LES NOUVEAUX CAMPISMES
Gauche bombardière versus nébuleuse anti-impérialiste

Jean-Marie Chauvier Né à Bruxelles en 1941. Auteur de plusieurs essais sur les questions du monde communiste et soviétique, la Russie et l'Ukraine. Notamment : « Gauchisme et Nouvelle Gauche en Belgique » (CRISP, Bruxelles 1973) « Solzhenitsyn : A Political Analysis » (Socialist Register, London 1974) « Die Sowjetunion, Solshenizyn und die westliche Linke » (collectif, dir. Rudi Dutschke, Manfred Wilke, Rowohlt Hamburg 1975 et Orion Press, Tokyo 1975) « L'URSS au second souffle » (Fondation André Renard, Liège 1976), « URSS, une société en mouvement » (ed. de l'Aube 1988, réed.1990), « Les Conflits Verts » (coll.GRIP, dir.Marc Schmitz, Bruxelles 1992) « Russie post-soviétique : la fatigue de l'histoire » (coll.dir. Veronique Garros, Complexe 1995). De 1964 à 1969, il fut correspondant des quotidiens communistes belge Le Drapeau Rouge et suisse Voix Ouvrière puis, dans les années 1970-80, collaborateur de la Fondation André Renard (FGTB, syndicats wallons), du Courrier de Belgique, du quotidien français Le Monde, des revues Mai et La Revue Nouvelle (Belgique), Les Temps modernes et Politique aujourd'hui (France), et à partir de 1982, il devint l'envoyé spécial en URSS du Monde diplomatique. Journaliste à la Radio-télévision belge francophone de 1975 à 1996. Dans les années 1970-80, il anima le Comité Tchécoslovaquie et le Comité du Premier mai, qui rassemblaient des militants de la gauche belge luttant pour la solidarité avec les dissidents dans les pays du bloc soviétique. Egalement engagé dans les actions de solidarité au Maroc et en Turquie. Animateur dans les années 1990-2000 de l'association « Maison Commune » et des revue et réseau international « Samovar ». En 2007-2013 : collaborateur du « Monde diplomatique » et de revues et sites internet - Belgique, Canada et Russie. publié le : 4 Juillet, 2013

A l'heure où la Guerre froide est officiellement terminée depuis vingt ans, l'anticommunisme devient étonnament de plus en plus virulent, et les polémiques faisant référence à des clivages datant de cette période semblent recouvrir beaucoup des tensions et conflits existant réellement de nos jours. En particulier en Europe occidentale. Car, ailleurs dans le monde, les clivages, même s'ils peuvent parfois paraître flous là-bas aussi, s'appuient plus souvent sur des intérêts mesurables et des situations analysables. La question du capitalisme et donc de l'anticapitalisme reste sans doute d'actualité partout, pas seulement en Amérique latine où ce discours reste omniprésent, mais aussi dans de nombreux autres pays du Sud, dont nous avons tendance à ignorer les débats, en Afrique, en Inde et ailleurs en Asie. Y compris en Chine où se déroulent des polémiques virulentes et des combats fractionnistes portant sur l'avenir du socialisme, y compris dans le Parti communiste. Mais la question du capitalisme serait-elle dépassée en Europe ? Au moment où des pans souvent majoritaires des opinions manifestent leur rejet du système dominant.

Le « retour du religieux » semble également brouiller les pistes, malgré plusieurs décennies de théologie de la libération en Amérique latine. Mais c'est l'islam en fait qui trouble. Car le « monde » arabo-islamique est situé à la jonction entre le monde développé et le Sud post-colonial (ou néocolonial ?), et donc la religion qui prédomine dans ce carrefour des contradictions se trouve elle-aussi au carrefour des interrogations. D'où les amalgames faciles à faire en Europe où l'on aime confondre islam, islamisme, wahabisme, salafisme, takfirisme, Frères musulmans, Hezbollah, Hamas, Djihad islamique, talibans, Qatar, Arabie Saoudite, Iran, Afghanistan, etc. Quand cela arrange les médiocrates en particulier. Alors même que les uns sont à l'avant-garde des puissances de l'OTAN, que les autres sont à la pointe de la résistance au monde unipolaire et que d'autres encore hésitent à prendre partie dans le « grand jeu » planétaire. Un esprit occidental accepte avec difficulté, par exemple, le fait que ce soit le Hezbollah qui, au Liban, soutient la déconfessionalisation de l'Etat ...mise en place par la France coloniale, laïque et républicaine, ou que les Frères musulmans ne constituent pas un parti monolithique mais avant tout une école de pensée qui a, à l'origine au moins, ouvert la réflexion islamique sur des champs nouveaux avec un regard novateur. D'où la difficulté à classer les musulmans à « droite » ou à « gauche »...dans un monde où ces deux concepts ont beaucoup perdu de leur clarté. D'autant plus que la question religieuse a, selon les époques et les contextes, été souvent envisagée à gauche selon d'autres critères que ceux de l'apogée de la période coloniale ou de celui qui a dominé l'URSS et ses associés à partir de la période stalinienne, ce que nous avons d'ailleurs déjà traité dans notre revue, en particulier les approches nuancées sur la question de Karl Marx et de Vladimir Lénine.
Il est clair néanmoins que, considérant les lignes de clivages droite/gauche, avec leurs extrêmes, telles qu'elles ont été élaborées dans l'Europe du XXe siècle, l'effort doit désormais porter, dans une civilisation en crise profonde, sur les capacités à renouveler ou à se réapproprier le langage et les concepts pour empêcher les pêcheurs en eaux troubles de bloquer une réflexion devenue indispensable dans une situation de guerres sans fin et de graves dangers. Pour cela, il fallait commencer par un état des lieux des polémiques ou des semblants de polémiques en cours dans l'Europe francophone, ce à quoi nous amène cet article.

La Rédaction de La Pensée Libre

Une réflexion sur la confrontation entre "gauches droitisées" néolibérales et adeptes des guerres humanitaires et nouveaux fronts "anti-impérialistes" contestant ces gauches "capitulardes". Deux "camps" qui rappellent la guerre froide, mais dans un contexte profondément changé.

Article interessant quelques soient les désaccords que l'on peut avoir sur tel ou tel aspect (jl Bd)

 

recommander à un ami

Le ton monte entre les deux « camps » de la « post-gauche » européenne. Et volent les noms d'oiseaux ! « Antisémite », « conspirationniste », « rouge-brun » d'un côté. « Agent de la CIA », « sioniste », « complice de l'impérialisme » de l'autre. Et « fasciste toi même ! » comme il sied !

Je dis « post » gauche, car elle est « d' après » celle que nous avons connue au vingtième siècle. Elle est finie, notre bonne vieille gauche avec ses révolutionnaires communistes, syndicalistes, trotskystes, maoïstes ou anarchistes d'un côté[1], ses réformistes sociaux-démocrates ou chrétiens-démocrates de l'autre et, un peu à côté, un peu plus au Sud, les « mouvements de libération » du « tiers-monde », le tiersmondisme. Les communistes se sont dispersés, reniés et libéralisés, les uns sont passés au business, d'autres se sont reconvertis dans les mouvements sociaux et des gauches radicales recomposées.[2] Les socialistes ont renoncé au réformisme : ils gèrent le système, auquel ils sont bien intégrés. Plus question ici de petits quémendeurs de strapontins, de « sociaux-traîtres » du mouvement ouvrier. Bien enracinés dans la nouvelle bourgeoisie technocratique, ils siègent dans les cercles majeurs du pouvoir économique mondial, au FMI, à l'OMC, et même dans les chambres obscures de « la finance » théoriquement honnie.[3] Le « socialisme » des Blair, DSK, Lamy n'est plus la social-démocratie historique, c'est une nouvelle droite enracinée dans la bourgeoisie technocratique qui, sans aucun lien avec les travailleurs ou les bases militantes, sortant tout droit des hautes écoles, prend les commandes « par le haut » de ce qui fut autrefois « les partis ouvriers ». Des partis qui ont largué la classe et les quartiers populaires, et dont les dirigeants vivent à un niveau de vie sans plus aucun rapport avec les conditions d'existence des gens « normaux ». Leur incompréhension des masses n'est pas un défaut d'analyse, c'est le fruit d'un point de vue « de classe » et « de caste ».

Tous n'en sont pas encore à ce stade, il reste des PS « en retard » dans cette mutation. Face à des électorats populaires, certains veulent encore, certes, se réclamer d'une certaine dose de « keynésianisme » et de sens social, ce qui fait par exemple du PS francophone de Belgique « le plus à gauche d'Europe ».

Le tiers-monde - une réalité qui ne fut jamais homogène - a vu ses différenciations atteindre un nouveau stade de développement inégal. Les « nouveaux pays émergents » occupent le devant de la scène. Les vieux nationalismes « d'orientation socialiste » ont cédé le pas, du moins au sud de la Méditerranée, à la « renaissance de l'Islam », du moins en tant qu'habit commode des intérêts on ne peut plus matériels et « profanes » des pétromonarchies « sunnites ». La Russie et la « Nouvelle Europe », libérées « du communisme » et ramenées à la périphérie du capitalisme développé, ont épousé diverses variantes du néolibéralisme de choc, non sans répliques des nationalismes du ressentiment. En marge de ces grandes tendances, dans quelques pays riches, les plus fidèles à leurs inspirations révolutionnaires initiales, les libertaires, s'investissent dans de nouvelles expériences et luttes d'auto-émancipation, anti-autoritaires comme toujours. De nouveaux militants esquissent une réflexion sur ce que pourrait être un « autre » communisme, ici et maintenant.

Nos anciennes gauches, s'il en reste, ne savent en vérité plus où donner de la tête : entre appels d'air et d'offres néolibéraux et persistances anticapitalistes, leurs cours balancent, certains ont rallié le « Monde libre » euro-atlantiste, d'autres retrouvent des ardeurs « anti-impérialistes ». Camp contre camp.

