La corruption de la Justice internationale
Ed Herman
L'excellent dernier ouvrage de John Laughland, “Travesty
: The Trial of Slobodan Milosevic and the Corruption of International Justice”,
est la quatrième étude critique réellement pertinente concernant
les guerres des Balkans et ce qui s'y rapporte, dont je produise une critique
dans Z Magazine.
Les trois précédentes étaient : Fools’ Crusade [Croisade
d'Abrutis], de Diana Johnstone, paru en 2002 ; How America Gets Away With Murder
[Comment l'Amérique Criminelle parvient à s'en tirer] de Michael
Mandel (2004), et Media Cleansing: Dirty Reporting [Asceptisation des Médias
: Reportage Sale], de Peter Brock (2005). Il n'est pas moins intéressant
qu'inquiétant qu'aucun des principaux journaux ou magazines U.S. et notamment
aucun journal de gauche ou libéral [au sens anglo-saxéon du terme], (y
compris The Nation, In These Times, The Progressive ou Mother Jones), n'ait
publié de critique d'un seul de ces trois ouvrages, à l'exception
de Z Magazine (ainsi que Swans et Monthly Review, qui publia plus tard une seconde
version, plus complète, de la critique de l'ouvrage de Johnstone). Cela
montre clairement combien la version officielle de l'histoire récente
est fermement ancrée et défendue, au sujet des Balkans. Selon
cette version, bien qu'intervenus trop tard et à contrecœur, Clinton,
Blair et l'OTAN ont mené une guerre juste, pour arrêter le nettoyage
ethnique et le génocide entrepris par les Serbes sous la férule
de Milosevic, le monstre ayant finalement été traîné
devant un tribunal légitime pour y répondre de ses crimes, dans
l'intérêt de la justice.
Cette version officielle fut promptement institutionnalisée,
grâce à une intense campagne de propagande, orchestrée par
les gouvernements croate et musulman-bosniaque (assistés d'entreprises
américaines de relations publiques), par les USA et divers pays membres
de l'OTAN [ndt : au premier rang desquels la France et l'Angleterre], par le
Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie (le TPIY), créé
par l'OTAN – et pour l'OTAN – et par les médias occidentaux,
lesquels ne tardèrent pas à se poser en co-belligérants
dans le conflit. Ce collectif informel focalisa toute l'attention de l'opinion
sur de nombreux récits et images de victimes (prises exclusivement du
même côté) et faisant totalement abstraction du contexte
réel. Au sujet de cette kyrielle de témoins victimes, Laughland
note que “les plaintes sont enregistrées littéralement sans
aucune référence au fait que les exactions dont il est question
ont été commises au cours d'une bataille : On a fréquemment
la sensation surréaliste d'entendre lire la description d'un homme qui
en frappe un autre à moitié assommé, où l'on négligerait
de préciser qu'il s'agit de violences infligées au cours d'un
combat de boxe”. Mais un tel cortège de témoins, dont la
défense eut aisément pu produire l'équivalent, pour peu
qu'on lui en ait donné l'occasion – Milosevic présenta d'ailleurs
vers le début de son procès, une vidéo de plusieurs heures
montrant des victimes serbes sauvagement maltraitées – demeure
particulièrement efficace pour diaboliser un sujet, et permettait en
l'occurrence de produire massivement un public pleinement convaincu et prêt
à tenir toute velléité de défense pour une “apologie
de Milosevic”.
Cette unanimité forgée de toute pièce
se trouva renforcée par un véritable lobby d'institutions et de
zélateurs, prêts à bondir sur tout déviant émettant
la moindre réserve sur la nouvelle orthodoxie, comme sur ceux des médias
qui, à de rares exceptions toléraient que la “vérité”
puisse être mise en cause. Le refus de produire une critique sur ces ouvrages
dissidents ou de considérer les questions qu'ils soulèvent atteste
aussi de la profonde lâcheté des médias et de l'obscurantisme
qu'ils s'imposent, en particulier les médias de gauche, pour lesquels
il reste hors de question de remettre en cause une version officielle fausse
de A à Z, comme en attestent sans la moindre équivoque les ouvrages
précédemment cités, et comme Travesty vient le mettre une
fois de plus en évidence.
