Armement, finance internationale et guerre : la
troïka infernale
1. Une France qui ne paraît plus avoir
d'autre recours que la guerre...
La France bourgeoise de ce début de XXIème
siècle est manifestement résolue à entrer dans
un cycle de guerres dont nul ne sait encore jusqu'à quelle
catastrophe il pourra mener le peuple dont cette même bourgeoisie
assure la direction économique, politique et intellectuelle
depuis les lendemains immédiats de 1789...
Le peuple de France, lui, se contente de courber
la tête, sans du tout comprendre ce qui lui arrive, et ce
qu'on lui brise sous le nez, en criant "Au dictateur !",
si ce n'est "Au loup !", ou même "Au loup-garou
!"... Situation fort pitoyable qu'est venue révéler
l'invraisemblable tragédie libyenne de 2011.
Le vrai héros - pitoyable, et dont aujourd'hui
il est encore à redouter qu'il ne revienne un jour à
proximité des systèmes de contrôle du feu nucléaire
- de cette affaire rondement menée aura été
ce Sarkozy dont il paraît que l'ignominie serait si peu apparente
qu'il trouverait encore quelques suffrages à se porter sur
lui.
Or, désormais, même les plus bouché(e)s
d'entre nos concitoyennes et concitoyens savent qu'en matière
d'ignominie, il en va de même pour son Hollande de successeur
qui déjà se voyait pilonnant la Syrie.
Et pourtant, ce sont là les deux derniers
souverains dont nous nous sommes doté(e)s. C'est à
pleurer. Mais la Constitution de 1958 est vraiment bien faite...
Voilà un peuple qui s'agenouille toujours aussi irrésistiblement
devant ses divers seigneurs et maîtres, sans jamais paraître
y entraver que couic...
2. Tout ceci est-il vraiment raisonnable ?
Ces guerres qui se cherchent - ou plutôt
que la France bourgeoise s'efforce de dénicher pour les Françaises
et les Français qui commencent à rudement trépigner
en présence d'un chômage dont il est maintenant clair
qu'il est devant une grande partie d'entre elles et eux pour jusqu'à
leur fin de vie si ce n'est celle de leurs enfants et petits-enfants
(ô douce France !) -, s'inscrivent-elles dans une logique
de fond ?...
Certainement, et c'est ce que nous allons essayer
de vérifier ici, non sans avoir aussitôt affirmé
qu'en fait de "logique", mieux vaudrait écrire
tout de suite qu'il n'y aura, pour ce faire, aucun outil mieux adapté
que les matérialismes frères dont l'un se dit dialectique
quand l'autre s'affirme historique, et dont il est connu qu'ils
ne se révèlent, à eux-mêmes et à
qui veut bien les observer attentivement, que dans l'acte même
de penser.
Pour qui voudra faire une application immédiate
de ce que cette expérimentation peut être, il n'est
que de se tourner vers deux des autres pages de ce site :
"Travail
et capital"
"Economistes
d'aujourd'hui"
3. Une histoire parlementaire qui mérite
un petit détour
Rétrospectivement, il apparaît que
l'affaire libyenne se trouve encadrée par deux dates très
significatives de l'histoire parlementaire française... qui
vont nous permettre d'entamer notre quête des raisons qui
ont abouti à détruire un pays dont Françoise
Petitdemange montre si bien, dans son ouvrage La Libye révolutionnaire
dans le monde (1969-2011), les trésors d'intelligence et
de courage dont il a été le résultat, et les
dangers dont il était porteur pour la domination capitaliste,
colonialiste et impérialiste des Occidentaux sur l'Afrique
du Nord, mais aussi sur l'ensemble de l'Afrique.
A ce propos, on ne saurait manquer de consulter
: www.francoisepetitdemange.sitew.fr
Si l'attaque aéronavale, sur la Libye,
d'une France, qui se plaçait délibérément
en dehors de l'ONU, mais surtout du droit international lui-même,
est intervenue le 19 mars 2011, neuf jours plus tôt, le 10
mars, la Présidence du Sénat enregistrait le Rapport
d'information déposé au nom de la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées
sur la sécurité des approvisionnements stratégiques
de la France, par M. Jacques Blanc, sénateur.
