Francis Wurtz
invoque Robert Schuman (HD du 20 mai) pour sauver « l’idée
européenne ». Stupéfiant !
ACDT pour vivelepcf
On aurait pu croire à l’emploi du second degré
par le député européen honoraire. Mais non, son article
se revendique bien du « père fondateur » de l’Europe
et de son discours du 9 mai 1950, que les européistes présentent
« comme l’acte fondateur de la construction européenne ».
Réveiller le souvenir de Robert Schuman cela devrait
être d’abord rappeler que cet « Européen » vota
les pleins-pouvoirs à Pétain en 1940 et fut même membre
de son premier cabinet. Ensuite, cela devrait rappeler son œuvre au service
de ce que les communistes dénonçaient à juste titre comme
« l’Europe des trusts », affiliée à l’impérialisme
américain. Pas ou plus pour Francis Wurtz !
De Schuman, « sans être nostalgique de ce temps là »,
il reprend à son compte les phrases creuses (« L’union plutôt
que la division »), les « valeurs » mises en avant pour accompagner
la construction de l’Europe du capital. Il laisse entendre qu' il
y aurait eu un changement dans le cours de la construction européenne
par rapport au temps de Schuman, « tout particulièrement ces vingt
dernières années ».
Ce serait les dirigeants « actuels » qui seraient en train de discréditer
« l’idée européenne ».
Logiquement, Wurtz aboutit à proposer aux lecteurs de l’hebdomadaire
de voler à la rescousse de « l’idée européenne
», menacée d’être « enterrée » par
la réaction à la politique des dirigeants européens. «
Sinon, cela reviendrait à leur laisser tout le terrain », assène-t-il
sans autre forme d’argument. Au nom de « réorienter fondamentalement
la construction européenne », il faudrait commencer par relégitimer
la « construction » européenne si profondément rejetée
par les peuples.
Que Wurtz fasse appel à une référence aussi choquante pour
les communistes que Robert Schuman est révélateur de combien sa
ligne politique est un contresens pour les travailleurs et les peuples d’Europe.
Quelques rappels ne sont pas inutiles.
La « construction » européenne n’a
pas changé de nature. Elle est conçue depuis l’origine dans
l’intérêt du capital et du patronat. La fameuse déclaration
de Schuman du 9 mai 1950 correspond à la création de la CECA (Communauté
du Charbon et de l'Acier) union supranationale des patrons de la sidérurgie
d'Allemagne, de France et du Benelux. En fait « d’Europe de paix
», la militarisation, comme allié de l’impérialisme
américain est la ligne directrice de l’UE depuis le départ.
Le Traité de Lisbonne se situe dans le droit fil de la « Communauté
européenne de défense » (CED), mise en échec en particulier
par le PCF en 1954.
Toute « la réalité de l'évolution de l'UE »
était contenue dans le Traité de Rome de 1957: « l'établissement
d'un marché commun et par le rapprochement progressif des politiques
économiques des États membres » (article 2); « l'abolition,
entre les États membres, des obstacles à la libre circulation
des personnes, des services et des capitaux » (article 3) qui sera effective
après Schengen et l'Acte Unique, « l'établissement d'un
régime assurant que la concurrence n'est pas faussée dans le marché
commun » (art. 3) qui a tant fait parler en 2005, au moment du référendum
sur le TCE. Etc.
Dans son œuvre de destruction des acquis sociaux et démocratiques
nationaux, l’UE, comme outil, avance en fonction des rapports de force.
Dans les années 80 et 90, avec les gouvernements nationaux, elle a profité
de l’affaiblissement et de l’effondrement de l’URSS et des
pays socialistes d’Europe de l’est.
Aujourd’hui, dans un contexte de mondialisation capitaliste
accrue et de crise, elle fait face à des résistances populaires
de plus en plus fortes pays par pays. Bien sûr, les dirigeants européens
essayent de dévoyer ces oppositions, de les canaliser avec leurs auxiliaires
nationalistes. Mais s’il y a bien un « terrain qu' il ne faut
pas leur laisser », c’est celui-là, celui de l’opposition
à l’UE du capital, celui de l’internationalisme pour combattre
la politique que les gouvernements mènent de concert avec elle contre
les peuples.
