Le congrès du PRC, en Italie
Interview de Claudio Bellotti réalisé par La
Riposte
La Riposte : Quels
furent les principaux clivages politiques, lors du congrès du PRC ?
Claudio Bellotti :
Les divergences qui ont donné naissance aux différents textes
du congrès remontent, pour partie, au congrès de 2005. A l’époque,
par exemple, Falce Martello critiquait déjà la ligne suivie par
le parti depuis des années. De fait, nous sommes le seul courant qui,
en 2005, s’est clairement opposé à la participation du PRC
au gouvernement Prodi – du moins le seul courant qui est resté
dans le parti, depuis. En même temps, l’ancienne majorité
du parti a explosé, à la veille du congrès, donnant lieu
à plusieurs plate-formes, dont les deux principales étaient celle
de Ferrero – désormais secrétaire général
– et celle de Bertinotti.
Au congrès, l’un des principaux sujets de discussion portait sur
l’avenir du parti : faut-il le maintenir et le renforcer, ou faut-il au
contraire le dissoudre dans une nouvelle formation de gauche sans identité
marxiste, communiste ou révolutionnaire ? Bertinotti et Vendola proposaient
de poursuivre le projet d’un nouveau parti de gauche, dans lequel le PRC
devait se dissoudre et former, tout au plus, une « référence
culturelle ». A l’inverse, tous les opposants à la ligne
de Bertinotti – y compris Falce Martello – ont d’une façon
ou d’une autre affirmé la nécessité de maintenir
et reconstruire le parti. C’est cette dernière option qui l’a
emporté. L’un des principaux accomplissements de ce congrès,
c’est d’avoir établi, dans la résolution finale, que
toute forme de dissolution du PRC devait être exclue. La position de Ferrero
était un peu ambiguë, au début du congrès. Il parlait
de constituer une « fédération » avec d’autres
forces de gauche. Mais il a dû abandonner cette idée, au fil du
congrès. Là aussi, c’est une victoire.
Il y avait une deuxième ligne de clivage importante : celle concernant
la caractérisation du Parti Démocratique (PD) et la position que
le PRC doit adopter vis-à-vis de ce parti. Falce Martello a clairement
expliqué, dès le début, que le PRC devait rejeter toute
forme de collaboration ou de coalition de classe, dont on a vu les résultats
ces dernières années : c’est une cause majeure de la déroute
électorale du PRC et de la crise du parti. Le PD, principale force du
prétendu « centre gauche », est désormais une expression
directe de la classe dirigeante. Il bénéficie du soutien de larges
sections du grand patronat. En aucun cas le PRC ne doit considérer le
PD comme une force avec laquelle il est possible de gouverner.
La question se pose notamment dans le domaine des gouvernements régionaux,
municipaux, etc., qui, du fait de la « décentralisation »,
ont mis en œuvre une part toujours plus large de la politique de contre-réformes
et de privatisations. Sur cette question, il y a des différences au sein
la nouvelle majorité. C’est pourquoi Falce Martello propose d’ouvrir
une discussion sur ce thème, au sein du parti, pour faire le bilan de
l’expérience passée. Or, à notre avis, le bilan est
clair : nous avons beaucoup cédé à nos soi-disant alliés
de « centre gauche » – et obtenu beaucoup moins.
Ceci étant dit, la résolution finale du congrès rejette
toute « coopération organique avec le PD », qu' elle
qualifie de « désastreuse ». C’est en soi une victoire
importante.
LR : Quel sera l’impact
de ce congrès sur les militants et sympathisants du PRC ?
CB : La base du parti
était sérieusement désorientée et frustrée
par l’expérience du gouvernement Prodi. Par ailleurs, la majorité
des militants vivait très mal le fait que la direction du parti ait pris
toutes sortes de décisions importantes sans jamais consulter la base,
en particulier ces derniers mois.
La défaite de l’ancienne direction – même d’une
courte tête – sera accueillie par beaucoup de militants non seulement
comme un soulagement, mais aussi avec enthousiasme, notamment parmi ceux qui
commençaient à se détacher du parti, qui ne voyaient plus
l’intérêt d’y rester. Bien sûr, il serait erroné
de prétendre que ce virage à gauche du parti est ferme et définitif.
Mais les vagues de ce congrès atteindront de larges couches de la base
et de la périphérie du parti. Cela ouvre la possibilité
d’un regain de l’activité militante, au sein du parti.
LR : Quelle est
l’attitude de Bertinotti et de ses partisans ?
