PCF : Une orientation a revoir.
“La
“vieille” contradiction facilement comprise entre le Capital et
le Travail est balayée par de nouvelles aspirations et contradictions
entre les sexes, les générations, les cultures, les groupes ethniques
et surtout par une conscience nouvelle de l’interrelation entre l’humanité
et l’environnement”.
Gilles Mercier
Le texte qui suit est l’analyse du programme « Ensemble
pour un changement en Europe ! »élaboré par une
trentaine de formations politiques en vue des élections européennes
et publié dans l‘Humanité du 8 décembre.
Pour les rédacteurs du texte, ce n’est
pas la nature même du capitalisme qui est responsable de la crise économique
et financière, mais sa forme libérale ou néolibérale.
Les dirigeants politiques qui ont promu ce capitalisme sont qualifiés
« d’irresponsables ». La crise qualifiée
de mondiale a pour cause première la politique hégémonique
de Bush. De même la mondialisation néolibérale aurait failli !
« La politique les Etats et des sociétés entières
sont soumis aux marchés financiers incontrôlés. Le résultat
est clair : une absence de démocratie et la fin de l’Etat
providence ». Ainsi la crise a des causes extérieures aux
Etats qui seraient soumis à la mondialisation libérale. Pourtant
quelques lignes plus loin il est écrit « Les gouvernements,
les institutions de l’UE …ont imposé privatisations et dérégulation ».
Le texte apparaît plus comme un patchwork de circonstance alimenté
par l’apport des différents composantes du GUE, qu' un programme
élaboré par une orientation cohérente.
Ce sont les Etats qui depuis le milieu des années 1970 face à
la crise d’accumulation du capital ont dérégulé les
marchés financiers, déréglementé le marché
du travail afin de permettre au capital de s’internationaliser pour maintenir
sinon accroitre ses taux de profit. La crise a ses racines dans l’Etat
national capitaliste. C’est l’accumulation de ces mesures de déréglementation
qui est à l’origine de la crise. Les Etats ne subissent la crise,
ils la créent et la structurent par la nature de leurs décisions.
Parler d’Etat providence est indécent ! Comme si l’Etat
n’avait pas une nature de classe. La plupart des Etats capitalistes européens
ont été obligés, à l’issue de la deuxième
guerre mondiale de concéder au monde du travail un certain nombre de
droits sociaux plus ou moins étendus suivant l’importance du mouvement
de lutte. Parler de l’Etat providence revient à passer sous silence
la lutte menée par les classes dominantes pour revenir sur ce qu' elles
avaient été obligées de concéder. L’Etat providence
est la négation de la lutte de classe.
Le GUE « estime qu' une sortie de crise ne peut être trouvée
qu' en se battant pour une Europe démocratique et sociale, une Europe
des peuples et non pas une Europe des banques ». Le combat pour une
autre Europe, doit être d’abord mené contre la politique
de son gouvernement national. C’est la lutte des classes au niveau de
chaque pays qui détermine le contenu de la politique européenne.
Elle contraint les gouvernements à prendre en compte les exigences sociales
au niveau national et européen. L’exemple même est la lutte
contre le CPE, qui a été suivie avec la plus grande attention
par tous les gouvernements du continent, membres ou non de l’UE. Le cadre
national comme cadre de lutte sur lequel s’appuieraient les députés
européens n’est même pas évoqué. Se situer
au niveau européen sans s’appuyer sur le niveau national, c’est
se cantonner à une activité de sommet déconnectée
des luttes.
« Plus que jamais, l’Union Européenne est à la
croisée des chemins ; ou bien elle continue de mener sa politique
actuelle qui approfondit sa crise financière, alimentaire, énergétique
et de sécurité, ou bien elle se tourne vers une option de développement
durable de justice sociale, … ». où les rédacteurs
du texte ont-ils vu une crise alimentaire, une crise énergétique,
une crise de sécurité en Europe ? Ces trois crises tombent
comme un cheveu sur la soupe sans qu' elles soient explicitées.
L’Europe mange à sa faim depuis le début des années
1950, elle n’est pas en déficit énergétique. Quant
à la crise de sécurité à quoi cela fait il allusion ?
