LES ETATS-UNIS ET LA SYRIE Comaguer Bulletin numéro 257 - semaine 38 - 2013mis à jour le : 21 Août, 2019 Préambule : Avant d' être en butte à une hostilité permanente des Etats-Unis, la Syrie avait souffert de la colonisation française qui avait pris la forme en 1920 d' un mandat de la Société des Nations, une sorte de mise sous tutelle qui suscita pendant toute sa durée une résistance nationale vigoureuse qui fut matée dans le sang. I : de l' indépendance à l' alliance avec l' URSS En 1946 les Etats-Unis reconnaissent la nouvelle Syrie indépendante. Débute alors une période troublée caractérisée par l' émergence difficile et chaotique d' une couche d' officiers nationalistes hostiles aux anciennes classes dirigeantes de propriétaires terriens et de commerçants qui avaient collaboré avec le mandataire-occupant français. Le tout jeune état syrien est immédiatement confronté au bouleversement que représente la création de l' Etat d' Israël. Pour obtenir la création simultanée de l' Etat palestinien prévu par l' ONU les pays arabes entrent en guerre et sont battus (première guerre israélo-arabe). Cette défaite déstabilise la Syrie. En 1949 un premier coup d' Etat renverse le premier Président Shukri al Kuwaitli Il est remplacé par Husni al Za' Im, le chef d' Etat-major qui avait conduit l' armée syrienne dans la première guerre israélo-arabe. Paradoxalement cet échec n' entrave pas sa carrière politique car il va bénéficier du soutien secret des Etats-Unis pur accéder au pouvoir. Pour Washington la priorité est d' assurer l' acheminement du pétrole saoudien, leur pétrole (l' ARAMCO - Arabian American Company - est alors leur propriété intégrale) vers la Méditerranée sans passer par le canal de Suez alors sous contrôle franco-britannique. Ils lancent le projet de TAPLINE (Trans-arab pipeline) pipeline allant de la région productrice saoudienne (au Nord-est du territoire) au port libanais de SAIDA en traversant la Jordanie et le Golan syrien. Le Président en exercice plus proche des intérêts franco-anglais est opposé au projet de pipeline. Pour bien marquer son alignement sur Washington Husni al Za' im interdit bientôt le parti communiste syrien. Quatre mois plus tard il est lui-même renversé par un groupe d' officiers conduit par Adib Shishakli et Sami al Hinnawi. En Décembre 49, troisième coup d' état, Shishakli élimine son complice qui était lui sous l' influence britannique (dont il était probablement un agent), favorable à l' union avec l' Irak pour constituer un bloc de deux Etats sous influence britannique. L' Irak est alors dirigé par le Chérif Hussein mis en place par Londres après qu' il ait été évincé de Syrie en 1920.Shishakli maintient d' étroites relations avec les Etats-Unis et l' Arabie Saoudite Bien qu' il refuse dans un premier temps d' accorder la nationalité syrienne aux 500 000 palestiniens réfugiés en Syrie après la Naqba, les Etats-Unis le considèrent comme le plus puissant dirigeant anti-communiste du pays et envisagent dés 1950 de livrer des armes à la Syrie. Cependant Shishakli a des difficultés à stabiliser son pouvoir et en 1952 il dissout le parlement et installe une dictature militaire. Mais, malgré la bienveillance du département d' Etat étasunien qui pousse la Banque Mondiale à lui accorder un prêt de 200 millions de $ son alliance avec les Etats-Unis n' aura pas le temps de prendre véritablement corps. En 1954 – le 25 février 1954 Shishakli est renversé par un coup d' état organisé par un front de partis nationalistes comprenant le Baath et le parti communiste syrien. Les élections qui suivent – le 24 Septembre 1954 – voient le succès des partis de gauche et pour la première fois dans le monde arabe un député communiste : Khalid Bakdash est élu député. Le commentaire d' Allen Dulles, le patron de la CIA, est sans ambigüité : « la situation dans ce pays est la pire de celle de tous les pays de la région ». La riposte se prépare sous la forme du lancement en Janvier 1955 du projet de « Pacte de Bagdad » pendant moyen-oriental de l' OTAN. La Syrie et l' Egypte s' opposent à cette création. Le plus ardent avocat de cette opposition, le colonel syrien Makli est assassiné le 22 Avril 1955 par un tueur du parti « Social nationaliste syrien » (SSNP) soutien de Shishakli et proche des Etats-Unis. Cet assassinat s' inscrit dans un plan commun des services britanniques et étasuniens