Mémoire de guerre et manipulation

Francis Arzalier
mis à jour le : 7 Mai, 2019

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Les personnages et les événements sont transformés par la mémoire en mythes, réalités déformées, mises au service d'une idéologie ou d'une politique. La semaine de commémoration du 6 juin 1944 en Normandie, retransmise par les télévisions françaises, en était un exemple parfait,et même caricatural. Les organisateurs, le Président Hollande, et les journalistes quasi-unanimes, ont peaufiné le mythe à qui mieux mieux. Notre monarque, en mal de popularité, à fait très fort pour sa part: le débarquement anglo-saxon du 6 juin aurait libéré la France, l'Europe, voire le monde. Peu importe pour ce conte de fées les réalités historiques, qu'il est bon de rappeler:

I Depuis l'été 1941, l'URSS soutenait SEULE le choc de l'invasion allemande. Elle avait déjà en 3 ans perdu plus de 20 millions d'hommes. Durant ces années, les dirigeants Soviétiques n'ont cessé de demander à leurs alliés anglo-saxons l'ouverture d'un " Second Front " à l'Ouest: 170 divisions allemandes étaient face à l'Armée Rouge, et aux partisans soviétiques (Russes, Ukrainiens, Caucasiens, etc ), soit environ 80 pour cent des forces au service du Nazisme.
Les dirigeants occidentaux avaient jusque-là refuse un débarquement à l'ouest du continent, et s'étaient contentés de le faire en Afrique du Nord Petainiste. C'est seulement après la défaite allemande à Stalingrad qu'ils ont décidé l'opération de Normandie: on sait depuis que certains chefs occidentaux redoutaient de voir l'Armée soviétique arriver jusqu'à Berlin, seule : risque majeur pour l' après-guerre, selon Churchill et le général Eisenhower.

Il serait anormal de sous-estimer le courage des soldats États-uniens, Britanniques, Canadiens ou Australiens, qui ont débarqué le 6 juin en Normandie, au prix de lourdes pertes; car les bombardements préalables n'avaient pas réussi à détruire les défenses allemandes, mais seulement à écraser les villes autour de Caen, en y faisant des milliers de victimes civiles.

L'historien honnête doit réduire le Front Ouest-allemand à ses proportions réelles dans l'ensemble du conflit mondial: Les USA ont perdu durant la 2 ème Guerre mondiale environ 300 000 soldats, dont une partie dans la guerre du Pacifique contre le Japon. Faut- il rappeler que 30 millions de citoyens soviétiques y ont perdu la vie, et que 80 pour cent des morts allemands sur tous les fronts sont tombes sur celui de l'est ?

Le discours du Président Hollande lors de la commémoration à été très loin dans le sens du détournement des faits historiques: par exemple en mettant en avant le Commando Kieffer, un groupe de militaires français engages dans l'armée britannique, alors qu'il n'a pas cité une fois le Général de Gaulle et les" Français Libres ",qui furent exclus du débarquement du 6 juin par les chefs anglo-saxons Il a tu aussi le rôle primordial de la Résistance française, qui a permis l'avancée des GIs vers Paris en s'opposant à la venue de renforts allemands depuis le Sud-Ouest français.

Mais le pire à été la conclusion du spectacle présente à la foule des invites, qui concluait en faisant de l'Union Européenne la conséquence directe de la libération de 1944-1945 ! Robert Schuman, le père de la " petite Europe " anticommuniste et antisoviétique, que Jacques Duclos nommait " le Boche ",et dont De Gaulle dénonçait le pro-germanisme, à du en frétiller de surprise dans son cercueil. Obama,grand prêtre de l'impérialisme états-unien, a dégusté tout du long ces flagorneries à son égard en souriant et mâchouillant son chewing-gum !

Ce reniement des plus belles pages de la Libération de la France n'est pas le premier. En septembre 2013, le Président Hollande, toujours en quête d'applaudissements, est allé discourir à Bastia, ou étaient célèbres les 70 ans de la Libération de la Corse des occupants italiens et allemands, à l'issue d'une insurrection populaire déclenchée par les dirigeants communistes du " Front National " résistant, sans l'assentiment des Alliés ni de De Gaulle. Le Préfet, organisateur au nom de la Présidence, avait prévu que le seul orateur après François Hollande, soit un général ( ! ) " au nom des combattants de 1943 " ! ! Il a fallu que les associations de Résistants menacent d'être absentes de la cérémonie dans de telles conditions, pour que soit convié à s'exprimer le dernier survivant du groupe dirigeant de l'insurrection antifasciste de l'été 1943. Greco dément, notre monarque impopulaire de 2014 n'aime pas les soulèvements populaires, qu'ils soient armés ou pacifiques. Les seuls insurgés qui vaillent à ses yeux seraient ils ceux, pro- occidentaux et pro- nazis qui ont imposé par la force leurs vues à Kiev? Ceux de nos lecteurs qui penseraient que ce billet coléreux mériterait d'être étayé, se reporteront à l'analyse détaillée de l'historienne Annie Lacroix-Riz, disponible sur le site du Collectif Polex ( " le débarquement du 6 juin 1944, du mythe d'aujourd'hui à la réalité historique " ).

Une remarque s'impose: la transformation en vérité révélée de telles distorsions de l'histoire, ne peut se faire qu'avec la collaboration assidue des médias audio-visuels. Orwell le disait il y a 60 ans: inutile pour les pouvoirs capitalistes de donner de quotidiennes directives aux journalistes charges de formater l'opinion; il suffit de bien les choisir....

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