Les uns, façon Bernard-Henri Levy ou Daniel Cohn-Bendit, Joshka Fischer, Laurent Fabius et Tony Blair, Stéphane Courtois ou Silvio Berlusconi, Manuel Barroso ou Angela Merkel, Caroline Fourest ou Pierre-André Taguieff, toujours attentifs au péril rouge, nous alertent (diversément) quant aux menaces de ce début de XXIème s!ècle : « nouvel antisémitisme », « islamo-fascisme », persistance des utopies révolutionnnaires. Les plus déterminés en appellent aux « ingérences humanitaires » de l'OTAN contre « les dictatures », soit les nouvelles guerres d'exportation de la Démocratie. Les autres, façon Noam Chomsky, Norman Finkelstein, Michel Collon ou Jean Bricmont, Bruno Drweski et les PC grec ou portugais, les nouvelles gauches latino-américaines soutiennent (diversément) « les souverainetés nationales » agressées et les résistances aux guerres impérialistes ou encore, nullement « campistes » et plutôt de gauches socialistes, façon Jean Ziegler ou Jean-Luc Melenchon, Die Linke en Allemagne ou Syriza en Grèce --sonnent l'alarme quant aux périls des inégalités et de la dégradation des démocraties, de la « destruction massive » des peuples par la faim.[4]
Les deux camps s'affrontent sur la question palestinienne, le premier enclin à défendre Israël, le second à en contester la politique voire la légitimité, après avoir constaté le piège et la tromperie qu'ont constitué, pour les Palestiniens, un « processus de paix » sous l'égide des Etats-Unis qui a permis à Israël de réaliser sans trop d'entraves son entreprise coloniale, au point de rendre caduc le projet de « deux États » auquel on avait tant sollicité l'adhésion de l'Organisation de Libération de la Palestine.

Un climat d'intolérance s'installe, spécialement du côté de ceux qui, en position dominante et désormais très contestée, se réclament de la Démocratie occidentale, des causes étatsunienne, européiste, israélienne. Indice sans doute de leur crainte de voir s'effondrer l'édifice de mythes et de mensonges, le pot aux roses de la « mondialisation » étant découvert. On observe, au sein de ces élites gouvernantes un surcroît d'arrogance et d'agressivité envers les syndicalistes, les mouvements et les intellectuels qui mettent en cause leur légitimité.

Avec des méthodes dignes de la « surveillance du Territoire », les gardiens de vertu dressent des cartographies de « nouveaux réacs », des « listes noires » où figurent, pêle-pêle des « antisémites » ou prétendus tels, des nationalistes, des fascistes, des souverainistes de gauche comme de droite, des communistes restés orthodoxes ou staliniens, des « conspirationnistes » (entre par là ceux qui dénoncent les complots des Etats-Unis), le tout organisé en « galaxéies », comme s'il s'agissait d'organisations bien huilées, avec un maître d'oeuvre qui serait par exemple l'humoriste Dieudonné - parlons de « complotisme » !

L'effet de cette chasse aux sorcières est de stigmatiser, de jeter la suspicion sur des gens qui, en conséquence, peuvent être privés de tribunes, de publications, voire d'emplois, et tout cela, par des instances qui se réclament de la « liberté d'expression » et de la laïcité. Les accusés (les sorcières) pourraient très bien, avec pertinence, dresser leur propre catalogue de « nouveaux réacs » de la gauche caviar et bobo virée à droite : tous ceux qui, (ex) sociaux-démocrates, ex-gauchistes, ex-communistes, brûlent ce qu'ils ont adoré dans leur jeunesse, et voient partout des « khmers rouges » (ou verts) et des « staliniens ». On pourrait dessiner leur « galaxéie » : fondations politiques libérales et anticommunistes à gros financements bancaires, empires médiatiques, réseaux de connivence politiques-financiers-journalistes, « dîners en ville », cercles fermés d'éditeurs, rédac'chefs et directeurs de rubriques littéraires, clubs occultes où se rencontrent les grands de ce monde.[5] Galaxéie ou nébuleuse, pas obligatoirement « grand complot », mais multiplicité de conspirations, de petites et grandes combines hors de tout contrôle public. Les questions des guerres menées par l'Occident depuis vingt ans sont particulièrement sensibles : ceux qui les ont critiquées se sont attirés les épithètes de « complices de Milosevic », « rouges-bruns », puis vinrent les « suppôts de Saddam Hussein » et les « kadhafistes », les complices de « Bachar », on vous laisse deviner la suite.

A l'inverse, les ennemis de l'ingérence ne se sont pas privés de dénoncer les « impérialistes » et, surtout, les « sionistes » censés « diriger le monde », ce qui nous rapproche parfois des théories des « Protocoles des Sages de Sion ». Ce n'est pas l'orientation de la majorité des critiques des « guerres humanitaires », mais une telle tendance, ouvertement « anti-juive », se répand sur divers sites internet, et certains franchissent allègrement le pas qui, des « lobbies » mènent à la « finance juive », dans la bonne tradition des anti-ploutocrates des années trente. Ce qu'August Bebel appelait « l'anticapitalisme des imbéciles » a encore de beaux jours devant lui, même si le racisme contemporain en Europe vise principalement les Arabes, les Africains noirs, les Musulmans, les Roms. (auxquels la chasse est ouverte, comme dans les années trente, et malgré la grande fraternité de « l'Union européenne » !)

Aliment de choix pour les antisémites : la quasi-totalité des organisations et institutions juives sont solidaires d'Israël. Les propagandistes israéliens et les sionistes de combat, qui encouragent par ailleurs l'islamophobie et justifient la destruction en cours de la société palestinienne, dont les porte-voix en Occident (tel BHL) ne cessent d'exciter à la guerre, apparaissent en effet (à tort ou à raison) comme le principal noyau dur belliciste de l'Occident et aux Etats-Unis dont ils influencent la politique. Sans d'ailleurs se rendre compte du caractère suicidaire, pour le peuple juif de Palestine, d'une politique d'hostilité systématique envers son environnement arabe, au cas où des dirigeants américains viendraient à considérer la carte israélienne comme « moins essentielle » pour leurs intérêts dans cette région. « Le pays du monde où les Juifs sont les moins en sécurité », avertissait déjà Marcel Liebman il y a trente ans.[6]
Le monde musulman est lui-même travaillé par des idéologies rétrogrades haineuses- wahhabites, salafistes, takfiristes- qui sont censés répliquer par une « guerre de religion » aux humiliations infligées depuis des décennies au monde arabe et musulman par les impérialistes occidentaux. « Retour du religieux » qui ne doit pas trop masquer la nature très « profane » des conflits en cours et des intérêts en jeu.[7]

« Choisis ton camp camarade ».

- « Il faut choisir son camp »,dit un jour un fonctionnaire soviétique face à une assemblée de communistes remuants, dont d'anciens prisonniers de camps staliniens.
- « Moi, mon camp » répondit l'un des remuants, « c'est la Kolyma ». (une région célèbre de camps au bout de la Sibérie). Souhaitons à tous nos campistes de ne pas en connaître de pareils !

Il fallait, il faut toujours « choisir son camp ». Mais quel « camp » ?

Les anciens camps de la guerre froide ont disparu, les « entre deux », les pacifistes et non alignés ont perdu leurs anciennes fonctions. Mais, ô surprise, le campisme est toujours là, métamorphosé. Et bien partagé !

Plus question, certes, d'opposer « camp socialiste » ou « anti-impérialiste » au « camp impérialiste » ou, à l'inverse, de dresser le « monde libre » contre « l'Empire du Mal » communiste. Quoique. certains n'ont pas encore été informés de la chute du mur et continuent de se la jouer, la bonne vieille guerre froide ! Et de projeter sur la Russie leur ancien rêve soviétique, ou sur l'Iran et la Syrie leur ancien projet « anti-impérialiste ».

Si « l'Est » nous paraît encore menaçant, avec ses Russes mal désoviétisés et son Alexandre Loukachenko immanquablement affublé de l'appellation « dernier dictateur d'Europe » au Belarus, si la bataille pour le contrôle de l'Eurasie reste primordiale, c'est vers le « Sud » surtout que nous sommes allés chercher l'indispensable nouvelle « image de l'ennemi ».

De fait, aussitôt l'URSS disparue, en 1991, l'hyperpuissance américaine, la seule désormais, et ses alliés de l'OTAN ont redéfini un « axe du Mal », désigné des « États-voyous » à éliminer, engagé des guerres en série et considéré la Russie comme un dangereux résidu d'URSS. Leur « soft power » de fondations et ONG à gages ont ouvré un peu partout à « l'expansion de la Démocratie » et aux « révolutions colorées ».

De leur côté, les États adversaires ou menacés par cet hégémonisme armé, et leurs alliés au sein des opinions publiques, ont réactivé une sorte d'ersatzde l'anti-impérialisme où , peu importe l'idéologie, « tout ami de mon ennemi (américain) est un ami ». Ainsi, la Yougoslavie, la Serbie, l'Irak, la Libye, la Syrie, l'Iran, le Belarus, la Russie de Poutine, la Chine, le Venezuela, et bien sûr Cuba, - tous États considérés comme « voyous » ou « ratés » par les uns - sont pour les autres des lignes de résistance qu'il faut soutenir, même si les régimes de ces pays ne plaisent pas. Deux camps à nouveau ? Deux campismes en tout cas, aux fortes pesanteurs.

