la Palestine) et le FPLP (Front populaire pour la libération de la Palestine).

Pour Ahmed Sa'adate, secrétaire général du FPLP, «ce désengagement doit être considéré d'une part comme une victoire palestinienne. Car si Sharon arrête la colonisation de Gaza, il le fait uniquement sous la pression de la résistance. D'un autre cōté, il s'agit d'une manuvre de Sharon visant à faire accepter par la communauté internationale un Etat palestinien couvrant seulement 42% des Territoires occupés. C'est pourquoi nous appelons toutes les forces politiques palestiniennes à déclarer publiquement que, malgré le désengagement, Gaza est toujours sous occupation. Il faut continuer la résistance jusqu'à la libération complète.»7

6. Est-ce la fin de l'occupation de Gaza?

Le désengagement de Gaza est un acte unilatéral d'Israėl. Israėl maintiendra le contrōle de toutes les frontières de Gaza, ainsi que celui de son espace aérien. Il se réserve le droit d'intervenir militairement à tout moment dans Gaza, au nom de sa sécurité.

Ahmed Sa'ade (FPLP) déclare depuis sa prison: «Sharon veut se débarrasser de la population palestinienne, de la résistance à Gaza et du fardeau qu'elle représente pour Israėl sur le plan économique, militaire, image de marque à l'étranger. Mais Sharon cherche à maintenir le contrōle extérieur sur Gaza. [] Par son plan, Sharon veut anticiper toute pression internationale exigeant l'application des résolutions de l'Onu en faveur des droits du peuple palestinien.»8

7. Le désengagement de Gaza est-il un pas important vers la paix?

L'Autorité palestinienne est prête à signer la paix avec Israėl s'il accepte un Etat palestinien sur les seuls «territoires occupés» (ceux occupés en 1967: moins de 6.000 km2, 22% de la Palestine historique) avec Jérusalem-Est comme capitale et le droit au retour des réfugiés palestiniens conformément à la résolution 194 de l'Onu. Or, ce n'est pas du tout l'objectif du gouvernement israélien.

Illan Pappe, professeur israélien d'histoire à l'université de Haļfa, écrit: «La seule base de réconciliation entre Juifs et Palestiniens est qu'ils aient les mêmes droits dans un Etat. C'est le seul moyen. C'est peut-être un très long chemin. Peut-être faudra-t-il passer par plusieurs étapes. Mais sans cela, le conflit continuera. Il n'y aura une possibilité de réconciliation que lorsque l'occupation s'arrêtera et que la société civile israélienne sera libérée de l'idéologie sioniste.»9

1 Le Soir, 13/8/05 · 2 Haaretz, 17/8/05 · 3 Le Monde diplomatique, déc. 2004 · 4 Le Soir, 12/08/05 · 5 Le Monde, 10/8/05 · 6 Haaretz, 7/8/05 · 7 Al-Arab Alyawm, 17/8/05 · 8 Al-Arab Alyawm (Jordanie), 17/8/05 · 9 Illan Pappe: «There is no peace movement in Israel», 4 juin 2005.