Sans doute l'Assemblée nationale ne pouvait-elle
pas faire moins bien, puisque le 19 octobre 2011, veille de la mort,
en martyr de la cause arabe et africaine, de Muammar Gaddhafi, sa
présidence enregistrait le Rapport d'information sur le prix
des matières premières, établi sous la responsabilité
de la Commission des affaires économiques, et présenté
par madame Catherine Vautrin et monsieur François Loos en
conclusion des travaux d'une mission d'information présidée
par madame Pascale Got.
4. Une guerre pour renforcer la sécurité
des approvisionnements stratégiques de la France ?
Laissons le Sénat nous en dire plus dès
le début du Rapport sur la sécurité des approvisionnements
stratégiques de la France que nous devons à sa Commission
des affaires économiques :
"Le livre blanc sur la défense
et la sécurité nationale, publié au mois de
juin 2008, évoque : « La croissance économique
des nouvelles puissances [qui] va de pair avec celle de la consommation
d’énergie, ainsi qu' un besoin accru en ressources
naturelles et en matières premières stratégiques
» et mentionne les deux types de désordre qui en découlent
: « les atteintes à la biosphère, dont le réchauffement
climatique » et « la tension accrue sur les approvisionnements
stratégiques, dont l’énergie ». Il constate
que : « La surexploitation des ressources naturelles est susceptible
de relancer à l’échelle mondiale des tensions,
inconnues jusqu' à présent à ce degré,
pour satisfaire les besoins en énergie, en eau, en nourriture
et en matières premières »." (page 5)
La bonne piste est effectivement celle qui nous
renvoie vers le Livre blanc sur la défense et la sécurité
nationale de juin 2008. Nous n'allons pas tarder à y venir.
Prenons juste le temps de considérer de plus près
les quelques mots que je fais figurer ici en rouge. Il y a tout
d'abord la concurrence de nouvelles puissances... Lesquelles ?...
Une remarque ultérieure du Rapport du Sénat
nous permet de faire un petit pas en avant : "Parmi
les avantages comparatifs dont bénéficie la France
figure la disponibilité, en quantité comme en qualité,
des ressources en eau et des approvisionnements alimentaires nécessaires
à sa population." (page 6)
Rien que pour nous rendre sensibles à certaines
choses, ouvrons La Libye révolutionnaire dans le monde (1969-2011)
de Françoise Petitdemange à la page 250 qui traite,
en particulier, de la Grande Rivière artificielle, ouvrage
majeur de la Grande Jamahiriya Arabe Libyenne Populaire Socialiste
:
"En attendant la fin de la construction
du premier tronçon de la GRA (Grande Rivière Artificielle)
qui doit irriguer les terres agricoles et apporter l'eau indispensable
à tout élevage, la Libye, dont le désert couvre
90 % de sa superficie, et dont les terres, à proximité
des côtes méditerranéennes, perdent de leur
fertilité du fait de la salinité de l'eau de mer qui
pénètre dans le sous-sol, effectue des efforts considérables
pour diminuer les importations alimentaires et sortir de la mono-industrie."
Que c'est donc vilain ! Rien que pour cela, n'y
avait-il pas d'excellentes raisons de briser ce régime, quand,
en France, on ne redoute rien sur le terrain de l'eau et des approvisionnements
alimentaires, et qu'à l'inverse, on redoute ce que la Libye
ne saurait redouter... et que nos sénatrices et sénateurs
s'empressent de nous signaler dans leur Rapport :
"En revanche, notre pays est dépendant
de pays étrangers non européens dans deux grands secteurs
: l’énergie et les minerais, flux composés d’éléments
majoritairement non renouvelables, ce qui accroît les tensions
pour leur obtention." (page 6)
5. Un Livre blanc sur la défense et la
sécurité nationale qui sent la poudre
Que le Sénat et l'Assemblée Nationale
ne s'inquiètent pas outre mesure : nous reviendrons vers
leurs deux Rapports dès que possible. Et c'est bien parce
que nous nous y sentons autorisé(e)s par eux que nous leur
faisons momentanément faux bond en nous saisissant du Livre
blanc sur la défense et la sécurité nationale
de juin 2008... qui nous saute aussitôt au visage tant son
contenu et les circonstances de son élaboration apparaissent
comme très inquiétants.