pour rassembler dans le camp occidental à la fois d' une part l' Irak (sous influence britannique jusqu' au coup d' état du 14 Juillet 1958 qui amènera au pouvoir le général Aref et ensuite Saddam Hussein) d' autre part la Jordanie, l' Arabie Saoudite et Israël sous influence étasunienne. Le projet qui présente de grandes analogies avec la crise actuelle consistait à susciter des incidents frontaliers avec la Turquie qui justifierait une intervention militaire irakienne accompagnée de soulèvements tribaux suscités par les services britanniques et l' intervention armée de groupes rebelles du SSNP encadrés par des agents étasuniens. En Aout 1955 Shukri al Kuwaitli revient au pouvoir et dans un climat d' union nationale où s' affirme l' influence du Baath signe en Octobre un traité d' alliance militaire avec l' Egypte. Tous ces préparatifs sont bouleversés par la nationalisation du canal de Suez le 26 Juillet 1956 qui devient aussitôt le point le plus chaud de la crise moyen-orientale et va être l' occasion pour les Etats-Unis de prendre les rênes de la politique occidentale au Moyen-Orient au détriment des anciennes puissances coloniales : France et Grande-Bretagne qui se voient intimer par Eisenhower l' ordre humiliant de retirer leurs troupes d' Egypte. Un nouveau coup d' état pro-occidental se prépare en Syrie mais le complot est déjoué par les services secrets syriens et dénoncé à la télévision le 23 Novembre 1956. La réaction des Etats-Unis est rapide et sans ambigüité. Sur la demande d' Eisenhower qui met en avant les derniers développements de la situation en Syrie, le 30 Janvier 1957 le Congrès accorde au Président l' autorisation d' utiliser l' armée pour contenir l' influence soviétique aux Moyen-Orient. Avant cette décision politique officielle la Syrie a été un laboratoire régional d' actions clandestines de la CIA qui est intervenue sans cesse pour favoriser l' accès ou le maintien au pouvoir des différents gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays à partir du coup d' Etat du 30 Mars 1949. Cette politique d' ingérence permanente a été détaillée par le professeur Douglas Little spécialiste d' histoire du Moyen Orient à l' Université Clark dans son article « Cold War and covert actions. The US and Syria - 1945-1958 » publié en 1990 dans le numéro 44 du MIDDLE EAST JOURNAL (hiver 1990) Les élections de Mai 1957 en Syrie voient le triomphe des partis de gauche. Des tentatives pour éviter la rupture totale avec l' occident conduites par Khaled al Azam et Salah Bitar ont lieu dans les mois qui suivent mais elles sont infructueuses et le 6 Aout 1957 ils signent à Moscou un accord d' assistance économique technique et militaire avec l' URSS. La guerre froide initiée par les Etats-Unis vient de s' installer durablement au Moyen-Orient, la Syrie est rangée pour des décennies par les Etats-Unis dans le camp des adversaires de l' Occident. La crainte d' une attaque armée des USA est telle qu' en Septembre le gouvernement fait creuser des tranchées dans la ville de Damas. Pour protéger la Syrie menacée les troupes égyptiennes débarquent à Lattaquié le 18 Octobre 1957. L' armée syrienne passe sous le commandement du maréchal égyptien Abdel Hakim Amer, bras droit de Nasser, L' union des deux pays est ainsi scellée sur le terrain et prendra la forme officielle de la République Arabe Unie créée en Février 1958 et massivement approuvée par un référendum commun le 21 Février 1958. La Syrie devient la province Nord de la RAU Cet engagement syrien sous la bannière de Nasser confirme l' engagement de la Syrie dans le camp du nationalisme arabe hostile à la domination des Etats-Unis sur la région. Cependant la fusion des deux Etats se fait au détriment de la Syrie qui voit les principales institutions de la RAU s' installer au Caire et les principaux postes confiés à des égyptiens .La rupture intervient dés 1961. Le 28 Septembre un coup d' état militaire a lieu à Damas et la Syrie reprend son indépendance. Les troupes égyptiennes quittent Lattaquié. Ce changement rapide et brutal est aussi une réponse à la révolution irakienne. En effet le coup d' état militaire du 14.07.1958 à Bagdad a renversé la monarchie, les militaires nationalistes sont au pouvoir, le PC irakien se renforce. Le pays quitte le pacte de Bagdad pro occidental, se lie avec l' URSS ce qui est de nature à favoriser un rapprochement