élections palestiniennes du 25 janvier 2006
:
un séisme inattendu Alors que les différents sondages d’opinion
en territoires occupés prédisaient un bon résultat au Hamas (Mouvement
de Résistance islamique), certains même le mettant devant le Fatah
(le mouvement du président Mahmoud Abass et colonne vertébrale de
l’autorité palestinienne) aucun de ces sondages ne prévoyait
une majorité absolue de sièges pour le Hamas tout seul, ses dirigeants,
eux-mêmes, ne pensaient pas réaliser un tel score : 74 élus sur 132
auquel il faut ajouter les 4 élus indépendants qui étaient soutenus
par le Hamas. A la veille des élections, le Hamas considérait qu' il
ferait un bon résultat s’il obtenait entre 40 et 45% de sièges
Cependant, le score définitif qui lui accordait 59% de sièges au Conseil
législatif, rendait le Hamas seul maître du jeu pour former le prochain
gouvernement de l’autorité palestinienne qui, selon les accords
d’Oslo, n’a de compétences que celles qui touchent la
gestion Intérieure de la vie des Palestiniens dans leurs territoires.
Il est important de souligner que les négociations d’ordre politique
sont du ressort de l’OLP dont le Hamas ne fait actuellement
pas partie.
Beaucoup se demandent pourquoi une telle victoire inattendue et imprévue
? Sans doute plusieurs raisons sont entrées en ligne de compte en
faveur du Hamas. Je peux les résumer par :
• l’échec incontestable du soi-disant processus de paix,
depuis 1993, année de la signature des Accords d’Oslo, la situation
des Palestiniens dans les territoires occupés n’a fait que se
détériorer. Cela est vrai sur le plan économique, social, de la libre
circulation des personnes et des biens, accentuation de la colonisation,
bref le sentiment profond de la disparition des perspectives d’une
solution négociable, pour beaucoup de Palestiniens, la situation précédant
1993 apparaît malheureusement à l’heure actuelle comme encore
meilleure que celle vécue de facto depuis.
• La mauvaise gestion de l’autorité palestinienne à travers
ses différents gouvernements depuis sa mise en place, une gestion
caractérisée par deux mots : la corruption et l’incompétence.
La corruption était généralisée, elle touchait tous les aspects de
la vie de la population palestinienne, du détournement du bien public
au rançonnement par certaines institutions sécuritaires faisant partie
de l’autorité palestinienne, aux grands privilèges accordés
aux responsables de cette autorité, voire même l’implication
de certains responsables au niveau ministériel dans certains marchés
douteux avec des entreprises ou des responsables israéliens. Ces différentes
données de la corruption faisaient l’objet de discussions quotidiennes
chez les Palestiniens qui attendaient l’occasion pour marquer
leur volonté de changement.
• Aux yeux de beaucoup de Palestiniens, le Hamas est un mouvement
de résistance. Pour eux, il l’a montré à travers son engagement
face à Israël, même s’il n’était pas seul dans le processus
de résistance, il est le seul qui ait bénéficié de la reconnaissance
des Palestiniens lors des élections. Le Hamas a exploité au maximum
le redéploiement des forces israéliennes en dehors de Gaza en s’arrogeant
le bénéfice de cette victoire.
• En tant que grand mouvement au sein de la population palestinienne,
le Hamas a entretenu l’impression qu' il était seul capable
de faire face à l’autre grand mouvement qu' est le Fatah.
Une maniéré de dire aux Palestiniens, si vous voulez le changement,
il ne vous reste qu' é nous donner vos voix et à nous faire confiance.
• Le Hamas a bénéficié du système électoral mis en place par
l’autorité palestinienne suite aux Accords du Caire du mois
d’avril 2005, face à l’intransigeance du Fatah à ce moment-lé
; les Accords du Caire signés par 13 tendances palestiniennes prévoyaient
un système électoral mixte, moitié proportionnel, moitié majoritaire.
Le Hamas, Grèce au système proportionnel a réalisé 28 sièges alors
que Grèce au système majoritaire d’arrondissement, il a pu réaliser
46 sièges Un tel système ne peut qu' être favorable au mouvement
qui réalise le plus de voix dans un arrondissement. Il exclut purement
et simplement les autres listes. Par exemple : le FPLP, Grèce à la
moitié proportionnelle a pu avoir 3 sièges alors qu' il a réalisé
sur le plan total des voix exprimées 5% de l’électorat palestinien.
