Ni "simplifié", ni "mini", un traité
"copié-collé" pour l'U.E.
Un beau franc-parler
Par Anne-Marie Le Pourhiet
Dans la mesure où ce texte se borne en réalité
à recopier sous une autre forme les trois quarts des dispositions du
traité établissant une constitution pour l'Europe, il eût
certainement été plus simple de reprendre le texte initial en
en rayant seulement les dispositions symboliques abandonnées. On comprend
cependant que cette formule ait été écartée car
elle aurait manifesté de façon trop criante que l'on se moquait
ouvertement de la volonté des peuples français et néerlandais.
Les rédacteurs ont donc préféré
concocter une formule compliquée qui modifie d'une part le traité
sur l'Union européenne (traité UE) et d'autre part le traité
instituant la communauté européenne (traité CE), lequel
s'intitulera désormais « traité sur le fonctionnement de
l'Union ». La supercherie apparaît clairement avec la Charte des
droits fondamentaux qui n'est plus incluse dans les traités mais apparaît
dans l'article 6 du texte de la façon suivante : « L'Union reconnaît
les droits, les libertés et les principes énoncés dans
la Charte des droits fondamentaux du 7 décembre 2000, laquelle a la même
valeur juridique que les traités » … Un traité affirme
donc qu'une charte qui lui reste extérieure a cependant la même
valeur juridique que les traités qu'il modifie !
On n'a jamais vu de procédé juridique plus tordu,
même dans les récentes révisions de la Constitution française
qui ont pourtant révélé au plus haut niveau normatif l'invasion
de notre pays par le « maldroit ». Le protocole n°7 prévoyant
cependant que la Charte ne permet ni à la Cour de justice européenne
ni aux juridictions britanniques et polonaises d'écarter l'application
d'actes nationaux de ces deux pays jugés incompatibles avec ladite charte,
provoque un pincement de cœur. Tout se passe comme si le « non »
des Français avait servi à d'autres mais pas à eux, quelle
humiliation !
Le « traité modificatif » modifie bien le
traité constitutionnel rejeté en 2005 puisqu'il en enlève
un certain nombre de dispositions explicites et dispense la Pologne et le Royaume-Uni
du respect de certains engagements. C'est donc une modification par simple soustraction
en ce sens que l'on s'apprête à faire ratifier par le parlement
français un traité partiel aux lieux et place du traité
complet initial.
Une question fondamentale se pose dès lors : comment
le président de la République peut-il décider seul, alors
que le peuple français a juridiquement rejeté l'intégralité
du traité, de faire cependant ratifier par voie parlementaire la majeure
partie des dispositions qu'il contenait au motif que celles-ci « n'auraient
pas fait l'objet de contestations » ?
Chacun a pu constater, durant la campagne référendaire,
que toutes les dispositions étaient critiquées : les uns se focalisaient
davantage sur la charte des droits fondamentaux et les politiques communautaires,
les autres sur les transferts de compétence, le passage de l'unanimité
à la majorité et le déficit démocratique, d'autres
encore s'offusquaient des principes et symboles fédéraux. On pouvait
peut-être apercevoir que le « non » de gauche déplorait
davantage la menace sur l'Etat-providence et le « non » de droite
la perte de l'Etat régalien, mais il est certainement impossible et inconcevable
de sonder le cerveau de chaque Français en prétendant y déceler
des dispositions qu'il aurait rejetées et d'autres qu'il aurait approuvées.
La démarche du président de la République
prétendant interpréter seul la volonté du peuple français
est totalement arbitraire et confine à la dictature. Lorsque l'on sait
que la Constitution californienne prévoit qu'une norme adoptée
par référendum ne peut être par la suite abrogée
ou modifiée que par une autre décision populaire et que la Cour
constitutionnelle italienne adopte le même principe, on ne peut qu'être
bouleversé par le coup d'Etat ainsi perpétré en France.
Si le président a la conviction que les dispositions restant dans le
traité modificatif ont fait l'objet d'une approbation implicite des Français,
encore faut-il qu'il s'en assure en organisant un nouveau référendum
tendant à obtenir leur accord explicite.
Comment qualifier et sanctionner, dès lors, un tel coup
d'Etat ? Le texte de la très populaire Constitution de 1793 n'y allait
pas de main morte en disposant, dans son article 27 : « Que tout individu
qui usurperait la souveraineté soit à l'instant mis à mort
par les hommes libres ». La peine de mort étant désormais
prohibée par la Constitution française il convient de s'y conformer
et de se tourner plutôt vers l'article 35 du texte de 1793 qui affirmait
solennellement : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection
est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des
droits et le plus indispensable des devoirs ». La Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789, intégrée au préambule
de l'actuelle Constitution, range aussi la résistance à l'oppression
parmi les droits naturels et imprescriptibles de l'homme.
Notre texte constitutionnel affirme encore que le principe
de la République est « gouvernement du peuple par le peuple et
pour le peuple » et que son président est élu au suffrage
universel direct pour veiller au respect de la Constitution, assurer le fonctionnement
régulier des pouvoirs publics et la continuité de l'Etat et garantir
l'indépendance nationale. Le terme qui vient à l'esprit pour désigner
le mépris présidentiel de la volonté populaire est évidemment
celui de haute trahison. Malheureusement, une révision des dispositions
sur la responsabilité pénale du chef de l'Etat, intervenue en
février 2007, a substitué à l'antique et belle formule
de haute trahison, l'expression affadie et banale de « manquement à
ses devoirs manifestement incompatibles avec l'exercice de son mandat ».
Cela manque singulièrement d'allure et de force mais
l'on s'en contentera cependant en proposant aux parlementaires, au lieu de commettre
eux-mêmes une forfaiture en autorisant la ratification d'un traité
rejeté par leurs mandants, de se constituer en Haute Cour pour sanctionner
le coupable.
Sans insurrection ni destitution, nous n'aurons alors plus
qu'à pleurer sur notre servitude volontaire en réalisant que nos
élus représentent bien ce que nous sommes nous-mêmes devenus
: des godillots.
http://www.collectifdu29mai.org/Traite-simplifie-haute-trahison.html
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