"Pour comprendre l'Amérique latine d'aujourd'hui,
il faut saisir la Révolution cubaine"
Ignacio Ramonet
Radio Habana Cuba (RHC) :
Fidel Castro a fait l'éloge de votre ouvrage, vous n'avez pas peur des
résultats ?
Ignacio Ramonet : Dans le contexte qui est le mien, celui de
l'Europe, je considère qu'il y a une véritable censure sur les
propos de Fidel Castro et qu'il est une des personnalités qui a le moins
souvent la possibilité de s'exprimer dans les médias européens.
C'est un livre dont l'objectif est de retracer tout un itinéraire et
de répondre à la question qui est Fidel Castro, c'est la question
qui est en dessous.
Dans la présentation de l'édition cubaine du livre, Fidel Castro
lui-même a dit que je défends des positions qui ne sont pas celles
de la Révolution cubaine, il a averti les lecteurs cubains, ils vont
se trouver face à une conversation qui n'est pas une conversation de
complaisance. Il y a cette dimension dans ce livre, un certain nombre de questions
critiques sont présentes.
RHC : Pourquoi insistez-vous
tant sur le fait que les jeunes lisent le livre ?
Ignacio Ramonet : Je suis très lié au mouvement
d'altermondialisation, je fais partie de ceux qui ont essayé de lancer
le Forum Social Mondial, je fais partie de l'idée initiale d'ATTAC, tout
ce mouvement qui est très ouvert dans la critique contre la globalisation
est, en même temps, très critique contre Cuba sur le principe parce
qu'il y a une pression médiatique très forte. Le réflexe
immédiat de beaucoup de jeunes qui sont proches de ce qui se passe en
Amérique latine, du mouvement social brésilien, de la révolution
bolivarienne au Venezuela, des indigénistes en Bolivie. Quand on parle
de Cuba, ce n'est pas la même chose, c'est tout de suite une dictature,
la répression, ce sont les images qui sont véhiculées.
Il me semblait qu'il y avait là une injustice à l'égard
de Cuba.
D'ailleurs, il y a une certaine contradiction à admirer la révolution
bolivarienne et à ne pas voir que, pour Chavez, Fidel Castro est une
référence permanente; pour Evo Morales, c'est la même chose,
même pour Lula qui n'a jamais pris de distances officielles à l'égard
de Cuba, au contraire qui s'y est référé.
Donc mon intention était de traverser ce que j'appelle la muraille de
la haine. Il est possible qu'il y ait des critiques à faire à
Cuba, mais ces critiques aussi systématiques aussi négatives m'ont
toujours paru excessives, en tout cas, non rationnelles ou irrationnelles.
Je crois que c'est important pour que des nouvelles générations
transmettent le relais, pour qu'elles puissent réfléchir sur cet
itinéraire, qu'elles aient la connaissance rafraîchie avec le regard
d'aujourd'hui sur la Révolution cubaine. On ne peut pas comprendre ce
qui se passe en ce moment en Amérique latine, alors que pour la première
fois dans l'histoire des deux siècles de l'Amérique latine, il
y a eu le mouvement social, la montée de la gauche, le mouvement critique
qu'il y a en ce moment. C'est inédit, on ne peut pas le comprendre si
on ne fait pas la connexion avec ce qu'est la Révolution cubaine, ce
qu'a représenté la Révolution, le désir de libération
de Cuba.
RHC : L'effet qu'a
fait le livre ici vous confirme-t-il ce que vous dîtes dans l'introduction
sur l' après Fidel et sur l'appui dont jouit la Révolution cubaine
?
Ignacio Ramonet : Ce que je trouve, c'est que cela me paraît
courageux que le livre circule tel qu'il est. Certains pouvaient imaginer qu'à
Cuba, pour un public interne, il ne fallait pas les aborder. Cela prouve que
c'est différent.
Fidel Castro. Biographie à deux voix par Ignacio Ramonet(*)
chez Fayard/Galilée, 750 pages, 28 chapitres , février 2007
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