syro-irakien. S' ouvre alors en Syrie une nouvelle période d' instabilité qui voit s' élaborer un nouveau projet d' union qui rassemblerait tous les pays se réclamant alors du nationalisme arabe : Irak, Egypte (qui continue à s' appeler République Arabe Unie), Yémen, Algérie et Syrie. En Syrie l' affrontement sur cette question a lieu entre des « unionistes », surtout puissants à Alep et les Baathistes favorables à l' indépendance. Ceux-ci finissent par s' imposer par un nouveau coup d' Etat en Avril 1963. La Syrie se retrouve seule et se dote en Avril 1964 d' une nouvelle constitution laïque. Dés lors s' engage entre le Baath et les Frères Musulmans un conflit qui n' a jamais cessé et constitue la toile de fond de l' actuelle guerre même si les Frères Musulmans qui tentent à plusieurs reprises de prendre le pouvoir par la voie de l' insurrection sont durement réprimés à Banyas et à Hama. Qu' ils aient tenté en Mars 2011 de revenir sur la scène dans la foulée des crises politiques en Tunisie et en Egypte qui leur ont ouvert les portes du pouvoir n' est pas une surprise et confirme que dans le monde arabe chaque évènement politique national d' importance a une répercussion très rapide chez ses voisins mais, donnée oubliée par nombre de commentateurs occidentaux des « printemps arabes » sans en être jamais la reproduction à l' identique, les histoires nationales même récentes et les structures politiques propres ayant leur influence dans l' évolution des situations. Jusqu' à la guerre de 1967 avec Israël (nommée « guerre des six jours par Israël et « guerre arabe de 1967 » par les pays arabes) la question du nassérisme divise la Syrie. Le prestige acquis par Nasser par la nationalisation du canal de Suez est tempéré par l' expérience malheureuse de la RAU. Paradoxalement la droite syrienne qui apprécie l' anticommunisme nassérien est plus nassérienne que la gauche plus franchement nationaliste et où le PC syrien a toute sa place. La guerre de 1967 lancée par Israël qui riposte aux actions de l' Egypte en soutien à une Palestine qui n' existe toujours que sur le papier voit la déroute de la coalition arabe. La Syrie n' est pas l' objectif militaire principal d' Israël. Cependant l' aviation syrienne comme l' aviation égyptienne toutes deux équipée par l' URSS sont totalement détruites au sol et l' armée syrienne sans couverture aérienne perd la bataille du Golan qu' Israël va coloniser progressivement. La perte est encore plus grave pour l' Egypte qui perd Gaza, le Sinaï et qui voit le canal de Suez, dont la rive orientale est fermement tenue par l' armée israélienne, fermé. ANNEXE Le document Vinogradov Vladimir Vinogradov est ambassadeur d' URSS en Egypte où il est arrivé à la mort de Nasser (1970) au moment de la guerre dite du Kippour (1973). Il sait mieux que personne que les armées égyptienne et syrienne ont été largement fournies par son pays en armement de très bon niveau. Il connait personnellement Sadate et il sait que Sadate issu du mouvement des officiers nassériens est très anticommuniste et cherche en fait à tourner la page du nassérisme. Il observe les allées et venues de Kissinger dans la région et ne peut que soupçonner l' existence d' un projet des Etats-Unis pour la région. Il produira donc un document circonstancié sur le plan Sadate-Kissinger qu' il présentera à Moscou au Bureau Politique L'histoire secrète de la Guerre du Kippour Par ISRAEL SHAMIR Je vous préviens tout de suite, cette information n' est pas comme les autres... Si ces écrits sont authentiques, ils remettent en question toute l'hégémonie américaine sur le monde. Et justement, cela est intéressant de les prendre en considération, alors que leur modèle économique est sur le point de s'effondrer. Est-ce que l'histoire ne chercherait pas tout simplement à rétablir la vérité ? J'ai récemment reçu à Moscou une chemise bleu-marine datée de 1975, qui contenait l'un des secrets les mieux gardés de la diplomatie du Moyen Orient et des USA. Le mémoire rédigé par l'ambassadeur soviétique au Caire Vladimir M. Vinogradov, apparemment le brouillon d'un rapport adressé au Politburo soviétique décrit la guerre d'octobre 1973 comme un complot entre les dirigeants israéliens, américains et égyptiens, orchestré par Henry Kissinger. Cette révélation va vous choquer, si vous êtes un lecteur égyptien. Moi qui suis un Israélien et qui ai