L’accord de Lausanne sur le nucléaire
iranien :
Un nouveau piège ou une victoire « certaine » ?
Depuis le début de ce mois d’avril
2015, et malgré le grand nombre de développements
dramatiques dans la région arabe, allant des nouveaux problèmes
vécus par les Palestiniens à ceux de l’Irak,
de la Syrie, de la Libye et, surtout du Yémen (qui doit supporter,
en même temps, une agression saoudienne et une division confessionnelle
intestine), toutes les analyses politiques ou presque au Liban et
dans la région moyenorientale vont dans le sens du contenu
de l’accord signé à Lausanne entre les Etats-Unis
et l’Iran sous le nom de « l’accord-cadre »
ou, encore, « l’accord nucléaire préliminaire »…
Et, au moment où le gouvernement et le
peuple iraniens célèbrent ce qu' ils appellent
« la victoire » réalisée par
la délégation iranienne à Lausanne, deux points
de vue se disputent la partie. Le premier, celui de certains responsables
arabes et libanais pro iraniens, affirme que l’accord a été
consenti par l’Iran afin d’éloigner le spectre
de la guerre au Moyen-Orient et que ses conséquences seront
très importantes sur les deux plans politique et économique,
surtout parce qu' il va libérera des dizaines de milliards
de dollars appartenant à l’Iran et retenus dans les
banques occidentales, d’une part, en plus de l’augmentation
de la part iranienne dans la production du pétrole brut et
du gaz. Quant au second, celui des responsables étasuniens
et européens, il précise que l’accord n’est
autre que le premier pas d’un processus pouvant être
long et sinueux… surtout si l’on prend en considération
le fait que l’accord final n’est pas seulement lié
à ce qui va se passer durant les trois prochains mois, mais
aussi, mais surtout à deux points que M. Antony Blinken,
vice-ministre des affaires étrangères étasuniennes,
avait soulevés lors de sa visite au Liban,.. le premier étant
les solutions qui seront proposées contre le danger du terrorisme
dans la région ; quant au second, il concerne la situation
en Israël et ce que Benjamin Netanyahu pourra entreprendre
face à cet accord, soutenu en cela par les ultras Républicains.
Des questions qu' il est nécessaire
de mettre en avant
Toutes ces données, en plus des positions,
déclarées, de responsables radicaux iraniens qui n’ont
pas tu leur mécontentement, nous poussent à poser
quelques questions qui nous paraissent indispensables : De
par l’accord de Lausanne, l’Iran est-il, désormais,
admis dans le cercle des pays sur lesquels les Etats-Unis peuvent
compter pour réorganiser la région moyen orientale ?
Et, peut-on compter comme vraies les allégations selon lesquelles
Obama aurait fait des concessions afin de retrouver l’Iran
au milieu de la voie qui mènerait à faciliter la réalisation
de certains projets étasuniens, surtout ceux ayant rapport
avec l’Irak et la cause palestinienne ?
Cependant la question la plus importante demeure
la suivante : Pourquoi les Etats-Unis ont-ils consenti l’entrée
de l’Iran au club des pays producteurs du nucléaire ?
Est-ce que cette décision fait partie de la nouvelle politique
des Démocrates au pouvoir (dont la meilleure illustration
fut Cuba) ou bien est-ce une tentative d’amadouer Téhéran
afin qu' elle permette l’exécution de la seconde
étape du projet dit « Le Moyen Orient nouveau »,
plus connue sous la définition des frontières des
« Deux croissants » (sunnite et chiite) et
essentielle instaurer l’étape finale du projet :
l’effritement du Monde arabe en une multitude d’Etats,
sunnites et chiites, antagonistes et la liquidation de sa cause
centrale, la cause palestinienne, à travers la proclamation
d’Israël « Etat des Juifs dans le monde »…
Dans ce contexte, nous plaçons la guerre menée par
les rois et les émirs pétroliers contre le Yémen.
Une guerre qui va aboutir à l’effritement du Yémen
puis de l’Arabie saoudite… sans oublier les guerres
en Syrie ou en Libye et la situation précaire de l’Irak
et du Liban. Le but est de placer le Monde arabe divisé sous
la coupe des trois puissances régionales ayant un visage
confessionnel bien clair : Israël, la Turquie et l’Iran
à qui on a donné la carotte du nucléaire…
Et, si par hasard l’Iran tente de se rebiffer, il sera toujours
temps de réutiliser l’épée des sanctions
économiques toujours suspendu au-dessus des têtes dirigeantes
iraniennes.
