IRAN : « Passer d’une élection jouée d’avance à la lutte sociale pour porter les revendications des travailleurs »

Déclaration du Parti Tudeh sur le résultat des élections présidentielles du 14 juin

publié le : 21 Août, 2019

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Les élections présidentielles en Iran se sont soldées par la victoire d'Hassan Rowhani qui a récolté plus de 51% des voix. Ali Khamenei, guide suprême du régime, a déclaré à cette occasion que: « le spectacle épique et passionné des élections du vendredi 14 juin fut un nouveau test haletant qui a montré le visage aussi résolu qu'empli d'espérance de l'Iran islamique à ses amis comme à ses ennemis. L'apprentissage politique grandissant de notre peuple et sa persévérance dans le choix d'une démocratie profondément religieuse est une vérité éclatante, encore une fois manifestée par votre présence massive dans les urnes, en dépit des histoires et mensonges de nos ennemis et de personnes aigries ». Il a également affirmé qu'Hassan Rowhani « est le président élu, le président de toute la nation. Chacun doit contribuer et réellement coopérer avec le Président et son gouvernement pour réaliser les grandes causes pour lesquelles il s'est engagé et il a été élu ».

A la suite de ce message de Khamenei, le Corps des gardiens de la révolution, qui sont les forces armées imposant et protégeant la dictature brutale du Guide suprême, celles qui ont perpétré le coup d' État électoral de 2009, réprimant dans le sang le mouvement de protestation populaire, a viré Ahmadinejad des urnes, et déclaré également qu'il était prêt à collaborer pleinement avec le président élu par le peuple. Des messages similaires de Lajrani – secrétaire du Parlement islamique – et Mahdavi Kani, Ahmadinemad et d'autres dirigeants félicitant l'élection d'Hassan Rowhani, promettant une pleine coopération, indique la satisfaction du régime face aux résultats de l'élection du 14 juin.

Notre parti a présenté des analyses concrètes ces derniers mois sur l'élection, dont la validité peut être jugée en analysant le processus électoral. Plusieurs mois avant l'élection, notre parti mentionnait dans ses analyses que : « la superstructure politique et la pyramide du pouvoir du régime s'était développé à un tel niveau que la dialectique des interactions entre les diverses factions rivales, en dépit de rivalités et d'affrontements sérieux, finit à la fin dans la direction de l'intégration et la préservation du régime dans son ensemble. En d'autres termes, les centres de pouvoir politico-économiques au sein du régime agissent dans le même temps en contradiction les uns avec les autres mais aussi pour l'unité du système autour du Guide suprême, contre la légitimité populaire »(Name Mardom, n 913, 28 janvier 2013).

Dans notre évaluation de la situation dans le pays avant l'élection, et pendant que Khamenei niait toute crise et pression pour faire évoluer la situation, nous écrivions :« Contrairement aux fausses déclarations du Guide suprême, l'Iran se rend à cette élection présidentielle dans une situation très critique. La faillite économique, conséquence de la politique de grandeur imposée par les dirigeants du régime, ainsi que d'une corruption sans précédent au sein de l'appareil d' État, la dévaluation de la monnaie nationale, l'effondrement de l'industrie et la faillite des établissements industriels, le chômage pour des millions de personnes, une pauvreté et une misère inédites et un malaise social terrible, n'illustre qu'une partie du désastre imposé par le régime actuel anti-populaire à la nation »(Nameh Mardom, n 921, 20 mai 2013).