combattu les Égyptiens dans la guerre de 1973, j'ai été choqué aussi, je me suis senti poignardé, et je reste terriblement excité par l'incroyable découverte. Pour un Américain cela pourra être un choc. Il n'était pas le seul à conspirer: selon Vinogradov, la brave grand'mère Golda Meir avait sacrifié deux mille des meilleurs combattants juifs (elle ne pensait pas qu'il en tomberait autant, probablement) afin d'offrir à Sadate son heure de gloire et de laisser les USA s'assurer de positions solides au Moyen Orient. Le mémoire nous ouvre la voie pour une réinterprétation complètement inédite du traité de Camp David, comme un pur produit de la félonie et de la fourberie. Vladimir Vinogradov était un diplomate éminent et brillant ; il a été ambassadeur à Tokyo dans les années 1960, puis au Caire de 1970 à 1974, co-président de la Conférence de Paix de Genève, ambassadeur à Téhéran pendant la révolution islamique, représentant au ministère des Affaires étrangères de l'URSS et ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie. C'était un peintre de talent, et un écrivain prolifique ; ses archives comportent des centaines de pages d'observations uniques et de notes qui couvrent les affaires internationales, mais son journal du Caire tient la place d'honneur, et parmi d'autres, on y trouve la description de ses centaines de rencontres avec Sadate, et la séquence complète de la guerre, puisqu'il l'observait depuis le quartier général de Sadate au moment précis où les décisions étaient prises. Lorsqu'elles seront publiées, ces notes permettront de réévaluer la période post-nassérienne de l'histoire égyptienne. Vinogradov était arrivé au Caire pour les funérailles de Nasser, et il y resta comme ambassadeur. Il a rendu compte du coup d'État rampant de Sadate, le moins brillant des hommes de Nasser, qui allait devenir le président par un simple hasard, parce qu'il était le vice-président à la mort de Nasser. Il avait aussitôt démis de leurs fonctions, exclu et mis en prison pratiquement tous les hommes politiques importants de l'Égypte, les compagnons d'armes de Gamal Abdel Nasser, et démantela l'édifice du socialisme nassérien. Vinogradov était un fin observateur, mais nullement un comploteur ; loin d'être un doctrinaire têtu, c'était un ami des Arabes et il soutenait fermement l'idée d'une paix juste entre Arabes et Israël, une paix qui satisferaient les besoins des Palestiniens et assurerait la prospérité juive. La perle de ses archives, c'est le dossier intitulé "La partie en jeu au Moyen Orient". Il contient quelque 20 pages dactylographiées, annotées à la main, à l'encre bleue, et il s'agit apparemment d'un brouillon pour le Politburo et pour le gouvernement, daté de janvier 1975, juste après son retour du Caire. La chemise contient le secret mortel de la collusion dont il avait été témoin. C'est écrit dans un russe vivant et tout à fait agréable à lire, pas dans la langue de bois bureaucratique à laquelle on pourrait s'attendre. Deux pages ont été ajoutées au dossier en mai 1975 ; elles décrivent la visite de Vinogradov à Amman et ses conversations informelles avec Abou Zeid Rifai, le premier ministre, ainsi que son échange de vues avec l'ambassadeur soviétique à Damas. Vinogradov n'a pas fait connaître ses opinions jusqu'en 1998, et même à ce moment, il n'a pas pu parler aussi ouvertement que dans ce brouillon. En fait, quand l'idée de collusion lui eût été présentée par le premier ministre jordanien, il avait refusé d'en discuter avec lui, en diplomate avisé. La version officielle de la guerre d'octobre 1973 dit que le 6 octobre 1973, conjointement avec Hafez al-Assad de Syrie, Anouar al Sadat déclencha la guerre, avec une attaque surprise contre les forces israéliennes. Ils traversèrent le canal de Suez et s'avancèrent dans le Sinaï occupé, juste quelques kilomètres. La guerre se poursuivant, les tanks du général Sharon avaient traversé à leur tour le canal, et encerclé la troisième armée égyptienne. Les négociations pour le cessez-le6feu avaient débouché sur la poignée de main à la Maison Blanche. En ce qui me concerne, la guerre de Yom Kippour, comme nous l'avions appelée constitue un chapitre important de ma biographie. En tant que jeune parachutiste, j'ai combattu, pendant cette guerre, j'ai traversé le canal, j'ai pris les hauteurs de Gabal Ataka, j'ai survécu aux bombardements et aux corps-à-corps, j'ai