PCF : Une orientation a revoir.

Le PCF persévérant dans sa politique d'alliance sans contenu refait un remake du rassemblement anti libéral avec le front de gauche qui se réduit au PCF et au groupuscule de Mélenchon auquel viendraient s'aggréger quelques confétis. MG Buffet et JL Mélenchon jouent de la mandoline sous les fenètres d'O Besancenot afin de le convaincre de participer à la fête en espérant ainsi amener LO a rentrer dans ce qui s'apparente plus à un rassemblement de circonstance qu'à une alliance construite et structurée par les luttes.
Le programme du front de gauche est structuré par le programme "Ensemble pour un changement en Europe" élaboré par le Parti de la gauche européenne (PGE) qui a été publié dans l'Humanité du 8 décembre http://www.humanite.fr/2008-12-08_International_Ensemble-pour-un-changement-en-Europe .
Son contenu est édifiant quant aux inflexions que les dirigeants du PCF sont en train d'imprimer à la politique du parti sous couvert d'une Europe plus démocratique.
Comme pour la résolution du 34e congrès la Nation comme territoire de lutte est abandonnée. L'écologisme est la pierre angulaire du texte, la surenchère dans l'opportunisme écologique n'a pas effrayé les rédacteurs qui veulent remettre en selle l'agriculture du début du 19e siècle. Mais plus grave, la supranationalité à travers des circonvolutions verbales est à peine masquée. L'euro monnaie du capital qui écrase la croissance n'est nullement remise en cause.
Pour bien comprendre vers quoi la Direction du Parti veut amener les communistes, il suffit d'aller sur le site du PGE (www.european-left.org). On y trouve cette perle qui se passe de commentaire.
“La “vieille” contradiction facilement comprise entre le Capital et le Travail est balayée par de nouvelles aspirations et contradictions entre les sexes, les générations, les cultures, les groupes ethniques et surtout par une conscience nouvelle de l’interrelation entre l’humanité et l’environnement”.

Gilles Mercier

Le texte qui suit est l’analyse du programme « Ensemble pour un changement en Europe ! »élaboré par une trentaine de formations politiques en vue des élections européennes et publié dans l‘Humanité du 8 décembre.

