Libye : élections, tortures et business
Atlas Alternatif
15-Jul-2012
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Au lendemain des élections législatives en Libye,
les grands médias occidentaux soucieux de cautionner le nouveau régime
politique imposé par l'OTAN ont annoncé la victoire des libéraux
de l'Alliance des forces nationales, sous la houlette de Mahmoud Jibril, face
aux Frères Musulmans du Parti pour la justice et le développement
de Mohamed Sawan dans les grandes villes, et l'échec des autonomistes
de Benghazi, mécontents de la répartition des sièges à
l'assemblée constituante à faire échouer la tenue du scrutin
(ils avaient détruit le bureau de la commission électorale à
Adjdabia et ordonné la fermeture des entreprises de raffinage de pétrole
de Syrte).
Les Frères musulmans paieraient ainsi le prix de leur
proximité avec Seif-el-Islam Kadhafi (actuellement détenu à
Zeitan) après qu'il eût fait libérer 150 d'entre eux en
2003 (ils avaient boycotté la conférence de l'opposition à
Londres en 2005 appelant au renversement du régime) ainsi que leurs liens
trop visibles avec le Qatar. Toutefois l'avance de Jibril, candidat des Occidentaux,
président du Conseil national de transition et ancien patron des réformes
économiques sous Kadhafi, est toute relative. En outre 80 des 200 sièges
de l'assemblée constituante seulement sont attribués aux partis
politiques, les autres des "indépendants". Ce montage a été
suggéré par les "spin doctors" américains logés
à l'hôtel Rixos en vue de marginaliser les Frères musulmans
et les salafistes comme Abdelhakim Belhadj, et devrait conduire de toute façon
à un gouvernement d'union nationale entre islamistes et libéraux
en vue de l'élaboration d'une constitution qui débouchera seulement
en 2013 sur l'élction d'une assemblée législative définitive.
Ce que les médias occidentaux oublient de dire, c'est
que, comme en Irak en 2004, ou en Haïti sous l'occupation de l'ONU, les
élections sous le nouveau régime ne sont pas démocratiques
puisque tous les courants d'expression ne sont pas libres de concourir au scrutin
(notamment les partisans de l'ancien régime) et que le règne des
milices compromet la liberté d'expression et de pensée.
Début juillet Amnesty International a publié
un rapport d'enquête sur des faits des mois de mai et juin dernier intitulé
« Libya: rule of law or rule of militias ? » (Libye règne
de la loi ou règne des milices ?).
Le rapport cite notamment le cas de Hasna Shaeeb (Chahib,
en retranscription française), une femme de 31 ans, enlevée à
son domicile de Tripoli en octobre dernier par des hommes en tenue militaire
et transférée à l'ancien Bureau du fonds de dotation islamique
dans la capitale. Elle a été accusée d'avoir été
une loyaliste pro-Kadhafi et un sniper. On l'a faite s'asseoir sur une chaise
avec ses mains menottées dans le dos et elle a reçu des décharges
électriques à sa jambe droite, aux parties intimes et la tête.
Les gardes a menacé d'introduire sa mère dans la cellule et de
la violer, et ont versé de l'urine sur elle.
après qu'elle a été libérée
de sa chaise, ses tortionnaires n'ont pas pu ouvrir ses menottes avec une clé,
et ont donc tiré dessus avec un pistolet, des débris de balle
se sont incrustés dans sa chair. Libérée après trois
jours, Mme Shaeeb a fait constater par un médecin ses blessures et s'est
plainte aux autorités. Celles-ci n'ont rien fait, mais Mme Shaeeb a reçu
un appel téléphonique menaçant du milicien qui l'avait
arrêtée et la façade de sa maison a été mitraillée.
Ce qui fait la singularité de l'histoire de Mme Shaeeb,
c'est seulement le fait qu'elle a déposé une plainte officielle,
beaucoup d'autres ont trop peur de le faire. Le gouvernement estime qu'il détient
3 000 détenus dans ses prisons et les milices 4 000 autres. Les tortures
à mort sont fréquentes.
Bien loin des préoccupations d'Amnesty international,
les milieux d'affaire internationaux eux sont satisfaits de la transition politique
actuelle en Libye. Ainsi Mario Zotelle, directeur de la Joint Libyan Construction
Company (JLCC), un consortium de sociétés dépendant de
Asamer Holdings (basée en Autriche) intervenait à Doubaï
le 27 juin à l'invitation de la chambre de commerce et d'industrie de
ce pays la semaine dernière dans le cadre d'une conférence "Forum
sur le développement à venir de la Libye 2012 : infrastructure
et reconstruction" devant les 150 représentants de 60 compagnies
d'Europe, des pays du Golfe et d'Afrique. « Nous fondons des attentes
importantes sur ces élections, a-t-il déclaré, et sur le
nouveau climat politique qui devrait fonctionner pour créer un cadre
institutionnel et commercial plus fort ». « La Libye a besoin de
réforme de l'éducation, a-t-il ajouté, afin de répondre
à la demande pour les professionnels. Il faut également une réforme
du secteur bancaire et la sécurité garantie dans tout le pays.
Les transport et la fourniture d'électricité et de gaz doivent
être améliorés. Mais le potentiel pour les entreprises et
la participation de l'investissement dans la reconstruction de la Libye est
important. »
Asamer possède et gère trois cimenteries en Libye.
Pendant la "révolution", Asamer a soutenu ses travailleurs
et les insurgés de Benghazi, la livraison de l'aide humanitaire. La compagnie
a payé 2011 salaires à ses travailleurs malgré l'arrêt
de la production pendant la crise.
Asamer a investi plus de 100 millions dans les usines afin
d'accroître l'efficacité énergétique, production,
qualité et les normes du travail et d'installer un système de
protection de l'environnement.
La conférence de Doubaï était introduite
par Charles Gurdon, directeur de l'agence anglaise de consulting Menas qui avait
entre autre fait du lobbying pour le Conseil national de transition dans le
New York Times en août 2011. Charles Gurdon sera aussi présent
les 6-8 novembre 2012 au sommet du pétrole et du gaz de Vienne aux côtés
des responsables de Total, de Repsol, de Haliburton etc, soit des représentants
de 27 pays (notamment 30 % des compagnies pétrolières nationales
du monde). Une conférence qu'il sera sans doute intéressant de
suivre pour comprendre les stratégies pétrolières internationales
dans la région...
Source Atlas Alternatif
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