Interactions entre théorie et pratique dans le mouvement communiste algérien des cinq dernières décennies
par Sadek HADJERES,
Evoquer à l'occasion de cette rencontre l'impact de
l'oeuvre de Marx en Algérie, n'est pas un simple devoir de mémoire.
L'importance de cette réflexion est à la mesure de la période
qui s'ouvre en Algérie, en liaison avec les évolutions mondiales.
L'islamisme politique, en particulier dans ses manifestations les plus violentes,
s'était présenté ces dernières années dans
notre pays comme la seule ahetnative possible, face d'un côté aux
nuisances du capitalisme néocolonial ou de celui en vigueur dans les
pays riches d'Occident et d'un autre côté à l'échec
du socialisme ou prétendu tel (l'algérien dit .. spécifique"
ou celui de stature mondiale qui s'est développé puis effondré
dans les pays de l'Est).
après avoir fait un moment illusion aux populations, l'hégémonisme
islamiste a commencé à refluer de par les muhiples incohérences
du modèle qu'il prétendait imposer, et de par les pratiques barbares
des groupes les plus extrêmistes qui s'en réclamaient. Ce début
de reflux se fuit malheureusement dans des conditions de désarroi et
de division du champ politique progressiste algérien et de dégradation
dangereuse du tissu social. Tout cela risque de compromettre les recompositions
souhaitables. Tout cela replace la pensée héritée de Marx
dans notre pays devant un nouveau cycle historique de responsabilités.
Chez nous comme ailleurs, fuce aux contradictions économiques, sociales,
politiques, géostratégiques et culturelles qui ont redoublé
d' intensité et de complexité, l'Histoire n'est pas finie, elle
n'a pas w la mort des idéologies.
Cela m'incite, non comme spéciaIiste des questions théoriques,
que je ne suis pas, mais comme l'acteur politique algérien que j'ai été
durant le demi-siècle écoulé, à essayer de repérer
la concordance ou les écarts qu'on a pu constater entre les anticipations
des énoncés théoriques et la réalité vécue
ou nos propres représentations de cette réalité et de cette
théorie.
Grandeur et faiblesses de la théorie Je tiens d'abord
à souligner, précisément parce que mon approche en cette
occasion se veut critique et autocritique, l'apport à mes yeux inestimable,
direct et indirect, qu'a été celui du marxisme à la cause
nationale et sociale algérienne. Je n'ai pas la possibilité d'illustrer
ici ces apports et ces influences bénéfiques, mais les oublier
serait amputer la critique elle-même de sa dimension créatrice.
En même temps, on doit admettre que, dans des conditions qui donnaient
en Algérie un champ libre important de créativité au marxisme,
et alors que plusieurs faiblesses ou étroitesses des organisations nationalistes
ont entrainé des conséquences qu'on mesure mieux. aujourd'hui
la " greffe" de la théorie marxiste sur le mouvement national
et social algérien, bénéfique à bien des égards,
a connu elle aussi des faiblesses et des erreurs importantes. Certaines, que
je pourrais qualifier de quantitatives (quoique liées dans leurs causes
à un déficit qualitatif), résident dans l'espace et le
statut réduits qui ont été dévolus aux activités
théoriques dans notre pays au cours de ce demi-siècle. Le second
déficit, davantage de l'ordre du qualitatif, est lié à
une espèce de détournement des approches théoriques dans
divers domaines, par l'influence entrecroisée d'enjeux géo-politiques
ou géo-stratégiques d'une part, de distorsions épistémologiques
d'autre part.
Durant ma vie de militant communiste, nous nous répétions
avec conviction un leit-motiv : la théorie sans pratique est impuissante,
la pratique sans théorie est aveugle. Ce raccourci en forme de sentence
voulait sans doute exprimer en termes opératoires un aspect fondamental
que Lucien Sève souligne ainsi: «le texte du Manifeste, qui est
éminemment théorique, est étayé de bout en bout
par une position philosophique, le point de vue de la pratique ».
Forts de la sentence précitée et de la pertinence profonde qu'elle
exprimait sous une forme simple, nous nous sommes souvent laissés aller
à l'idée rassurante d'une théorie magique, espèce
de "prêt à porter", point d'appui à peu près
infaillible, garante de notre foi et de nos certitudes idéologiques.
