« Règles d’engagement d’occupants »

STEFANO CHIARINI

L’annonce faite il y a quelques jours de règles d’engagement « renforcées » de l’Unifil qui, selon un manuel distribué par les services espagnols à leur contingent au Liban, pourra intervenir directement contre la résistance libanaise au sud du fleuve Litani, et non plus se limiter à soutenir l’armée de Beyrouth, risque de mettre fin à la lune de miel entre les troupes onusiennes, la population chiite du sud, la résistance et l’armée libanaise.

A quelques heures d’une première prise de position, dure, contre les troupes multinationales, de l’ayatollah Hussein Fadlallah – le plus influent représentant chiite religieux, considéré auparavant comme le guide spirituel du Hezbollah – selon lequel les forces de l’Unifil II auraient été envoyées au sud du Liban pour protéger Israël, c’est le général (à la retraite) Amin Hoteit qui est intervenu hier dans une conférence de presse : représentant non officiel des secteurs « nationaux » et « patriotiques », en grande partie chiites, mais pas seulement, et majoritaires dans les forces armées de la république des cèdres.
L’influent représentant de l’establishment politico-militaire libanais – chargé en 2000 de surveiller le retrait israélien et de négocier avec l’Onu la ligne de frontière entre le Liban et Israël – a confirmé que les règles d’engagement annoncées par l’Unifil, au-delà de la volonté politique de chaque gouvernement, transformeront avec le temps les contingents multinationaux au Liban du sud en troupes d’occupation et que cela « fera de nouveau exploser la situation ».
Au cours de la conférence de presse, il a en outre été communiqué un mémorandum envoyé au Secrétaire général de l’Onu, dans lequel on demande à l’Unifil de s’en tenir à la lettre de la résolution 1701 sur le « cessez le feu » et de ne pas proposer des projets – tels que le contrôle des eaux territoriales, de la frontière avec la Syrie, des aéroports, de l’espace aérien – qui mettraient le Liban sous une sorte de nouveau mandat colonial international. En particulier, a déclaré le général Hoteit, alors que la résolution 1701 établit que la mission Unifil a le devoir de soutenir l’armée libanaise et de surveiller le cessez le feu, les règles d’engagement sembleraient au contraire autoriser les contingents multinationaux à utiliser directement la force, dans le cas où l’armée libanaise ne pourrait pas ou ne voudrait pas le faire, pour empêcher que n’adviennent dans le sud du Liban des « activités hostiles ». Selon Hoteit, la référence à la nécessité de réprimer tout « acte hostile » laisserait trop de marge de décision et donnerait le feu vert à la dispersion de réunions, à des perquisitions de bureaux et de véhicules et, en cas de refus ou de résistance, à arrêter des personnes et à ouvrir le feu. Si cela devait advenir – a prévenu le général – non seulement le sud du Liban mais tout le pays pourrait exploser.
Le premier ministre italien Prodi a répondu hier indirectement au général Hoteit et à Hussein Fadlallah, dans une interview exclusive au quotidien progressiste « As Safir », mais sans entrer dans le vif du sujet des règles d’engagement : « les forces de l’Unifil sont au Liban, a déclaré Prodi, pour maintenir la paix et certainement pas pour s’immiscer dans les affaires politiques libanaises compliquées ». Le premier ministre italien n’a pas exclu que « des incidents isolés pourront se produire » mais il a répété en essayant de convaincre ses interlocuteurs sceptiques, que « la mission de nos troupes est une mission de paix ».

Edition de mercredi 18 octobre 2006 de il manifesto

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

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