Si Laughland y concentre son analyse sur “La Corruption
de la Justice Internationale”, telle qu'elle apparaît dans l'arrestation
et le procès de Milosevic, il en vient pour ce faire à couvrir
la plupart des aspects les plus indispensables à une véritable
mise en lumière des guerres des Balkans permettant d'évaluer le
rôle réel des différents protagonistes de ces conflits.
Les mensonges institutionnalisés y sont balayés les uns après
les autres. Concernant la “justice internationale” Laughland souligne
le fait que le TPYI est un tribunal politique, dont les objectifs politiques
sans équivoques vont à l'encontre des principes mêmes de
l'état de droit.
Ce tribunal politique fut principalement organisé par
les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, pays qui agressent en toute impunité
qui bon leur semble, et qui s'efforcent du même coup de produire une fiction
susceptible de légitimer et couvrir juridiquement et moralement leurs
agressions. Dans cette optique, le TPYI a littéralement inversé
les principes du tribunal de Nuremberg. Le tribunal de Nurembreg condamna jadis
les responsables nazis pour avoir planifié et perpétré
le “crime international suprême” d'agression. Le TPYI pour
sa part ne mentionne même pas la notion de “crimes contre la paix”
(bien qu'avec une kafkaïenne hypocrisie il prétende avoir précisément
pour vocation de défendre la paix). Ainsi Laughland note-t-il que, “au
lieu d'appliquer le droit international existant, le TPIY en prend ouvertement
le contre-pied”. Les puissances dominantes entendant désormais
pouvoir intervenir librement n'importe où , les nouveaux principes en
vigueur sont littéralement un retour à ceux des nazis, balayant
toute idée de frontières nationales. Pour Laughland, “le
devoir de non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats,
réaffirmé au nombre des Principes de Nuremberg dans la Charte
des Nations Unies, s'efforce d'institutionnaliser une théorie antifasciste
des relations internationales. Or c'est précisément cette théorie
que les alliés foulaient aux pieds en attaquant la Yougoslavie en 1999”.
C'est aussi à cette théorie antifasciste que le TPYI et les défenseurs
de l'interventionnisme humanitaire ont définitivement tourné le
dos, ouvrant la porte à un impérialisme toujours plus agressif.
Le TPIY ne fut fondé ni par application d'un décret
ni par la signature d'un accord international (contrairement à la Cour
Internationale de Justice), mais par simple décision d'une poignée
de gouvernements qui dominent le Conseil de Sécurité [ndt : notamment
trois membres permanents disposant d'un droit de veto sur toute décision
du conseil ou projet de résolution] et qui, comme le montre Laughland,
se plaçaient en l'occurrence au-dessus des prérogatives de ce
Conseil (ce point se trouve aussi clairement mis en évidence dans un
ouvrage remarquable mais politiquement incorrect et dédaigné de
fait : Global Justice or Global Revenge? [Springer-Verlag Wien, 2003], de Hans
Kochler). Le TPIY a aussi ouvertement affiché avoir pour objectif de
permettre de poursuivre en justice un seul des belligérants d'un conflit,
présumé coupable d'office avant tout procès. Les objectifs
politiques étaient, soit disant, de ramener la paix en punissant les
coupables, de façon à dissuader la récidive, mais aussi
pour venir en aide aux victimes par ce que Laughland appelle “la vertu
thérapeutique de l'obtention de condamnations”. Mais comment se
montrer vraiment dissuasif tant que l'acquittement reste possible ? Laughland
observe qu'en l'occurrence, “l'accent très lourdement mis sur les
droits de la victime implique que 'rendre justice' équivaut à
rendre un verdict de culpabilité. Cela revient en fait dangereusement
à justifier la vengeance, ce que les défenseurs du droit pénal
entendent précisément écarter”. “Dans le même
temps, l'idée que de tels procès puissent avoir une fonction politique
didactique renvoie aux 'procès d'agitation' qui aux premiers temps de
la Russie soviétique visaient l'édification du prolétariat”.