Le développement durable est mis à toutes les sauces. C’est
une tautologie puisque le développement implique la durabilité.
Le social dans le texte est souvent accolé au développement durable,
ainsi les économies de l’Europe doivent être « socialement
et écologiquement durables ». Que signifie une économie
socialement durable ? Le texte ne le dit pas ! « Le Parti
de la gauche européenne exige … une Europe féministe
qui se développe sur la base de la démocratie et de la solidarité ».
Pourquoi accoler démocratie et solidarité à féminisme,
où est la logique ? Le terme démocratie est trop vague pour
y donner un sens concret. Le suffrage est universel en Europe, les opinions
peuvent s’exprimer. Quant à la solidarité le terme est ambigu.
Tout le monde peut s’en réclamer. Qui est solidaire de qui ?
Le social ne se réduit pas à la solidarité.
« Nous nous joignons au combat du mouvement pour la paix et contre
la guerre, du mouvement des altermondialistes… ». Citer l’altermondialisme
n’est très pertinent. Ce mouvement dépourvu de toute unité
idéologique a servi pendant des années d’exutoire, sans
remettre en cause l’ordre dominant et bien sur sans dégager aucune
perspective. Ce n’est pas pour rien que la fondation Rockfeller est un
des bailleurs de fonds des forums mondiaux.
L’écologisme a du succès. Pas une formation politique omet
de se réclamer de la protection de l’environnement. Le créneau
est très occupé. Visiblement le lobbying particulièrement
intense des multinationales de l’environnement auprès des instances
communautaires et du parlement européen n’est pas sans effet sur
ceux qui se réclament d’une autre Europe.
Ainsi les rédacteurs du texte veulent une stratégie basée
sur … « des relations traditionnelles avec la nature »,
ils ne disent pas jusqu' à quand ils font remonter la tradition !
Ils parlent de « la restructuration écologique »
de l’économie réelle !! Que veulent ils dire ?
L’Europe est la région du monde où les normes environnementales
sont les plus sévères pour l’industrie. Alors que l’Europe
veut réduire de 20 % sa production de gaz à effet de serre d’ici
2020, sans savoir d’ailleurs comment elle va procéder, la GUE veut
faire passer cet objectif à 25% pour atteindre 80% en 2050 ! Le
seul moyen d’atteindre cet objectif est de diminuer l’activité
économique. Ils ne craignent pas d’écrire dans la foulée
vouloir augmenter l’utilisation des énergies renouvelables d’au
moins 25%. Energies qui n’ont de renouvelables que le nom puisque l’éolien
et le photovoltaïque pour assurer la permanence de la fourniture d’énergie
sont doublés par des centrales thermiques productrices de gaz à
effet de serre !! Le GUE demandent que les subventions de l’UE aillent
aux énergies renouvelables, c'est-à-dire qu' elles favorisent
les fournisseurs privés d’énergie.
Le GUE demande « de réduire la consommation totale d’énergie
primaire de 25% (rien que cela !)… y compris en limitant la consommation
par tête d’habitant ». Réduction de 80% de Gaz
à effet de serre, (dont rien n’indique qu' ils sont dangereux
pour l’environnement), réduction de 25% des énergies fossiles,
réduction de leur utilisation par tête d’habitant, pas un
mot sur le nucléaire, le GUE ne flirterait il pas avec l’idéologie
de la décroissance ?
Concernant l’agriculture le GUE reprend à son comptes les thèses
de ceux qui remettent en cause la notion même de progrès. Il demande
la « protection du matériel de reproduction végétal ?
(Il n’y a jamais eu autant de variétés cultivées !)
la garantie du droit des paysans d’avoir leur propres semences, application
de programmes de développement (cela ne mange pas de pain !) et
interdiction de l’utilisation d’OGM pour la production d’aliments
et de produits alimentaires…). Les paysans ont le droit de cultiver avec
leur propres semences, mais… pour leurs besoins propres, il est interdit
dans tous les pays développés de vendre une récolte obtenue
à partir de semences non certifiées listées dans un catalogue
officiel. Les rédacteurs du texte veulent ils nous ramener dans la première
partie du 19e siècle avant la sélection des semences. La biologie,
la génétique appliquée au végétal seraient
source d’asservissement de la paysannerie dont la libération reposait
sur le retour à l’empirisme. N’est ce pas là sans
aucune fioriture, l’idéologie de l’antilibéral J Bové ?