Cette théorie ainsi idéalisée était d'autan! plus
porteuse de nos espoirs politiques qu'elle était confortée par
l'élan formidable d'émancipation des travailleurs et des peuples
qui a caractérisé plusieurs décennies du 20ème siècle.
Elle était d'autant plus précieuse à ceux d'entre nous
qui avaient fait comme moi leurs premières armes dans le mouvement nationaliste,
que ce dernier nous était apparu cruellement dépourvu de boussole
scientifique, jusqu'à parfois en récuser l'utilité.
Mais tout en portant aux nues cette théorie et ses titres de noblesse,
nous l'avons dans les faits négligée au bénéfice
d'un activisme patriotique ou ouvriériste censé mieux nous enraciner
dans les réalités. Nous reconnaissions la nécessité
de mieux gérer les interférences entre théorie et pratique,
mais dans les faits il nous était plus facile de plier ces interactions
à des schémas préétablis. Cette approche sélective
d'une théorie figée dans une fonction utilitaire de justification
de la « ligne politique» du moment, au détriment de «
l'analyse concrète des réalités concrètes »,
n'avait que peu à voir avec l'effort pour enrichir et faire évoluer
cette théorie à l'unisson de la vie.
J'ajouterai à celà un facteur aggravant qui a beaucoup affecté
l'accumulation et la transmission de r expérience et de la réflexion
théorique à travers les générations militantes succeessives:
c'est le caractère extrêmement bâché de l'existence
du mouvement communiste algérien, la plupart du temps clandestin et réprimé,
avec de trop courtes périodes de répit et d'activités légales
qui ont laissé peu de temps pour décanter les expériences
par l'organisation des échanges, des débats, des thèmes
de recherches et par l'encouragement moral des chercheurs, notamment communistes,
dont le nombre et la qualité à la fin des années 80 étaient
largement reconnues.
Comment la vie a-t-elle infirmé ou confirmé
les indications que nous pensions tirer de la théorie?
J'essaie d'en donner ici un aperçu dans les grandes
lignes :
1. Un problème crucial a été celui de
l'articulation entre la lutte cles classes (comme principe et réalité)
et les problèmes qu'on appellerait aUl0ur9'hui identitai~. (J'entends
par là des problèmes liés aux appartenances conflictuelles
à des champs religieux, ethnolinguistiques, culturels ou idéologiques
auxquels s'identifient les différents protagonistes de la scène
socio-politique).
Toutes les fois que les communistes algériens ont pu maîtriser
cette liaison, en donnant à chacun de ces facteurs la part qui lui revenait
selon les conditions et les objectifs prioritaires de l'étape considérée,
leur influence et leur implantation ont été plus rapides et plus
solides. A l'inverse, ils ont connu des déboires préjudiciables
aux avancées du mouvement national et progressiste tout entier quand
ces ces interactions et leurs équilibres ont été ignorés
ou non maîtrisés.
Peut-on rattacher certaines des approches unilatérales ainsi constatées
à la prégnance ou à l'incompréhension de formules
lapidaires, ambigues ou détachées de leur contexte telles que:
« les prolétaires n'ont pas de patrie » « la religion
opium du peuple " ou (' Ni Dieu ni César ni tribun"? Pourquoi
alors dans les années même où " en deça des
Pyrénées " on réconciliait la Marseillaise et l'Internationale,
pendant qu'on glorifiait la fraternité de lutte patriotique entre"
ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n'y croyaient pas », au delà
des Pyrénées on sous-estimait ou contrecarrait l'élan libérateur
des valeurs nationales d'autres peuples tels que ceux du Maghreb?
Elargissant la réflexion géographiquement et dans le temps ne
peut-on imputer, au moins en partie, la relative marginalisation des courants
communistes dans le monde arabe et musulman à une espèce de surdité
des approches qui se réclamaient du marxisme aux interactions politico-culturelles
(celles-ci étant réduites à subordonner bureaucratiquement
le culturel au politique)?
La façon administrative, encore mal connue, avec laquelle a été
réglé le problème national considérable posé
en théorie et en pratique par le communiste et Tatar musulman Saltan
Galiev dans les années 20 du régime soviétique, ne fait-elle
pas partie des interrogations que suscite aujourd'hui la pensée de Marx
(originelle ou telle qu'elle a été interprétée)?