Une idéologie européenne de « gauche
» pour défendre l’UE ?
« La gauche doit faire preuve de créativité
politique », écrit F. Wurtz, être capable de fournir à
cette Europe en crise « des idées neuves à la hauteur des
enjeux », en somme fournir une idéologie européenne de substitution.
Et comme point de départ, Wurtz est prêt à récupérer
les boniments de Schuman : « 'la reconnaissance de l’autre', 'la
coopération', 'la solidarité plutôt que l’égoïsme'.
L'Europe sociale est morte(-née)? Vive l'Europe sociale!
La logique de ce que l’on pourrait appeler « le
réformisme européen » consiste à imposer comme cadre
principal de tout changement l’Europe, les institutions de l’UE.
C’est à dire précisément l’échelon sur
lequel les peuples n’ont pas de prise et qui a été structuré
contre leur souveraineté et leur expression démocratique.
Ensuite, le « réformisme européen » émet des
propositions de « réorientation sociale » fondamentalement
illusoires qui tendent à réhabiliter les structures qui aident
les gouvernements nationaux à imposer la politique que les mouvements
populaires combattent.
Eventuellement, on ouvre la voie à quelques leurres de politique «
sociale européenne » pour donner le change. On se souvient de la
« Charte des droits fondamentaux », incluse dans le TCE et dont
les communistes ont méthodiquement démonté la logique profonde
de régression.
Cette « idéologie européenne de gauche » rejoint les
partisans « libéraux » (et socio-démocrates) de «
l’Europe politique ». Pour des progressistes, pour des communistes,
par rapport à l’analyse que notre parti avait toujours défendue,
on est en plein contresens.
Il n’y a par exemple aucune illusion à nourrir sur une réorientation
de la BCE qui échappe, par définition, à tout contrôle
populaire et a été conçue dans l’intérêt
des capitalistes. Les peuples paient si fort le prix de sa monnaie unique !
Ce n’est pas un ripolinage avec des « prêts socialement responsables
» qu' on y changera quelque chose. Une monnaie commune de coopération
exige une autre institution financière et surtout le retour à
la souveraineté monétaire des Etats.
L’UE, c’est le contraire, la négation de
la coopération entre les peuples, c’est leur mise en concurrence
dans l’intérêt du capital. L’expérience a été
faite ! Les quelques exemples de coopérations réussies, comme
Airbus ou Ariane, se sont faits en dehors de l’UE et sont menacés
par ses règles. Ce n’est pas dans le cadre de l’UE, de la
libre circulation des capitaux, de l'Union économique et monétaire
(entre zones de développements différents), c’est contre
elle, que l’on peut concevoir les coopérations mutuellement avantageuses
entre nations que le PCF a toujours voulues.
Comment prétendre arracher au niveau européen « des droits
et des pouvoirs nouveaux pour les salariés et les citoyens », alors
que le capital utilise l’Europe pour détruire les droits et pouvoirs
que les peuples et les travailleurs ont conquis dans le cadre de leur pays,
grâce à leur expérience de lutte nationales et à
leurs organisations de classe?
Au niveau européen, le cadre des relations sociales
confectionnées par les européistes va s’imposer de lui-même,
c’est celui de la tradition réformiste de collaboration de classe
dont la CES, Confédération européenne des syndicats, est
l’illustration. La CES a ainsi milité pour le oui à Lisbonne
(même contre ses syndicats membres comme on l’a vu en Irlande).
Au contraire chaque victoire du mouvement social dans un pays est une victoire
pour tous les autres. « Peuples d’Europe, soulevez-vous »
invitent nos camarades grecs !
Wurtz admet: « Il n'y a pas de solution clé
en main ». L'identification de la solution passe d'abord par celle du
problème. Car l'UE n'est pas la solution, elle est le problème.
Source : http://vivelepcf.over-blog.fr/article-francis-wurtz-invoque-robert-schuman-hd-du-20-mai-pour-sauver-l-idee-europeenne-stupefiant-51808777.html
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