LE NOUVEAU CAMP N°1 OU LA GALaxéIE EURO-ATLANTISTE

Le CAMP N°1, une galaxéie bien organisée autour des EU et de l'OTAN, bénéficie du soutien de toutes les droites et extrême-droites néolibérales et des gauches repenties et ralliées aux vainqueurs de 1989-91. Sociaux-Démocrates bien entendu, mais aussi Verts et anciens communistes (italiens surtout), libéraux-libertaires et « anti-toutistes » apolitiques ont fait leur la cause de la Démocratie, des Libertés, des Minorités (ethniques, sexuelles) bafouées par les régimes autoritaires et les conservatismes que combat l'Occident. De là leur appui, explicite ou honteux et discret, actif ou passif, aux guerres de l'OTAN, à « l'ingérence humanitaire » même si, comme c'est le cas, cette « ingérence » a déjà provoqué, depuis vingt ans, la perte de millions de vies humaines, la destruction de pays entiers comme l'Irak et par ailleurs renforcé le système d'exploitation et de domination que l'on désigne aujourd'hui sous l'aimable euphémisme de « mondialisation », la tyrannie du libre échange étant confondue avec le joyeux « village global » et sa tendre « multiculturalité ». La « gauche » du CAMP N°1 a renoncé à la contestation du capitalisme pour s'investir dans la défense des minorités, l'antiracisme, les Droits de l'Homme, la « guerre morale ».

Elle est devenue gentille, tolérante. Quoique : armée jusqu'aux dents ! L'Empire du Bien est bien un Empire ! Charitable et humanitaire, pas révolutionnaire, mais certes militaire !

Les « gauches » de droite ont applaudi à la « thérapie de choc » meurtrière en Russie (quelle « mortalité en excès » pour la « transition au Marché » selon les recettes FMI-Harvard-Gaïdar ?) de même qu'elles ont approuvé la première guerre contre l'Irak (Golfe 1991) et le blocus qui a suivi - encore des centaines de milliers de morts - tout comme elles ont pris parti en 1999 en faveur de la guerre « du Kosovo » lorsque les bombardiers de l'OTAN ravagèrent l'ancienne Yougoslavie - combien de milliers de victimes sous prétexte d' « éviter le génocide » ? Au Congo et au Rwanda, on a vu, de ces ingérences, d'autres résultats, encore plus monstrueux.

La « gauche » passée à droite et à l'américanisme militant est bien entendu hostile aux gauches « populistes » d'Amérique latine, aux Chavez et Moralès, à ces révolutions non alignées qui redistribuent les richesses au bénéfice des classes les plus pauvres, chose inacceptable sans doute pour les « gauches » eurocratiques qui font exactement le contraire.


La gauche bombardière et sa chasse aux sorcières

Au premier appel de Bernard-Henri Levy s'avance ainsi, tambour battant, la gauche bombardière ! Elle chasse son propre fantôme d'ancienne gauche en dénonçant les « galaxéies » de « conspirationnistes » et « néofachos », les « antisémites » et autres « rouges bruns » qui refusent ce monde unipolaire, et dès lors l'américanisme triomphant, le sionisme colonisant. L'accusation de « complotisme » sert à masquer les réels complots et les agences d'influence très réelles mais souvent « invisibles » qui piègent les peuples, celle d' « antisémitisme » est parfois fondée mais plus souvent un chantage destiné à discréditer et à culpabiliser les critiques d'Israël, le thème des « rouges bruns » ou communo-nazis est une autre variété d'amalgames, dont on use et abuse et qui est d'ailleurs impropre à qualifier les réelles convergences entre certains courants nationalistes de droite et de gauche. On a de plus en plus affaire à une « chasse aux sorcières » où des experts en « antifascisme » et de soi-disant « anarchistes » usent de méthodes typiquement policières : fichages, délation, filatures, opérations « coup de poing » contre les malpensants. L'une des méthodes utilisées consiste à dénoncer les auteurs qui publient dans tel ou tel site ou publication sous prétexte que tel autre auteur « détestable » y est également publié. Il faudrait en conséquence ne pas publier dans ces endroits « sulfureux », ce qui revient à ne plus rien publier, puisque les portes des médias bien pensants sont fermées aux non conformistes. Imaginons que le même procédé soit utilisé pour disqualifier quiconque écrit dans l'un de ces journaux, tel « Le Monde ». Sous prétexte que ce quotidien publie régulièrement ces « intellectuels faussaires » (dixit Pascal Boniface)[8] que sont BHL, Caroline Fourest, Alexandre Adler et leurs semblables, voire Faurissson, il faudrait boycotter ce journal !? Comment qualifier ce genre de démarche ? Oserions-nous dire « totalitaire », émanant de gens qui souhaitent n'entendre partout qu'un seul et même son de cloche ! Un véritable terrorisme intellectuel qui induit l'autocensure parmi les politiques et les journalistes « qui ne veulent pas d'ennuis », ou craignent de se faire traiter d' « antisémites », puisque c'est l'épithète le plus généreusement distribué (avec le « populisme ») à l'égard de tous ceux qui refusent de se soumettre au Nouvel Ordre Mondial. Parler d' « ordre mondial » ou de « mondialisme », d' après le soupçon des inquisiteurs, lecteurs de vos pensées intimes, viserait secrètement « la finance juive » ou « le complot juif ». Il n'est quasiment plus possible de parler de la finance spéculative - et éventuellement d'une banque telle que Goldman Sachs ou des oligarques juifs de Russie - sans être soupçonné d'antisémitisme. Constater les liens d'allégeance envers Israël d'un grand nombre d'intellectuels et d'organisations des communautés juives serait également « de l'antisémitisme ». Mais comment s'étonner, par contre, de la montée des sentiments antijuifs du fait même de ces connivences avec un État qui fait ce qu'il fait envers le peuple palestinien ? Le même procédé est utilisé contre les historiens, les chercheurs qui remettent en cause la doxa officielle (israélienne et quasi-unanime en Europe et en Amérique du Nord ») à propos de « l'holocauste » ou de « la Shoah ».

Le judéocide est une chose, largement vérifiée, les constructions idéologiques et politiques à son propos, l'instrumentalisation qu'en fait Israël en sont une autre. On peut faire une comparaison : les Soviétiques ont bien vécu une terrible guerre avec énormément de souffrances et d'héroïsme, mais la guerre telle que reconstruite dans la mythologie de la « Grande Guerre Patriotique » s'est éloignée de celle réellement vécue, et fut instrumentalisée dans les options politiques successives de l'URSS et de la « Nouvelle Russie ».

« Révisionnisme », « négationnisme », désignant d'odieuses ou ridicules « négations », servent aussi de prétextes à faire décider comment doit s'écrire l'histoire, par des gouvernements ou des parlements. Est-ce bien leur rôle ? Nous faut-il des « Histoires officielles » ? Les Etats, les Eglises, les temples du dogme quel qu'ils soient ont toujours procédé de la sorte mais de nos jours, l'interdit du libre examen use et abuse des sentiments de culpabilité que nourrit le crime immense du génocide nazi.

Révisionnisme et « guerre des mémoires »

Ce qui n'empêche pas la complaisance officielle envers les « nouveaux États » de l'Est qui réhabilitent, peu ou prou, d'anciens complices des exterminations commises par l'Allemagne nazie et ses alliés. L'une des couvertures de ces réhabilitations est la théorie du « double génocide » qui prétend placer un signe d'égalité entre crimes nazis et staliniens. Comme si les répressions et les terreurs exercées par le régime stalinien contre ses propres ressortissants et dans la logique politique qui fut la sienne pouvaient être placées sur le même plan qu'une entreprise délibérée d'agression, d'extermination et de colonisation inspirée par les théories du darwinisme social, du racisme, de l'antisémitisme éradicateur. Non, Staline n'égale pas Hitler, et les peuples le savaient, les dirigeants et généraux occidentaux aussi, qui applaudissaient en 1943 à la victoire de Stalingrad et de Koursk, ouvrant la voie au « deuxième front » (d'Ouest) et à la libération de l'Europe. Mais la Victoire n'est pas le seul argument « en faveur de Staline » : si les Soviétiques avaient été défaits, qu'en serait-il advenu des peuples de l'Est, des Juifs en cours de génocide, de l'Europe occupée ? La théorie dite de « l'affrontement des deux totalitarismes » fait fi de la réalité de l'agression nazie, de son projet colonial (Generalplan Ost) de ses génocides, (« solution finale » des problèmes juif et tsigane) de la mort en partie programmée par les nazis de 26 à 27 millions de Soviétiques.[9]
Adepte de la théorie des totalitarismes, l'historien allemand Ernst Nolte avait enclenché la discussion autour du lien « génétique » entre bolchévisme et nazisme, le second s'étant inspiré du premier. A cette vision qu'il a effectivement développée, l'auteur apporte cependant une « nuance » peu connue. Interrogé au sujet de la paternité bolchévique de l'idée d'extermination, Ernst Nolte corrige : « Je faisais(.) une distinction, qui ne fut en général pas suffisamment prise au sérieux, entre anéantissement social(propre au marxisme et au bolchévisme) et anéantissement biologique(propre au nazisme) ». La destruction d'une classe n'équivaut donc pas à la destruction biologique d'un groupe humain. Cette distinction n'est en effet pas « prise au sérieux » par ceux-là même qui, en France, ont vanté le « courage » de Nolte d'en finir avec le « tabou ».[10]
L'amalgame nazisme-communisme s'opère sous couvert de « guerre des mémoires », étant entendu que celle des crimes nazis serait atteinte d'hypermnésie, et celle des crimes du communisme « d'amnésie ». Que l'on sache, le communisme fut dès 1917 la cible d'une guerre qui fit usage de moyens multiples y compris militaires et génocidaires et ce, dès la guerre internationale de 1918-20 que l'on dit « civile russe » et qui se traduisit entre autres par une vague sans précédent de pogromes perpétrés par les armées « amies » du général Denikine et du nationaliste ukrainien Simon Petlioura. Sans doute, les interdits et les tabous communistes levés après 1989 font-ils place à une redécouverte de cette histoire et en particulier de celle des terreurs sous Staline. Mais si les « tâches blanches » de cette histoire-là méritent d'être investiguées, il en irait de même pour celles qui couvrent les engagements national-fascistes (baltes, ukrainiens, hongrois, roumains, croates, français etc.) dans la collaboration nazie et le génocide, y compris l' extermination de millions de Polonais. Il est juste de mettre en lumière le massacre des Polonais à Katyn par le NKVD, mais pourquoi taire celui des Biélorussiens à Khatyn et dans des centaines d'autres villages brûlés (avec leurs habitants) par les SS et leurs auxiliaires lettons et ukrainiens ? Or, ce sont les héritiers de ces criminels et collaborateurs qui mènent la danse du révisionnisme anticommuniste, organisant ou tolérant les célébrations de Waffen SS et autres armées et légions fascistes avec l'assentiment (qui ne dit mot consent !) des institutions européennes.[11]
De quelle « guerre des mémoires » serait-il question ? Le champ de bataille de l'histoire et la réflexion sur la violence au XXème siècle mérite, comme l'a montré l'historien Enzo Traverso, une recherche d'une toute autre nature.[12]
Tous comptes faits, le « révisionnisme » qui imprègne plusieurs résolutions européennes récentes, renvoyant dos à dos nazisme et stalinisme (ou communisme) ne devrait pas s'arrêter en si bon chemin de révisions : pourquoi ne pas inclure dans les faits qui « relativiseraient » les crimes nazis ceux commis par d'autres Alliés que l'URSS, les bombardements massifs des populations civiles d'Allemagne, Hiroshima et Nagasaki ? Et tant qu'à dresser l'inventaire des responsabilités européennes dans les grandes boucheries de l'ère moderne et contemporaine, pourquoi ne pas y inclure les impérialismes et les nationalismes qui ont déclenché la Première Guerre mondiale, matrice des violences de masse de ce siècle, ou plus en amont, les crimes et les génocides coloniaux ? Si fondées soient-elles, pourtant, ces remontées aux sources de la violence qui s'est déchaînée sur plusieurs continents en même temps que l'expansion du capitalisme, ne devrait pas servir à « noyer le poisson », à banaliser l'extrême violence du nazisme, en ce qu'elle est représentative des aboutissements paroxystiques, justement, du colonialisme (cette fois, à l'Est de l'Europe), du racisme et de l'antisémitisme éradicateur, et cela, non point dans une « barbarie » étrangère à nos moeurs, mais au cour et avec tous les moyens de la civilisation industrielle et technicienne, des grandes entreprises capitalistes allemandes et autres engagées dans le projet nazi. [13]