Laughland montre qu'en fait, à de nombreux niveaux,
le TPIY fonctionne hors de toute légalité. Sa création
ne relève d'aucune décision légale et l'on ne peut faire
appel de ses décisions auprès d'aucune juridiction supérieure
chargée de les contrôler. Les juges, généralement
sans expérience et sélectionnés par des instances politiques,
jugent par eux-mêmes. Laughland montre notamment que ces juges n'ont eu
de cesse de modifier d'eux-mêmes les procédures sans qu'aucun de
ces changements ait jamais été soumis à l'aval d'une autorité
supérieure. Ces règles ont été foncièrement
rendues flexibles pour produire des résultats précis – les
juges arguant fièrement que le TPIY “ne tient aucun compte des
formalités légales” et n'a nul besoin “de s'empêtrer
dans des procédures restrictives émanant de l'ancien système
de délibération par jury”. Les changements de procédures
ont d'ailleurs systématiquement diminué les droits de la défense,
pourtant dès le départ substantiellement réduits –
Laughland cite notamment un avocat américain qui collabora à la
rédaction des règles du TPIY en matière de dépositions
[ou de preuves à charge], lequel reconnaît qu'elles visaient clairement
“à réduire la possibilité de rejeter une accusation
par faute de preuve”.
Pour Laughland, le TPIY est une “instance accusatoire”
[ndt : “prosecutorial organization” : une organisation dont la seule
fonction est de faire condamner un présumé coupable ou un bouc
émissaire. Littéralement “une machine à condamner”]
dont “toute la philosophie et la structure reposent sur l'accusation”.
C'est la raison pour laquelle ses juges ont accepté une à une
toute une série de procédures qui portaient gravement atteinte
aux droits de la défense, restreignant d'autant la perspective d'un procès
équitable – notamment en acceptant les preuves par oui-dire, les
témoins secrets [anonymes] ou les comparutions à huis clos (au
procès Milosevic, 40 % des dépositions relevaient de ces deux
dernières catégories). Selon les règles du TPIY, on peut
même faire appel d'un acquittement pour qu'un accusé soit rejugé
– “en d'autres termes, le TPIY peut faire incarcérer quelqu' un
qu'il vient juste d'innocenter”.
L'éclairage dévastateur que Laughland porte sur
le procès de Milosevic et sa condamnation est une étude détaillée
des notions d'abus de pouvoir, d'incompétence, fraude, faux et usage
de faux dans un procès spectacle intenté à des fins politiques.
La première inculpation, lancée au beau milieu des campagnes de
bombardements de l'OTAN, le 27 mai 1999, fut le fruit d'une étroite collaboration
entre le TPIY et les responsables U.S. et britanniques. Son objectif politique
immédiat était parfaitement clair : éliminer toute possibilité
d'un règlement négocié du conflit et détourner l'attention
des bombardements d'infrastructures civiles par l'OTAN (crime de guerre au regard
du droit international et circonstance aggravante au “crime international
suprême” [l'agression militaire d'un pays souverain], tous deux
commis précisément sous l'égide de cette institution supposée
incarner le droit et défendre la paix !). L'enlèvement de Milosevic
et son transfert à La Haye, qui suivirent cette condamnation, violaient
ouvertement le droit yougoslave et les arrêts de ses tribunaux. L'attitude
et les dispositions du TPIY et de l'OTAN à l'égard de l'état
de droit étaient de fait absolument sans équivoque.
Au départ, l'inculpation de Milosevic portait sur sa
responsabilité dans des allégations de crimes de guerre commis
au Kosovo. Mais Laughland souligne qu'aucune preuve ne venait étayer
les véhémentes accusations de massacres et de génocide
commis dans cette province. Les bombardements de l'OTAN ne semblaient pas en
outre y avoir fait moins de victimes civiles que l'armée yougoslave.
Limiter l'inculpation de Milosevic au seul Kosovo devenait alors d'autant plus
problématique qu'il était difficile de justifier qu'il doive être
poursuivi pour les crimes qui y avaient été commis, mais non les
responsables de l'OTAN, ce que même l'avocat général du
TPIY ne manqua pas de reconnaître. De sorte que deux ans après
la première inculpation, mais après l'enlèvement de Milosevic
et son transfert à La Haye, les chefs d'inculpation furent étendus
aux crimes commis en Bosnie et en Croatie. C'était d'autant plus bancal
que lorsqu'en 1995 Mladic et Karadzic avaient été inculpés
pour les crimes commis en Bosnie, Milosevic avait été exempté
de charge. Autre problème, les Serbes de Bosnie et de Croatie n'étaient
plus sous l'autorité de la Serbie ou de Milosevic après la déclaration
d'indépendance de la Bosnie et de la Croatie. Milosevic, qui s'efforçait
de leur intimer de respecter les différents plans de paix de 1992-1995,
leur était même constamment confronté (ce point est très
largement documenté dans Balkan Odyssey, de Sir David Owen, autre ouvrage
d'importance, mais qui eut d'autant moins de succès que ses démonstrations
n'abondaient pas vraiment dans le sens de la ligne officielle).