Pour les rédacteurs du texte, ce n’est pas la nature même du capitalisme qui est responsable de la crise économique et financière, mais sa forme libérale ou néolibérale. Les dirigeants politiques qui ont promu ce capitalisme sont qualifiés « d’irresponsables ». La crise qualifiée de mondiale a pour cause première la politique hégémonique de Bush. De même la mondialisation néolibérale aurait failli ! « La politique les Etats et des sociétés entières sont soumis aux marchés financiers incontrôlés. Le résultat est clair : une absence de démocratie et la fin de l’Etat providence ». Ainsi la crise a des causes extérieures aux Etats qui seraient soumis à la mondialisation libérale. Pourtant quelques lignes plus loin il est écrit « Les gouvernements, les institutions de l’UE …ont imposé privatisations et dérégulation ». Le texte apparaît plus comme un patchwork de circonstance alimenté par l’apport des différents composantes du GUE, qu' un programme élaboré par une orientation cohérente.
Ce sont les Etats qui depuis le milieu des années 1970 face à la crise d’accumulation du capital ont dérégulé les marchés financiers, déréglementé le marché du travail afin de permettre au capital de s’internationaliser pour maintenir sinon accroitre ses taux de profit. La crise a ses racines dans l’Etat national capitaliste. C’est l’accumulation de ces mesures de déréglementation qui est à l’origine de la crise. Les Etats ne subissent la crise, ils la créent et la structurent par la nature de leurs décisions. Parler d’Etat providence est indécent ! Comme si l’Etat n’avait pas une nature de classe. La plupart des Etats capitalistes européens ont été obligés, à l’issue de la deuxième guerre mondiale de concéder au monde du travail un certain nombre de droits sociaux plus ou moins étendus suivant l’importance du mouvement de lutte. Parler de l’Etat providence revient à passer sous silence la lutte menée par les classes dominantes pour revenir sur ce qu' elles avaient été obligées de concéder. L’Etat providence est la négation de la lutte de classe.
Le GUE « estime qu' une sortie de crise ne peut être trouvée qu' en se battant pour une Europe démocratique et sociale, une Europe des peuples et non pas une Europe des banques ». Le combat pour une autre Europe, doit être d’abord mené contre la politique de son gouvernement national. C’est la lutte des classes au niveau de chaque pays qui détermine le contenu de la politique européenne. Elle contraint les gouvernements à prendre en compte les exigences sociales au niveau national et européen. L’exemple même est la lutte contre le CPE, qui a été suivie avec la plus grande attention par tous les gouvernements du continent, membres ou non de l’UE. Le cadre national comme cadre de lutte sur lequel s’appuieraient les députés européens n’est même pas évoqué. Se situer au niveau européen sans s’appuyer sur le niveau national, c’est se cantonner à une activité de sommet déconnectée des luttes.
« Plus que jamais, l’Union Européenne est à la croisée des chemins ; ou bien elle continue de mener sa politique actuelle qui approfondit sa crise financière, alimentaire, énergétique et de sécurité, ou bien elle se tourne vers une option de développement durable de justice sociale, … ». où les rédacteurs du texte ont-ils vu une crise alimentaire, une crise énergétique, une crise de sécurité en Europe ? Ces trois crises tombent comme un cheveu sur la soupe sans qu' elles soient explicitées. L’Europe mange à sa faim depuis le début des années 1950, elle n’est pas en déficit énergétique. Quant à la crise de sécurité à quoi cela fait il allusion ? Le développement durable est mis à toutes les sauces. C’est une tautologie puisque le développement implique la durabilité.
Le social dans le texte est souvent accolé au développement durable, ainsi les économies de l’Europe doivent être « socialement et écologiquement durables ». Que signifie une économie socialement durable ? Le texte ne le dit pas ! « Le Parti de la gauche européenne exige … une Europe féministe qui se développe sur la base de la démocratie et de la solidarité ». Pourquoi accoler démocratie et solidarité à féminisme, où est la logique ? Le terme démocratie est trop vague pour y donner un sens concret. Le suffrage est universel en Europe, les opinions peuvent s’exprimer. Quant à la solidarité le terme est ambigu. Tout le monde peut s’en réclamer. Qui est solidaire de qui ? Le social ne se réduit pas à la solidarité.
« Nous nous joignons au combat du mouvement pour la paix et contre la guerre, du mouvement des altermondialistes… ». Citer l’altermondialisme n’est très pertinent. Ce mouvement dépourvu de toute unité idéologique a servi pendant des années d’exutoire, sans remettre en cause l’ordre dominant et bien sur sans dégager aucune perspective. Ce n’est pas pour rien que la fondation Rockfeller est un des bailleurs de fonds des forums mondiaux.
L’écologisme a du succès. Pas une formation politique omet de se réclamer de la protection de l’environnement. Le créneau est très occupé. Visiblement le lobbying particulièrement intense des multinationales de l’environnement auprès des instances communautaires et du parlement européen n’est pas sans effet sur ceux qui se réclament d’une autre Europe.
Ainsi les rédacteurs du texte veulent une stratégie basée sur … « des relations traditionnelles avec la nature », ils ne disent pas jusqu' à quand ils font remonter la tradition ! Ils parlent de « la restructuration écologique » de l’économie réelle !! Que veulent ils dire ? L’Europe est la région du monde où les normes environnementales sont les plus sévères pour l’industrie. Alors que l’Europe veut réduire de 20 % sa production de gaz à effet de serre d’ici 2020, sans savoir d’ailleurs comment elle va procéder, la GUE veut faire passer cet objectif à 25% pour atteindre 80% en 2050 ! Le seul moyen d’atteindre cet objectif est de diminuer l’activité économique. Ils ne craignent pas d’écrire dans la foulée vouloir augmenter l’utilisation des énergies renouvelables d’au moins 25%. Energies qui n’ont de renouvelables que le nom puisque l’éolien et le photovoltaïque pour assurer la permanence de la fourniture d’énergie sont doublés par des centrales thermiques productrices de gaz à effet de serre !! Le GUE demandent que les subventions de l’UE aillent aux énergies renouvelables, c'est-à-dire qu' elles favorisent les fournisseurs privés d’énergie.
Le GUE demande « de réduire la consommation totale d’énergie primaire de 25% (rien que cela !)… y compris en limitant la consommation par tête d’habitant ». Réduction de 80% de Gaz à effet de serre, (dont rien n’indique qu' ils sont dangereux pour l’environnement), réduction de 25% des énergies fossiles, réduction de leur utilisation par tête d’habitant, pas un mot sur le nucléaire, le GUE ne flirterait il pas avec l’idéologie de la décroissance ?
Concernant l’agriculture le GUE reprend à son comptes les thèses de ceux qui remettent en cause la notion même de progrès. Il demande la « protection du matériel de reproduction végétal ? (Il n’y a jamais eu autant de variétés cultivées !) la garantie du droit des paysans d’avoir leur propres semences, application de programmes de développement (cela ne mange pas de pain !) et interdiction de l’utilisation d’OGM pour la production d’aliments et de produits alimentaires…). Les paysans ont le droit de cultiver avec leur propres semences, mais… pour leurs besoins propres, il est interdit dans tous les pays développés de vendre une récolte obtenue à partir de semences non certifiées listées dans un catalogue officiel. Les rédacteurs du texte veulent ils nous ramener dans la première partie du 19e siècle avant la sélection des semences. La biologie, la génétique appliquée au végétal seraient source d’asservissement de la paysannerie dont la libération reposait sur le retour à l’empirisme. N’est ce pas là sans aucune fioriture, l’idéologie de l’antilibéral J Bové ? Mais si l’agriculture retourne à l’empirisme, nous n’en avons pas fini avec les crises alimentaires !! Dans la même veine les OGM devraient être interdites, alors rien de concret n’a été démontré, prouvé à leur encontre et pour cause, compte tenu des critères de mise en culture. Rappelons que la Chine a engagé 1,3 milliards d’euros en 2008 sur les OGM ! Visiblement pour le GUE l’agriculture doit être une agriculture de petits propriétaires avec des rendements dérisoires fournissant un marché de proximité.

