L’État d’Israël va-t-il bientôt
disparaître ?
MAURO MANNO
Trop de gens, ces derniers temps, parlent de la possibilité
que l’Etat d’Israël ne disparaisse dans les années qui
viennent. La premier a été Ahmadinejad, le président de
la république islamique d’Iran, qui affirma il y a quelque années
qu' Israël « disparaîtra des pages du temps »
(et non pas, comme le racontent avec malveillance les sionistes et leurs amis :
«… sera effacé de la carte géographique »).
La seconde version de la phrase du président iranien offre l’opportunité
aux sionistes et à leurs scribes amis de ressasser l’habituelle
rengaine qu' Ahmadinejad est « le nouvel Hitler »,
qu' il veut la bombe atomique pour faire un « nouvel holocauste »
juif, et autres sottises du même genre.
Ahmadinejad a réaffirmé une fois de plus sa position le 29 novembre
de cette année. Cette fois, il semble que ses paroles ont été
« Il n’est pas possible qu' Israël dure »
(télé vidéo de Mediaset, 29 nov. 2007, www.tgcom.it ).
Ces mots ont immédiatement été amplifiés par cette
même télé vidéo Mediaset (la chaîne appartient
à S. Berlusconi, ndt) en : « Israël disparaîtra »
et ont, évidemment, été qualifiés de « menaces ».
Mais cela fait partie du jeu des scribes amis (sionistes, ndt) et nous y sommes
habitués.
Il y a quelque mois, ce fut la ministre des Affaires étrangères
israélienne Tzipi Livni qui parla du danger de disparition que court
Israël à cause de ses problèmes internes : la démographie,
les divisions internes entre différentes communautés et l’occupation.
Tzipi Livni manifesta ensuite sa préoccupation que le monde ne finisse
par refuser le concept de « légalité d’Israël
comme état juif ». Nous fîmes alors un commentaire de
ses craintes dans l’article consultable à : http://www.pasti.org/manno3.html
Aujourd’hui c’est le Premier ministre Olmert lui-même
qui s’avère préoccupé. Un article du journal britannique
The Guardian rapporte ses préoccupations (State of Israël could
disappear, warns Olmert, de Mark Tran, voir : http://www.guardian.co.uk/israel/Story/O.2219066.00.html
Que dit Olmert ? Le Premier ministre israélien évoque le
spectre de la désintégration de l’Etat juif si l’on
n’arrive pas à la solution des « deux états »
avec les Palestiniens. Faisant un parallèle avec la fin du régime
sud-africain d’apartheid (c’est lui qui l’a fait cette fois,
pas moi !), Olmert a mis en garde ses opposants : « Si
arrive le jour où la solution des deux états s’écroule,
et que nous nous retrouvons face à une lutte dans le style de celle de
l’Afrique du Sud, où les Palestiniens nous demandent le même
droit de vote que ce que nous avons, nous, alors, dès que cela arrivera,
l’Etat d’Israël aura fini d’exister ».
Le danger est celui que la lutte des Palestiniens pour des
droits égaux dans un état unique Israël/Palestine finisse
par recueillir beaucoup plus de consensus que n’en recueillent aujourd’hui
les Palestiniens avec leurs revendications. La chose serait plus grave encore
pour Olmert si de nombreux juifs de la Diaspora se rangeaient pour la démocratie
et l’égalité des droits entre Juifs et Palestiniens. Il
se déclare certain que « les organisations juives, qui sont
la base de notre pouvoir en Amérique (ah, pro-sionistes si prompts à
l’accusation d’ « antisémitisme »,
c’est Olmert qui dit cela, il est en train de parler du lobby juif en
Amérique ! Vous l’avez entendu ? Note de l’auteur)
seront les premières à se retourner contre nous, (…) parce
qu' elles nous diront qu' elles ne peuvent pas soutenir un état
qui ne pratique pas la démocratie et n’applique pas un droit de
vote égal pour tous ses résidents ».
Olmert a souligné qu' il avait déjà dit des choses
de ce genre dans une interview il y a quatre ans. « Depuis lors,
j’ai systématiquement répété ces choses ».
Olmert craint que ses ennemis ne « disent qu' en ce moment,
j’ai beaucoup de problèmes (les scandales pour corruption etc.,
nda) et que c’est pour cette raison que j’essaie de réaliser
la solution des deux états. Mais il faut affronter les faits correctement ».
Un des nombreux problèmes internes auxquels Israël
doit faire face pour sa survie est le problème démographique.