Il est dû au travail d'une Commission désignée
par le décret n° 2007-1144 du 30 juillet 2007 pris sous
la signature du président de la république en fonction,
Nicolas Sarkozy, et contresigné par son premier ministre,
François Fillon.
Le tout début de ce décret nous
apprend que cette Commission est constituée de deux catégories
de personnes : celles qui sont présentes sur titre (18) et
celles qui le sont pour leur compétence personnelle (18).
Sur ce total de trente-six membres, il y a quatre
parlementaires (Assemblée nationale : 2 ; Sénat :
2), c'est-à-dire quatre personnes issues du suffrage universel,
qui ne vaut donc que pour un peu plus de 10 %, dans une affaire
- la guerre - qui n'est tout de même pas peu de chose...
Mais c'est encore trop sans doute.
En effet, le 7 avril 2008 madame Patricia Adam,
députée socialiste, et monsieur Didier Boulaud, sénateur
socialiste se fâchent tout rouge et donnent leur démission
au motif que : "En sept mois de travaux, nous avons constaté
que cette commission ne servait que de chambre d'enregistrement
des décisions du président de la République."
Comment pourrait-il en être autrement, puisque,
hormis nos quatre parlementaires, si les personnalités choisies
pour leur compétence le sont du seul avis du président
de la république, celles qui le sont pour leur titre se trouvent
être des hauts fonctionnaires civils ou militaires qui, pour
leur quasi-totalité, doivent justement ce titre à
une nomination décidée par ce même président
de la république (conseiller d'Etat, secrétaire général
de la défense nationale, directeur général
de la police nationale, directeur général de la gendarmerie
nationale, directeur général des affaires politiques
et de sécurité, directeur général du
trésor et de la politique économique, directeur de
la stratégie à la direction générale
de la recherche et de l'innovation, chef d'état-major des
armées, délégué général
pour l'armement, secrétaire général pour l'administration,
directeur général de la sécurité extérieure,
directeur chargé des affaires stratégiques, etc.).
Nous voici donc sous l'Empire... Qui pourrait
croire que cela ait changé depuis deux siècles ?...
6. Ce que sont les charges de l'empire
Prenant les questions internationales sous l'angle
de ce que médite de devenir la France impériale conduite
par un Sarkozy, le Livre blanc rédigé en 2008 par
la Commission désignée par celui-ci à cet effet
se heurte immédiatement à un phénomène
redoutable :
"La mondialisation transforme en profondeur
les fondements mêmes du système international. La distribution
de la puissance mondiale se modifie au bénéfice de
l’Asie." (page 13)
Avant de s'engager plus loin sur la question de
l'Asie, le Livre blanc marque un temps d'arrêt pour bien signifier
que tout n'est cependant pas perdu, puisque :
"Dans le même temps, des Etats
importants, comme ceux qui sont issus de l'éclatement de
l'Union soviétique, l'Afrique du Sud ou la Libye ont renoncé,
selon les cas, à leur statut, à leurs armes et à
leurs ambitions." (page 21)
En est-on si sûr, en 2008 ?... tout au moins
en ce qui concerne la Russie de Vladimir Poutine et la Libye de
Muammar Gaddhafi ?... C'est ce qu'il reste à voir.
Troisième catégorie définie
par le Livre blanc, les perdants...
"La mondialisation nourrit aussi des
inégalités économiques et sociales flagrantes.
Des régions entières demeurent à l'écart
des bénéfices de la croissance mondiale et, au lieu
de diminuer, les écarts se sont creusés entre les
plus riches et les plus pauvres. Une telle situation, au moment
où la diffusion de l'information rend ces inégalités
plus visibles, est lourde de menaces pour la stabilité internationale.