Si le système électoral palestinien était entièrement proportionnel,
le Hamas n’aurait pas pu réaliser cette majorité absolue au
sein du Conseil législatif.
Si on prend en compte comme critère le nombre des représentants élus,
le Hamas pourrait effectivement former tout seul le prochain gouvernement,
mais ceci n’est pas pour autant vrai sur le plan politique étant
donné l’ensemble des difficultés qui attendent ce gouvernement,
tant au niveau de ses relations internationales qu' au niveau
des réponses à apporter aux nécessités de la population palestinienne.
Pour le Hamas, cette victoire est embarrassante puisqu' elle
l’oblige à trouver des solutions concrètes à l’ensemble
des besoins tant politiques, économiques que sociaux de la population
palestinienne. En résumé le Hamas est condamné à réussir là où le
Fatah au pouvoir a échoué.
En ce qui concerne les autres forces palestiniennes en jeu, commençons
par le Fatah : le résultat du 25 janvier est un véritable séisme tant
sur le plan de sa représentativité que sur le plan de sa situation
interne. Pour les autres forces, dont certaines ont disparu de la
carte politique de la représentativité au sein de ce Conseil, (6 tendances
n’ont plus d’élus), d’autres ont vu leur représentativité
diminuer sérieusement comme le FPLP, le FDLP, le PPP, le MIP. Sans
doute leur résultat ne correspond-il pas à leur poids politique au
sein de la population palestinienne. Mais le système électoral élisait
la moitié d’élus sur la base du système majoritaire au profit
des grands partis et au détriment des autres. L’exemple du FPLP
illustre cette réalité puisqu' il n’occupe que 3 sièges
(2%) sur les 132 à pourvoir alors qu' il a obtenu 5% des voix
exprimées sur la totalité du territoire.
Pour les acteurs internationaux, ce résultat était un autre séisme
: les pays occidentaux, Etats-Unis et Union européenne en tête n’ont
pas accueilli favorablement l’arrivée de cette nouvelle majorité
dans le champ politique palestinien étant donné qu' elle déclarait
ouvertement son opposition au processus mis en place depuis 1993 à
Oslo dont les protecteurs ne sont que ces deux puissances. Pour eux,
ces élections les obligent à reconsidérer les réglés du jeu quand
il s’agira d’entamer de nouvelles tentatives de négociations
entre la partie palestinienne et Israël.
Quant aux pays arabes, la victoire du Hamas n’est pas la bienvenue
puisqu' il pourrait faire tache d’huile chez eux. On voit
mal comment un tel régime peut envisager des élections libres et transparentes
alors qu' il est menacé d’effondrement devant l’immense
volonté de changement qui caractérise la population arabe du Yémen
jusqu' au Maroc. Nous l’avons vu dernièrement avec l’exemple
égyptien alors que ces élections n’étaient pas entièrement transparentes
ni libres : les frères musulmans égyptiens (l’équivalent du
Hamas en Palestine) avaient obtenu 88 sièges devenant ainsi la force
menaçante du parti au pouvoir : celui du président Moubarak.
A un autre niveau, l’arrivée du Hamas au pouvoir en territoire
palestinien occupé peut radicaliser le combat avec les forces d’occupation
israélienne, une telle perspective, inévitable, aura des retombées
sur l’ensemble des capitales arabes où les groupes islamistes
exercent déjà des pressions sur les régimes en place.
QUELS SCENARIOS POUR LE HAMAS DANS LA FORMATION DU NOUVEAU GOUVERNEMENT
?
Je pense que devant la complexité de la situation, le Hamas se trouve
devant 3 scénarios possibles pour la formation du prochain gouvernement
de l’autorité palestinienne.
• Le premier est de le faire tout seul ; il en a la possibilité
au sein du Conseil mais cette hypothèse n’est pas la plus privilégiée
pour les dirigeants du Hamas. Plusieurs explications m’amènent
à cette conclusion : le Hamas tout seul devra faire face à certaines
bombes à retardement laissées par le gouvernement palestinien précédent.
