Une "Constitution" contre les peuples

Depuis sa création, la construction  européenne a été conçue comme un moyen de renforcer l'exploitation des peuples d'Europe et de les soumettre aux  règles du capitalisme. Chaque nouveau Traité (Acte Unique, Maastricht, Amsterdam, Nice) constituait un nouveau pas en avant de cette machine de guerre afin d'asseoir le capitalisme comme règle absolue et de casser les acquis des luttes.

Le projet de constitution constitue un saut qualitatif qui vise à institutionnaliser le capitalisme, à rendre sa domination irréversible et à empêcher toute possibilité d'alternative en ôtant à chaque peuple la liberté de décider de son avenir. Pour les forces du capital, cette constitution est en quelque sorte une assurance-vie contre le socialisme.

Le fil rouge de ce socle capitaliste, c'est la libre concurrence qui devient le fondement du droit communautaire et de toutes les activités humaines. La politique économique est conduite "conformément au respect du principe d'une économie de marché ouverte où  la concurrence est libre" (art.III.177). Pour bien enfoncer le clou, ce principe est répété à satiété dans de nombreux articles pour que rien n'échappe aux règles du marché et de la concurrence. C'est au nom de ce principe que les entreprises publiques sont démantelées et privatisées. C'est au nom de ce principe que les Conseils européens, notamment à Lisbonne en mars 2000 et à Barcelone en juin 2002, ont décidé (avec l'accord de J. Chirac et L. Jospin) d'accélérer le processus de déréglementation et de libéralisation dans tous les secteurs : transports, énergie, poste, télécommunications, aéroports, ports.

En matière de politique économique et monétaire, les gouvernements comme les parlements nationaux sont dépossédés du pouvoir de décision et de contrôle. Les véritables "gardiens" sont la Commission et la Banque Centrale européenne (BCE). La Commission veille à faire respecter l'application du pacte de stabilité, devenu un carcan pour les budgets nationaux. Elle "surveille l'évolution de la situation budgétaire et du montant de la dette publique dans les Etats membres pour déceler les erreurs manifestes  "(art. III-184). La BCE, chargée exclusivement du "maintien de la stabilité de prix", est totalement indépendante, sans contrôle démocratique et hors d'atteinte de tout pouvoir politique: "Ni la Banque centrale européenne, ni une banque centrale nationale (...)  ne peuvent solliciter, ni accepter des instructions de l'Union, des gouvernements des Etats membres" (art. III-188). La BCE se préoccupe essentiellement de préparer les conditions exigées par les marchés  financiers  pour attirer les capitaux. C'est pourquoi, elle adresse  des injonctions aux gouvernements pour diminuer  les dépenses publiques, réformer  les systèmes  de retraite et de protection sociale, flexibiliser le marché du travail et "modérer" les salaires.
Pour faire appliquer les mécanismes contraignants de l'économie capitaliste qui suscitent l'opposition des peuples, le projet de Constitution prévoit de renforcer la politique sécuritaire et répressive (notamment  vis-à-vis des étrangers non communautaires) et de pousser les feux d'une politique européenne de défense "conformément aux engagements souscrits au sein de l'OTAN", c'est-à-dire dans l'orbite des Etats-Unis. Cette politique étrangère et de défense serait conduite par un ministre européen des Affaires étrangères (art. I-28) avec le risque de mettre en cause le droit des gouvernements de définir leur politique étrangère en toute indépendance. Si la Constitution avait été appliquée, la France n'aurait pas pu prendre une position autonome sur l'Irak. Certains vont même jusqu'à demander que l'Union européenne soit membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations-Unies en lieu et place de la France et de la Grande-Bretagne!

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