Elle peut engendrer révoltes et extrémismes. Une grande
partie du continent africain, de l'Asie et même de l'Amérique
latine est restée en marge des effets positifs de la mondialisation."
Et ces gens-là sont potentiellement très
dangereux, sauf à être dûment canalisés.
Exercer l'empire, c'est donc se mêler de
toutes ces choses à coups de fusil, si nécessaire...
7. Hiérarchiser les dangers courus par
le camp occidental
En gros, voici comment, selon le Livre blanc de
2008, tout cela se tient :
"La croissance économique des
nouvelles puissances va de pair avec celle de la consommation d'énergie,
ainsi qu'un besoin accru en ressources naturelles et en matières
premières stratégiques, ce qui contribue à
deux types de désordres.
Le premier concerne les atteintes à la
biosphère, dont le réchauffement climatique, qui exercera
d'ici 2025 des effets encore difficiles à mesurer sur l'équilibre
des zones polaires, le niveau des océans, la géographie
des migrations humaines, la sécurité alimentaire,
et l'extension des aires de répartition de certaines maladies
[...].
Le second est la tension accrue sur les approvisionnements
stratégiques." (page 25)
Et au beau milieu de cela, il y a donc deux monstres
qui grandissent à vue d'oeil à l'intérieur
de cette Asie à la redoutable croissance elle-même
:
"A l'horizon 2025, l'Asie sera devenue
l'un des pôles majeurs de la vie internationale, avec l'Europe
et l'Amérique. De nouvelles puissances auront émergé,
la Chine et l'Inde se situant aux premiers rangs.
Plus de la moitié de la population mondiale
sera d'origine asiatique à cette date, soit environ 4,7 milliards
d'habitants. La Chine devrait devenir le premier importateur et
exportateur mondial. Sauf rupture majeure sur le plan interne ou
international, le produit intérieur brut (PIB) de la Chine
et celui de l'Inde pourraient être multipliés par trois
d'ici deux décennies, et l'Asie devrait alors représenter
la moitié de la consommation mondiale de pétrole."
(page 34)
Comme on le constate avec une certaine surprise,
il est fort bonhomme, cet empire, en ce qu'il considère que
le péril ne tient qu'à la quête des ressources
naturelles : même s'il évoque importations et exportations,
la question de la concurrence strictement économique ne paraît
pas pouvoir se ranger sous sa compétence. Sur ce terrain,
sans doute pense-t-il que l'économie capitaliste occidentale
n'a rien à redouter... Ce qui n'est évidemment pas
sûr du tout. Mais ce n'est effectivement pas de la compétence
de l'impérialisme : lui n'est que très indirectement
impliqué dans l'extorsion de la plus-value. Son rôle
est de tirer dans le tas des corps et des consciences. Pas d'organiser
la production, une fois la soumission obtenue...
Or, selon le Livre blanc, il semble que la faille
se situe effectivement dans le champ d'action réservé
à l'impérialisme guerrier.
"L'essor de l'Asie n'est pas exempt
de fragilités, comme en témoigne les risques de surchauffe
économique, le sous-développement persistant de pans
entiers de la population, l'exposition à des risques naturels
majeurs ou à des catastrophes écologiques. Il n'est
pas non plus irréversible, si l'une des causes de conflits
potentiels débouche sur une guerre qui, dans les conditions
de la région, pourrait être dévastatrice."
(page 34)
Dévastatrice... C'est pour cela qu'on l'aime
tant, en Occident otanisé, la guerre qu'on fait un peu loin
de la patrie, et dont on peut constater les jolis dégâts
à la télévision quand vient le soir...
8. Mais là-bas, en Asie, il y a comme
un os... et pas que là
Certes, le jeu en vaudrait la chandelle, semble
nous dire le Livre blanc :
"L'Asie est d'ores et déjà
la partie du monde la plus dynamique, où la croissance est
la plus forte, la population la plus nombreuse, et les mutations
les plus impressionnantes." (page 35)
Et le terrain paraît y être déjà
un peu miné :
"C'est aussi une région qui
comprend de nombreux conflits non résolus (Cachemire, péninsule
coréenne, question de Taiwan), des tensions interétatiques
(Inde-Pakistan, Inde-Chine, Chine-Japon), et où trois des
principaux pays du monde ont des intérêts stratégiques
et une présence militaire (Russie, Chine, Etats-Unis)."