enseveli mes camarades, tiré sur les chacals du désert, mangeurs d'hommes et sur les tanks ennemis. Mon unité avait été amenée par hélicoptère dans le désert, où nous avons coupé la ligne principale de communication entre les armées égyptiennes et leur base, la route Suez-le Caire. Notre position, à 101 km du Caire, a servi de cadre aux premières conversations pour le cessez-le-feu ; de sorte que je sais que la guerre n'est pas un vain mot, et cela me fait mal de découvrir que moi et mes camarades en armes n'étions que des pions jetables dans le jeu féroce où nous, les gens ordinaires, étions les perdants. Bien entendu, je n'en savais rien à ce moment, pour moi, la guerre était la surprise, mais je n'étais pas général à l'époque. Pour Vinogradov, aucune surprise : de son point de vue, tant la traversée du canal par les Égyptiens que les incursions de Sharon étaient planifiées, agréées à l'avance par Kissinger, Sadate et Golda Meir. Le plan comportait d'ailleurs la destruction de l'armée syrienne au passage. Pour commencer, il pose certaines questions : comment la traversée pourrait-elle avoir été une surprise alors que les Russes avaient évacué leurs familles quelques jours avant la guerre ? La concentration des forces était facile à observer, et ne pouvait pas échapper à l'attention des Israéliens. Pourquoi les forces égyptiennes n'ont-elles pas avancé après avoir traversé, et sont-elles restées plantées là ? Pourquoi n'y avait-il aucun plan pour aller plus loin ? Pourquoi y avait-il un large espace vide de 40 km, non gardé, entre la deuxième et la troisième armée, une brèche qui était une invitation pour le raid de Sharon ? Comment les tanks israéliens ont-ils pu ramper jusqu'à la rive occidentale ? Pourquoi Sadate avait-il refusé de les arrêter ? Pourquoi n'y avait-il pas de forces de réserve sur la rive occidentale ? Vinogradov emprunte une règle chère à Sherlock Holmes qui disait : quand vous avez éliminé l'impossible, ce qui reste, aussi improbable cela soit-il, doit être la vérité. Il écrit : on ne saurait répondre à ces questions si l'on tient Sadate pour un véritable patriote égyptien. Mais on peut y répondre pleinement, si l'on considère la possibilité d'une collusion entre Sadate, les USA et la direction israélienne. Une conspiration dans laquelle chaque participant poursuivait ses propres objectifs. Une conspiration dans laquelle aucun participant ne connaissait tous les détails du jeu des autres. Une conspiration dans laquelle chacun essayait de rafler la mise, en dépit de l'accord commun. Le plan de Sadate Traduction: Maria Poumier Shamir prend ainsi position à la fois comme analyste et comme témoin direct. Chacun est en droit de se demander pourquoi il a reçu le document Vinogradov et pourquoi il l' a reçu en février 2012 au moment où la guerre de Syrie oppose sur le plan diplomatique et sur celui de la fourniture de renseignement et de matériel militaire les Etats-Unis et leurs amis et la Russie. Retenons simplement les faits non contestés : - L' « Effet de surprise » fourni pour expliquer les graves revers de l' armée israélienne les deux premiers jours est contestable puisque tous les experts et techniciens soviétiques présents auprès de l' armée égyptienne (plusieurs milliers) sont rapatriés dans les deux jours précédant la guerre. A noter que Sadate, amorçant son virage pro- US, et après s' être débarrassé de ses collègues nationalistes nassériens avait mis fin dés 1972 à la présence massive de l' armée soviétique en Egypte – au moins de 50 000 hommes bien équipés et une aviation puissante - et qu' il ne restait plus en 1973 que les conseillers militaires et les techniciens. Donc l' URSS savait que l' offensive allait avoir lieu même si elle n' en a su que tardivement la date. Il n' est guère vraisemblable que les services israéliens n' aient rien su. Donc soit le gouvernement israélien n' a pas reçu l' information ou n' en a rien fait preuve de légèreté, soit il a décidé de ne pas en tenir compte, preuve de conspiration. - Remarquable percée de l' armée égyptienne qui traverse très rapidement le Canal de Suez et perce la ligne de fortification israélienne Bar lev construite par Israël après la guerre de 1967 et considérée comme imprenable - après quoi l' armée égyptienne arrête son offensive victorieuse laissant à Israël le Sinaï conquis en 1967 - Cette trêve de fait permet