Palestine : la guerre civile a été planifiée

Aqel Taqaz est président du Conseil palestinien pour la paix et le développement (PCPD). Il était à Bruxelles pour la réunion de secrétariat du Conseil mondial de la paix, une coordination internationale réunissant des organisations anti-impérialistes pour la paix.

Interview : Pol De Vos 20-06-2007
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Aqel Taqaz. Durant de nombreuses années, les États-Unis et leurs alliés en Europe ont insisté pour qu' il y ait des élections dans notre pays. Nous aussi, nous désirions pouvoir désigner librement notre gouvernement. Ces élections ont eu lieu sous une occupation étouffante qui dure depuis des décennies déjà. Dix ans durant, des négociations avec Israël et chaque fois de nouvelles concessions n’ont rien donné de positif. C’est pourquoi les Palestiniens ont voté pour le changement et ont permis au Hamas de remporter les élections. Mais l’Occident, qui avait pourtant insisté en faveur de ces élections, refusait de reconnaître le choix des Palestiniens.

Et c’est alors que les problèmes se sont amplifiés ?

Aqel Taqaz. Dès le premier jour où s’est constitué le gouvernement du Hamas, il y a eu un boycott économique. Nous avons été complètement coupés du monde extérieur et n’avons plus reçu la moindre aide. Pas un seul pays n’a osé aller à l’encontre des États-Unis.

Une crise économique aiguë, par conséquent…

Aqel Taqaz. L’embargo rend la vie des Palestiniens encore plus pénible… Nous sommes occupés, mis sous embargo, bombardés, assassinés… Les Palestiniens ne perçoivent pas leurs salaires. Chaque jour, Israël envahit encore nos villes et villages. Les Israéliens abattent nos gens de sang-froid. Comment, dans ce cas, les Palestiniens peuvent-ils placer leurs espérances dans des pourparlers de paix avec Israël ? Avec qui devrions nous conclure la paix ? Il n’y a pas de perspective. Les gens perdent tout espoir. Les États-Unis et Israël veulent en fait qu' il n’y ait pas de solution au problème palestinien. Ils poussent les gens à l’extrémisme…

Que veulent-ils, le chaos ?

Aqel Taqaz. Bien sûr que les États-Unis veulent un chaos contrôlé ! Diviser pour régner. Tout comme ils ont créé ce chaos en Irak, parce qu' ils pensent de la sorte pouvoir tenir l’Irak sous contrôle. Au Liban aussi, une telle situation peut très bien apparaître. Et, en Palestine, c’est une situation similaire qui se développe et qui pourrait ainsi justifier l’occupation par Israël… Tout ça fait partie du plan américain d’un « Grand Moyen-Orient » sous contrôle de la Maison-Blanche.

Le mouvement pour la paix peut faire quelque chose, ici ?

Aqel Taqaz. Peut-être des messages massifs au président, au Premier ministre, au parlement, aux divers partis et, en premier lieu, au Fatah et au Hamas, pourront-ils contribuer à faire comprendre clairement que cette lutte fratricide doit cesser… Deux fractions armées luttent pour le pouvoir…. Mais quel pouvoir ? C’est tout le peuple palestinien qui vit sous occupation. Que peut-on gagner, si nous nous mettons à nous entretuer ?

Tous les problèmes qui se présentent aujourd’hui tournent en fin de compte autour d’un problème fondamental : l’occupation. Nous espérons que nos amis en Europe ne nous oublieront jamais. Tant que l’occupation durera, tant que les Palestiniens ne pourront décider eux-mêmes de leur avenir, il ne pourra y avoir de paix.

Un diplomate américain (anonyme) : « J’aime cette violence »

Début mai, au terme de sa mission de deux ans, l’envoyé des Nations unies au Moyen-Orient, Alvaro De Soto, a rédigé un rapport confidentiel. Le journal britannique The Guardian l’a publié sur son site Internet [1]. De Soto critique vertement le boycott occidental depuis la victoire électorale du Hamas, en janvier 2006. De ce boycott, il a résulté que « les bases d’un futur État palestinien ont été gravement ébranlées » et que « la capacité de l’appareil de sécurité à veiller à la justice et l’ordre a considérablement été compromise ». Le diplomate pointe un doigt accusateur sur les États-Unis : « Les États-Unis ont ouvertement favorisé une confrontation entre le Fatah et le Hamas », écrit-il sur la période allant de février 2006 à mars 2007. De Soto cite entre autres un envoyé américain qui aurait déclaré, au moment des combats entre le Fatah et le Hamas à Gaza : « J’aime cette violence car elle signifie que d’autres Palestiniens résistent au Hamas. »

1 http://image.guardian.co.uk/sys-files/Guardian/documents/2007/06/12/DeSotoReport.pdf

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