Israël bombarde à nouveau Gaza – Mais « en réponse » à quoi ?

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Moon of Alabama Si cette critique concerne directement les médias états-uniens il suffit de lire la presse bien pensante et de regarder ce qu'on ose appeler nos journaux télévisés en France pour voir que le problème est le même!
publié le 5 mai 2019

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depuis vendredi midi, un échange de tirs entre les Palestiniens assiégés de la bande de Gaza et Israël a dégénéré en bombardements et tirs de missiles. La couverture médiatique du conflit par les médias américains prouve une fois de plus qu’ils ne sont pas en mesure d’en rendre compte de manière équitable.

Les gros titres du blog de Jeff Bezos :

Plus de 200 roquettes tirées sur Israël, depuis Gaza ; Israël répond, tuant 3 personnes.

Le premier paragraphe :

Samedi, les militants de Gaza ont tiré plus de 250 roquettes sur le sud d'Israël, et Israël a répondu par des frappes ariennes et des tirs d'artillerie, mettant fin à des semaines de calme relatif et menaçant les efforts pour forger une trêve à long terme.

La plupart des lecteurs ne lisent pas plus loin que le titre et peut-être le premier paragraphe. Leur impression sera, on le comprend, que ce sont des « militants de Gaza » qui ont commencé la bataille et que les sionistes ont « répondu ». Mais c’est loin d’être vrai.

Il faut lire le quinzième paragraphe pour apprendre que ces « faits » sont probablement faux :

L'armée israélienne a rapporté vendredi que deux de ses soldats ont été légèrement blessés lors d'une fusillade le long de sa frontière avec Gaza. En réaction, Israël a frappé des sites appartenant aux brigades d'Izzedine al-Qassam, l'aile militaire du Hamas, tuant deux combattants.

Vendredi également, deux manifestants palestiniens ont été tués alors qu'ils participaient à des manifestations hebdomadaires à la clôture de la frontière avec Israël, a déclaré le ministère palestinien de la Santé.

Notez l’enchaînement. L’échange est à nouveau décrit comme une « réponse » par Israël. Les deux manifestants assassinés, qui n’étaient pas armés et ne représentaient aucune menace pour Israël, sont mentionnés en aparté. Mais c’est leur assassinat, par des tireurs d’élite israéliens, qui a en réalité déclenché l’escalade de la violence :

"C'est une réponse aux attaques israéliennes contre des civils pacifiques hier par des tireurs d'élite israéliens lors du 58e vendredi de la Grande Marche du retour," a déclaré Basem Naim, membre du bureau du Hamas pour les relations internationales, en référence aux manifestations hebdomadaires organisées à Gaza depuis l'année dernière. "Aussi, à la politique dilatoire des forces d'occupation pour lever le siège de Gaza."

Une deuxième histoire sur le blog de Bezos, déposée plus tard, suit le même schéma bien que son premier paragraphe soit légèrement plus neutre. Elle a pour titre : « Les morts augmentent alors que les militants de Gaza tirent plus de 400 roquettes sur Israël et que ce dernier réagit par des frappes aériennes».

L'escalade des combats entre Israël et le Hamas à Gaza au cours du week-end a augmenté le nombre de morts dimanche, avec des informations selon lesquelles six Palestiniens, dont une mère enceinte et un bébé, tués par des frappes aériennes israéliennes sur l'enclave palestinienne et un homme israélien tué par plus de 450 roquettes et projectiles tirés depuis Gaza vers le sud du pays.

Dans les paragraphes qui suivent, huit déclarations sont attribuées à la partie israélienne et une à la partie palestinienne. Le meurtre, vendredi, de deux civils palestiniens n’est mentionné qu’au paragraphe seize.

Le New York Times est tout aussi partisan avec un titre qui prétend aussi, à tort, que les Israéliens ne font que répondre : « Les militants de Gaza tirent 250 roquettes et Israël répond par des frappes aériennes »

Samedi, des militants palestiniens ont lancé environ 250 roquettes et obus de mortier sur le sud d'Israël, depuis Gaza, et l'armée israélienne a riposté par des frappes aériennes et des tirs de chars contre des cibles sur tout le territoire palestinien, alors que les tensions le long de cette frontière explosive s’accroissaient et que le fragile cessez-le-feu s'est de nouveau détérioré.

L’article laisse également une large place aux revendications militaires israéliennes. L’assassinat des deux Palestiniens le vendredi, cause immédiate de l’altercation, est mentionné en aparté dans le quinzième paragraphe :

L'escalade de violence de samedi est survenue le lendemain du jour où deux soldats israéliens ont été blessés par un tireur d'élite de Gaza et quatre Palestiniens ont été tués. Deux ont été abattus par les forces israéliennes lors de la manifestation hebdomadaire de vendredi le long de la barrière qui sépare le territoire côtier palestinien d'Israël, selon les autorités sanitaires de Gaza.