Mais si l’agriculture retourne à l’empirisme, nous n’en
avons pas fini avec les crises alimentaires !! Dans la même veine
les OGM devraient être interdites, alors rien de concret n’a été
démontré, prouvé à leur encontre et pour cause,
compte tenu des critères de mise en culture. Rappelons que la Chine a
engagé 1,3 milliards d’euros en 2008 sur les OGM ! Visiblement
pour le GUE l’agriculture doit être une agriculture de petits propriétaires
avec des rendements dérisoires fournissant un marché de proximité.
Economie
« L’indépendance totale de la
BCE à l’égard de tout organe politique » est
critiquée. La politique de la BCE « doit avoir pour objectifs
essentiels une nouvelle croissance de l’économie et de l’emploi,
ces objectifs étant prioritaires par rapport à la maitrise de
l’inflation ». « La BCE doit être soumise
au contrôle démocratique et public. Ses statuts doivent être
modifiés» ? Le GUE est donc pour une Europe fédérale,
puisqu' il se prononce pour un contrôle politique de la BCE. Demander
qu' il soit démocratique et public n’engage à rien.
L’euro ne peut être autre chose qu' une monnaie d’attraction
de capitaux. Il ne peut en aucun cas contribuer à une politique économique,
car il n’y a pas de politique économique européenne, l’Europe
n’étant pas un Etat. Il faut revenir aux monnaies nationales, avec
une monnaie commune et non unique vecteur des échanges commerciaux. Pourquoi
le GUE ne le demande-t-il pas ?
Par contre il demande de taxéèr les transactions financières en Europe.
Ceci n’a aucun sens, puisque la zone Euro est une zone de liberté
de mouvements du capital. Quelle autorité prélèverait cet
impôt, n’est ce pas dessaisir le droit régalien des Etats
de prélever l’impôt ? Encore le fédéralisme !
Taxéèr les mouvements de capitaux ne change rien à la nature de l’économie.
C’est aux critères de ces mouvements qu' il faut s’attaquer !
Le texte demande l’harmonisation du système financier européen
qui doit être basé sur la progressivité de l’impôt.
Le système financier et l’impôt sont deux systèmes
différents ! Il n’y a aucun système financier européen,
il n’y a que des systèmes nationaux. Demander l’harmonisation
financière, si les mots ont un sens, c’est aller dans le sens du
fédéralisme dans le sens d’une plus grande dérégulation
des marchés financiers. C’est ce que demandent ceux qui veulent
qu' il y ait un marché financier européen unique avec une
homogénéisation complète des règles financières
entre places boursières !
Parler ensuite de nationalisation est une aimable plaisanterie, car c’est
porter atteinte à la concurrence libre et non faussée qui repose
sur l’Euro. Comme personne ne veut mettre en cause l’euro !
Une Europe de paix et de coopération
« Le conflit du Caucase d’août 2008
est devenu une crise internationale qui a impliqué les Etats-Unis et
qui a appelé la population européenne et l’Union européenne
à jouer leur rôle pour négocier une solution politique ».
C’est ce que l’on appelle une réécriture de l’Histoire.
Les USA n’ont pas été impliqués, ils ont été
à l’origine du conflit. Ils ont instrumentalisé la Géorgie,
afin de tester les capacités militaires de la Russie. C’est quand
même la Géorgie avec ses conseillers militaires US (Israël
avait prudemment retiré ses siens) qui a bombardé la ville de
Tsinkvalli ! Quand à l’UE elle s’est d’abord rangé
dans le camp de la Géorgie, criant au loup face à l’agresseur
Russe pour prendre ensuite une position plus nuancée afin de préserver
ses propres intérêts face au partenaire économique russe
et ce qui pouvait rester des intérêts Géorgiens. Parler
de la population européenne est une vue de l’esprit. Il n’y
a pas une population européenne mais des populations européennes.
Affirmer qu' elle aurait joué un rôle dans la solution du
conflit est une aimable plaisanterie.