La grande mobilisation « antitotalitaire ».

Le « tournant » fondateur de la post-gauche libérale semble se situer au moment de la chute du Mur de Berlin en 1989 et de l'URSS en 1991. De fait, il lui est bien antérieur. L'effondrement du bloc de l'Est, par exemple, ne peut expliquer le sabordage par le haut du Parti communiste italien - celui qui, le plus influent, le mieux enraciné, le plus distancié de Moscou, avait le moins de raison de s'en aller, laissant orpheline une grande culture démocratique. L'autodestruction du PCI obéissait à des raisons, à des intérêts internes à sa direction, qui évolua rapidement vers le libéralisme social.[14] C'est également du sommet, des élites intellectuelles de gauche et post-68 qu'est venue l'entreprise de « libéralisation » des gauches qui impliquait, dans le cas français, une exclusion de la vie politique française du PCF, réputé « stalinien » et « sectaire », alors même que son leader Georges Marchais tentait, par à coups, un « aggiornamento » qui déplaisait profondément au Kremlin, alors spectateur impuissant de la désagrégation du mouvement communiste en Europe occidentale.[15] C'est paradoxalement au moment où le régime soviétique se désidéologise et s'ouvre aux influences de l'extérieur, au temps de Léonid Brejnev et de la montée en force d'une nouvelle génération de technocrates que s'opère, à l'Ouest, la grande mobilisation « antitotalitaire », épaulée par les programmes de relance des armements du Pentagone.

Dès les années 1970, la « découverte » bien tardive du Goulag par des intellectuels post-gauchistes et le détournement des idées de mai 68 et des dissidences de l'Est au profit du néolibéralisme a servi à contrer les poussées de gauche au Portugal et en France, jetant les bases d'une résignation générale à l'ordre existant. Ce qu'a méticuleusement décrit l'Américain Michaël Scott Christofferson.[16]
Les dissidents de l'Est, du moins ceux qui furent accrédités à Paris, Londres ou Washington[17]- le très conservateur Alexandre Soljénitsyne, les libéraux Vladimir Boukovski, Andrei Sakharov et plus tard Vaclav Havel - relayés en France par les dits « nouveaux philosophes » - ont fourbi les arguments de la disqualification, non seulement du communisme d'État, mais de l'interventionnisme d'État dans l'économie et des protections sociales, et finalement de l'idée révolutionnaire elle-même, de 1789, des « Lumières ». La révolution portugaise de 1984, le Programme commun de la Gauche en France, la révolution au Nicaragua et au Salvador, en Angola et au Mozambique ont été présentés comme les préludes au basculement de la planète entière dans le communisme totalitaire. Tel était le point de vue largement répandu à Paris jusqu'au milieu des années 1980. Les chars de l'Armée Rouge allaient défiler sur les Champs Elysées, l'URSS en 1984 illustrait le monde « orwellien » qui nous guettait, le réformisme d'un Gorbatchev était un « mythe » (« Le Monde », mars 1985). Nous étions pourtant à quelques années de la dislocation du bloc de l'Est, qui devait « prendre de court » les kremlinologues patentés. Lesquels tournèrent la page hâtivement, comme s'il n'y avait rien à dire sur leurs gigantesques erreurs de diagnostic !

Ce matraquage idéologique « antitotalitaire » a très exactement correspondu à la mise en ouvre de la « révolution conservatrice » des Margaret Thatcher et Ronald Reagan, [18] qui allaient inspirer plus tard les « thérapeutes » russes puis les « révolutions » - SOROSe en Géorgie, orangiste en Ukraine.[19]
Le tournant ponctué par les « chutes » de 1989-91 s'explique également par les échecs du dit « socialisme réel » et les crimes de masse du stalinisme, bien que les phases les plus dramatiques de cette histoire aient été surmontées : ce sont moins les violences que les blocages d'un système pacifié qui l'ont fourvoyé dans l'impasse et discrédité à l'échelle internationale. Autre paradoxe : l'URSS stalinienne était beaucoup plus largement admirée, à gauche, que l'URSS déjà libéralisée des années 1956-85. La profondeur des déceptions était bien sûr à la mesure de l'énormité des attentes. L'URSS fut d'ailleurs dénoncée à gauche, successivement, pour n'avoir pas été assez « socialiste » et « trop molle » envers les Etats-Unis (années 60) avant d'être stigmatisée pour le contraire, trop peu « libérale » et trop « agressive ». (années 70-80).

Mais les dissidents agréés et leurs amis patentés ne représentent en rien les aspirations démocratiques, socialistes et autogestionnaires qui se firent jour dans les soulèvements de Budapest et Varsovie 1956, les conseils de travailleurs de Tchécoslovaquie en 1968-69, le mouvement « Solidarnosc » en 1980. La doxa dissidente occidentalisée n'en a retenu que la contestation du régime en place et l'aspiration aux libertés de type libéral. Lors du trentième anniversaire de « Solidarnosc » en 2010, ce ne sont pas les comités des gauches solidaires des dissidents qui furent invités à Varsovie, mais les représentants des grandes puissances occidentales et du Vatican. A juste titre: c'est eux, et non « les gauches solidaires » qui ont été les vrais artisans du changement.

On a d'ailleurs pu vérifier la nature du « droitdelommisme » proclamé à l'Est comme à l'Ouest lorsque de grands hérauts de cette cause, à l'instar de M.Havel, se sont mobilisés.pour les guerres contre l'Irak. Humanisme agissant, sans doute !

Comme ancien militant du soutien aux dissidences démocratiques de l'Est, je mesure l'étendue de l'imposture, et je fais mienne la réflexion du philosophe slovène Slavoj Zizek : « Les foules est-allemandes criaient, dans un premier temps : « Nous sommes LE peuple » (Wir sind DAS Volk) réalisant de cette façon le geste de la politisation dans sa forme exemplaire- elles, la « lie » contre-révolutionnaire ; exclue du Tout officiel, privée de juste place dans l'espace officiel (.) revendiquait le fait de représenter LE peuple, au nom de « tous » ; pourtant, deux ans plus tard (l'auteur se trompe, le délai fut plus court !) le slogan se transforma en un « Nous sommes UN peuple » (« Wir sind EIN Volk »), signalant explicitement la fermeture sur elle-même d'une ouverture politique qui avait été authentique, mais momentanée, signalant la réappropriation de l'élan démocratique par les multinationales à travers la réunification allemande, qui signifiait le rattachement à l'ordre policier/politique libéral-capitaliste de l'Allemagne de l'Ouest ». (.) « Les foules est-allemandes pleines de dignité se rassemblant autour des églises protestantes et défiant avec héroïsme la terreur de la Stasi se transformèrent en de vulgaires consommateurs de pornographie de bas étage; les Tchèques civilisés, mobilisés par l'appel de Havel et d'autres icônes de la culture, se transformèrent brutalement en spécialistes au rabais de l'arnaque pour touristes occidentaux .La déception fut réciproque : l'Ouest, qui commença par idolâtrer le mouvement de dissidents de l'Est en considérant comme la réinvention de sa propre démocratie aux abois, regarde avec un mélange de mépris et de désabusement les régimes postsocialistes actuels comme un composé réunissant l'oligarchie ex-communiste corrompue et/ou des fondamentalistes ethniques et religieux; l'Est, qui commença par idolâtrer l'Ouest en le considérant comme l'exemple à suivre d'une démocratie prospère, se retrouve pris dans le tourbillon « d'une commercialisation à outrance et d'une colonisation économique. Tout cela en valait-il la peine ? ».[20]
Certains, en tout cas, y ont trouvé leur compte dans cette « mutation » qui permit, à l'Est, la reconversion d'une fraction de la nomenklatura dans « les affaires » et, à l'Ouest, de brillantes carrières en reniements des « idéaux » ( ?) de la veille.

