Les défenseurs des droits humains, guerriers de l’ Empire

Glen Ford

publié le : 30 Août, 2012
mis à jour le : 21 Août, 2019

Ce texte paru en anglais sous le titre "Human Rights Warriors for Empire" et publié par Black Agenda Report en février 2012, n' a rien perdu de son actualité.

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La Syrie n' a pas d' autre choix que de sécuriser chaque mètre carré de son territoire.

La plus grande offensive impériale depuis l' invasion de l' Irak de mars 2003, bat son plein sous couvert d' "intervention humanitaire" – version d' une habileté diabolique des "guerres stupides" de George Bush, revue et corrigée par Barack Obama.

N' ayant pas réussi à obtenir une pseudo-résolution du Conseil de Sécurité de l' ONU du style de celle adoptée pour la Libye pour lancer une offensive militaire "humanitaire” contre la Syrie, les États-Unis passent tranquillement à une campagne mondiale "en dehors du système de l' ONU" pour étendre la coalition OTAN/ monarques du Golfe Persique / djihadistes. Prochain arrêt : la Tunisie, où les alliés de Washington se réuniront le 24 février pour affûter leurs lames en tant qu' "Amis de la Syrie.” Le Département d' état US s' est activé pour dresser la liste des membres des "amis" et déterminer quel serait leur "mandat" – terme qui, en jargon des seigneurs de guerre, signifie peaufiner une alliance de circonstance en vue de réaliser l' acte de piraterie contre la souveraineté de la Syrie.

Amnesty International et Human Rights Watch sirotent leur bière avec leurs collègues pirates. Ces guerriers des "droits humains", installés dans les entrailles des empires passés et présents, leurs poitrines scintillantes des médailles récoltées pour bons et loyaux services de propagande lors de l' agression commise par les grandes puissances en Libye, apportent une légitimité "de gauche" aux desseins impériaux.

Amnesty International, dont le siège est à Londres, a organisé une ' "journée d' action mondiale pour s' insurger contre les ' crimes contre l' humanité' commis en Syrie et accuser la Russie et la Chine d' avoir utilisé leur véto au Conseil de Sécurité pour "trahir" le peuple syrien – se faisant l' écho de l' hystérie guerrière qui émanait de Washington, Paris, Londres et des porcheries royales de Riyad et de Doha.

Human Rights Watch, dont le siège est à New-York, accusait Moscou et Beijing de commettre des actes "incendiaires" – comme si ce n' était pas l' empire et ses alliés qui mettaient le feu au Moyen-Orient et à l' Afrique, en armant et en finançant les djihadistes – parmi lesquels des centaines d' anciens salafistes libyens actuellement sur le terrain en Syrie.

Amnesty International et Human Rights Watch apportent une légitimité "de gauche" aux desseins impériaux

Sous la tutelle impériale “intelligente” (par opposition à "stupide") d' Obama, les génocidaires coloniaux comme la France proposent actuellement la création de "couloirs humanitaires" en Syrie pour "permettre aux ONG d' atteindre les zones où ont lieu des massacres scandaleux”. L' OTAN avait refusé catégoriquement la création de ces couloirs en Libye quand les Africains subsahariens et les Noirs libyens se faisaient massacrer par des milices armées et financées par ces mêmes "Amis" qui assiègent actuellement la Syrie.

La Turquie prétend qu' elle a rejeté, pour l' instant, l' idée de créer des zones tampons humanitaires le long de sa frontière avec la Syrie – côté syrien – tout en procurant des armes, des entrainements et un sanctuaire aux déserteurs de l' armée syrienne. En réalité, ce sont les concentrations de troupes et de blindés de l' armée syrienne le long de la frontière qui ont empêché la création de ces zones tampons – simple euphémisme pour la création d' une "zone libérée” qui doit être "protégée" par l' OTAN ou quelque autre regroupement de forces soutenues par les États-Unis.

L' OTAN, qui a bombardé la Libye non-stop pendant six mois, faisant des dizaines de milliers de victimes tout en refusant de compter un seul corps, veut à tout prix se trouver un coin de champ de pétrole syrien où planter le drapeau “humanitaire” de l' intervention. Ils se cherchent de toute évidence un Benghazi, pour justifier d' un remake de l' opération en Libye– une évidence qui a incité les Russes et les Chinois à opposer leurs vétos.

Face à la certitude d' une offensive soutenue par les grandes puissances sous couvert de "protéger les civils sur un "territoire "libéré", la Syrie ne peut se permettre de céder à des rebelles armés et des djihadistes étrangers ne serait-ce qu' un quartier dans une seule ville – même pas un pâté d' immeubles - ou une enclave rurale ou frontalière. Cette voie mène directement à la perte de souveraineté et l' éventuel charcutage de la Syrie – que les experts occidentaux qualifient déjà d' état "ramassis", et qui pourrait devenir "état en déliquescence". Il est certain que les Français et les Britanniques, qui ont tracé les frontières de la région après la Première Guerre Mondiale, sont experts en matière de découpage de territoire d' autres peuples. Et c' est une litote que de dire qu' Israël serait aux anges.

