LA GUERRE CIVILE AU LIBAN : NOUVELLE TENTATIVE AMERICANO-ISRAELIENNE DANS LE CADRE
DU « GRAND MOYEN ORIENT »
Marie Nassif-Debs
Pour comprendre les raisons et les objectifs de cette escalade,
il nous faudra revenir, une fois de plus, aux conséquences de deux agressions
qui, à trois ans d’intervalle, furent, malgré toute la haute
technologie déployée et les armes de destruction massive utilisées
(dont certaines pour la première fois dans l’Histoire contemporaine),
des échecs cuisants dans la stratégie moyen-orientale de l’administration
américaine dirigée par le tandem G. W. Bush-Dick Chenney. La première
de ces guerres étant celle menée, depuis quatre ans, contre l’Irak
et son peuple ; la seconde est la guerre contre le Liban, qui se poursuit depuis
l’an 1978 et dont la dernière étape fut l’agression
israélienne de juillet-août 2006…
La dernière guerre étasunienne contre l’Irak, préparée
bien avant le 11 septembre 2001, visait, selon les stratèges «
zionist christians » qui l’avaient préparée, à
faire d’une pierre trois coups : d’abord, contrôler le cœur
de la Péninsule arabique et son pétrole tout entier ; ensuite,
se placer à quelques encablures de l’Iran et des Républiques
pétrolières de l’ex Union Soviétique ; enfin, et
à partir du projet formulé sous le titre de « Grand Moyen
Orient », refaire la carte géopolitique de toute la région
à commencer par le Liban et jusqu' aux confins de la Chine.
Les échecs étasuniens et leurs conséquences
Cependant, et bien que quatre ans se soient déjà
écoulées, et malgré plus de 600 000 Irakiens tués
(selon des estimations britanniques) par les armées étasuniennes
ou dans la guerre civile que l’administration de Georges W. Bush a provoquée
sous prétexte de ramener ce pays « à la démocratie
», Washington patauge toujours et n’arrive pas à contrôler
l’Irak. D’un autre côté, ses alliés Israéliens
sont toujours mis en échec par l’Intifada palestinienne.
Quant à la Résistance libanaise et son noyau dur, le Hezbollah,
ils sont toujours très présents et, même, plus représentatifs
que jamais, surtout que le retrait des troupes syriennes à la suite de
l’assassinat de Rafic Hariri, ex Président de Conseil libanais,
en février 2005, avait permis la création d’ententes politiques
nouvelles dont les premiers effets furent la scission, une fois de plus, des
« Chrétiens libanais », alliés historiques des Etats
Unis, en deux camps antagonistes : celui, « loyaliste », dirigé
par Samir Geagea, chef des « Forces libanaises », et l’autre,
« opposant », présidé par le général
Michel Aoun.
Que faire, alors, pour appliquer le projet du « Grand Moyen Orient »,
sinon recourir à la guerre civile un peu partout. N’est-ce pas
ainsi que des peuples hostiles peuvent être mis hors de toute possibilité
de « nuire » aux grands intérêts des sociétés
productrices d’armes ou de pétrole ?
Et, c’est ainsi que commença le nouveau tournant libanais.
Le Liban, dont Georges Bush ne connaissait même pas l’existence
durant son premier mandat, était devenu la priorité première
de la politique étasunienne. Et son gouvernement que la moitié
du peuple libanais, au moins, refuse est « légalisé »
de force par la troisième Conférence de Paris qui a statué
que les prêts pour la reconstruction que la société internationale
accordait au Liban reposaient sur une condition Sine Qua Non : l’argent
contre la présence de Fouad Sanioura à la tête du gouvernement
libanais. Et, bien que la moitié des Libanais aient manifesté
leur mécontentement contre ce gouvernement qui n’a rien fait, depuis
deux ans, que lever de nouveaux impôts indirects, préparer des
projets de privatisation dans les domaines de la sécurité sociale
, l’électricité et le téléphone, tenter de
prendre les armes de la Résistance libanaise pour plaire à Condoleeza
Rice et ses supérieurs hiérarchiques et suivre les conseils de
l’ambassadeur étasunien à Beyrouth, Jeffry Filtman, le Conseil
de sécurité des Nations Unies et, avec lui, tous les chefs d’Etats
« démocratiques » trouvent que ce gouvernement, diminué
et encerclé par la foule, est le plus « légal » du
monde. Et vive la démocratie à l’américaine !