L'un des aspects de cette conversion est, au sein de la gauche du camp n°1, son acceptation de l'histoire réécrite des communismes. On en a été témoin lors des vingt ans de la chute du Mur : comme la mémoire de l'ancienne RDA est vilipendée, et littéralement « éradiquée » dans ses héritages sociaux, culturels, antifascistes. Un effacement de mémoire étudié par la Fondation Auschwitz de Bruxelles, peu suspecte de sympathies est-allemandes. [21]
Ainsi, la vision néolibérale du monde se fait rétrospective : la guerre froide, voire les croisades antérieures contre le bolchévisme depuis 1917, sont acceptées comme autant de jalons sur la route de la « victoire de la Démocratie » (la « fin de l'Histoire »). On entend, chez les repentis (souvent tardifs) du communisme, le lamento des « nous avions tort ». Tort en 1917, en 1936, dans les Brigades Internationales en Espagne, les résistances « noyautées par les staliniens », la solidarité avec le FLN algérien et le FNL vietnamien, la révolution castriste à Cuba, voire même Allende (« Pinochet a sauvé le Chili du communisme » disent les libéraux de Moscou).

Se moquant de ce genre d'anticommunisme, un journaliste russe conservateur disait que « Heinrich Himmler sera bientôt désigné comme précurseur de la lutte pour les Droits de l'Homme ».

Continuités coloniales et fascistes

Au fait, le CAMP N°1 ne peut se contenter d'adhérer aux nouvelles croisades, il doit (ou devrait) assumer les anciennes : coloniales, nazies .Avec, certes, toutes les précautions morales, tous les « repentirs » nécessaires. Il n'y a rien là d'un exercice de haute voltige impossible : il est parfaitement possible, pour la bonne conscience européenne, de regretter les « excès » du colonialisme et de l'esclavage, de commémorer « tous les morts des guerres » et, plus encore, ceux de la « Shoah », sans devoir s'interroger sur les racines et les modalités des phénomènes historiques qui ont produit tant d'horreurs. Les analyser, en effet, ne pourrait être « consensuel », et risquerait de soulever d'encombrantes questions quant aux prolongements actuels de ces phénomènes. Quant aux liens que l'histoire a noués entre les « bourreaux » d'hier et les « démocraties » d'aujourd'hui : ainsi, la formation des services secrets ouest-allemands par le réseau nazi Gehlen,[22] le recrutement de ces mêmes nazis et de leurs collabos ukrainiens ou baltes par les Etats-Unis pour former le « soft power » de Radio Free Europe et des diasporas occupées à préparer la « relève » idéologique dans les nouveaux États issus de la dislocation de l'URSS.[23]
Sans oublier les oustachis (fascistes) croates liés au Vatican, émigrés en Amérique latine et réorganisés pour la « lutte d'indépendance » au début des années nonante - une cause soutenue contre les « méchants Serbes » par l'intelligentsia de gauche occidentale.[24]
Un bémol cependant : bon nombre des adeptes de ce camp le font par défaut, sans conviction, sous le poids des désillusions, parce qu'ils ne voient pas d'autre perspective, ou parce qu'ils se sentent, au moment où s'amorcent les catastrophes, « plus à l'aise » dans leur confort occidental pourtant bien fragile, parmi « les démocrates ». C'est le sous-camp de la résignation. Ce CAMP N°1 comprend aussi, cela va sans dire, de sincères militants socialistes, écologistes, qui n'ont pas cessé « d'y croire », et d'agir selon leur conscience. Qui douterait d'ailleurs de la sincérité de la plupart des staliniens d'antan ? Ils croyaient vraiment préparer « les lendemains qui chantent ». Cela dit sans la moindre ironie à l'égard de ces militants qui, armés d'une foi aveugle en Staline, se sont dévoués sans compter dans les luttes de libération sociale et les résistances antifascistes. Je ne doute pas de l'honnêteté des « médecins sans frontières » et autres passionnés du « sauvetage de la planète ». Je m'interroge cependant sur des mobilisations d'opinion publique qui se font dans l'émotion et l'urgence, sur le mode du « zapping ». Je m'interroge aussi sur la portée de combats qui ne s'attaquent pas aux racines de la « destruction de masse » ( Ziegler).

LE CAMP N°2 OU LA NEBULEUSE ANTI-OCCIDENTALE

Le CAMP N°2, plutôt nébuleuse que galaxéie, assemble plus ou moins tous les adversaires du CAMP N°1, dans un positionnement symétrique : antiaméricanisme contre américanisme, antisionisme contre sionisme, antimondialisme contre mondialisme, souverainisme contre cosmopolitisme, nationalisme contre anti-nationalisme. Ce qui a mobilisé ce « camp », pour l'essentiel, a été la succession, depuis les années 1990, de guerres dites « morales » et « humanitaires ». Il est entendu, dans la vulgate « anti-impérialiste », que les Etats-Unis sont l'ennemi principal, l'impérialisme ou « l'Empire » par excellence, le sionisme et Israël leurs principaux alliés au Proche-Orient et au cour du monde musulman, le mondialisme l'idéologie des marchés financiers et des multinationales « sans frontières », la prétendue « gouvernance mondiale » une façon de déssaisir les gouvernements des États souverains, les nations les « derniers bastions » d'une humanité qui se s'est pas encore pliée à la civilisation uniforme du Mac Do et du Disneyland.

Le problème, ici, réside dans l'essentialisation des « ennemis », leur diabolisation, leur imaginaire monolithisme - tout ce que l'on pouvait relever, d'ailleurs, dans l'antisoviétisme « primaire », qui faisait de l'URSS « l'essence » du Mal, la force diabolique, le monolithe inamovible. L'antiaméricanisme ignore les potentialités et les contradictions d'une société américaine qui n'est pas « extra-terrestre », d'un État et d'un capitalisme étatsunien qui ne sont pas non plus un monolithe inamovible. Cet antiaméricanisme primaire ne voit pas les différences entre les démocrates d'Obama et les réactionnaires républicains. L'antisionisme obsessionnel ignore que le sionisme est un nationalisme et un colonialisme parmi d'autres (il en existe aussi dans le monde arabe) et que, sauf perspective génocidaire, il faudra bien que les Israéliens, « sionistes » ou non, et les Arabes palestiniens « nationalistes » ou « islamistes » apprenent à vivre ensemble dans un cadre à négocier.

Anti-occidentalisme

Plutôt qu'un « anti-impérialisme » ancienne façon, du reste, la nébuleuse du CAMP N°2 est un « anti-occidentalisme », dans la mesure où l'on inclut dans « l'Occident » non seulement le « totalitarisme de Marché » et l'Impérialisme, mais toute la civilisation matérialiste (au sens vulgaire), mercantiliste, individualiste et pour tout dire « décadente » qui nous vient des Etats-Unis et serait en train de pourrir l'Europe.

La question est certes posée, de la disparition des langues, des peuples, des cultures, et maintenant des États-nations, des fédérations multinationales, des modes de vie dans le grand chaudron de la dite « mondialisation ». Il y a matière à débat, l'évolution mondiale ne suivant pas une ligne de « progression » linéaire, et la « mondialisation » étant une idéologie autant qu'une réalité, la « démondialisation » étant dès lors une hypothèse non moins pertinente, mais le fait est que toutes ces idées d' « alternatives » réunissent une nébuleuse d'antimondialistes en recherche et passablement confus.

Ainsi voit-on des socialistes, des communistes, des nationalistes, des souverainistes, des « populistes », de droite ou d'extrême-droite antilibérales se retrouver - malgré eux, ou délibérément - en convergences et parfois « en rencontres » pour chercher des issues à « l'Empire », à la « Pensée Unique », au désordre mondial imposé par les Etats-Unis, le FMI, l'OTAN, la technocratie de « l'eurodictature ».

D'où les passerelles, les rencontres, les alliances qu'on aurait dit « contre-nature » où des militants de gauche se retrouvent avec des nationalistes serbes, des baathistes irakiens ou syriens, des souverainistes de droite français, voire des « antisionistes » vraiment antisémites et des intellectuels de la Nouvelle Droite plus ou moins fascisants. Le comble est atteint lorsque, sous couvert d'antisionisme, des convergences se font entre « pro-palestiniens » d'Europe et islamistes, mélangeant les thèmes classiques de l'antijudaïsme musulman, de l'antisémitisme chrétien voire nazi et du négationnisme. L'anti-occidentalisme primaire, outre sa perception discutable de « l'Occident », paraît charger ce vocable de tout ce que rejetaient au début du XXème siècle les idéologues de la « décadence » et du « déclin de l'Occident » (Spengler), du romantisme allemand et du rejet des « Lumières », soit une idéologie foncièrement réactionnaire, aux sources du national-socialisme.

Les nouveaux « anti-impérialistes » sont aujourd'hui confrontés à un nouveau défi : que faire de ces « soulèvements arabes » qui, sous couvert de revendications populaires et démocratiques portées par les insurgés, fraient la voie à des forces rétrogrades au sens premier ? Faut-il les considérer - Ennahda, Frères Musulmans, Hamas, Hezbollah - comme de nouvelles forces « anti-impérialistes », à moins que ce ne soient les « sous-marins de la CIA » (autre variante du Complot), réactions médiévales à la modernité ? Il existe, dans cette gamme d'interprétations, une médiane : les islamistes « modérés » seraient, à l'instar de nos Démocraties chrétiennes d' après 1945 en Allemagne et en Italie, voire en Belgique, une voie vers la laïcisation démocratique de sociétés profondément « religieuses ».