Aujourd’hui, à l’intérieur de l’entité
sioniste, dite aussi « état juif », il y a une
population mixte : d’un côté les juifs de l’autre
les Palestiniens. Tandis que les Palestiniens représentent une communauté
compacte et homogène, et il ne pourrait en être autrement car ce
sont les habitants originaires du pays, les juifs, paradoxalement, sont divisés
et désunis justement parce qu' ils sont une population rassemblée
un peu de bric et de broc, provenant de diverses parties du monde. Les Palestiniens
d’Israël (que les Israéliens continuent à appeler « arabes »
israéliens parce qu' ils ne veulent pas utiliser le mot « Palestiniens »)
représentent plus d’un cinquième de la population et gagnent
des positions d’année en année car ils ont une croissance
démographique plus rapide que celle les juifs de Palestine (rendons la
politesse). Ces derniers représentent certainement plus de 70% de la
population mais sont constitués : 1) des juifs ashkénazes,
les fondateurs du mouvement sioniste et d’Israël, et proviennent
de l’est de l’Europe, 2) des juifs sépharades que les ashkénazes
ont attiré depuis des pays arabes, bon gré mal gré, pour
en faire des ouvriers agricoles dans les terres que les ashkénazes
avaient volées aux Palestiniens, 3) des juifs russes d’immigration
récente, en grande partie déjudaïsés et parfois convertis
au christianisme ou athées (donc pas vraiment juifs) (Au sens de la Loi
juive, la Halakha, reste juif qui est juif, c’est-à-dire né
d’une mère juive ou converti, qu' il soit chrétien,
musulman, athée ou tout ce qu' on veut par la suite, ndt), car ils
sont passés par le régime soviétique. De nombreux « juifs »
russes ont émigré en Israël pour des raisons économiques
et non par amour du sionisme.
Les contradictions entre ces trois communautés « juives »
sont assez nombreuses. Par ailleurs, elles ne sont pas les seules parce qu' il
y a aussi d’autres minorités (les Falachas, les juifs d’Europe
de l’ouest et des Etats-Unis, qui sont souvent des sionistes acharnés
ou des colons, etc.) Il y a enfin la grande et dangereuse division (pour Israël,
naturellement) entre juifs orthodoxes et laïcs.
Mais laissons ces divisions internes aux juifs d’Israël
et revenons à ce qu' Olmert, à juste titre, considère
comme le danger principal aujourd’hui. Les Palestiniens d’Israël.
Si la séparation entre Israël et un état palestinien ne se
réalise pas aujourd’hui, il y a le risque (pour l’état
juif) que les Palestiniens des Territoires occupés ne s’engagent
dans une lutte pour une égalité des droits dans un seul état.
Les juifs de la Diaspora (pas le lobby, pas les organisations juives, comme
dit Olmert) se sentiraient obligés de soutenir la lutte pour la démocratie
et Israël pourrait perdre « la base de son pouvoir en Amérique ».
Israël deviendrait un état sans majorité juive, parce que,
en additionnant les Palestiniens d’Israël et ceux des Territoires
occupés, la majorité serait palestinienne. Adieu état « juif » !
Arrivés à ce point, même l’unité artificielle
qui tient unies les différentes communautés juives d’Israël
volerait probablement en éclats, et de nombreux juifs émigreraient
vers leurs pays d’origine ou vers l’Europe et les Etats-Unis. Israël
redeviendrait Palestine, mais, cette fois, avec une forte minorité juive
en son sein. Rien de terrible « étant donné que les
juifs sont une minorité dans tous les pays où ils vivent. Et qu' ils
ne s’en tirent pas si mal, après tout.
Voilà le problème, et la solution, pour Olmert,
serait … Annapolis.
Le Premier ministre israélien a déclaré
que la Conférence d’Annapolis « a satisfait les attentes
israéliennes plus que ce que les Israéliens n’en attendaient,
mais cela ne nous libérera pas des difficultés qu' il y aura
dans les négociations, qui seront complexes et difficiles, et requerront
une grande patience et de la sophistication ». Pourtant, a
reconnu Olmert, Abbas « est un partenaire faible, qui n’est
pas capable et, comme dit Blair, doit encore forger ses instruments et pourrait
ne pas savoir le faire ». Mais Olmert se fait rassurant : « C’est
mon devoir de faire en sorte qu' il arrive à se procurer ces instruments
et comprenne les lignes de direction pour parvenir à un accord ».
Quels sont ces fameux instruments dont parlent Blair et Olmert ? Je crois
que tous les deux font référence aux instruments de répression
pour battre le Hamas. En ce qui concerne ses instruments, Olmert est déjà
en train de donner, sans le cacher, un sacré coup de main au président
palestinien. Comment? En libérant des centaines de partisans de Abbas
et en emprisonnant ou tuant des membres du Hamas, y compris des élus
au parlement palestinien. Sans un mot de Abbas, du Fatah et de l’Occident.
Les instruments pourraient aussi être politiques, à savoir ceux
qui pourraient battre dans des élections ou dans un référendum
les positions du Hamas, et faire gagner la ligne collaborationniste de Abbas.
Ces instruments politiques - Blair a raison- Abbas pourrait ne jamais arriver
à les fabriquer. A cause surtout d’Israël et du lobby sioniste
étasunien ; en dernière analyse à cause de la nature
du sionisme.