Economie

« L’indépendance totale de la BCE à l’égard de tout organe politique » est critiquée. La politique de la BCE « doit avoir pour objectifs essentiels une nouvelle croissance de l’économie et de l’emploi, ces objectifs étant prioritaires par rapport à la maitrise de l’inflation ». « La BCE doit être soumise au contrôle démocratique et public. Ses statuts doivent être modifiés» ? Le GUE est donc pour une Europe fédérale, puisqu' il se prononce pour un contrôle politique de la BCE. Demander qu' il soit démocratique et public n’engage à rien. L’euro ne peut être autre chose qu' une monnaie d’attraction de capitaux. Il ne peut en aucun cas contribuer à une politique économique, car il n’y a pas de politique économique européenne, l’Europe n’étant pas un Etat. Il faut revenir aux monnaies nationales, avec une monnaie commune et non unique vecteur des échanges commerciaux. Pourquoi le GUE ne le demande-t-il pas ?
Par contre il demande de taxéèr les transactions financières en Europe. Ceci n’a aucun sens, puisque la zone Euro est une zone de liberté de mouvements du capital. Quelle autorité prélèverait cet impôt, n’est ce pas dessaisir le droit régalien des Etats de prélever l’impôt ? Encore le fédéralisme ! Taxéèr les mouvements de capitaux ne change rien à la nature de l’économie. C’est aux critères de ces mouvements qu' il faut s’attaquer !
Le texte demande l’harmonisation du système financier européen qui doit être basé sur la progressivité de l’impôt. Le système financier et l’impôt sont deux systèmes différents ! Il n’y a aucun système financier européen, il n’y a que des systèmes nationaux. Demander l’harmonisation financière, si les mots ont un sens, c’est aller dans le sens du fédéralisme dans le sens d’une plus grande dérégulation des marchés financiers. C’est ce que demandent ceux qui veulent qu' il y ait un marché financier européen unique avec une homogénéisation complète des règles financières entre places boursières !
Parler ensuite de nationalisation est une aimable plaisanterie, car c’est porter atteinte à la concurrence libre et non faussée qui repose sur l’Euro. Comme personne ne veut mettre en cause l’euro !