à Israël de concentrer ses forces sur le front syrien et de regagner le terrain perdu sur le Golan les premiers jours. L' armée syrienne résiste pied à pied à cette contre- offensive qui menace directement Damas qui sera bombardé. - La guerre de régionale qu' elle était à ses débuts devient très vite internationale. L' URSS qui ne veut pas participer directement aux combats ouvre un pont aérien pour approvisionner les armées syrienne et égyptienne, les Etats-Unis font de même pour Israël. Ce face à face des deux puissances laisse même planer sur le monde l' ombre d' une guerre nucléaire. - L' armement étasunien reçu depuis l' Allemagne permet la contre-offensive victorieuse d' Israël dans la brèche de 60 kilomètres laissée dans les lignes égyptiennes. Cette contre- offensive permet à Israël de se réinstaller sur la rive occidentale du canal et de menacer la ville de Suez. Cependant Israël ne pousse pas son avantage et attend la négociation entre les deux grands. Dans son livre Saad el Shazly affirme que son plan de bataille, approuvé par Sadate consistait à traverser le canal de Suez et à s' emparer de la ligne Bar Lev sans aller plus loin à l' Est car les missiles sol-air soviétiques dont il disposait n' avait pas une portée suffisante pour protéger l' armée égyptienne des attaques de l' aviation israélienne. Or il constate que Sadate trompe la Syrie en lui faisant croire que l' Egypte va poursuivre l' offensive dans le Sinaï. Saad el Shazly refuse clairement cette option ce qui lui vaudra d' être très vite relevé de ses fonctions mais en même temps il déplore que, toujours sous les ordres de Sadate, une énorme brèche de 60 kilomètres soit laissée ouverte dans la ligne de front par où les divisions de Sharon une fois équipées par les Etats-Unis s' engouffreront, repasseront le canal de Suez et seront en position de menacer le Caire avant que n' intervienne l' arbitrage des « deux grands ». La Syrie face à la création de l' Etats d' Israël, une position de refus intangible L' ETAT D' ISRAEL N' A PAS ETE CREE PAR L' ONU ! L' acharnement de tous les gouvernements israéliens et de ses amis à faire reconnaitre par les Etats arabes voisins l' ETAT d' ISRAEL en tant que personne morale en droit international s' explique mal sans revenir aux conditions de création de cet Etat. Sur ce sujet, un travail très important a été réalisé par JEREMY R. HAMMOND un analyste étasunien indépendant qui a publié en 2011 un article intitulé « THE MYTH OF THE U.N. CREATION OF ISRAEL » sur lequel nous nous sommes appuyés. 1- Rappel des faits : Mandat britannique sur la Palestine Pendant la première guerre mondiale dés Novembre 1915 au moment où la défaite de l' empire ottoman semble pratiquement acquise, son démantèlement est organisé par le fameux accord Sykes-Picot passés par la Grande-Bretagne la France. La démarche est en elle-même particulière. Sykes est un parlementaire britannique spécialiste de l' empire ottoman, Georges Picot est un diplomate français, ancien consul de France à Beyrouth en poste à l' ambassade de France à Londres. Leur accord sera validé le 16 Mai 1916 par une lettre de l' ambassadeur de France à Londres Paul Cambon, adressée au Ministre britannique des Affaires étrangères Edward Grey. Le découpage ainsi réalisé du Proche Orient arabe qui sera retouché par la suite est très favorable aux britanniques puisque la France ne se voit concéder que la tutelle sur la Syrie. La Palestine est placée dans la future zone britannique d' influence. Son statut ne sera clarifié juridiquement que par la Société des Nations qui, en 1922, fait de la Palestine un territoire sous mandat britannique. Entretemps les britanniques auront contribué à sceller le destin de ce territoire en signant la déclaration BALFOUR. Cette déclaration issue de plusieurs mois de négociation entre le ministre des Affaires Etrangères Balfour et les représentants du mouvement sioniste en Grande-Bretagne est adressée par Balfour à Lord Rothschild et rendue publique le 9 Novembre 1917.Sa phrase clé est la suivante. « le Gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l' établissement en Palestine d' un Foyer national pour le peuple juif, et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui pourrait porter préjudice aux droits civils et religieux des communautés non juives en Palestine, ainsi qu' aux droits et au statut politique dont les Juifs pourraient jouir dans tout autre pays ». Du point de vue du droit international il s' agit d' un document extrêmement fragile voire sans valeur. Lord Rothschild ne représente pas un Etat et le terme de « foyer national » n' a pas de bases juridiques. Presque un siècle plus tard cette ambigüité fondatrice qui est admise et en quelque sorte validée par la décision de la SDN de 1922 continue de produire des effets désastreux. L' émigration juive vers la Palestine commence alors sous la tutelle britannique. 