PRAGUE 68 : un faux « printemps du socialisme » peut préparer un long hiver contre-révolutionnaire…

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initiative communiste Nous reprenons une publication d'initiative communiste.fr a propos de l’analyse de W. GOMULKA, alors secrétaire général du Parti ouvrier unifié polonais (PZPR) a propos de ce qui se passait en Tchécoslovaquie sous l'appellation "Printemps de Prague".
publié le 25 août 2018

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Le moins que l’on puisse dire, quand on a vu la contre-« révolution de velours » pragoise de 1989, applaudie par Dubcek (qui fut brièvement secrétaire du PCT en 1968) et précédée par la vague thermidorienne et contre-révolutionnaire qui balayait l’URSS gorbatchévienne, c’est que les dirigeants communistes français qui niaient l’orientation anticommuniste des dirigeants du « Printemps » de Prague se sont lourdement trompés. Il n’est que de voir comment tous les dirigeants du « printemps » pragois ont rallié avec enthousiasme la contre-révolution bourgeoise en 89. Dire cela ne signifie évidemment pas que les orientations dogmatiques qui étaient celles d’Antonin Novotny avant 68 étaient justes : l’opportunisme prend toujours appui sur les déviations bien réelles du communisme, non pour les corriger mais pour les aggraver et en ajouter d’autres…

Comme on sait, le PCF d’alors s’est divisé sur la question de l’intervention du Pacte de Varsovie. Certains éléments droitiers, qui suivirent successivement Garaudy, Fiszbin, Juquin, Fiterman, Martelli ou R. Hue, ont porté aux nues le « socialisme démocratique » pragois, puis l’eurocommunisme (de plus en plus d’UE, de moins en moins de communisme…) et enfin, la « catastroïka » gorbatchévienne. D’autres, comme la majorité du bureau politique du PCF d’alors (notamment les camarades Waldeck Rochet, Jacques Duclos, Benoît Frachon, Etienne Fajon, Georges Marchais, Georges Séguy, Henri Krazucki, etc.) ont estimé qu’il y avait bien danger contre-révolutionnaire à Prague mais que l’intervention militaire du Pacte de Varsovie ne pouvait qu’aggraver la situation. Enfin, Jeannette Thorez-Vermeersch, qui était alors membre du Bureau politique, a approuvé l’intervention du Pacte de Varsovie. Elle estimait que, certes, cette intervention était un pis-aller témoignant d’une dégradation du socialisme existant, mais qu’elle était néanmoins inévitable en l’absence d’une perspective interne de redressement prolétarien du PCT. Sans cette intervention qui a mis un coup d’arrêt provisoire aux menées contre-révolutionnaires, une implosion du camp socialiste aurait pu survenir dès les années 70 du fait du très probable ralliement de la Tchécoslovaquie de Cernik et d’Ota Sik à l’Europe atlantique.

Alors que déferle un énième battage antisoviétique à l’occasion du 50ème anniversaire de l’intervention du Pacte de Varsovie, alors que les mêmes forces de droite, social-démocrates ET eurocommunistes qui dénigrent le « totalitarisme soviétique » (sic), tolèrent aujourd’hui que l’UE interdise la grève en Grèce, qu’elle laisse les fascistes de Varsovie délégaliser le PC polonais ou qu’elle s’allie aux gouvernements pronazis de Kiev et des pays baltes, les communistes, les progressistes et les patriotes républicains – qui constatent chaque jour combien l’implosion contre-révolutionnaire du camp socialiste et l’émergence concomitante de l’UE-OTAN a nui au camp mondial du travail et à l’indépendance de notre pays – se souviendront du mot de Georges Politzer, le philosophe communiste assassiné par les nazis : « l’esprit critique, l’indépendance intellectuelle, ne consistent pas à céder à la réaction mais à ne pas lui céder ». Dans cet esprit, nous appelons les visiteurs du site d’I.C. à méditer les propos de Wladyslaw Gomulka que nous reproduisons ci-dessous.

(Ce texte a été établi à partir de traductions de l’archive polonaise «Protokol ze spotkania przywodcow partii i rzadow krajow socjalistycznych: Bulgarii, NRD, Polski, Wegier, i ZSRR», Archiwum Akt Nowych, Arch. КС PZPR, P. 193, T 24, Dok. 4 et de l’archive soviétique РОССИЙСКИЙ ГОСУДАРСТВЕННЫЙ АРХИВ НОВЕЙШЕЙ ИСТОРИИ (РГАНИ) – ФОНД 10 – ОПИСЬ 1 – ДЕЛО 235 – ЛИСТ 1-72. ПОДЛИННИК. Les Editions Delga ont en vue de publier ces prochains mois un ouvrage sur cette question, qui inclura en annexe de plus amples passages de cette rencontre des dirigeants des partis des pays du Pacte de Varsovie à Varsovie le 14 juillet 1968 ainsi que des passages de trois autres conférences de ces mêmes partis frères tenues plus tôt dans l’année 1968 à propos de la crise tchécoslovaque).