Dans tous les cas, et compte non tenu des explications
contraires avancées par les puissances nucléaires
et par les Iraniens à propos de la levée (immédiate
ou sur plusieurs etapes0 des sanctions, il est plus intéressant
de s’arrêter sur les clauses les plus importantes contenues
dans l’Accord-cadre ; et, ce, afin de mieux comprendre
les directions générales qui l’ont fait aboutir.
Des points positifs de principe contre d’autres dans
l’exécution?
Deux grands points positifs sont à noter :
Le premier point est que l’Iran est devenu un membre à
part (presque) entière au sein du club des puissances nucléaires,
même si son appartenance n’est pas complètement
entérinée comme celle d’Israël ou du Pakistan.
Et nous donnons ces deux exemples pour la raison (donnée
par Henry Kissinger il y a de cela quelques années) selon
laquelle ces deux pays constitue une partie intégrante de
la politique de sécurité des Etats-Unis sur le plan
international. Cependant, la reconnaissance de l’Iran, même
incomplète, est une victoire non seulement pour ce pays mais
aussi pour tous ceux qui défendent le droit de tous les Etats
de posséder le nucléaire qui ne doit pas rester entre
les seules mains des amis de Washington, surtout qu' aujourd’hui
la Turquie et l’Arabie Saoudite ont fait état de leur
intention de faire partie du club précité. Cette prolifération
du nucléaire remet sur le terrain l’équation
suivante : ou bien on adoptera une politique d’équilibre
sur le plan des armes nucléaires au Moyen Orient, ou bien
on œuvrera pour un Moyen Orient sans nucléaire.
Le second point positif, quant à lui, consiste
dans le gel des sanctions imposées par les Etats-Unis et
l’Union européenne, d’une part, et des décisions
prises par les Nations Unies, d’autre part ; ces dernières
« seront levées en fonction des mesures que prendrait
l’Iran afin de rassurer toutes les craintes »,
à commencer par l’enrichissement de l’uranium
et les dimensions ,militaires du programme nucléaire iranien.
Cependant, il nous faut ajouter que ces deux points
ne cachent pas les tendances négatives. Nous en citons quelques
unes parmi les plus flagrantes : l’acceptation de l’Iran
de retarder ses programmes nucléaires pour une période
allant de 10 à 15 ans, la réduction de son stock d’uranium,
sans oublier la promesse de ne pas construire de nouvelle installations
pour l’enrichissement de ce minerai. De plus, l’Iran
a accepté la clause selon laquelle l’installation de
Fordo sera convertie à des fins pacifiques en même
temps que la suppression de presque deux tiers des centrifugeuses
et des infrastructures de Fordo et d’autres installations
nucléaires du pays…
Cette première étape sera suivie
par une seconde qui verra l’enlèvement total des centrifugeuses
IR-2M qui seront placées sous contrôle de « l'agence
internationale de l’énergie atomique » (AIEA).
Quant au cœur du réacteur à eau lourde, qui aurait
pu produire du plutonium, il sera détruit ou tout au moins
déplacé en dehors du territoire iranien. Le réacteur
sera reconstruit pour se limiter à la recherche et à
la production de radio-isotopes médicaux, sans production
de plutonium à capacité militaire. Enfin, le combustible
utilisé sera envoyé à l'étranger pendant
toute la vie du réacteur. Téhéran s'est engagé
à ne pas construire de nouveau réacteur à eau
lourde pendant quinze ans.
Ces quelques exemples mènent certains à
se poser la question sur l’aboutissement de l’accord
dans trois mois, vu aussi les déclarations concernant la
levée des sanctions et les actes de refus lancés
par les « extrémistes » dans les deux
camps, iranien et étasunien, ainsi que par les dirigeants
israéliens. N’oublions pas, non plus, l’accord
russo-iranien qui prévoit la livraison de missiles S 300.
Des interrogations nombreuses mais pas de réponses
claires jusqu' à ce jour, ni de la part de Washington
ni de celle de Téhéran… Ce qui nous amène
à nous demander : si le pétrole et le gaz iraniens
(comme ceux de tous les pays du Golfe, d’ailleurs) sont nécessaires
aux Etats-Unis toujours en crise économique, quelle politique
suivront-ils dans le futur proche, celle de la carotte (la levée
de l’embargo contre Téhéran) ou celle du bâton
(une guerre dans laquelle ils enliseront les Iraniens) ?
La guerre saoudite contre le Yémen, doublée
par la guerre intestine entre chiites et sunnites, à défaut
de répondre à cette interrogation, traduit une certaine
tendance d’escalade et prévoit que le Golfe ne connaitra,
peut-être, pas la paix et la tranquillité à
court et à moyen termes.
traduction de l' article (par M. N. Debs ) paru dans la revue An- Nidaa, le 17 avril 2015
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