Ainsi, le procès était-il supposé venir
confirmer l'accusation de “génocide” en faisant, après
coup, de Milosevic le cerveau d'une “entreprise criminelle collective”
visant à éliminer Croates et Musulmans à l'intérieur
d'une “Grande Serbie”. Il fallait donc commencer par recueillir
des preuves attestant de l'existence d'une telle “entreprise criminelle
collective” et d'un projet de “Grande Serbie” en Bosnie et
en Croatie, puis établir le lien avec Milosevic. Décréter
premièrement la culpabilité puis rechercher les preuves était
véritablement la règle de ce procès politique. Le procès
était lancé alors qu'on en était encore qu'à rechercher
des preuves. La plupart des dépositions n'étaient qu'une montagne
d'allégations de témoignages directs concernant des allégations
de crimes, dont une majorité n'était en fait de preuves constituées
que de oui dires, et dont littéralement aucun ne permettait d'établir
le moindre lien avec la supposée responsabilité de Milosevic en
matière de prise de décision, contrairement à ce qui pouvait
aisément être établi à l'encontre d'Izetbegovic,
de Tujman ou de Bill Clinton. Laughland démontre d'une manière
parfaitement convaincante que la durée interminable du procès
n'est en aucun cas imputable à l'attitude de Milosevic (l'un des mensonges
favoris de Marlise Simons et de l'ensemble des grands médias occidentaux),
mais tenait précisément à ce qu'il s'agissait d'un procès
politique – qui par définition exigeait une production massive
de preuves – et à ce que le déroulement du procès,
mal préparé et qui peinait à rendre plausible une accusation
fabriquée de toutes pièces, versait progressivement au dossier
tout ce qui pouvait palier l'impossibilité d'étayer réellement
les accusations concernant la planification et les ordres de Milosevic et de
son entourage politique, parmi une montagne de dépositions inutilisables
de témoins des horreurs et des crimes de la guerre civile et de celle
du Kosovo.
L'un élément clé du procès fut
cette accusation tardive d'implication de Milosevic dans une “entreprise
criminelle collective” aux côtés des Serbes de Bosnie et
de Croatie, visant à se débarrasser par la violence de tous les
non-Serbes, dans le but d'ériger cette mythique “Grande Serbie”.
Le concept d'entreprise criminelle collective n'existe ni dans le droit, ni
même dans le statut du TPIY. Il a été improvisé à
seule fin de pouvoir considérer comme coupable littéralement n'importe
qui, n'importe où et n'importe quand. Est impliqué dans une entreprise
criminelle collective quiconque fait quelque chose de mal avec quelqu'un d'autre,
ou combat les mêmes adversaires que quelqu'un qui fait quelque chose de
mal. Dès lors que vous faites cause commune, vous n'avez même pas
besoin de savoir exactement ce que ce “quelqu'un d'autre” fait de
son côté pour vous retrouver impliqué dans une “entreprise
criminelle collective”. La décapante analyse de Laughland met littéralement
en pièces cette doctrine si merveilleusement extensible et opportuniste.
Le titre de son chapitre sur la question, “Que tout le monde soit déclaré
coupable !”, reprend l'expression d'un avocat supporter du TPIY qui trouvait
tout de même cette idée d'entreprise criminelle collective un peu
énorme. Milosevic aurait probablement fini par être condamné
sur la seule base de cette doctrine à épingler tout le monde.
Évidemment elle colle encore mieux s'agissant de l'attaque collective
et concertée de Clinton, Blair et de l'OTAN contre la Yougoslavie, ou
du nettoyage ethnique des Serbes de la province croate de Krajina par des troupes
croates soutenues par les USA, en août 1995. Simplement il n'y a personne
pour les accuser d'être impliqués dans une entreprise criminelle
collective, alors que nous, nous avons le TPIY qui règle leur compte
à ceux qui sont dans le collimateur des USA et de l'OTAN !