(page 35)
Mais ni l'Europe, ni la France, à moins
que par solidarité otanisée avec les Etats-Unis et
le Japon.
Ainsi la Chine, c'est loin. Mais, surtout, c'est
peut-être un peu cher pour le camp occidental :
"Dans ce contexte, la forte augmentation
de l'effort militaire, notamment en Chine (avec des taux annoncés
pour le budget de 10 % par an en moyenne de 1989 à 2007,
et de 17 % pour les deux années 2007 et 2008), est un élément
de préoccupation d'autant plus sérieux que les données
de cet effort manquent de transparence s'agissant de la Chine, que
la région ne connaît aucun système de sécurité
collective et que les mesures de confiance entre Etats y sont limitées."
(page 35)
Par ailleurs, le Livre blanc ne peut pas perdre
de vue que, à l'opposé de ce que certains ont osé
affirmer au lendemain de la chute du mur de Berlin, la fin de l'Histoire
est loin d'être atteinte :
"Contrairement aux espoirs nés
de la fin de la guerre froide, les logiques de puissance n'ont pas
régressé." (page 37)
De quelle puissance, en particulier ? Eh bien
oui, toujours la même :
"Ainsi la Russie cherche-t-elle à
conforter son retour sur la scène internationale et son statut
de puissance majeure, avec un discours offensif à l'égard
de certains pays européens, notamment dans son voisinage.
Elle semble éprouver une certaine difficulté à
prendre en compte les évolutions politiques intervenues depuis
la fin du pacte de Varsovie et à assumer la plénitude
du processus démocratique engagé dans les années
1990. Elle est tentée de tester les effets d'une pression,
au moins économique, sur ses voisins."
Mais il y a plus grave, si possible, puisque les
rétivités convergentes de ces deux puissances maléfiques
- Chine et Russie - font tort au champion toutes catégories
de l'Occident impérialiste. Le Livre blanc en convient à
regret :
"La volonté de la Russie de
réaffirmer sa place et l'essor de la Chine dans tous les
domaines pourraient conduire à relativiser la place de l'Amérique.
Une des conséquences possibles de cette situation est une
crise de confiance des alliés des Etats-Unis dans les deux
régions les plus volatiles : le Moyen-Orient et l'Extrême-Orient."
(page 36)
Le Livre blanc est tellement meurtri qu'il en
vient à confondre l'Amérique et les Etats-Unis. Mais
il est bien vrai que si le Moyen-Orient et l'Extrême-Orient
se décidaient à faire un bras d'honneur à l'impérialisme
américain, il ne faudrait donner très cher ni de la
puissance de l'Europe ni de celle de la France aussi tigresse soit-elle
quand elle croit chasser sous l'aile de l'OTAN.
9. Le phoenix russe
Il faut donc s'inquiéter de la possible
baisse de la domination mondiale exercée par les Etats-Unis.
Et tout spécialement de ce que cela peut vouloir dire dans
la sphère militaire... En la matière, le Livre blanc
retient tout d'abord ce fait que :
"Les dépenses militaires dans
le monde, qui avaient nettement baissé dans les années
1990, se sont accrues depuis lors de façon continue."
(page 28)"
Phénomène plus que rassurant, puisqu'il
met en avant deux membres éminents de l'OTAN : "Cet
accroissement résulte d'abord des dépenses de l'Amérique
du Nord. Les Etats-Unis ont en effet vivement augmenté en
2002 un effort qui a connu, depuis, une croissance plus rapide que
leur produit intérieur brut (PIB). Ils sont le principal
déterminant de la tendance mondiale à la hausse. Leurs
dépenses et, en Europe, celles du Royaume-Uni, ont aussi
augmenté significativement en raison de l'effort de guerre
en Afghanistan et en Irak." (page 28)
Comme quoi... la permanence des conflits, etc...