« La Gauche européenne se prononce en faveur de l’élargissement
ultérieur de l’UE et pour une structure stable à l’échelle
du continent afin de surmonter les divisions politiques et économiques
existantes en Europe ». Jusqu' ou l’élargissement
doit il aller ? Doit il intégrer la Turquie, pourquoi le document
omet il cette question ? L’élargissement accompagné
de la monnaie unique, accroit l’espace de libre mouvement du capital.
C’est la création d’une structure qui permettrait de surmonter
les divisions non seulement politiques mais aussi économiques de l’Europe !
L’aplanissement des contradictions n’a nul besoin d’une structure,
mais repose sur des réunions bi et multilatérales autant que de
besoins.
Une Europe démocratique et égalitaire
« Les droits des et les possibilités
des travailleurs de participer aux décisions de l’entreprise, par
exemple à la réglementation des investissements et de la production,
doivent être élargis et définis par le droit international »
Il s’agit de changer la nature de l’entreprise par le législatif !
Parce que sans lutte, c’est de l’intégration. Dans les pays
nordiques les salariés sont représentés au CA de l’entreprise,
sans que cela affecte la gestion capitaliste de la dite entreprise.
Le sous chapitre intitulé « une politique transparente à
l’égard des médias » n’est pas d’une
grande clarté. Il ne demande pas une information pluraliste, mais de
« démocratiser la production le traitement et l’appropriation
de l’information et des connaissances pour tenir tête au capitalisme
numérique » ! Concrètement cela signifie quoi ?
Pourquoi ne pas demander la création d’une société
publique de fabrication de logiciels ? ce serait plus clair ! Oui
mais comme pour la gauche Européenne le cadre national n’est pas
le cadre pertinent d’action, mais uniquement le cadre européen,
et que les sociétés publiques sont nationales car régies
par un droit national, les rédacteurs du texte en ont été
réduits à des généralités. Généralités
qui se concluent par la tarte à la crème du logiciel libre, panacée
de la lutte contre Microsoft ! Le logiciel libre se conçoit pour
des applications scientifiques dans le cadre d’institutions académiques.
Les logiciels, qui sont des programmes de travail, sont le fruit d’un
travail de personnels hautement qualifiés formés par la société,
ces programmes de travail sont indispensables au fonctionnement de toute organisation
sociale (Etats entreprises privées, publiques, associations), il s’agit
d’un travail socialisé et non d’un passe temps, ils ne peuvent
être gratuits.
« Pour que toutes les personnes qui vivent dans l’Union européenne
puissent occuper l’espace politique qui leur est du le parlement européen
doit avoir le pouvoir de légiférer ». Parce que dans
le cadre national de chaque pays de l’UE les citoyens ne peuvent occuper
l’espace politique qui leur est du ! Légiférer mais
pour quelles lois ? et les parlements nationaux que deviennent ils ?
« Les institutions de l’UE doivent s’ouvrir à
la participation des sociétés civiles, lesquelles doivent avoir
la possibilité de contrôler leurs décisions ».
Dans la société il y aurait des sociétés civiles !
Qui sont elles ? Ces sociétés civiles pourraient contrôler
(comment ?) les décisions des institutions européennes !
Mais quelle légitimité ont-elles pour le faire ? La gauche
européenne n’est elle pas en train d’institutionnaliser des
lobbies ? Ou est la démocratie là dedans ?
Conclusion
Ce texte se situe dans le prolongement des idéologies
altermondialistes. Le capitalisme n’est nullement mis en cause mais uniquement
sa forme libérale. Le cadre national est délaissé, tout
se situe et se règle à l’étage supérieur,
l’Europe. Les parlements nationaux sont marginalisés Au nom de
la démocratie les groupes de pressions sont encouragés à
intervenir directement sur les institutions européennes. C’est
ce que font déjà entre autres et ils ne s’en cachent pas
Greenpeace et WWF qui ont installé leurs bureaux à Bruxelles.
L’écologisme est la clef de voute du programme, tout lui est subordonné,
le catastrophisme domine le texte. Les seules données concrètes
du programme concernent l’environnement.
Cette orientation sous un aspect contestataire accompagne par sa logique fédéraliste
les forces dominantes qui poussent le plus à la dérégulation.
Gilles Mercier
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