1946 -2003 57 ANS POUR UNE révolution

( Monique et Roland WEYL)

" Si les Etats Unis font la Guerre en dépit de l'opposition de l'ONU, cela marquera la fin de celle-ci comme il advint de la SDN ". Ce sont les bushistes qui le disent. Alors ne nous y laissons pas prendre.

Depuis des années nous combattons l'idée que le " veto" paralyse l'ONU. Seuls pouvaient le prêtendre ceux qui ne voyaient en elle qu'une autorité mondiale de police, c'est-à-dire de guerre. Nous rappelions 
1) que la philosophie de la Charte est d'abord de "préserver les générations futures du fléau de la guerre ", 
2) qu'en découlent l'affirmation de l'interdiction du recours à la force dans les relations entre les Etats, l'exigence de solution négociée des différends, pour l'ONU elle-même la règle de ne recourir à l'intervention arméee que dans l'extrême hypothèse de l'échec de tous autres efforts et dans les strictes limites du maintien ou du rétablissement de la paix, 
3) que le "principe d'unanimité", dont le "veto" est l'héritier, a été connu comme l'exigence que la nécessité de recourir à la guerre soit assez évidente pour rallier le consensus universel., et que, même s'il a trop souvent fonctionné pour faire obstacle à des mesures qui n'étaient pas nécessairement la guerre, notamment pour la Palestine, il est globalement dans son principe non pas une marque d'impuissance mais d'efficacité de l'ONU.

Cela se sera vérifié dans la présente crise : c'est si les Nations Unies délibéraient dans le sens de la guerre qu'elles trahiraient leur mission et réduiraient à néant leur raison d'être. Par contre, lorsque soit par le recours au veto, soit simplement faute de majorité pour cela,, l'ONU refuse le recours à la guerre, il n'est pas indifférent qu'en faisant la guerre sans la couverture légale des Nations Unies les coupables et leurs complices commettent ainsi le crime d'agression et son cortège de crimes contre l' humanité dont ils seront nécessairement appelés à répondre. Dans un an ou dans vingt ans devant un Tribunal comme celui de Nuremberg pour y connaître le sort d'un Goering et d'un Keitel (avec cette différence qu'en 1940 il 'y avait pas de légalité internationale alors qu'aujourd'hui il y a en a une), et il ne sera pas inutile que la campagne de l'opinion mondiale se poursuive en ces termes : ce n'est pas parce qu'il y a des assassins qui défient les lois que l'on doit décréter la loi en faillite.

Une guerre perpétrée par Bush et ses complices au mépris de la loi internationale ne peut pas gommer celle-ci mais seulement les mettre hors-la-loi. Il est historique que la Communauté Internationale légalement organisée se soit affranchie des diktats de la puissance militaire et économique. Et là est sans doute un tournant dans l'Histoire del' humanité dont ce n'est encore que le début et dont on mesure à peine la portée

Pendant des années aussi, nous avons insisté sur le caractére révolutionnaire du Préambule de la Charte : " Nous Peuples des Nations Unies.. Avons décidé... en conséquence, nos gouvernements... " Ainsi, alors que, pendant des siècles, la loi internationale a été celle du partage par les armes de la puissance sur une Humanité gouvernée, la Charte, dans la foulée du réle des peuples dans la lutte contre le nazisme, proclame, programme l'avénement d'une Société nouvelle, fondée sur le principe d'une Humanité gouvernante, composée de peuples souverains dont les relations soient régies par le bannissement de la force et le respect mutuel.

Certes, ce n'était encore qu'une proclamation, qui indiquait seulement le chemin d'un dur et long combat contre la volonté de perdurance d'un monde de partage de puissance. L'existence des deux blocs a fait que l'Organisation des Nations Unies est marquée par cette logique ancienne, en contradiction avec l'ambition des idéaux proclamés

Et pendant 50 ans l'équilibre des puissances a suspendu l'épreuve entre la logique passée et la logique annoncée. Puis l'effet neutralisant du choc de la monopolarisation a encore retardé le moment de vérité. Aujourd'hui, pour la première fois, nous y sommes. Et quand le mouvement mondial des peuples contre la guerre prend cette dimension, on ne peut pas porter ce qui se passe aux Nations Unies au seul compte des contradictions d'intérêts entre puissances.

Quand Joliot-Curie parlait du "6é Grand", quand ensuite on a parlé du "3é Grand", puis quand on a investi le mouvement de l'opinion pacifique mondiale de la mission d'opposition à la domination monopolaire, on pouvait crier à l'utopie ou à la langue de bois. Mais aujourd'hui, quand il est indéniable que des gouvernements ont évolué à mesure du développement de l'action populaire, quand d'autres en ont béni le soutien, alors on peut dire que pour la première fois dans l'Histoire del' humanité commence à prendre corps et crédibilité l'évangile de la Charte " Nous Peuples des Nations Unies... par nos gouvernements. ". Il serait erroné de baisser les bras ou de pleurer défaite., ou de laisser fleurir l'idée que les Nations Unies sortiraient de cette épreuve affaiblies car l'affaire de l'Irak n'en est que le premier combat, et l'investissement est énorme, à la condition de comprendre le rôle des Nations Unies tel que la Charte leur en donnent la fonction..

15-03-03

Sommaire