CB : Pendant et après
le congrès, les dirigeants de la plate-forme de Bertinotti ont été
extrêmement hostiles à l’égard de la nouvelle majorité
et des positions adoptées par le congrès. Ils dénoncent
une grave régression du PRC – un point de vue qu' ils partagent
avec la presse bourgeoise. Ils parlent de rester en dehors du Secrétariat
du parti (pour ne pas se « compromettre ») et de construire leur
propre fraction – ce qui est parfaitement leur droit, mais ne manque pas
de sel, lorsqu' on sait qu' ils proposaient de dissoudre toutes les
tendances, avant leur défaite !
Une section des dirigeants proches de Bertinotti parle de construire une sorte
d’agrégation de gauche modérée – avec une partie
des Verts, une partie du tout petit Parti Socialiste, etc. – qui serait
tournée vers des accords électoraux avec le Parti Démocrate.
Cependant, je ne suis pas du tout sûr que cela puisse aller bien loin.
Il est clair que parmi les 20 000 camarades qui ont voté pour le texte
de Bertinotti, beaucoup ne sont pas favorables à une telle démarche.
La nouvelle majorité ne repose que sur 52% des suffrages militants. Il
faut en tenir compte. Le débat doit se poursuivre, et nous pouvons convaincre
bien des camarades qui, pour différentes raisons, ont appuyé le
texte de Bertinotti. La plupart d’entre eux ne veulent pas d’une
lutte fractionnelle acharnée contre la nouvelle majorité. Ils
veulent lutter contre la droite, contre Berlusconi et contre le système
capitaliste.
LR : Face à
la crise économique, que doit faire le PRC ?
CB : Le capitalisme
italien est faible. Il traîne la dette publique la plus importante d’Europe,
et l’une des plus importantes au monde. Sa base industrielle et sa productivité
ont sérieusement reculé. Pendant les dernières années
de croissance, l’économie italienne s’est développée
deux fois moins vite que la moyenne européenne (elle-même faible).
Ces quelques éléments suffisent à souligner que lorsque
la crise économique frappera – et elle commence à frapper
–, la classe dirigeante italienne exigera des mesures draconiennes contre
le niveau de vie et les conditions de travail des salariés.
Dans ce contexte, le PRC doit jeter toutes ses forces dans la lutte des classes
et défendre la seule perspective viable, que personne d’autre ne
proposera : celle d’une rupture révolutionnaire avec le système
capitaliste.
après être allés de reculs en reculs, les dirigeants syndicaux
vacillent. On ne sait pas si, au final, ils accepteront le prétendu «
partenariat social » concocté par la classe dirigeante, et qui
n’a évidemment rien d’un « partenariat ». Dans
ce contexte, il faut redécouvrir les meilleures traditions de la classe
ouvrière italienne : l’initiative, la démocratie ouvrière
– si nécessaire contre la volonté des directions syndicales,
comme c’est arrivé à de nombreuses reprises dans l’histoire
du mouvement ouvrier italien.
Le PRC a besoin d’un programme offensif contre le capitalisme. Il doit
orienter toute l’énergie du parti vers les entreprises et les syndicats,
de façon à reconstruire les liens entre le parti et la classe
ouvrière, lesquels se sont gravement distendus, ces dernières
années. Nous devons renouer avec les meilleurs militants engagés
dans la lutte contre le gouvernement de droite. Telle est notre perspective
pour une renaissance du PRC.
LR : Le PCF tiendra
son prochain congrès en décembre. qu' as-tu à dire
aux communistes français ?
CB : Il y a de très
grandes similitudes entre le PCF et le PRC. Tous deux ont connu une longue crise
politique, organisationnelle et électorale. Comme en Italie, le PCF a
payé au prix fort les contre-réformes et les privatisations des
gouvernements de gauche, ces 30 dernières années. C’est
quasiment une loi générale : les partis les plus à gauche,
sur lesquels la couche la plus consciente de la classe ouvrière place
ses espoirs, sont toujours les plus durement sanctionnés lorsque ces
espoirs sont déçus.
Il y a également une crise idéologique des partis communistes,
dans le monde entier. Il faut mener une lutte implacable contre l’idée
d’abandonner le communisme et de liquider les partis communistes. Il ne
s’agit pas de simplement sauvegarder les partis communistes sur le plan
organisationnel. Il faut aussi renouer avec les meilleures traditions du marxisme
et de la lutte des classes, qui ont été enterrées pendant
de nombreuses années.
après la longue dérive droitière du PCF et du PRC, le congrès
du PRC doit montrer aux camarades français qu' il peut y avoir aussi
des virages à gauche. Or, de tels virages sont un facteur important pour
un virage à gauche dans la société et la classe ouvrière
elles-mêmes. La jeunesse et les travailleurs cherchent désespérément
un point de référence et un outil fiable pour défendre
leurs conditions de vie et construire une alternative au système capitaliste.
En France comme en Italie, les partis communistes peuvent et doivent jouer ce
rôle !
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