Dans un excellent chapitre sur la Grande Serbie, Laughland
montre (citant même le procureur Nice à ce sujet) que ce n'est
pas Milosevic qui fut à l'origine du déclenchement des conflits
des Balkans, qu'il n'était pas non plus ultra-nationaliste et que les
dénonciations de ses discours de 1987 et 1989 reposaient sur de fausses
accusations. Il montre aussi que son soutien aux Serbes de Bosnie était
sporadique et principalement défensif [plutôt qu'offensif] et qu'il
n'a jamais oeuvré à la création d'une Grande Serbie mais
cherchait tout au plus à aider les Serbes à rester soudés
au milieu d'une Yougoslavie en pleine désintégration. Au cours
du plaidoyer de la défense, pendant le procès Milosevic, le leader
du Parti Nationaliste Serbe, Vojislav Seselj, déclara que seul son parti
ambitionnait la création d'une “Grande Serbie”. Partant du
principe que les Croates et les Musulmans bosniaques étaient bel et bien
des Serbes, mais de confessions différentes, son parti combattait pour
les réunir au sein de la Serbie. Milosevic, de son côté,
souhaitait seulement que les Serbes restés coincés dans les différentes
régions arrachées à la Yougoslavie puissent au moins rejoindre
la Serbie. À ce stade de l'argumentaire, le procureur Geoffrey Nice daigna
reconnaître que Milosevic n'avait effectivement jamais oeuvré à
la création d'une Grande Serbie mais seulement – selon les propres
termes du procureur – à l'objectif “pragmatique” de
“faire en sorte qu'il soit permis à tous les Serbes qui avaient
vécu dans l'ex-Yougoslavie... de vivre dans le même pays”.
Coup de tonnerre et consternation parmi les juges du tribunal ! L'accusation
du TPIY, qui reposait intégralement sur cette idée de quête
d'une Grande Serbie sous la férule implacable de Milosevic s'effondrait
d'un bloc. Vous n'en avez jamais entendu parler ? Ce n'est pas très étonnant
vu que le New York Times et les plus grands médias [occidentaux] n'en
ont jamais lâché un traître mot, de même qu'ils ont
toujours éludé la contradiction entre un Milosevic favorable à
toute une série d'initiatives pour un règlement pacifique du conflit
et son prétendu rôle d'agresseur obsédé par la création
d'une Grande Serbie.
Mais Travesty a bien plus de valeur encore qu'il ne me serait
possible de lui en rendre justice, même sur les points dévoilés
ici. C'est une recherche absolument brillante, qui devrait compter parmi les
ouvrages à acquérir impérativement pour toute personne
qui cherche réellement à y voir clair dans l'intrication complexe
des enjeux et de ce “processus de balkanisation” des Balkans et
de notre “intervention humanitaire”. Elle sera certainement bien
utile pour mettre en pièces l'idée que les attaques de l'OTAN
reposaient sur des principes éthiques qui imposaient qu'on se place au-dessus
des notions de souveraineté et de droit international, mai elle montre
surtout sans la moindre équivoque que le TPYI est réellement un
tribunal politique, totalement hors-la-loi, et “une corruption de la justice
internationale”.
Comme le souligne Laughland (à l'instar de Johnstone
ou de Mandel), les campagnes de l'OTAN et le rôle qu'a joué le
TPIY en interférant activement dans ces campagnes, ont été
extrêmement utiles pour préparer le terrain aux interventions militaires
de Bush en Afghanistan, en Irak et probablement aussi en Iran. Ces campagnes
ont été présentées à l'époque –
et le sont encore aujourd'hui – comme des “guerres justes”,
comme des “interventions humanitaires”. De sorte que ceux qui ont
gobé le tissu de mensonges de la version officielle se sont montrés,
au mieux, incapables de voir la continuité entre la politique de Clinton
et celle de Bush, mais à fortiori de constater l'efficacité avec
laquelle Clinton et des zélateurs de la “guerre juste” ont
réduit à néant la protection qu'offrait la “théorie
antifasciste des relations internationales”, seule protection des petits
pays contre l'agression des Grandes Puissances et le basculement de tous dans
la loi de la jungle.
Trad. Dominique Arias
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