Le projet : homologuer L’agression israélienne
et la guerre civile
Et c’est ainsi qu' est né le nouveau projet
pour le Liban : homologuer une guerre civile, basée, cette fois, non
sur une division entre Chrétiens et Musulmans, puisque les Chrétiens
sont déjà divisés entre eux, mais entre Musulmans sunnites
et chiites, avec le retour des raids de l’aviation israélienne,
puisque l’armée de terre, prétendument invincible, est en
chute libre, à la suite des coups que le Hezbollah et les autres factions
de la Résistance nationale libanaise lui avaient porté entre juillet
et août 2006.
Et, tandis que des bagarres entre étudiants se déchaînaient
à l’Université arabe de Beyrouth, des tueurs, embusqués
sur les toits des immeubles entourant, comme par hasard, cette université
faisaient un carnage parmi les gens. Tout cela enveloppé par des discours
enflammés qui fusaient de partout, par des barrages faisant le tri confessionnel
des automobilistes et, surtout, par des rumeurs qui vont grandissant sur des
préparatifs à la guerre civile et des armes distribuées
dans certains quartiers et certaines régions.
Et tandis que Georges Bush stigmatise le monde « civilisé »
contre le Hezbollah, au Liban, et le Hamas, en Palestine où les batailles
de rues ont, pendant quelques jours, fait, là aussi, de nombreuses victimes,
les préparatifs militaires se faisaient en douce contre Bagdad et les
Israéliens revenaient tout près des frontières libanaises
afin de changer certains points de la « ligne bleue » à leur
profit au vu et au su des troupes de la FINUL renforcée qui doit, en
principe, appliquer la résolution 1701 en empêchant les «
actes offensifs » menés par Israël contre le Liban.
D’ailleurs, les nouveaux chefs militaires israéliens, qui ont remplacé
les généraux déchus, ne cachent guère qu' ils
se préparent à une nouvelle agression contre le Liban ; certains
vont même jusqu' à parler de dates possibles : le printemps
ou bien l’été prochains… Cela veut dire que les survols
du territoire libanais visent à situer les nouvelles cibles à
bombarder par les nouvelles armes étasuniennes. Cela veut dire, aussi,
que la guerre civile que Bush et ses acolytes font profiler devant nous a pour
objet de nous empêcher de faire face là où il faut ; ce
qui permettrait à Israël de restaurer son « image »
et celle de son armée prétendue « invincible ». Sans
oublier le bien que cela ferait, en cas de succès, à la société
israélienne qui vit les traumatismes de la guerre, depuis les bombardements
de l’été dernier.
Voilà pourquoi une guerre civile au Liban est pressante. Non seulement
parce qu' elle perturbe la paix sociale et entrave le rassemblement du
peuple libanais autour de ceux qui le défendent réellement, mais
aussi parce que la guerre nouvelle qui se prépare ne vise pas le Liban,
aux dires de certaines sources occidentales, mais la Syrie et l’Iran.
Ce qui veut dire que, dans un premier temps, le Liban doit être «
nettoyé » des opposants afin qu' il puisse servir, dans un
second temps, de point de départ de la campagne pour la « démocratisation
» de la Syrie.
Une fois de plus de plus, le Liban et son peuple sont dans le collimateur. Seul
un gouvernement, souverain face à la tutelle étasunienne et s’appuyant
sur la Résistance, peut les en sortir.
Marie NASSIF-DEBS
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