Une Europe de paix et de coopération

« Le conflit du Caucase d’août 2008 est devenu une crise internationale qui a impliqué les Etats-Unis et qui a appelé la population européenne et l’Union européenne à jouer leur rôle pour négocier une solution politique ». C’est ce que l’on appelle une réécriture de l’Histoire. Les USA n’ont pas été impliqués, ils ont été à l’origine du conflit. Ils ont instrumentalisé la Géorgie, afin de tester les capacités militaires de la Russie. C’est quand même la Géorgie avec ses conseillers militaires US (Israël avait prudemment retiré ses siens) qui a bombardé la ville de Tsinkvalli ! Quand à l’UE elle s’est d’abord rangé dans le camp de la Géorgie, criant au loup face à l’agresseur Russe pour prendre ensuite une position plus nuancée afin de préserver ses propres intérêts face au partenaire économique russe et ce qui pouvait rester des intérêts Géorgiens. Parler de la population européenne est une vue de l’esprit. Il n’y a pas une population européenne mais des populations européennes. Affirmer qu' elle aurait joué un rôle dans la solution du conflit est une aimable plaisanterie.
« La Gauche européenne se prononce en faveur de l’élargissement ultérieur de l’UE et pour une structure stable à l’échelle du continent afin de surmonter les divisions politiques et économiques existantes en Europe ». Jusqu' ou l’élargissement doit il aller ? Doit il intégrer la Turquie, pourquoi le document omet il cette question ? L’élargissement accompagné de la monnaie unique, accroit l’espace de libre mouvement du capital. C’est la création d’une structure qui permettrait de surmonter les divisions non seulement politiques mais aussi économiques de l’Europe ! L’aplanissement des contradictions n’a nul besoin d’une structure, mais repose sur des réunions bi et multilatérales autant que de besoins.

Une Europe démocratique et égalitaire

« Les droits des et les possibilités des travailleurs de participer aux décisions de l’entreprise, par exemple à la réglementation des investissements et de la production, doivent être élargis et définis par le droit international » Il s’agit de changer la nature de l’entreprise par le législatif ! Parce que sans lutte, c’est de l’intégration. Dans les pays nordiques les salariés sont représentés au CA de l’entreprise, sans que cela affecte la gestion capitaliste de la dite entreprise.
Le sous chapitre intitulé « une politique transparente à l’égard des médias » n’est pas d’une grande clarté. Il ne demande pas une information pluraliste, mais de « démocratiser la production le traitement et l’appropriation de l’information et des connaissances pour tenir tête au capitalisme numérique » ! Concrètement cela signifie quoi ? Pourquoi ne pas demander la création d’une société publique de fabrication de logiciels ? ce serait plus clair ! Oui mais comme pour la gauche Européenne le cadre national n’est pas le cadre pertinent d’action, mais uniquement le cadre européen, et que les sociétés publiques sont nationales car régies par un droit national, les rédacteurs du texte en ont été réduits à des généralités. Généralités qui se concluent par la tarte à la crème du logiciel libre, panacée de la lutte contre Microsoft ! Le logiciel libre se conçoit pour des applications scientifiques dans le cadre d’institutions académiques. Les logiciels, qui sont des programmes de travail, sont le fruit d’un travail de personnels hautement qualifiés formés par la société, ces programmes de travail sont indispensables au fonctionnement de toute organisation sociale (Etats entreprises privées, publiques, associations), il s’agit d’un travail socialisé et non d’un passe temps, ils ne peuvent être gratuits.
« Pour que toutes les personnes qui vivent dans l’Union européenne puissent occuper l’espace politique qui leur est du le parlement européen doit avoir le pouvoir de légiférer ». Parce que dans le cadre national de chaque pays de l’UE les citoyens ne peuvent occuper l’espace politique qui leur est du ! Légiférer mais pour quelles lois ? et les parlements nationaux que deviennent ils ?
« Les institutions de l’UE doivent s’ouvrir à la participation des sociétés civiles, lesquelles doivent avoir la possibilité de contrôler leurs décisions ». Dans la société il y aurait des sociétés civiles ! Qui sont elles ? Ces sociétés civiles pourraient contrôler (comment ?) les décisions des institutions européennes ! Mais quelle légitimité ont-elles pour le faire ? La gauche européenne n’est elle pas en train d’institutionnaliser des lobbies ? Ou est la démocratie là dedans ?

Conclusion

Ce texte se situe dans le prolongement des idéologies altermondialistes. Le capitalisme n’est nullement mis en cause mais uniquement sa forme libérale. Le cadre national est délaissé, tout se situe et se règle à l’étage supérieur, l’Europe. Les parlements nationaux sont marginalisés Au nom de la démocratie les groupes de pressions sont encouragés à intervenir directement sur les institutions européennes. C’est ce que font déjà entre autres et ils ne s’en cachent pas Greenpeace et WWF qui ont installé leurs bureaux à Bruxelles. L’écologisme est la clef de voute du programme, tout lui est subordonné, le catastrophisme domine le texte. Les seules données concrètes du programme concernent l’environnement.
Cette orientation sous un aspect contestataire accompagne par sa logique fédéraliste les forces dominantes qui poussent le plus à la dérégulation.

Gilles Mercier

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