Une ANALYSE du SECRéTAIRE GéNéRAL du PARTI DES COMMUNISTES POLONAIS au sujet des événements tchécoslovaques de l’été 68

« Quelle est la situation actuelle en Tchécoslovaquie? Quelle est la nature des événements là-bas? Nous croyons que le pays est en cours de transformation pacifiquement d’un état socialiste en une république bourgeoise. Au stade actuel, le processus est encore dans sa phase initiale. Notre deuxième point fondamental pourrait être le suivant : en Tchécoslovaquie, un processus est en cours, par lequel le Parti communiste tchécoslovaque abandonne les préceptes du marxisme-léninisme et se transforme en parti social-démocrate. Ce processus est déjà bien avancé et sa phase principale se déroulera avec le Congrès Extraordinaire du Parti communiste tchécoslovaque prévu en septembre. Les changements fondamentaux dans la nature et la complexion du parti seront un prérequis pour la transformation du pays en une république bourgeoise. Sans de tels changements, la transformation du pays serait impossible.

Notre conclusion est que des événements nouveaux sont en cours, sans aucun parallèle dans toute l’histoire des pays socialistes. Aucun parallèle en tout cas en termes d’échelle. Un nouveau processus a commencé, un processus de transition pacifique du socialisme au néocapitalisme. Jusqu’à récemment, ce problème n’avait même pas été envisagé. En conséquence, il y avait eu à plusieurs reprises des approches superficielles du concept même du processus de contre-révolution. L’essence même de notre compréhension du danger de la contre-révolution était inappropriée. Aujourd’hui, nous ne parlons pas d’un retour au capitalisme au sens classique, c’est-à-dire de la façon dont nous l’avons compris pendant l’entre-deux-guerres. Regarder le problème de cette façon seulement nous conduirait dans la mauvaise direction….

… Il serait difficile de soutenir qu’en Tchécoslovaquie aujourd’hui, les mêmes méthodes que celles utilisées en Hongrie en 1956 pouvaient être utilisées. Les événements hongrois de l’automne 1956 étaient de la contre-révolution classique, contre-révolutionnaire de type armé. Quand on parle du processus de contre-révolution, beaucoup de gens agissent sur la base d’anciennes hypothèses; ils pensent que le processus se développera de la même manière que par le passé. Ceux qui s’appuient encore sur ces vieilles hypothèses ne comprendront pas que, aujourd’hui, le processus est différent. Les moyens utilisés maintenant sont différents, tout comme les méthodes d’utilisation. Les méthodes visent des buts à plus long terme. Le genre de contre-révolutions que nous avons eu dans le passé ne se produira pas aujourd’hui; ils vont opérer différemment. C’est un processus qui pourrait durer de nombreuses années.

Si nous parlons de ce problème, alors dans le mouvement communiste et dans nos pays, il y a beaucoup de choses qui ne sont pas suffisamment éclairées. Par exemple, en Tchécoslovaquie, les dirigeants tchécoslovaques font très souvent appel à une telle thèse selon laquelle il n’existe pas de classes sociales antagonistes et, par conséquent, aucune force interne ne pourrait menacer le socialisme. Et encore une fois, au même niveau superficiel, ils disent qu’il ne semble pas y avoir de classes antagonistes, mais les forces contre-révolutionnaires y sont, et la base de la contre-révolution existe. Cette base est tout l’héritage du passé, tous les vestiges d’un esprit du peuple, toutes les survivances de la psyché capitaliste. Et il y a encore des restes de classes possédantes. Il y a une église et d’autres formes d’idéologie. Et surtout, il y a le monde extérieur, il y a un système capitaliste qui agit quotidiennement et qui fait de la propagande quotidienne, qui façonne l’esprit humain, etc. et ainsi de suite. Sur cette base, naissent des forces antisocialistes, des forces contre-révolutionnaires, mais des forces qui ne sont pas sous le slogan du renversement du socialisme, mais sous le slogan de l’amélioration du socialisme, sous le slogan de la construction du soi-disant socialisme démocratique. Et de tels slogans sont proclamés par les dirigeants du Parti communiste tchécoslovaque, à savoir la construction du socialisme démocratique.

…Nous sommes des états socialistes, avec un système socialiste. Le socialisme dans nos états est un très jeune socialisme. La plupart des années de socialisme sont en Union soviétique. Ce socialisme a 50 ans et, dans ces 50 ans, il faut compter plusieurs années de guerre civile, plusieurs années de la seconde guerre mondiale, des guerres avec les fascistes. Si nous calculons toutes ces années, le travail créatif normal en URSS n’a duré que 40 ans. Il s’agit donc d’une structure exceptionnellement jeune, qui cherche et fait son chemin. Et dans les autres pays, le socialisme est encore plus jeune : 20 ans, 24 ans. Avec tout cela, nous savons quelles difficultés nous avons rencontrées, quelles difficultés doivent être rencontrées dans l’économie, etc. Ainsi, dans cette situation, une grande influence, une forte influence est exercée par le capitalisme hautement développé sur nos peuples, sur notre classe ouvrière. Cet impact est fourni par les médias, il est très fort. »

Source :initiative-communiste.fr

 

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