On peut se demander enfin s'il n'y a pas eu dans la période la plus récente
une résurgence de ce genre d'approche unilatérale dans des secteurs
démocratiques algériens, y compris parmi des communistes. Au nom
d'un modernisme élitiste ou d'un laïcisme inadapté à
son contexte, ils ont négligé, traité par des amalgames
frisant parfois le mépris, des faits culturels ou de société
majeurs dont, malgré des exceptions qui indiquent qu'une autre voie était
possible, ils ne parvenaient pas à comprendre les modes d'expresssion
contradictoires. J'ai en vue ceux qui n'ont saisi ou voulu saisir qu'une seule
des facettes, réellement condamnable, de la poussée identitaire
qui a jeté récemment dans les bras de l'islamisme politique hégémoniste
une partie du peuple croyant. Ils ne prenaient pas assez en compte les conséquences
du traumatisme causé à ce peuple autant par les manifestations
nationales et internationales d'une modernité matériellement et
moralement accablante que par la pérennisation des agissements clientélistes
et antidémocratiques du POUVOIR .
Lorsqu'une telle appréciation émane d'ex-communistes (qui bien
qu'ayant rompu formellement avec cette appartenance, sont encore souvent considérés
idéologiquement comme tels dans l'opinion), eUe est plus lourde de conséquences.
Elle apparaît en effet à nombre de travailleurs et de couches populaires
croyantes (plutôt portées dans leur immense majorité à
souscrire au fameux: pari de Pascal) comme un double abandon, une double «trahison
», autant pour leurs intérêts de ce monde que pour ceux de
l'au-delà.
Ces croyants chez qui l'esprit citoyen n'était qu'en gestation, déjà
défiants envers ceux qui à leurs yeux: niaient ou dénigraient
l'ancrage psycho-culturel arabo-islamique dont se nourrissait leur protestation
politique contre l'arbitraire, ont vu ces mêmes partisans de la démocratie
s'éloigner délibérément de la légitimation
et de la défense concrète de leurs aspirations sociales. C' était
pourtant traditionnellement le point fort des communistes et des nationalistes
de progrès, un champ de luttes qu'ils s'efforçaient jusque là
d'articuler et de faire converger avec son volet compléméntaire
culturel et «identitaire» dans les représentations les plus
progressistes de la cohésion nationale.
Cette opposition-exclusion entre les dimensions culturelle et citoyenne de la
nation, entre valeurs islamiques et démocratie politique et sociale,
était d'une certeine façon similaire et symétrique à
celle prônée par les islamistes, qu'ils croyaient contrer ainsi
Ils la fondaient sur une conception primaire de la modernité, marquée
par deux: caractéristiques pas si nouvelles que cela dans leur essence.
Leur néo-modernisme a conjugué en effet: d'un côté
un économisme fondé cette fois sur la confiance illimitée
dans les vertus d'une «loi du marché» frisant l'ultra-libéralisme;
et de l'autre côté un républicanisme réducteur qu~
consciemment ou non, oppose comme si c'était une fatalité incontournable
les contraintes multiples de l'édification de l'Etat et les besoins sociaux
et démocratiques de la société.
Aboutissement pratique: désertion des luttes sociales, considérées
à tort comme une diversion à la nécessaire répression
des manifestations terroristes des groupes extrêmistes se réclamant
de l'islamisme. Au même moment, les militants islamistes mettaient l'accent
sur les injustices sociales et s' étaient placés de cette façon
plus près encore des couches déshéritées, à
l'une des sources les plus profondes de la crise.
2. Le besoin d'autonomie:
Pour une longue période (surtout les deux: premières décennies
des 70 dernières années) il est difficile, en dépit de
certains efforts réels engagés dans ce sens, de parler d'une pensée
ou d'une stratégie marxiste algérienne suffisamment Ilutonomisées.
de telle sorte qu'elles tiennent compte au plus près des données
alJlériennes (lIt1tionales ou de classe} dans l'élaboration des
orientations de lutte.
Je ne peux: développer ici les différentes raisons qui ont contribué
à cette carence, en dépit de l'intérêt théorique
et pratique énorme de cette question.