On peut en citer quelques-unes : le déficit budgétaire estimé à 1
milliard de dollars qui empêche le paiement même des salaires de 160
000 fonctionnaires de l’autorité palestinienne ; l’anarchie
des groupes armés liée en réalité à l’autorité palestinienne
elle-même puisque ceux-ci font partie du Fatah et que les gouvernements
palestiniens précédents n’ont rien voulu faire pour arrêter
ce phénomène inquiétant qui peut déboucher vers des affrontements
inter-palestiniens ; Le système électoral actuel qui n’a pas
le soutien des autres forces palestiniennes qui demandent déjà sa
modification en système entièrement proportionnel (le système actuel
est composé d’une mixité de moitié d’élus sur la base
proportionnelle et l’autre moitié sur la base majoritaire) ;de
plus, le chantage exercé par les pays dits donateurs de l’autorité
palestinienne tels que les Etats-Unis et l’Union européenne
qui ont officiellement déclaré qu' ils suspendaient leur soutien
financier à l’autorité palestinienne si le Hamas forme le prochain
gouvernement le déforce ; les menaces israéliennes réelles qui commencent
avec le gel des avoirs de l’autorité palestinienne retenus par
Israël (taxes prélevées sur les importations palestiniennes et non restituées
comme elles le devraient – soit presque 60 millions de dollars
par mois). Devant une telle situation, le Hamas, seul au pouvoir,
n’aura pas suffisamment de moyens pour relever les défis incontournables
auxquels devra obligatoirement faire face le nouveau gouvernement.
• Le deuxième scénario est de chercher une coalition avec d’autres
forces palestiniennes représentées ou non au sein du Conseil législatif
palestinien élu le 25 janvier. Ce scénario est l’hypothèse la
plus envisageable, d’ailleurs des contacts sont en cours aussi
bien à l’Intérieur des territoires occupés qu' é l’extérieur
entre des dirigeants du Hamas et des représentants d’autres
forces palestiniennes. Sur le plan politique, ces différentes forces
peuvent trouver plus facilement un programme avec le Hamas qui concerne
les revendications nationales du peuple palestinien, il s’agit
de la création d’un état palestinien indépendant sur le territoire
palestinien occupé en 1967 (la Cisjordanie et la Bande de Gaza) et
le droit de retour des réfugiés palestiniens sur la base de la résolution
194 des Nations Unies, ce deux éléments représentent ensemble le fondement
du prochain programme politique d’une telle coalition. Mais
la gestion Intérieure, le modèle de la société palestinienne à adopter
(le Hamas préconisait dans son programme la reconstruction de la société
palestinienne sur des réglés islamiques) et comment établir les bases
de la refondation de l’OLP (seul interlocuteur politique au
nom du peuple palestinien mandaté pour résoudre le conflit) peuvent
représenter de véritables freins à l’avènement d’une telle
coalition (l’ensemble des autres forces palestiniennes représentées
au sein du Conseil étant plutôt laïques). Le Hamas est condamné à
abandonner une partie de son programme qui concerne ses objectifs
de politique Intérieure. Il le fera ou non, l’avenir proche
nous le dira.
• Troisième scénario : c’est l’hypothèse de la constitution
d’un gouvernement dit des à technocrates à dirigé par un proche
du Hamas, certains avancent déjà le nom d’un des élus indépendants.
Ce gouvernement éviterait au Hamas d’endosser la responsabilité
d’avoir à relever les défis déjà cités tout en demandant à celui-ci
la réalisation d’une partie du programme avancé par le Hamas.
Dans une telle perspective, le Hamas pourra se réserver le droit d’invoquer
vis-à-vis de son électorat les limites qui lui auront été imposées
de l’extérieur comme de l’Intérieur.
Les élections du 25 janvier doivent être considérées comme étant une
phase dans un processus de reconstruction de toutes les institutions
palestiniennes, il est temps de cesser de considérer l’autorité
palestinienne comme si elle représentait l’ensemble du peuple
palestinien, elle existe d’une maniéré temporaire et elle ne
peut que prétendre la gestion et la direction des affaires Intérieures
des Palestiniens des territoires occupés. Quant au conflit politique
et à la solution à y apporter, c’est l’OLP reconstituée
sur d’autres bases en tenant compte des nouvelles réalités palestiniennes
qui seule peut engager le peuple palestinien dans un vrai processus
de paix tenant compte des échecs passés et de la nécessité de rendre
justice au peuple de la Palestine.
AL DAMIRI Hamdan.
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