Mais il n'y a pas lieu non plus de s'endormir,
insiste le Livre blanc, puisque :
"La Chine poursuit la modernisation
de ses équipements, avec de nombreux achats à la Russie
(avions de combat, sous-marins) et un accroissement de ses capacités
nucléaires et balistiques. Les dépenses de l'Inde
ont augmenté au rythme, élevé, de la croissance
de son PIB. Il en résulte un développement important
des moyens militaires des deux pays et surtout de la Chine."
(page 30)
Dont on voit qu'elle n'est pas tout à fait
seule. Et qu'il y a une co-responsable, la Russie, à sa montée
sur la scène de la puissance militaire. Elle bénéficie,
en quelque sorte, d'une revenante, qui paraît s'extraire quelque
peu des contraintes que l'Occident s'était amusé à
lui infliger depuis l'implosion de la si détestée
URSS :
"Un des changements les plus remarquables
par rapport à 1994 est l'évolution des relations entre
la Russie et le monde occidental, qu'il s'agisse des Etats-Unis
ou de l'Europe.
La politique de rapprochement engagée à
la fin de la guerre froide a fait place à une série
d'initiatives contraires à cet objectif : utilisation de
l'arme énergétique dans les rapports interna-tionaux,
tentatives de contrôle des régions ou des pays de «
l'étranger proche », remise en cause du traité
sur les forces conventionnelles en Europe." (page 38)
Ce qui n'est pas sans rappeler de très
fâcheux souvenirs, même si les dimensions du rapport
de force ne sont plus du tout les mêmes, loin s'en faut. Mais,
malgré tout :
"Forte de ses capacités économiques
liées au prix de l'énergie, la Russie reprend une
politique de puissance, qui bénéficie aussi d'un accroissement
de ses dépenses militaires. Elle a augmenté l'ampleur
de ses exercices militaires, qui se sont déroulés
depuis 2007 en mer Baltique, dans l'Atlantique Nord, dans la Méditerranée,
et dans l'océan Pacifique. La politique conduite à
l'égard de voisins appartenant à l'Union européenne
et à l'OTAN, ou qui y posent leur candidature, est plus préoccupante
encore." (page 38)
10. Remettre la Russie dans le droit chemin
Le Livre blanc (2008) en est fermement convaincu,
quelle que soit sa tentative de retour sur la scène militaire,
la Russie est minée de l'intérieur :
"Les faiblesses auxquelles la Russie
doit faire face, reconnues par les autorités russes elles-mêmes,
ne sont pas moins évidentes : bas niveau d'investissements
y compris dans le secteur éner-gétique, décroissance
démographique, problèmes de santé publique,
par exemple." (page 38)
Eléments dont on voit qu'ils sont à
même de jouer un rôle central dans le long terme. Il
suffirait d'aider à les bousculer, pour que la Russie se
retrouve condamnée à un avenir sombre pour plus d'une
génération...
Il n'est donc ensuite plus nécessaire d'appuyer
sur le trait... Il suffit d'utiliser un langage tout ce qu'il y
a de plus délicat pour faire entendre le pire :
"Une démarche commune des pays
européens pour proposer à la Russie une oopération
à la fois ambitieuse et équilibrée est nécessaire.
Une telle démarche permettra également d'inciter la
Russie à un exercice responsable de sa puissance retrouvée,
élément indispensable d'un partenariat pour faire
face efficacement aux défis internationaux." (page 38)
Va pour la démarche... Dans l'Ukraine de
2014, nous voyons effectivement une "communauté internationale"
qui incite et propose...
Incite la Russie à quoi ? Et lui propose
quoi ?
C'est ce que nous allons considérer, tout
juste pendant un très bref instant...