2- Fin du mandat britannique La seconde guerre mondiale achevée, la Grande Bretagne qui est très consciente de la difficulté d' imposer aux palestiniens la colonisation juive et qui cherche à se débarrasser d' un problème déjà très conflictuel demande à l' ONU par lettre en date du 2 Avril 1947 au secrétaire général de soumettre à l' Assemblée générale la question de l' avenir de la Palestine. L' assemblée générale décide la création d' une commission spéciale sur la Palestine pour enquêter sur la question palestinienne et proposer des mesures pour la régler. La commission présente son rapport le 3 Septembre 1947. Elle y souligne trois données centrales : - Sur la base des recensements de 1946 la Palestine compte 1 203 000 arabes (65%) quasiment tous nés sur place et 608 000 juifs (33%) principalement immigrés 3- L' ONU se laisse manipuler Malgré cette restriction , l' Assemblée générale recommande au Royaume Uni de mettre en place le plan de partage de la Palestine et demande à ce que le Conseil de Sécurité veille à ce que cette mise en place ne constitue pas une menace pour la paix . Le Conseil de sécurité se réunit le 9 décembre 1947. Ce jour là une voix s' élève pour dire que l' ONU est en train d' abuser de son pouvoir. C' est celle du représentant de la Syrie, alors premier ministre, FARIS EL KHOURY qui, observe : « L' Assemblée générale n' est pas un gouvernement mondial qui peut donner des ordres, partager des pays, imposer des constitutions, des règles, et des traités à un peuple sans son consentement ». Cette prise de position a une portée historique puisqu' elle est fondatrice de la politique syrienne constante depuis cette date sur la question palestinienne. Jeune république, la Syrie est alors le seul pays arabe vraiment indépendant mais sa position sera reprise par les autres états arabes y compris les monarchies sous influence britannique dans un communiqué commun en date du 6 Février 1948 qui souligne que l' Assemblée générale n' a qu' un droit de recommandation, propose que la question de la partition de la Palestine soit soumise à la Cour Internationale de Justice et souligne que toute tentative de créer un Etat juif sur le territoire arabe sera perçue comme un acte d' agression auquel ils sera répondu en usant du droit de se défendre par la force. « Toute recommandation pour régler un conflit ne peut être mise en application que si les parties concernées l' acceptent et la mettent en œuvre. » Rien n' y fait car malgré la poursuite de débats juridiques oiseux sur le respect des articles 39 et 41 de la Charte des Nations unies le Royaume- Uni force la décision en déclarant qu' il abandonnera son mandat le 15 Mai en faisant comprendre que sans son interposition les affrontements entre arabes et juifs vont s' intensifier et qu' il reviendra à l' ONU de maintenir le calme. Le 14 Mai l' entité sioniste déclare unilatéralement la création de l' Etat d' Israël. 4- Le viol originel du droit international se poursuit La guerre commence et l' ONU s' est ridiculisée en laissant faire et en acceptant par faiblesse des responsabilités qu' elle n' avait pas. Inaugurés sous de tels auspices les rapports d' Israël avec l' ONU ne pouvaient être que ce qu' ils sont encore, ceux de l' indifférence et du mépris, mépris entretenu par le soutien continu et sans faille des Etats-Unis au Conseil de Sécurité. Le second enseignement qui prend aujourd' hui tout son sens est que la Syrie est le seul Etat à avoir tenu dés l' origine une position ferme et juridiquement fondée à savoir que « L' Etat des palestiniens est en Palestine et nulle part ailleurs». Même si cela lui sera quelquefois reproché dans le mouvement de soutien à la cause palestinienne la Syrie ne suivra jamais les dirigeants palestiniens qui à un moment ou à un autre et souvent dans des situations d' extrême fragilité envisageront de renoncer à ce droit pour créer un état palestinien par défaut en Jordanie ou au Liban. Se débarrasser de la Syrie, Etat oppositionnel qui n' a jamais varié, est un objectif historique d' Israël qui peut nouer pour y parvenir les alliances les plus douteuses dans le monde arabe et bénéficier sans scrupule du soutien d' Etats qui respectent bien peu le droit des peuples à disposer d' eux-mêmes. 