On voit, au sein du CAMP N°2, se dessiner au moins deux tendances : l'une fait front, contre les islamistes, avec les derniers bastions du nationalisme arabe laïc, moderniste (Irak, Syrie), l'autre tente de s'allier à la « révolution » islamiste, de préférence la version chiite, autour de l'Iran et du Hezbollah - les sunnites des pétromonarchies, du Pakistan et des Talibans étant clairement alignées (pour l'heure) sur les Etats-Unis. Encore et toujours prévaut ici un principe qui n'en est pas un, mais relève d'un pur opportunisme sans principes : « les ennemis de mes ennemis sont mes amis ». Le même « principe » avait jadis incité les ennemis du colonialisme britannique, dont des Arabes et des Palestiniens, à soutenir l'Allemagne nazie.

Mais où mènent tous ces calculs ? Que restera-t-il, dans ces alliances rien moins que solides, des idéaux d'émancipation sociale, féminine, laïque qui étaient ceux de la gauche, y compris dans le monde arabe que l'on ne disait pas « musulman » il y a quelques décennies ? Comment expliquer que des communistes orthodoxes qui ont admiré « l'offensive » soviétique des années vingt amenant les femmes ouzbèques à enlever leur « parandja » (voile) et à choisir l'école plutôt que l'esclavage domestique, puissent aujourd'hui défendre le port du voile, dans une démarche valorisant « l'identité » au sein d'une société dite « multiculturelle » ? Il faudrait aussi réfléchir à cet investissement dans l'illusoire « multiculturalisme », alors que « l'universalité « réelle » de la globalisation actuelle induit, à travers le marché, sa propore fiction hégémonique (.) de tolérance multiculturelle (dans une floraison d'identités hybrides qui n'est pensable « qu'adossée au socle de la globalisation capitaliste ».[25] Simulacre, dès lors, que cette opposition entre « fondamentalisme » et politiques identitaires postmodernes.

« Rouges-bruns » ? Un détour par l'histoire européenne des années 30-40

Ni rouge ni brun, un certain néofascisme se fait jour, dans la tentative de concilier révoltes populaires et idéologie plus ou moins « völkish ». (populaire ou populiste au sens raciste sous les nazis). On devine ce néofascisme dans le propos d'Alain Soral, ancien du PCF passé au FN dont il a assuré la façade « gauchiste » avant de s'en faire exclure. Mais sa parole (son site « Egalité et Réconciliation ») est très écoutée dans la mouvance antisioniste, notamment arabe, où convergent rébellions contre injustices sociales et contre « l'ordre mondial ». Et on peut comprendre leurs réactions, au vu des compromissions de la « gauche » établie envers les politiques américaine et israélienne et de ses abandons de la cause des opprimés. Tout le monde, spécialement parmi ces jeunes ou récents arrivants, n'a pas fait « l'université » d'un siècle de luttes sociales, d'avancées et de reculs du mouvement ouvrier, de l'idéologie marxiste, que les jeunes générations ignorent totalement. Et les tentations fascistes, si elles ont surtout intéressé les classes possédantes, les droites inquiètes de la « menace bolchévique », ont toujours comporté des doses importantes de rêveries romantiques, de nostalgies du passé précapitaliste, ou de promesses démagogiques - de quoi exercer des séductions à gauche et en milieu ouvrier. Aux origines idéologiques multiples du fascisme et du nazisme figuraient, outre les songes purement réactionnaires, des élans révolutionnaires (anti-bourgeois) « solidaires » (le solidarisme au dessus des classes) et modernistes (le futurisme italien). Au sein même de la social-démocratie allemande, très anticommuniste (et responsable de l'assassinat de Rosa Luxemburg et de Karl Liebnecht), le refus de l'unité d'action avec le PC allemand face à Hitler début 1933[26] eut pour complément les tentatives d'accomodement avec le nouveau pouvoir hitlérien, allant jusqu'au défilé « unitaire » du 1er mai 1933 .

On a donc connu ça dans les années vingt en Allemagne, avec les « nationaux-bolchéviques » de Niekisch et la « gauche nazie » des frères Strasser. Le premier voulait « nationaliser » le message communiste venu de Russie, les seconds prenaient au sérieux le discours « anticapitaliste » que tolérait Hitler à ses débuts. L'un des Strasser fut exécuté en 1933, l'autre résista et s'exila. Leurs exemples sont cités de nos jours au sein des extrême-droites populaires, en Russie et en Ukraine, dans des mouvements qui reprennent la tradition fasciste ou nazie « purgée » de l'horreur hitlérienne. On peut comprendre cela, par exemple, en ex-Union soviétique. Difficile de se réclamer d'un hitlérisme qui a valu au pays 26 millions de morts. Mais on peut déplorer « les folies d'Hitler » tout en imaginant les « bonnes intentions » initiales du fascisme et du national-socialisme, leurs idées de « nationalisme intégral » ou de « purification raciale » que l'on aimerait bien faire renaître de nos jours dans des pays en pleine crise sociale et identitaire. On peut être « néonazi » russe, anti-hitlérien et adepte des frères Strasser. On peut, en Ukraine, se réclamer d'un Alfred Rosenberg, théoricien du racisme nazi qui avait aussi promis aux Ukrainiens « un État indépendant », promesse non tenue « à cause d'Hitler et d'Himmler » qui ont confondu Ukrainiens et « Untermenschen ».

Le fascisme a d'ailleurs rallié à sa cause nombre de courants et de personnalités de gauche en Occident. L'ancien leader communiste Jacques Doriot a formé de Parti Populaire Français (PPF) à la base de la Légion des Volontaires Français (LVF) précédant la Division SS « Charlemagne » sur le Front de l'Est. Le néosocialiste français Marcel Déat a fondé le Rassemblement National Populaire (RNP) rallié à Vichy et au fascisme. Notre leader socialiste maison, président du Parti Ouvrier Belge (POB) Henri De Man, théoricien du « socialisme national » qui allait « au delà du marxisme » se mit en 1940 au service de l'occupant, dissolvant le POB et formant le syndicat unique fasciste « Union des Travailleurs Manuels et Intellectuels » (UTMI) auquel se rallièrent des responsables syndicaux chrétiens et socialistes. Des trotskystes du Parti Communiste Internationaliste, (groupe Molinier) en France, désavoués par leurs camarades, préconisèrent « l'entrisme » dans le RNP fasciste de Déat, et d'autres firent campagne pour le « défaitisme révolutionnaire » (contre la Résistance jugée « chauvine »). Les arguments « de gauche » ne manquaient pas pour justifier la collaboration ou la marginalité : l'antistalinisme (« Ni Staline, ni Hitler » proclament après coup les défenseurs du général Vlassov qui se mirent au service d'Hitler), l'internationalisme prolétarien (un soldat allemand est un prolétaire qu'il faut retourner contre Hitler), l'anti-impérialisme (« tous les impérialismes se valent :ni Londres, ni Berlin », proclamait déjà l'Internationale communiste avant l'agression hitlérienne contre l'URSS)[27], ou encore le primat de la Révolution (plutôt que l'antifascisme, faire la révolution socialiste) ! Certains « gauchistes » indécis ont d'ailleurs préféré la fuite, dans leurs études « à la campagne » ou en Amérique latine plutôt que d'avoir à prendre position face à l'envahisseur hitlérien. C'est dans des moments décisifs comme ceux-là - faire face à l'occupation nazie- que l'on reconnaît la valeur d'usage (pratique) des positions politiques qui, en temps normal, se discutent aimablement dans des salons et les arrière-salles de café. Chercher le « frère prolétaire allemand » sous l'uniforme de la Wehrmacht ou de la SS était pour le moins hasardeux, et lorsqu'un pays et un peuple sont occupés, c'est effectivement « la patrie » (et non une idéologie) que défendent les résistants, indépendamment des projets nourris pour l' après-guerre.

La majorité des militants de gauche (une minorité de Belges) rejoignirent la résistance à direction communiste mais pluraliste de composition (Front de l'Indépendance, Armée Belge des Partisans, Comité de Défense des Juifs) ou syndicale renardiste (Mouvement Syndical Unifié), et trotskyste (Ernest Mandel, Georges Verrecken), ou encore l'Armée Secrète liée à Londres. C'était aussi le camp de l'Armée Rouge et des alliés américain, britannique, gaulliste, des grandes résistances grecque et yougoslave. Ce n'était pas « une option parmi d'autres » d'égales valeurs, c'était le seul choix efficace dans la lutte contre le nazisme, tout autre choix, si noblement argumenté qu'il fut (internationalisme, anti-impérialisme), constituait une aide « objective » à l'occupant.

D'autres, aujourd'hui, relativisent à leur façon le combat antinazi d'hier : il faut cesser de « culpabiliser » les Européens (les non juifs) à propos du génocide des Juifs, relativiser son importance, il faut dénoncer les « buts impérialistes » de la coalition anti-hitlérienne (Etats-Unis surtout), il faut reconnaître les crimes de guerre des Alliés.

Bla bla pseudo-réaliste, qui découvre la lune - bien sûr les Alliés anti-hitlériens avaient aussi des buts impérialistes et ont commis des crimes de guerre- et prétend « tourner la page » pour les générations nées après 1945. Or, la question, n'est pas de « culpabiliser » ou non des générations qui n'y sont pour rien, mais de prendre la mesure des responsabilités des institutions qui ont servi ou composé avec le nazisme et le fascisme : compagnies industrielles, États et polices ayant organisé la déportation des Juifs, organisations nationalistes qui ont prêté main forte à la Wehrmacht et aux Waffen SS et dont les héritiers réclament aujourd'hui « l'amnistie » pour les collabos, Eglise catholique et pape Pie XII complices des régimes clérical-fascistes de Croatie et de Slovaquie, de l'Eglise uniate dont les prêtres bénirent la SS Galitchina (Galizien) en Ukraine etc. Et ce, d'autant qu'il y a des continuités tenaces entre ces forces d'appui au fascisme et leurs héritiers actuels.