D'où venait le contentement initial de
cette même "communauté internationale" face
à la Russie de Boris Eltsine ? C'est ce à quoi va
nous aider à répondre l'ouvrage publié chez
L'Harmattan en 2009 par Olga Garanina, citoyenne russe, à
partir de sa thèse de doctorat. Nous y lisons ceci :
"Dans le cas russe, les réformes
semblent conforter les intérêts des élites (qui
ont pu se recycler en occupant des postes d'importance ou bien en
s'appropriant des richesses) et les intérêts des pays
du G7, tant d'un point de vue politique (disparition de la menace
soviétique) qu'économique (accès à ses
marchés et à ses ressources). "(page 35)
Ses marchés et ses ressources..., livrés
à la liberté d'entreprise du capitalisme occidental.
Moment d'intense jubilation ! Qui correspondait à une sortie,
à vive allure, de l'économie administrée (ce
qu'en Occident on appelle la "dictature"). Ainsi qu'Olga
Garanina nous le rappelle :
"Officiellement, la privatisation a
commencé en 1992. Le programme de privatisation privilégiait
une approche rapide des réformes, afin d'assurer l'irréversibilité
de la transition vers le marché. La rapidité de la
privatisation trouve son appui théorique dans le théorème
de Coase selon lequel une fois que les droits de propriété
deviennent privés, peu importe que l'allocation initiale
ait été irrationnelle, ils seront échangés
(vendus) jusqu'à ce qu'ils trouvent leur utilisation la plus
productive." (page 56)
Processus que Vladimir Poutine est venu freiner,
autant que faire se peut, dans la situation de ce qu'est désormais
devenue l'économie russe, et ceci pour protéger l'ancienne
population soviétique des exactions les plus rudes de l'exploitation
de l'être humain par l'être humain que les Occidentaux
savent si bien déployer partout où les peuples ne
sont pas en situation de se défendre avec suffisamment d'opiniâtreté.
11. Une mise à genoux dûment programmée
Comme nous l'avons constaté, le Livre blanc
de 2008 n'est pas content de l'évolution récente de
la Russie. Mais il déclare bien connaître les faiblesses
internes de celle-ci.
Quant à l'extérieur proche, qu'y
aurait-il à dire, par exemple, de l'importance pour la Russie
de ses liens avec l'Ukraine ?
C'est ce que nous allons pouvoir mieux comprendre
en lisant Olga Garanina. Tout d'abord, il faut rappeler qu' après
l'implosion de l'URSS, les républiques qui la constituaient
ont suivi, pour la plupart d'entre elles, des voies parallèles.
A l'exclusion des Etats baltes, et à une exception près
(la Géorgie qui s'y rallie en 1993), elles ont toutes formé
en 1991 la Communauté des Etats indépendants (CEI).
On y retrouve l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Biélorussie,
le Kazakhstan, le Kirghizstan, la Moldavie, l'Ouzbékistan,
la Russie, le Tadjikistan, le Turkménistan, l'Ukraine.
Olga Garanina divise les relations commerciales
de la Russie selon trois catégories de pays : la CEI (Communauté
des Etats indépendants), l'UE (Union européenne) et
la Chine. Voici à quoi elle aboutit, tour à tour :
"Avec les pays de la CEI, la Russie
maintient un solde commercial positif sur les échanges de
produits manufacturés. De plus, le solde positif est en progression
depuis le début des années 2000. Globalement, la CEI
est la seule zone géographique vers laquelle la Russie arrive
à augmenter ses exportations manufacturières."
(page 93)
"L'UE compte pour la majeure partie
du déficit commercial russe calculé pour les produits
manufacturés. De plus, le solde connaît une dégradation
rapide." (page 93)
"Le solde commercial pour les produits
manufacturés dans les échanges avec la Chine est négatif
depuis 2003. Alors que les exportations chinoises sont en très
forte expansion, la Chine ayant triplé ses exportations entre
2003-2006, les exportations russes sont globalement stagnantes.
Par conséquent, la balance commerciale globale du commerce
russo-chinois est devenue négative pour la Russie."