Nous avons aussi affirmé que le régime n'est aucunement disposé à laisser un dissident ou un candidat réellement réformateur participer aux élections, et il ne le laissera pas faire. Analysant ce que Khamenei a dit à Jahangiri, nous avons écrit : « Le 6 mai, l'agence de presse 'Saham' publiait un compte-rendu de la rencontre entre Khamenei et Jahangiri – un des ministres du gouvernement Khatami (1997-2005). Si la discussion a été correctement rapportée, la position du leader du régime, dans la situation actuelle, peut être estimée justement. Selon ce compte-rendu, Khamenei a dit à Jahangiri : je n'ai aucun problème avec les réformistes et souhaite leur participation aux élections, mais j'ai un problème avec les « conspirateurs » ; ceux qui sont à l'origine des événements de 2009 (les manifestations après les élections) ne peuvent pas être admis au sein de notre régime. Gardez vos distances avec les conspirateurs et participez aux élections avec les réformistes qui s'inscrivent dans le régime [théocratique]. » Prenant en compte ces bulletins d'informations, et aussi ce que Khatami a laissé sous-entendre ces dernières semaines sur la réticence du régime à laisser les forces réformatrices participer aux élections, il est clair que les dirigeants réactionnaires ont pesé la situation actuelle, la situation critique du pays, les pressions économiques et l'impact sérieux des sanctions américaines et internationales sur la vies des Iraniens, tout comme les problèmes internationaux qu'ils rencontrent, et en sont venus à la conclusion que toute participation de forces d'opposition et dissidentes à l'élection pourrait comporter de sérieux dangers et ne devait pas être tolérée.(Nameh Mardom, n 920, 6 mai 2013)

Pourtant dans une autre analyse de la situation en Iran, M.Khatami affirmait que les dirigeants du régime ne le laisserait d'aucune façon, ni lui ni un autre réformateur, participer aux élections. Il affirmait : « Si ils décident d'exclure les réformistes, ils ne prêteront pas attention à l'opinion publique ni iranienne ni internationale ! Ce qui est important, c'est ceux dont ils ne veulent pas, qui ne participent pas aux élections et je suis sûr qu'ils ne veulent pas que nous participions. Et même si nous passions cette phase, nous ne pourrions avoir plus de voix que ce qu'ils nous laisseraient ! » (Nameh Mardom, n 921, 20 mai 2013).

En disqualifiant un individu comme Rafsanjani, le régime affirmait clairement qu'il ne permettrait une élection que dans le cadre de ses plans et objectifs, et que les réformistes n'y participeraient que si ils jouent les règles du jeu définies par le Guide suprême. Selon les nouvelles, à la suite des derniers débats télévisés, les dirigeants du régime ont exercé des pressions et demandé le retrait d'Aref, le seul représentant direct des forces pro-réformistes, et de faire accepter Rowhani comme candidat des réfomistes. Qu'Aref ait alors publié une déclaration de retrait, alors que pendant les débats il avait clamé qu'il ne quitterait pas l'élection, avec la pression désormais connue de tous exercée par Khatami, Rafsanjani et d'autres réformistes pour retirer sa candidature, est révélateur. Il convient de noter que M.Khatami et les leaders des réformistes, tout en acceptant de voter pour Rowhani, savaient bien qu'Hassan Rowhani ne se considère pas comme un réformiste. Dans une vidéo postée sur la page Facebook d'Hassan Rowhani, M.Khatami déclarait : « Bien que M.Rowhani ne se place pas lui-même dans le camp réformateur, vous avez vu combien il a porté avec justesse les questions actuelles et suscité l'espérance. M.Aref, lui aussi, a fait du bon travail. Même dans le langage et les termes des autres candidats, vous pouvez apercevoir des positions réformistes, qui sont les positions du peuple ».

Organiser une « élection correcte » qui a été qualifiée « d'élection la plus démocratique du monde » par Rafsanjani, c'est-à-dire organiser une élection sans l'intervention explicite du Corps des gardiens et de la police, et sans piétiner brutalement les votes populaires, ne fut possible que sous certaines conditions : que le niveau d'audience du peuple, du mouvement populaire et des forces réformatrices ait été artificiellement diminué par l'acceptation d'un candidat « modéré » approuvé par le Guide suprême. En fait, en manipulant l'élection, le Guide suprême du régime pouvait profiter au maximum des réformistes et de leurs voix, sans avoir à réaliser le moindre recul face à leurs revendications. La déclaration de Khatami sur le non-alignement de Rowhani dans le camp des réformateurs est correct. Hassan Rowhani est une figure qui a été le représentant de Khamenei et le secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale pendant 16 ans et fut maintenu à cette position de représentant de Khamenei à ce Conseil même après le putsch électoral de 2009.