Toujours est-il que l'efficacité et l'emprise sur le réel du mouvement
communiste algérien ont été les plus grandes toutes les
fois que, malgré les pressions liées aux: enjeux de pouvoir ou
à la pesanteur des contextes géopolitiques (externes ou internes),
ce mouvement est parvenu à sauvegarder une autonomie politique et organique
suffISante dans sa vision sratégique ou ses approches tactiques.
On trouvera avant ou après l'indépendance de l'Algérie
d'abondants exemples ou contreexemples de cette maîtrise difficile, qui
exige de combiner des capacités de pensée et de mobilisation indépendante
avec la souplesse des larges alliances autour d'un point précis, avec
d'autres forces qui se placent sur des positions politiques et idéologiques
éloignées, voire opposées sur d'autres questions.
3. le rapport entre les luttes immédiates et l'objectif
"fimal ". Comment opérer sur le terrain la jonction entre la
perspective de la révolution (proche ou lointaine) et la voie des réformes
déja accessibles?
Ce point n'a cessé d'être pour nous, comme pour
tout le mouvement ouvrier et communiste internationaL un problème à
la fois fondamental et ayant de fortes incidences au jour le jour. Qu'il s'agisse
de l'indépendance nationale ou du socialisme, les Algériens se
réclamant du marxisme ont été plus d'une fois confrontés
à la difficulté de défmir les tâches venues à
maturité dans le contexte du moment, sans risquer de tourner le dos aux
exigences d'une longue marche vers leur idéal plus lointain.
Dans la recherche de l'approche optimale, cette difficulté a favorisé
la tendance à invoquer de façon scolastique des critères
ou des situations similaires glanées dans les oeuvres de Marx ou d'autres
classiques. D'où les qualifications polémiques (empruntant beaucoup
au langage de la géométrie) de "déviations" sectaires
ou opportunistes, gauchistes ou droitières, de solutions médianes
assimilées à des compromissions ou à des renoncements envers
les présumés modèles, déposés comme des étalons
de mesure à retrouver dans les citations de ces oeuvres. Le recours à
la théorie se muait en imitation dogmatique qui contrecarrait l'effort
pour assimiler et faire progresser les précieux acquis théoriques
à partir de réalités nouvelles et des enseignements tactiques
et stratégiques des combats en cours.
Au coeur de la tragédie algérienne actuelle, face à un
intégrisme qui a dévoyé l'islam à des fins politiques,
de forts tiraillements continuent à écarteler le corps politique
à vocation démocratique dans la compétition biaisée
entre les utopies impuissantes à court terme et les impasses des luttes
terre à terre et au jour le jour. La tentation s'est faite jour dans
des groupes restreints encore influencés par un schéma scientiste
qu'ils imputent à Marx, d'opposer aux hégémonismes islamistes
et du pouvoir nationaliste, des projets de société fortement idéologisés,
censés réaliser une « rupture» avec le passé.
Le mot de rupture est devenu le maÎtre-mot magique d'un grand nombre de
ces projets volontaristes.
Ces ruptures, séduisantes pour ceux qui en sont déjà convaincus,
sont frappées d'un double handicap qui les stérilise: elles sont
présentées à la fois comme des exigences à réaliser
immédiatement" pour le bien" des intéressés même
par voie autoritaire, mais dans le même temps préconisent de véritables
« tables rases» pour lesquelles en fait la majorité de la
société n'est pas susceptible de se mobiliser ou peut même
dans l'état actuel en combattre des aspects essentiels.
L'expérience nous a appris pourtant autre chose. Il est bien vrai que
les changements nécessitent souvent de faire sauter brutalement dans
des périodes de flux populaire, pacifiquement ou par la voie armée,
certains des verrous qui bloquent les évolutions de progrès. Mais
cela débouche sur des changements profonds et durables seulement en fonction
d'une mobilisation plus consciente du corps sociaL qui détermine en dernier
ressort le contenu et les rythmes de ces changements. Les ruptures dialectiques
supposent la prise en compte des continuités et des points d'appui nécessaires
à leur réalisation. Les suridéologisations mécaniques
tendent à leur substituer des cassures artificielles, qui malgré
leur coût élevé, ramènent plus souvent en arrière.