« National-bolchévisme »

Sans verser dans les nostalgies nazies ou fascistes des groupes extrêmes, nationalistes russes et ukrainiens, ou eurasiens, cultivent leur « propre voie » (osobyi put'ou Sonderweg)dans l'Apocalypse. L'un des mouvements troubles, à cet égard, est le national-bolchévisme formé depuis les années 1990 en Russie. Son leader le plus connu, l'écrivain très prisé dans la jeunesse Edouard Limonov, se réclame de Lénine et de Mussolini, de la révolution sociale et nationale, y associant même les idées libérales démocratiques, dans l'espoir d'offrir une alternative au régime eltsinien-poutinien qui soit tout à la fois non capitaliste, nationaliste et très moderne. On a parfois qualifié Limonov de « national-stalinien ». L'étiquette conviendrait mieux à l'équipe dirigeante du PC de Ziouganov. Le phénomène limonovien en est très éloigné : à la fois culturel (enraciné dans la jeunesse des « rockers métallisty ») et rompu à la provocation contestataire, c'est moins une ligne politique qu'un style de combat inédit. Si l'on ajoute que le romancier a fondé la nouvelle vague érotique de la jeune littérature post-soviétique et qu'il admire la « révolution orange » en Ukraine, on admettra que l'outsiderde Moscou échappe aux définitions simplettes. Limonov, imprévisible et très évolutif, fraie tout à la fois avec les opposants libéraux pro-américains, l'extrême-gauche radicale et les nationalistes à la bannière monarchiste.[28]
Une autre variante du national-bolchévisme (« sans Limonov ») a rejoint les néoeurasistes (ou eurasiens) d'Alexandre Douguine. Ce courant originellement issu de l'émigration russe de l'entre-deux guerres, anticommuniste, néo-impérial et solidaire de l'URSS contre l'envahisseur allemand (contrairement aux émigrés fascistes) projette un État fort, un Empire restauré, mobilisé dans une option géopolitique opposant la puissance continentale euro-asiatique à la puissance maritime euro-atlantique. Projet qui peut séduire le CAMP N°2, et c'est bien pourquoi il recrute des adeptes en Europe occidentale. Parmi ceux-ci, les idéologues de la Nouvelle Droite, tels Alain de Benoist et les Belges Jean Thiriart et Robert Steuckers, qui avaient permis en 1991 d'établir un lien entre l'ancien chef SS wallon Léon Degrelle et la mouvance nationale-communiste regroupée autour de l'écrivain Alexandre Prokhanov, devenu théoricien d'un « nouvel Empire » russe et proche du Secrétaire général du PC de la Fédération de Russie, Guennadii Ziouganov. Ce flirt éphémère avec des nazis à la Degrelle fut désavoué par les théoriciens du national-patriotisme lié au PC, tel Serguei Kourguinian. Mais le fait est que « la tentation » a existé. A-t-elle entièrement disparu ?

Les marais du confusionnisme

Confusionnisme ? Souvent. Et dans les deux « campismes ». N'ayant pas d'idéologie cohérente, ni de perspectives comme le « camp socialiste » de jadis, le CAMP N°2 obéit plutôt à une sorte de réflexologie pavlovienne symétrique à celle du CAMP N°1, celui-ci disposant évidemment d'une hégémonie au sein des pouvoirs d'État, des médias et des opinions publiques d'Occident. La règle : l'ennemi de mon ennemi est mon ami, même si c'est un dictateur, un brigand, un tueur. « Régime syrien » contre « régime saoudien » ? Sunnisme des pétromonarchies contre chiisme capitale Téhéran ? Sarkozy contre Kadhafi ? Bush contre Saddam Hussein ? Tueurs de l'UCK kosovar contre tueurs des milices serbes ? La seule question à se poser serait : qui est l'allié de qui ? Pour qui roule Untel ? Soyez attentif : un Saddam Hussein peut être notre allié, un temps, contre l'Iran « islamiste », mais on peut, dans le temps suivant, faire donner contre lui d'autres « islamistes ». C'est le CAMP N°2 surtout qui fait remarquer, à juste titre, ce système des indignations sélectives, du cynisme géostratégique. Qu'il ne dédaigne pas de pratiquer à son tour, cela va de soi. Dans le vice versa, et vice-versa.

L'espoir du CAMP N°2 n'est pas vraiment une « alternative au capitalisme » ou un « altermondialisme » dont beaucoup d'orphelins des gauches se réclament, mais la formation de grands contrepoids à l'hégémonisme euro-atlantiste, autour de la Chine, de la Russie, voire de la nouvelle gauche latino-américaine. Une perspective géopolitique, sans plus. Sauf en Amérique latine, l'anticapitalisme n'a plus cours, vu qu'il s'agit de soutenir des capitalismes que l'on croit « nationaux » contre le « mondialisme » américain, des bourgeoisies supposées « nationales » contre les bourgeoisies « compradores ». A l'instar des libéraux et des sociaux-démocrates, ou des écologistes bon teint qui euphémisent la crise actuelle (crise « financière », ou « de la dette », ou « de la croissance ») les critiques du « mondialisme » ou de l' « eurodictature », ou du « productivisme » évitent le diagnostic de « crise du capitalisme » qui impliquerait la mise en cause du modèle de développement global et non seulement les « dérives de la finance spéculative », . ou, côté « vert », les « atteintes à l'environnement » ou aux équilibres « climatiques ». Ne serait-il pas temps de remettre à l'ordre du jour « la biosphère » (Vernadski) impliquant l'interaction entre la nature et l'ensemble des activités humaines, en ce compris le système socio-économique qui les formate ?

Mais quel gouvernement, quelle grande institution politique ou financière européenne ou mondiale assureraient crédits et subventions aux chercheurs qui entendraient « dépasser le capitalisme » ? Il va de soi que c'est la ligne rouge à ne pas franchir. Et que respectent ceux qui n'ont d'autres « ennemis » que la Commission Européenne ou « les banquiers de Wall Street », ceux qui pensent qu'une bonne dose de souveraineté d'États-nations suffirait à restaurer croissance, emplois, économies protégées.


Pas d' équidistance pour autant !

Mon propos n'est pas de renvoyer tout le monde dos à dos. Les forces de destruction massive de la puissance américaine, de ses tentacules euro-atlantistes ont une capacité de nuisance infiniment supérieure à celle des États qu'elles prétendent éliminer sous divers prétextes. Je ne mets pas non plus un signe d'égalité entre le terrorisme des États, des riches, et le terrorisme des pauvres, même si je regrette que « les pauvres » n'aient souvent plus d'autres moyens pour se faire entendre que le terrorisme et des idéologies religieuses rétrogrades qui nous font regretter le nationalisme arabe ! Mais j'ai beau « regretter », c'est la réalité, et nous ne pouvons décider à la place de ces peuples « la meilleure voie » de leur émancipation. Il y eut jadis une puissante gauche arabe, nationaliste, orientée vers le socialisme. Ses révolutions ont été décevantes, comme toutes les révolutions. Mais elles ont permis d'accomplir des pas importants : prises de conscience, libérations (Algérie), alphabétisations, laïcisations .Nasser, Ben Bella et Aït Ahmed, Bourguiba, plus tard Yasser Arafat, c'étaient les contemporains de Lumumba et Fidel Castro, du « Che » Guevara, de Nelson Mandela et Thomas Sankara. Ce national-progressisme africain, latino-américain et arabe, l'Occident (et Israël) ont tout fait pour l'anéantir, en encourageant ses adversaires, féodaux, tribaux ou islamistes. La Belgique a fait assassiner Lumumba et poussé à l'éclatement du Congo en soutenant « son » Union Minière du Haut-Katanga puis, avec d'autres, la désastreuse aventure « Mobutu ».

Israël a encouragé le Hamas contre l'OLP. Les Etats-Unis ont soutenu les Frères Musulmans d'Egypte contre les nationalistes, les Moudjahiddines afghans contre la révolution militaire de 1978 et l'URSS qui l'a soutenue dans les années 1980, la CIA a employé Bin Laden et fourni aux islamistes des armes « soviétiques » puisés dans les vieux stocks égyptiens, les US ont favorisé, via leurs alliés pakistanais, la guerre des Talibans, avec lesquels ils ont négocié le projet de gazoduc « taliban » qui devait détourner des réseaux russes d'exportation le gaz turkmène etc .à l'instar de ce qui se faisait déjà au Sud-Caucase avec le BTC.[29]
On pourrait d'ailleurs suggérer le calcul comparatif entre les victimes des mauvaises dictatures abattues, des bonnes dictatures pro-occidentales soutenues et celles - qui se comptent par millions depuis une vingtaine d'années- des interventions « humanitaires » et « démocratiques ». Combien pour l'Irak ? Plus de deux millions a-t-on dit ? Quelle grande victoire pour « les Droits de l'Homme » !

Ramener l'imagination au pouvoir

J'ai bien conscience de ne proposer ici qu'un « catalogue de plaies et de bosses », de dérives et de dangers. La force d'inertie du système et des pouvoirs qui le servent ou ne peuvent s'en dégager est génératrice de nouveaux conflits, et forcément de confusions qui ne feront qu'obscurcir nos proches perspectives. Plus insatisfaites que jamais, nos sociétés sont aussi plus désarmées, plus désorientées par les technocraties exerçant une écrasante « hégémonie culturelle » au sens gramscien. C'est sans doute cette hégémonie qu'il faudrait renverser pour que de nouveaux « possibles » puissent émerger. Reconstruire des liens sociaux, des mémoires collectives des luttes, une « conscience de classe » que les dominants et leur gigantesque appareil de débilisation des masses s'attachent à détruire. Mais pour dégager la voie de ce que l'on cherche, il faut d'abord identifier ce que l'on refuse. Et par exemple : ces campismes stériles.