Les 18 millions de voix pour Hassan Rowhani, qui a été soutenu par les réformateurs, indique en fait le désir populaire d'un changement radical de la situation actuelle, et aussi, d'une sortie de l'impasse qui enserre la société tant sur le plan politique que socio-économique. C'est aussi le résultat de huit années de politiques désastreuses du gouvernement Ahmadinejad et des politiques globales décrétées par le Guide suprême. Les pressions économiques éreintantes, et particulièrement les sanctions imposées par les pays occidentaux avec leurs conséquences terribles, et les politiques économiques du régime telles les « subventions ciblées », ont créé une situation horrible et malheureuse au sein de notre nation où le peuple cherche la moindre fenêtre d'opportunité afin de se libérer de cette situation terrible.

Dans son message au peuple iranien après sa victoire électorale, Hassan Rowhani a remercié « le grand leader de la révolution, le grand ayatollah, notre cher clergé et les professeurs instruits dans ce pays qui ont donné de l'espoir au peuple avec courage et sagesse » et promis qu'il mènerait l'Iran à la modération et à la détente sur la scène internationale. Il a affirmé : « incontestablement, cette présence précieuse sur la scène politique apportera également calme et stabilité, espoir sur la scène économique, et relancera les efforts des travailleurs, paysans et créateurs d'emploi, et donnera le coup d'envoi d'une vague de mobilisation et de succès dans la production et l'emploi ».

Cela va sans dire que notre nation a besoin de changements politiques, économiques et sociaux significatifs. L'expérience des deux dernières décennies, du gouvernement et du parlement des forces réformatrices, au gouvernement et parlement dominé par les hommes du Guide suprême, souligne ce fait indéniable : ce n'est que par la présence massive du peuple et des forces sociales sur la scène des luttes que l'on peut espérer la réalisation des revendications du mouvement populaire. Ce qui est certain, c'est que le Guide suprême et les dirigeants du régime aimeraient persister dans leur politique économique, améliorant leurs relations avec les pays occidentaux afin de mettre un terme aux sanctions économiques et de réduire les pressions internationales, et par conséquent, préserver l'existence même du « système politique » actuel. Le Guide suprême et les dirigeants réactionnaires du régime non seulement n'ont aucun souhait de réaliser une « démocratie religieuse », mais comme le prouvent les huit années de gouvernement réformateur, ils sont prêts à utiliser tous les moyens à leur disposition pour saboter et créer la crise afin de ne permettre aucune avancée vers la réalisation des revendications du mouvement populaire. Aujourd'hui, avec l'élection d'Hassan Rowhani, sans la présence de forces et de mouvements populaires sur la scène politique, sans aucun mouvement social conscient, sans forcer les hommes politiques à répondre aux revendications des millions de travailleurs, de personnes marginalisées qui vivent sous le seuil de pauvreté depuis des années, l'avenir de ces mots d'ordres sera le même que celui des autres mots d'ordre que notre peuple a porté ces 30 dernières années à la face des dirigeants du régime, et il continuera à se faire entendre.

A la suite de cette élection jouée d'avancée, que le régime a réussi, la force du mouvement populaire qui a fait irruption sur la scène politique doit être soutenue par l'organisation du mouvement social et l'expression de revendications spécifiques : libération inconditionnelle de tous les prisonniers politiques ; fin de la mise en résidence surveillée de Mousavi, Karrubi et Zahra Rahnavard ; fin de la répression des syndicats et organisations ouvrières ; l'avancée vers des politiques économiques qui encouragent la production industrielle, facilitent la création d'emplois et amoindrissent les privations actuelles. Un tel mouvement social et une telle force doivent être développés, que les revendications évoquées puissent être imposées à ce régime réactionnaire. Ahmadinejad a aussi fait irruption sur la scène avec des slogans tels que la justice et l'argent du pétrole sur la table du peuple, après que huit années désastreuses et douloureuses ont placé notre société face aux conséquences incontestables des politiques destructrices dont le seul but était de protéger les intérêts des grands capitalistes, y compris les dirigeants du régime, et les commandants du Corps des gardiens et de la police.

La marche en avant de notre nation et la libération de la situation horrible actuelle n'est possible que par un mouvement uni et organisé de toutes les forces pro-réformatrices et toutes les forces sociales sur des revendications concrètes, des actions sociales concrètes. Tous les efforts doivent être concentrés pour rendre cela possible.

Traduction MA pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

Source : http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

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