C' est la recette qui a été appliquée en Libye, et elle aurait aussi bien pu être sortie de la bouche de Barack Obama

Avec les succès apparents de l' armée syrienne pour sécuriser la plus grande partie de Homs et d' autres foyers de rébellion, l' opposition armée a accéléré ses méthodes terroristes – une campagne qui avait profondément inquiété la propre mission d' observation de la Ligue Arabe en Syrie, et qui avait conduit l' Arabie Saoudite et le Qatar à escamoter le rapport de la Mission. Les pays du Golfe, au lieu de cela, poussent ouvertement la Ligue Arabe à "fournir toutes sortes d' aides politiques et matérielles" à l' opposition, ce qui veut dire des armes et, sans doute, davantage de combattants salafistes. Alep, la principale ville commerciale et industrielle de Syrie, qui n' avait connu pratiquement pas de rébellion, a été frappée par deux attentats mortels à la voiture piégée la semaine dernière - attentats qui portent la signature des membres d' Al-Qaïda de l' Irak voisin.

Les divers "Amis de la Syrie", tous blottis dans le cocon des U.S./OTAN/Arabie Saoudite/Qatar parlent maintenant ouvertement d' une guerre civile totale en Syrie – ce qui signifie un conflit armé intensifié financé et dirigé par eux – comme étant la meilleure alternative à cette lutte interminable que semble gagner le régime actuellement. Il y a un interdit, cependant : "pas de bottes occidentales au sol sous quelque forme que ce soit", comme l' avait exprimé William Hague, le Ministre des Affaires Étrangères britannique. C' est la recette qui a été appliquée en Libye, elle aurait aussi bien pu être sortie de la bouche de Barack Obama.

Sur les quelque 6000 personnes qui sont mortes ces 11 derniers mois, environ un tiers sont des militaires ou des policiers syriens– des chiffres qui indiquent clairement qu' il s' agit d' une offensive armée contre l' état

La Syrie se bat pour exister en tant que nation contre toutes sortes de forces mobilisées par les États-Unis et l' OTAN. Sur les 6000 personnes environ qui ont trouvé la mort au cours des 11 derniers mois, environ un tiers sont des soldats et des policiers syriens – preuve par les chiffres qu' il s' agit bien d' une agression armée contre l' État. Il ne fait aucun doute qu' il y a un engagement étranger massif, ou que le but de la politique US vise le changement de régime, comme l' a répété à plusieurs reprises la secrétaire d' État, Hillary Clinton ("Assad doit partir", a-t-elle déclaré aux journalistes en Bulgarie).

Organisations le plus souvent associées à (ce qui passe pour être) la gauche dans les pays où Amnesty International et Human Rights Watch ont leurs sièges, elles sont des alliées précieuses de l' actuelle offensive de l' empire. Elles ont beaucoup de compagnons de route dans (à nouveau, ce qui passe pour être) les milieux pacifistes dans les pays colonisateurs et néo-colonisateurs.

La "gauche" française n' a guère levé le petit doigt quand des millions d' Algériens mouraient au cours de la guerre d' Indépendance, et ne s' est pas avérée être une alliée effective des populations anciennement colonisées au cours des 50 années qui ont suivi.

Parmi les puissances impériales européennes, seule la prétendue Révolution des Œillets de 1974, un putsch réalisé par de jeunes officiers, s' est soldée par une aide substantielle pour les sujets de l' empire : le retrait des troupes des anciennes colonies africaines du Portugal.

Le mouvement de protestation contre la guerre aux Etats-Unis avait perdu de son ampleur quand la menace de conscription avait été levée, au début des années 70, alors que les bombardements se poursuivaient au Vietnam (où les États-Unis testaient des armes nouvelles et exotiques contre son peuple) jusqu' à la chute de Saïgon, en 1975.

En 2008, tout ce que beaucoup des gauchistes USaméricains semblaient vouloir, c' était d' envoyer au diable les Républicains, et peu importait le reste du monde. Le démocrate Barack Obama a fait passer la machine de guerre impériale à la vitesse supérieure sans que la "gauche" ne pipe mot pratiquement.

Il y a eu une grande ambiguïté – le terme le plus poli qui me vienne à l' esprit – chez les soi-disant gauchistes aux Etats-Unis et en Europe concernant les bombardements par l' OTAN et la mise sous tutelle de la Libye. Et nous revoilà, confrontés aux menaces existentielles de l' empire contre la Syrie et l' Iran, alors que les gauchistes ergotent sur les droits humains tandis que "le plus grand pourvoyeur de violence dans le monde" s' active à baliser de nouveaux sentiers de la guerre.

Un militant pacifiste qui n' est pas également anti-impérialiste, cela n' existe pas. Et la seule tâche qui incombe à un anti-impérialiste qui se trouve dans les entrailles de la bête, c' est de désarmer la bête. Sinon, il est inutile à l' humanité.

Comme on disait à une époque : soit vous contribuez à apporter une solution, soit vous faites partie intégrante du problème. Amnesty International et Human Rights Watch font partie intégrante du problème.

Source : http://blackagendareport.com/

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