4. En plusieurs circonstances, le problème de la démocratie
comme fin et moyen a été posé par la vie au mouvement communiste
algérien et l'a confronté à des choix et à des tensions
(internes ou avec nos partenaires dans le mouvement national).
Les communistes algériens ont été sensibilisés à
ce problème parce qu'ils ont vécu à plusieurs reprises
des situations dans lesquelles ils ont subi simultanémént la double
pression et les feux hostiles d'hégémonismes croisés. Durant
la guerre de libération, d'un côté les colonisateurs, de
l'autre les étroitesses et sectarismes nationalistes. après l'indépendance,
d'un côté les nationalistes conservateurs, de l'autre les islamistes.
Dans tous ces cas, la résultante s'inscrivait dans une gamme allant des
tentatives d'étouffement plus ou moins subtil des communistes, codifiées
dans la théorie du "cocon de chrysalide" (cf Congrès
de la Soummam du FLN en 1956), à l'extermination physique pure et simple.
Cela nous a amenés à prendre davantage en charge la dimension
du combat pied à pied pour la démocratie en ses diverses formes.
Pour cette raison, dans les situations de confusion politique comme celle qui
a caractérisé la période du parti unique de 1962 à
1988, le PCA et le PAGS ont préconisé comme meilleure voie celle
de s'appuyer sur l'éveil et la lutte pacifique mais résolue des
composantes de la société. Ils n'ont pas craint, dans l'Algérie
devenue indépendante, d'aUer à contre-courant de l' oppositionnisme
aventuriste selon lequeL par un mimétisme infondé envers la guerre
de libération, le pouvoir ne s'arrache ou ne se conserve que par les
armes ou les complots. Ces orientations et mentalités, partagées
successivement par plusieurs des protagonistes de la crise actuelle, ont été
pour beaucoup dans le déficit de cuhure démocratique déploré
aujourd'hui.
Cela n'a pas mis pour autant les communistes à l'abri, à des degrés
divers, de la maladie chronique de notre société et de son champ
politique, l'esprit et les manipulations d'appareil, l'hégémonisme
des clans se substituant à des modes de régulation plus démocratiques,
etc. Approuvant la tendance habituelle chez les marxistes à récuser
en bloc la démocratie formelle bourgeoise, nous avons souvent revendiqué
la liberté d'expression et d'organisation surtout pour nous-mêmes
et les organisations de travailleurs et pas assez pour les autres.
Je pense que cette insuffisance s'est prolongée uhérieurement
dans la tendance chez certains à privilégier les seules méthodes
autoritaires et administratives pour la solution des crises aigues dans la société.
Elle s'est exprimée aussi dans la tendance à privilégier,
y compris dans des conditions légales normales, le centralisme sur la
démocratie dans le fonctionnement interne des organisations politiques.
Ainsi la lutte reste encore difficile et compliquée en Algérie
pour hmnaniser le mouvement social et le fonctionnement des partis par des valeurs
et des normes démocratiques fortement intériorisées.
Je terminerai en exprimant une conviction qui est en même
temps un questionnement sur l'avenir.
La théorie a confirmé et confirmera sa grandeur par son entrelacement
fécond avec la vie. Elle manifeste une fàiblesse incurable chaque
fois qu'elle est révérée comme un monument et que ses disciples
l'étouffent sous les louanges improductives. Grandeur et faiblesses ne
sont pas le fait de la théorie comme abstraction, mais le fait des acteurs
qui la pensent et la vivent.
Les idées de Marx: s'enrichiront et connaîtront de nouveaux développements
dans l'ensemble du mouvement démocratique des nouvelles générations
algériennes, si l'interaction de ces idées avec la pratique sociale
prend toujours mieux en compte les différentes dimensions de la vie,
dans trois domaines où l'Algérie a inscrit un grand déficit
- un mouvement social autonomisé capable de traduire les aspirations
de progrès des composantes de la société à partir
de leurs potentialités réelles
- un champ politique plus imprégné de culture démocratique
et plus vigilant envers les pulsions hégémonistes dans la vie
politique nationale ou le fonctionnement interne des partis
- une réflexion théorique et culturelle se différenciant
de l'idéologisation des problèmes et qui sans utilitarisme, opère
la jonction entre cette réflexion et les besoins du mouvement social
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