Voyons pourquoi. Le sionisme a toujours eu pour objectif la
conquête de toute la Palestine, à garder exclusivement pour les
juifs. Pour ce faire, l’expulsion de la majorité au moins des Palestiniens
était nécessaire. Israël est arrivé à en expulser
750.000 en 1948 et quelque autres centaines de milliers ensuite, en 1967. Cependant,
en Palestine, les Palestiniens restent encore la majorité. Que faire ?
L’espoir de tous les expulser n’a jamais cessé et certains
politiciens israéliens (Lieberman) le manifestent encore franchement.
Mais ce n’est pas facile. On pourrait cependant arriver à atteindre
un double accord, avec les Palestiniens et avec les pays arabes. Avec les Palestiniens,
en imposant un « état » palestinien semblable aux
bantoustans que l’Afrique de l’apartheid a essayé, sans y
arriver, d’imposer aux noirs Africains. Avec les pays arabes, on pourrait
essayer d’imposer l’absorption d’une grande partie des réfugiés
palestiniens (5 millions aujourd’hui) de façon à ce que
ceux-ci arrêtent de revendiquer leur droit au retour dans les maisons
et les villages dont ils ont été chassés. Le tout à
l’intérieur d’une coopération économique et
d’une « intégration de l’état juif »
dans le Moyen-Orient arabe et musulman. Abbas pourrait être l’homme
juste pour favoriser ce double accord qui sauverait Israël. D’un
côté, il ferait disparaître le cauchemar de devoir intégrer
des millions de Palestiniens dans un minimum de territoire (4 réserves
ou bantoustans) proclamé « Etat palestinien »,
en laissant aux Israéliens 80% des Territoires occupés. Enfin,
il réduirait le danger représenté par les réfugiés,
dont une partie (combien ?) pourrait « revenir »
dans l’ « Etat palestinien » et une autre pourrait
être absorbée par les états arabes, enfin devenus amis et
partenaires économiques d’Israël. Mais il reste encore un
avantage inavoué. Si l’état palestinien naissait, qu' est-ce
que le million et 300.000 Palestiniens d’Israël resteraient faire
dans l’état juif ? On pourrait les déporter (pardon,
il faut dire « transférer ») dans leurs bantoustans,
c’est-à-dire dans leur « état ». Le
compte est bon. Ou non ?
Le sionisme n’a pas changé sa nature raciste et
déportationniste. Il a simplement adapté ses tactiques à
la nouvelle situation. Mais le plan va échouer.
Ceux qui vont le faire échouer, les premiers, ce sont
les colons, les orthodoxes, les souteneurs du sionisme le plus intransigeant,
sans oublier le lobby sioniste étasunien, plus dangereux et plus sioniste
que l’état d’Israël. Ceux-là veulent toute la
Palestine, tout Jérusalem, tous les Territoires occupés. Ils n’acceptent
aucun ajustement tactique.
Ensuite il y a les Palestiniens et le Hamas. Les Palestiniens accepteront-ils
de renoncer à de futures portions de leur terre ? Accepteront-ils
de se laisser parquer dans quelques grands camps de concentration enceints de
murs et barbelés ? Et les Palestiniens d’Israël accepteront-ils
de se laisser déporter ? qu' arrivera-t-il ?
Abbas, le traître, va mal finir. Déjà certains membres du
Fatah passent du coté du Hamas, et avec des élections ou avec
d’autres moyens, le Hamas va finir par conquérir aussi la Cisjordanie.
Les Palestiniens seraient alors en condition de modifier leur lutte en passant
de l’objectif de deux états à celui d’une seule Palestine,
libre, démocratique, non raciste et multiethnique. Un seul état,
exactement comment le craignent Olmert et ses amis du lobby. Il est clair désormais
que la politique des « deux états » appartient
entièrement à la logique sioniste. En particulier la logique sioniste
des pragmatiques ashkénazes d’Israël. Mais ceux-ci sont désormais
minoritaires à cause des logiques des sionistes ultra idéologiques
ou des religieux fanatiques messianistes, toutes les deux soutenues par l’argent
et les trames politiques aux Etats-Unis du lobby juif1. La politique des « deux
états » doit être rejetée complètement
par les Palestiniens parce que c’est la vision de l’ennemi. Si l’on
poursuit par contre cet objectif d’un seul état démocratique
pour Juifs et Palestiniens, de la façon dont l’ont fait l’ANC
et le peuple noir d’Afrique du Sud, alors on frappe vraiment en plein
cœur la seule possibilité de salut qui reste à l’entité
sioniste, comme l’ont compris Tzipi Livni, Shimon Peres et Olmert. Et
comme l’avait compris Sharon, le bourreau.
La fin du sionisme et d’Israël serait un bien pour
l’humanité entière et une grande aide pour les juifs eux
même, qui pourraient saisir cette opportunité d’en finir
avec l’exclusivité et le sens de supériorité raciste
d’une grande partie d’entre eux, devenant ainsi des citoyens libres
parmi les citoyens libres du monde.
30 novembre 2007.
http://civiumlibertas.blogspot.com/2007/11/lo-stato-di-israele-scomparir-presto.html
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
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