Ces reportages biaisés disant qu’Israël « répond » n’a rien de nouveau. Comme Louis Allday l’écrivait déjà en 2011 :

Si l'on ne consulte que les médias grand public pour obtenir des informations sur le conflit en Palestine, ce qui est immédiatement frappant, c'est qu'Israël semble être dans un état permanent de "représailles" - une expression qui confère immédiatement au moins un minimum de légitimité ou de justification à l'acte auquel elle fait référence. Israël n'est jamais présenté comme l'agresseur et même si ses actions sont condamnées - ce qui est le cas de certaines sources de médias dominants - elles sont invariablement dépeintes comme une réaction à une forme de provocation.

Inversement, les missiles lancés depuis la bande de Gaza ou le Sud-Liban sont habituellement présentés comme des "attaques" - jamais des "représailles", même si Israël a lancé une frappe dévastatrice immédiatement avant l'événement - comme c'est si souvent le cas. Le public est subliminalement conditionné à comprendre qu'Israël est une victime permanente qui, à l'occasion, est forcée de se déchaîner en réponse à l'agression apparemment irrationnelle et indisciplinée des acteurs non étatiques illégitimes qui l'entourent.

Ces reportages biaisés et superficiels de la part des médias américains sur les conflits lancés par Israël contrastent avec les reportages en Israël même. Cet article de Haaretz sur l’escalade de ce week-end, tout en étant partisan, est beaucoup plus instructif que tout reportage du côté américain. il explique le contexte politique de la lutte :

« Le Hamas tord le bras à Israël juste avant l’Eurovision et le Jour de l’indépendance. »

L'assassinat d'agents du Hamas, les retards dans les transferts d'argent qatari ont provoqué une escalade significative. L'escalade entre Israël et les factions de Gaza au cours du week-end - plus de 400 roquettes tirées sur Israël, un vaste bombardement de Gaza par les forces aériennes, sept Palestiniens tués et six Israéliens blessés - reflète une tentative du Hamas de résoudre ses problèmes économiques en faisant pression militairement sur Israël, à un moment sensible. ...

Pour comprendre ce qui se passe, il est essentiel de revenir sur les événements survenus avant les élections du 9 avril. Ces derniers mois, les services de renseignement égyptiens ont joué un rôle de médiateur entre Israël et le Hamas pour tenter de parvenir à des accords à long terme. Les Palestiniens mettraient un terme complet aux lancements de roquettes, tandis qu'Israël faciliterait la circulation aux points de passage frontaliers, autoriserait l'entrée de sommes importantes d'argent qatari dans la bande de Gaza et prendrait des mesures pour financer des projets à grande échelle avec un financement international à Gaza pour améliorer l'infrastructure en ruine. Par la suite, les pourparlers en vue d'un échange de prisonniers seront renouvelés.

Avant les élections, et à la lumière des promesses faites par le gouvernement de Benjamin Netanyahou dans l'espoir d'éviter un conflit alors que les Israéliens votaient, le Hamas s’est retenu. Mais la contrepartie n'est pas arrivée à un rythme satisfaisant pour les Palestiniens. Israël n'a pas tenu ses engagements rapidement. Les concessions aux points de passage frontaliers étaient loin d'être rapides, le nombre de camions transportant des marchandises à Gaza chaque jour était modeste et les efforts pour accroître l'approvisionnement en électricité n'avaient pas encore commencé.

Un article d’opinion de Haaretz, malheureusement payant, établit une comparaison historique correcte : « Le Soulèvement du Ghetto de Gaza. »

Dans ce cas, c’est sans aucun doute la partie palestinienne qui répond à la violence israélienne. Mais même si les Palestiniens tiraient des missiles sans raison immédiate, ce serait dans le plein respect des droits du peuple palestinien. Dans sa résolution 37/43 de 1982, l’Assemblée générale des Nations Unies a réaffirmé :

La légitimité de la lutte des peuples pour l'indépendance, l'intégrité territoriale, l'unité nationale et la libération de la domination coloniale et étrangère et de l'occupation étrangère par tous les moyens disponibles, notamment la lutte armée.

La résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies est un droit international permanent. Le peuple palestinien a le droit de résister contre les forces d’occupation.

Dans la pratique comme sur le plan juridique, Israël est une entité coloniale qui occupe des terres palestiniennes, en particulier à Gaza et en Cisjordanie. Toute lutte armée des Palestiniens contre l’occupation, provoquée ou non, est donc moralement et légalement justifiée.

Mais ne vous attendez pas à ce que les médias occidentaux le soulignent un jour.

Source :moon of alabama via Traduit par Wayan, relu par jj pour le Saker Francophone.

 

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