Agioter, agiotons, agiotage
Le Liban est à nouveau dans la tourmente Mais le peuple refuse de céder

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Marie Nassif - Debs
publié le 14 octobre 2019

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depuis quelques semaines, le Liban vit au rythme d’une crise financière et monétaire très grave, et dont les répercussions dangereuses commencent à se faire sentir sur une situation socio –économique déjà très malade.
Cette crise financière, latente depuis plusieurs mois et due à l’immixtion de Washington dans les affaires bancaires du pays - soit disant pour faire obstacle au Hezbollah en punissant les banques qui lui servent de paravents - vient d’éclater à la suite des mesures nouvelles prises par les Etats Unis, via les deux agences de notation financière Standard and Poors et Fitch, contre notre pays… A cela il nous faudra ajouter le retrait par certains capitalistes syriens de plusieurs centaines de millions de dollars déposées dans certaines banques libanaises et le refus, inattendu, de certaines sociétés (télécommunication, blé, essence et médicaments) d’être payées en livres libanaises.

Toutes ces causes réunies, et en l’absence de politiques claires, ont fait flamber le prix du dollar [1] par rapport à la monnaie nationale, et permis à certaines sociétés financières, et même à des particuliers de faire des gains mirobolants avant que la Banque centrale n’intervienne pour assainir le marché monétaire. Cette crise que nous venons de vivre n’est que la partie visible de l’iceberg, tant que sur le plan libanais que sur celui des interférences de la situation régionale (et, même, internationale) sur un pays qui, depuis l’année 2011, vit au rythme de la crise syrienne et tente aussi de gérer la situation de plus d’un million de réfugiés syriens [2] auxquels il ne faut pas oublier d’ajouter quelques cinq cent mille réfugiés palestiniens, c’est - à - dire plus du tiers d’une population dont moins de la moitié vivait déjà autour du seuil de pauvreté et où le chômage va grandissant, surtout parmi les jeunes.

En effet, l’élargissement de la guerre économique entre les puissances capitalistes et le coût de l’exacerbation des conflits dans la région arabe, surtout au Yémen et de nouveau en Syrie avec l’offensive turque actuelle, a rendu la vie dure aux masses populaires qui subissent dans leur chair le recours de la bourgeoisie à l’agiotage à outrance, d’une part, mais aussi, mais surtout à une offensive généralisée contre les salaires, les retraites et les prestations sociales, dont les services de bases, l’éducation, la santé, d’autre part…

La loi du budget 2019, votée avec un retard de huit mois, et le projet du budget de 2020 contiennent, en réponse aux diktats des représentants des 50 organisations internationales et pays présents, le 6 avril 2018 [3], à la conférence de soutien financier au Liban, réunie à Paris et baptisée conférence CEDRE - 1, des taxes et des impôts indirects et directs qui sont prélevés sur les salaires des masses populaires. D’ailleurs, le projet du budget 2020 prévoit le gel des salaires pour trois ans dans la fonction publique ; par contre, on n’a pas touché aux salaires des députés et des ministres, ni, surtout, aux grosses fortunes et aux gains enregistrées par les banques et les sociétés financières et foncières. Et le plus révoltant dans tout cela, c’est que des onze milliards de dollars annoncés le Liban n’a reçu que des miettes, soit disant parce qu’il n’a pas encore suffisamment de crédibilité dans la lutte que le gouvernement Hariri devrait mener afin d’endiguer « la corruption » et les « dépenses inutiles », surtout dans le secteur public [4] qui devrait, selon les « donneurs », diminuer ses effectifs et les services dont il est en charge.

Vu cette situation, le Libanais n’a pas d’autre solution que de se révolter face à cette oligarchie financière qui le gouverne et lui rend la vie de plus en plus difficile. Les millions de travailleurs et de chômeurs, surtout les jeunes, commencent à avoir assez de ceux qui le gouvernent et qui, depuis plus de cent ans au moins, se clonent au pouvoir, grâce au système confessionnaliste et clientéliste derrière lequel se cachent la bourgeoisie libanaise et ce qui reste des familles féodales.

Des grèves se succèdent ainsi que des manifestations indiquent déjà l’état de révolte ; et malgré l’assujettissement de la CGTL au régime, des syndicats libres continuent la lutte, encadrés par des dizaines d’associations de jeunes, de femmes et d’intellectuels qui montrent leur volonté d’œuvrer pour un changement radical.
Est-ce suffisant ?
Les jours ou, plutôt, les mois prochains nous donneront la réponse.

Notes

  • [1] Le dollar est passé de 1507 à 1600 livres libanaises, soit une augmentation de 9,3 pour cent. Cette situation a duré une dizaine de jours avant qu’il ne redescende à 1510 livres libanaises ; ce qui fait que les banques et les sociétés financières ont gagné des millions pour la vente de leur réserve de dollars, tandis que ceux qui en ont acheté quelques milliers, afin de payer des dépenses obligatoires, ont perdu quelques 68 dollars (soit 60 euros) par mille dollars achetés.
  • [2] Les recensements disent que leur nombre est passé de un million six cent mille à un millions et deux cent mille
  • [3] La tenue de cette conférence le 6 avril 2018 avait pour but, un mois avant les élections législatives, de renflouer la classe dominante, toutes tendances confondues, et de lui donner toutes les chances possibles afin d’en finir avec le mécontentement populaire qui se faisait sentir partout.
  • [4] Entendre « diminuer les salaires et les allocations ». Par contre aucun des 51 représentants, dont M. Duquesne, chargé par le président de la République française du suivi des résolutions de « Cèdre -1 », n’a été offusqué des révélations faites par les autorités fiscales sud africaines sur les 16 millions de dollars attribués par Saad Hariri à un mannequin de ce pays, ou encore du coût des délégations libanaises visitant l’ONU ou les pays européens.

 

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