5-l' approbation du plan de partage de la Palestine par l' Assemblée générale de l' ONU La Syrie ne sera pas la seule opposante au plan de partage mais ce qui fera basculer la situation sera le vote favorable de l' URSS. Comment expliquer cette position qui a pesé lourd sur le destin de la Palestine? Quelques éléments de réponse : -nous sommes en 1948 la guerre froide est commencée mais l' URSS est en position d' infériorité stratégique puisqu' elle ne disposera de la bombe atomique que l' année suivante, couronnement du plan d' action conduit avec succès par Beria dans un pays très diminué par la guerre avec une rapidité qui laissera les occidentaux déconcertés Cette position de l' URSS fera une victime : le parti communiste syrien qui sera perçu par les syriens comme aligné sans réserve sur Moscou et qui ne sera jamais plus qu' une force d' appoint dans les alliances qu' il nouera régulièrement avec un parti Baas resté lui toujours fidèle à la cause palestinienne. Chapitre 2 : après la disparition de l' URSS La Syrie, alliée de l' URSS, armée par l' URSS va devoir se positionner dans le monde unipolaire que les Etats-Unis tentent d' imposer à partir de 1991. La première étape est connue : la guerre du Golfe La Syrie va se rallier à la coalition internationale contre l' Irak. Les soutiens à l' IRAK seront très rares. La position de la Syrie peut s' expliquer. Hafez el Assad connait bien Saddam Hussein et il a surement compris que celui-ci était tombé dans le piège tendu par l' équipe BUSH. Sitôt achevée la guerre Iran-Irak voulue par les Etats-Unis pour faire tomber le régime islamique iranien, Saddam Hussein qui a, dans cette guerre, servi, sans succès, les intérêts de l' Occident qui lui a fourni tout le matériel nécessaire y compris de armes chimiques utilisées à la fin du conflit contre l' armée iranienne dans la région du Chott el Arab comme cela vient d' être révélé récemment par des documents déclassifiés, est sûr de lui et il va accorder foi aux propos de l' ambassadrice US à Bagdad : April Glaspie qui lui assure que les différends qu' il a avec son voisin le Koweït, petit émirat séparé de l' Irak par l' empire britannique, sont des conflits entre pays arabes qu' ils doivent régler entre eux. Croyant, comme l' ambassadrice elle-même qui l' a reconnu par la suite, que les Etats-Unis n' interviendraient pas dans ce conflit local, il commet la faute au regard du droit international de vouloir régler le contentieux par la force. Or une toute petite équipe autour de Bush avait tout préparé pour une riposte cinglante et massive à l' invasion du Koweït. La Syrie ne pouvait pas l' ignorer. Ce ralliement à la coalition occidentale vaudra à la Syrie quelques années de calme dans les années 90 et il s' en faudra de peu que Clinton n' arrache sa signature à un traité de paix avec Israël, la rupture venant au dernier moment d' EHUD BARAK, le premier ministre israélien qui refuse de signer. Mais pendant ce temps les néo conservateurs se préparent et sur leur agenda le renversement du régime syrien est toujours à l' ordre du jour. G.W. BUSH sitôt élu, la Syrie retrouve sa place dans la liste des pays de « l' axe du mal ». Priorité sera donnée après le 11 Septembre 2001 à l' Afghanistan et à l' Irak, la Syrie et l' Iran devant suivre. Les évènements de la dernière décennie sont connus , la machine impériale anti syrienne est en route : assassinat de Rafik Hariri attribué à la Syrie d' où vote de sanctions économiques par le Congés US ( Syria Accountability Act), dans le même temps et dans un processus bien coordonné dont sera victime la Libye pression via l' union européenne pour « libéraliser » l' économie syrienne trop autocentrée et pour finir le SOFT IMPERIALISM de temps de crise d' Obama qui poursuit les objectifs des néoconservateurs avec d' autres méthodes : les drones remplacent les B 52 , le mercenaires illuminés remplacent les « marines ».
Annexe : les accords Sykes-Picot Source : http://comaguer.over-blog.com |