A Bilin, un nouveau vendredi contre le mur

MICHELE GIORGIO

Ils se sont retrouvés à 300, vendredi (2 juin) à Bilin, en Cisjordanie, pour la manifestation hebdomadaire contre le mur, un rendez-vous jamais manqué pendant ces 18 derniers mois. Les rassemblements à Bilin ne sont jamais dépassés ou inutiles, comme certains commencent à le penser face au désintérêt de la communauté internationale pour la violation des droits du peuple palestinien. Sur la route principale de ce village palestinien auquel les forces d’occupation ont confisqué environ 60% de la terre agricole, ruinant ainsi des dizaines de familles, se sont réunis une fois de plus des palestiniens, des jeunes israéliens d’ « Anarchistes contre le mur » et de « Ta’ayush », et de nombreux volontaires européens, américains et japonais. Parmi eux, des visages connus de la politique locale et de la société civile : le recteur de l’université Al-Qods, Sari Nusseibeh, le député arabe israélien Mohammed Barakeh, les parlementaires palestiniens Mustafa Barghuti et Abu Leila, l’historien Salim Tamari et le fameux pacifiste israélien Uri Avnery qui, malgré ses 82 ans, continue à manifester partout où c’est possible pour les droits du peuple palestinien.

« C’est fondamental de continuer à lutter pour l’application de la sentence de la Cour de Justice de La Haye qui a jugé, depuis deux ans, l’illégalité absolue du mur. Bilin est exemplaire en cela, c’est un point de référence pour la lutte contre la barrière israélienne », a expliqué Tamari, suivi comme une ombre par une troupe de la BBC qui tourne un documentaire dans les Territoires Occupés, dont la diffusion est prévue pour l’anniversaire de la Déclaration de Balfour (2 novembre 1917). A la fin de la prière musulmane de midi, la manifestation se dirige depuis le centre de Bilin vers les champs confisqués par l’armée israélienne, là où est en train de se développer la colonie juive de Modiin Illit, malgré les interdictions posées par la Cour suprême israélienne elle-même. Un cortège bariolé se déroule, dans lequel marchent, à côté de palestiniennes voilées et en costumes paysans traditionnels, des filles israéliennes coiffées à la punk, des universitaires et des hommes politiques, des jeunes de divers pays avec la faucille et le marteau dessinés sur leurs t-shirts.

Aux slogans en arabe, succèdent ceux en hébreu des anarchistes, conduits comme d’habitude par Yonathan Pollack. C’est comme ça depuis des mois, pour confirmer la détermination de Bilin de ne pas se rendre et de représenter un exemple pour les autres villages engagés dans la lutte contre le mur, comme les voisins de Beit Sira. Avec, immanquable, la réaction classique des soldats israéliens quand les manifestants s’approchent de la barrière de couleur jaune qui sert d’entrée pour les véhicules militaires dans la « bande de sécurité ». Gaz lacrymogènes, grenades assourdissantes mais aussi projectiles de caoutchouc comme ceux qui ont atteint la volontaire américaine Mary Cullock, touchée au cou et dans le dos. « Les endroits touchés me font très mal. Je ne comprends pas pourquoi (les soldats) ils ont tiré, j’étais loin de la barrière et je ne faisais rien de mal », se plaint-elle. A la fin, six manifestants au moins, dont deux étrangers, ont été légèrement blessés comme un policier touché par une pierre. « Nous serons ici vendredi prochain aussi, et tous les autres vendredis », promet Yonathan Pollack, à la fin des affrontements.

La bataille menée depuis des mois à Bilin sert aussi, pour les militants, à faire le point sur l’avancement du mur en Cisjordanie. Les derniers développements sont préoccupants. Même le bâtiment pour l’école, de Walaja (entre Jérusalem et Bethléem), en construction (avec des fonds recueillis par les habitants), risque d’être démoli. Le 30 mai dernier, un bulldozer militaire a détruit deux hangars parce qu' ils étaient « construits sans permis » et l’école risque de finir de la même façon. Pendant ce temps les colonies israéliennes se développent. Le 21 mai, les militaires ont remis aux habitants de Wadi Maleh, dans la Vallée du Jourdain, un ordre de confiscation pour environ 300 hectares de terre sur lesquels s’étendra la colonie de Maskyot.

Edition de lundi 4 juin 2006 de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/04-Giugno-2006/art14.html

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

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