Les tendances aux « campismes » sont surtout anachroniques et sans issue, elles relèvent de projections sur le présent de configurations passées et de la conjonction de phénomènes contradictoires dans le monde contemporain. Le camp n°1, « euro-atlantiste » est sans doute une coalition d'intérêts de classes dirigeantes et possédantes du « premier monde » euro-américain où la social-démocratie des riches a trouvé sa place. Cette coalition bénéficie d'un consensus « démocratique » des opinions occidentales prises d'effroi devant le cours des choses et cherchant refuge auprès d'institutions politiques, ou bancaires, auxquelles elles ne croient pourtant plus. Coalition et consensus reproduisent les schémas de la guerre froide (la lutte contre le Mal) alors que « l'ennemi » est éclectique et changeant. D'où ce mélange d'anticommunisme radical reprenant vigueur et d'islamophobie, mélange avec lequel se concocte une sorte d'idéologie de l'air du temps.

Coalition et consensus résisteront mal à la crise du système de domination. Un exemple entre cent, c'est l'impossibilité d'appliquer à la Syrie le modèle d'intervention expérimenté ailleurs, le « Mal » étant incarné tout à la fois par le régime en place et une grande partie des rebelles islamistes. L'interventionnisme occidental fait de plus en plus figure d'apprenti-sorcier et ses oracles genre BHL de pitres dangereux.

Le camp n°2 reproduit lui aussi d'anciens schémas, qu'il croit « anti-impérialistes ». Il confond par exemple le cas du Venezuela chaviste, qui mène une véritable révolution sociale, contraire aux intérêts américains, et celui de la Russie, aux antipodes de cette révolution, qui évolue dans un rapport très ambivalent avec les Etats-Unis, et dont les intérêts peuvent faire conjonction momentanée avec des régimes aussi peu ressemblants que l'Iran, la Syrie ou le Venezuela, sans que l'on puisse écarter l'hypothèse d'un condominium américano-russe dans la gestion de tel ou tel conflit, on le voit par exemple avec la coopération Moscou-Washington dans la logistique de la guerre en Afghanistan. Les tentatives de déstabilisation du régime russe - au travers des « ONG agents de l'étranger » qu'est en train de réprimer Poutine, et de la mobilisation en vue de contester les JO de Sotchi à proximité du Caucase - n'empêchent la coopération « antiterroriste » des deux pays, maintenant que des séparatistes tchétchènes s'attaquent aux deux. Faire exploser la poudrière du Nord-Caucase n'est pas sans dangers pour les artificiers, quels qu'ils soient.

L'Ukraine déchirée entre l'Est russophone et russophile et l'Ouest ukraïnophone et « orangiste » (alliance de nationalistes et de libéraux pro-occidentaux) peut suggérer, elle aussi, un schéma où des « anti-impérialistes » (à l'Est) feraient face à des atlantistes (à l'Ouest). Tels campistes ont donc dit qu'il fallait, contre l'ancien président Viktor Iouchtchenko (Ouest) choisir l'actuel Viktor Ianoukovitch (Est). Or, entre les deux « camps » ukrainiens, il n'y a pas de choix de développement ou de société différents. Il s'agit d'intérêts de fractions de l'oligarchie et de rapports de l'Ukraine avec les puissances extérieures. Les forces « de l'Est » dites « pro-russes » peuvent très bien se trouver en conflit avec Moscou et choisir le rapprochement avec l'Union européenne et l'OTAN. Il en irait de même avec la Biélorussie, en équilibre instable, dont le potentiel est convoité tant par la Pologne et l'Allemagne que par les oligarques russes.

Dans ce contexte d'instabilité, de recomposition de l'ordre (désordre) mondial et de crise générale du système capitaliste, nous allons au devant de situations chaotiques, de conflits et de guerres mal prévisibles. Une ère nouvelle a commencé et nous n'avons pas les clés pour la comprendre. La seule certitude, c'est que les clés du passé ne sont plus adéquates et que leur emploi risque de nous faire ouvrir des placards ou des oubliettes plutôt que des portes de sortie. Dans l'invention sociale aussi, la quête d'alternatives ou, plus précisément, d'issues de secours- en ces temps d'Apocalypse, à la fois « fin d'un monde » et « Révélation » - une exigence s'impose : ramener l'imagination au pouvoir.

Notes

[1] Entendu que l'on pouvait être « révolutionnaire » en théorie et « réformiste » en pratique, les PCI, PCF, PCB etc. incarnaient plutôt un réformisme radical tout en maintenant des objectifs de transformation révolutionnaire de la société.

[2] Il reste des PC « identitaires » influents : Grèce, Portugal, Bohême-Moravie.

[3] v. Geoffrey Geuens « La Finance imaginaire » ed.Aden 2011

[4] Jean Ziegler « Destruction massive. Géopolitique de la faim » Seuil 2011.

[5] Sur le secteur médiatique de cette galaxéie, cf Serge Halimi, « Les nouveaux chiens de garde » Liber-Raisons d'agir 1997

[6] Marcel Liebman, historien belge, fondateur de la revue « Mai », pionnier du dialogue judéo-palestinien.

[7] Cf Georges Corm « Pour une lecture profane des conflits ». La Découverte 2012

[8] JM Chauvier « Comment les nationalistes ukrainiens réécrivent l'histoire », Le Monde diplomatique, août 2007

[9] Christian Baechler, Guerre et exterminations à l'Est. Hitler et la conquête de l'espace vital 1933-1945, Tallandier 2012

[10] Ernst Nolte « Fascisme et totalitarisme », Robert Laffont 2008, pp 989-990

[11] Chaque 14 mars à Riga, défilé pour la Waffen SS Latvia, chaque 28 avril, défilé pour la Waffen SS Galizien (Galitchina) à Lviv, chaque 14 octobre en Ukraine, défilé pour l'armée des insurgés nationalistes ukrainiens (OUN-UPA) responsables, entre autres, du massacre des Polonais de Volhynie en 1943.

[12] Enzo Traverso « L'Histoire comme champ de bataille », ed. La Découverte, 2011

[13] V. Adam Tooze « Le salaire de la destruction. Formation et ruine de l'économie nazie », Les Belles Lettres, 2012 et Jacques R. Pauwels « Big Business avec Hitler », Aden 2013

[14] V. Guido Liguori, « Qui a tué le parti communiste italien ? » ed.Delga, 2011

[15] V. le témoignage : Anatoli Tcherniaiev « Sovmestnyi iskhod. Dnevnik dvukh epokh 1972-1991 gody » Rosspen, Moskva, 2008. (en russe). V. notre article : http://www.mondialisation.ca/le-journal-d-anatoli-tcherniaiev-un-t-moignage-exceptionnel-sur-l-agonie-du-mouvement-communiste-international/27655

[16] Michaël Christofferson « Les Intellectuels contre la gauche », contre-feux Agone 2009

[17] Dissidences non accréditées car non alignées sur le bloc occidental : Roy Medvedev (URSS) Eugène Varga (son testament), Rudolf Bahro (RDA), Marc Rakovski (Hongrie), Alexandre Zinoviev (URSS), les animateurs des conseils de travailleurs en Tchécoslovaquie 1968-69, la masse anonyme des militants du renouveau socialiste engloutis par la contre-révolution des années 1990.

[18] C'est en 1983 que Reagan fonde la National Endowment for Democracy (NED) qui, depuis lors, déverse ses millions de dollars sur tous les continents et au profit des oppositions aux régimes jugés dérangeants pour Washington.

[19] v. JM Chauvier « Les multiples pièces de l'échiquier ukrainien », Le Monde diplomatique janvier 2005

[20] Slavoj Zizek « Plaidoyer en faveur de l'intolérance » Flammarion 2004, réed.2007

[21] « Témoigner. Entre Histoire et Mémoire », revue pluridisciplinaire de la Fondation Auschwitz, n°104, juillet-septembre 2009.

[22] Michaël Mueller, Erich Schmidt-Eeeboom, Histoire des services secrets allemands. Nouveau monde ed. 2009.

[23] Alfred Wahl, La seconde histoire du nazisme dans l'Allemagne fédérale depuis 1945, Armand Colin 2006

[24] Jean Ziegler « La Haine de l'Occident », 2008 (cf le dernier chapître)

[25] Egalement voir l'intéressante réflexion de Slavoj Zizek dans son « Plaidoyer pour l'intolérance » op.cit.

[26] Souvent invoqué, le sectarisme gauchiste du PC allemand dénonçant les « sociaux-fascistes » au même titre que les hitlériens ne doit pas faire oublier que dans les années précédent l' arrivée au pouvoir d'Hitler, des dirigeants sociaux-démocrates ont fait tirer sur des communistes qui se battaient contre les SA nationaux-socialistes.

[27] En rupture avec la stratégie antifasciste décidée en 1935 par le VIIème Congrès de l'IC, ce mot d'ordre « Ni Londres, ni Berlin » découlait du tournant du Pacte germano-soviétique de 1939 et sera abandonné lors de l'invasion hitlérienne du 22 juin 1941. Il a créé un profond embarras au sein des partis communistes. Mais l'idée même de l'équivalence des impérialismes, qui fut celle des internationalistes en 1914, séduisait d'autres courants de gauche qui ne voyaient pas de différence entre Hitler et Churchill (voire Staline le « fasciste rouge »).

[28] Le Parti National Bolchévique ayant été interdit, Limonov et ses militants se sont rassemblés au sein du parti « Autre Russie » arborant le drapeau blanc-noir-jaune de l'ancienne cour impériale, tout en conservant pour les « intimes » la faucille et le marteau dans une esthétique rappelant le drapeau nazi.

[29] BTC : Bakou-Tbilisi-Ceyhan, capitales de l'Azerbaidjan, de la Géorgie et port pétrolier de Turquie. L'oléoduc BTC a été mis en chantier dans les années 1990, sur ordre de l'administration Clinton, les Etats-Unis décrétant le Sud Caucase « zone stratégique » de leurs intérêts, afin d'exporter une partie des pétroles de la Caspienne qui, jusque là, s'écoulaient par les réseaux (ex)soviétiques

Source : La Pensée Libre Mai 2013

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