(page 93)
Ne sont retenus, ici, que les biens manufacturés,
c'est-à-dire des biens dont la valeur vénale dépend
de la concurrence et s'appuie indirectement sur le temps de travail
consacré à leur production ainsi que sur la valeur
économique à la fois des instruments de travail utilisés
et des matières premières incorporées. A l'inverse,
n'apparaissent pas ici les biens qui, dans le vocabulaire utilisé
par Olga Garanina, offrent un "avantage absolu" :
"Ces derniers correspondent à
la situation où l'un des partenaires n'est pas en mesure
de produire le bien importé, quels que soient les coûts.
Les hydrocarbures et autres matières premières font
partie des avantages absolus. En effet, pour ces produits, il n'y
a pas de coûts comparés et le prix à l'échange
varie en fonction de la conjoncture internationale sans les limites
des coûts comparés des pays échangistes."
(page 101)
C'est-à-dire qu'au-delà de leur
coût de production, ils sont porteurs d'une rente..., cette
richesse qui ne demande qu'à être accaparée,
puisqu'elle n'est pas nécessaire à la continuation
de la production. C'est à ces biens qu'Olga Garanina attribue
cette redoutable caractéristique :
"[...] la "malédiction
des ressources" est due non pas à la richesse en ressources
naturelles, mais surtout aux problèmes de partage (utilisation)
des revenus de leur exploitation. La richesse en ressources naturelles
provoque des conséquences négatives en termes d'économie
politique, favorisant les comportements de recherche de rente, ce
qui se répercute sur le ralentissement de la croissance."
(page 139)
Autrement dit, il est urgent de ne pas rester
dans la dépendance de pareilles "richesses". D'où
l'importance des biens manufacturés, dont nous avons vu,
grâce à Olga Garanina, la place différenciée
qu'ils occupent, selon qu'il s'agit des échanges de la Russie
avec la CEI, l'UE ou la Chine.
12. La Russie va-t-elle devoir partager le sort
de l'Afrique et du monde arabo-musulman ?
Voici le "lieu géométrique"
des prochaines guerres vers lesquelles vont tendre les présidents
de la république française, quels qu'ils soient :
la Russie, l'Afrique et le monde arabo-musulman... avec, en bout
de course, la Chine. Excitant, n'est-ce pas ?
C'est dit dans ce qui précède :
les "rentes", cela se défend les armes à
la main. Il importe donc d'obtenir une place assurée dans
les échanges de produits manufacturés. L'agressivité
des autres trouvera à s'y amortir.
Si donc nous reprenons les indications fournies
par Olga Garanina en ce qui concerne l'évolution des ventes
de biens manufacturés que la Russie réalise selon
les pays, nous constatons aussitôt qu'il est essentiel pour
elle de ne pas perdre le contact avec la CEI. Ou bien, il lui faudra
se replier sur la rente de ses ressources naturelles, et s'armer
aussitôt de beaucoup de courage...
Mais la CEI elle-même, de quoi est-elle
faite du point de vue économique ?
C'est ce que nous apprend Olga Garanina, après
nous avoir rappelé que :
"La CEI est la seule grande zone régionale
vers laquelle la Russie arrive à accroître ses exportations
manufacturières, et, plus important, à faire progresser
son excédant commercial dans le commerce manufacturier. Ainsi,
entre 1998 et 2006, les exportations russes de machines et équipements
vers la CEI ont augmenté de 2 ou 3 fois, voire plus, selon
le groupe de produits. Ceci indiquerait la recréation du
bloc commercial centré sur la Russie." (page 176)
Selon Olga Garanina, pris dans le cadre de la
CEI :
"Le commerce régional russe
quant à lui est fortement concentré sur la Biélorussie,
l'Ukraine et le Kazakhstan qui assurent à eux seuls environ
90 % des échanges russes intrazone." (page 177)
Or, si le Kazakhstan arrive en quatorzième
position :
"En 2006, l'Ukraine et la Biélorussie
se situent parmi les dix principaux partenaires commerciaux de la
Russie, en assurant 5,5 et 4,5 % de ses échanges respectivement
selon les statistiques douanières." (page 177)
Le tableau de la page 92 précisait d'ailleurs
le cinquième rang de l'Ukraine et le sixième de la
Biélorussie, à la suite, dans l'ordre décroissant,
de l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Italie, la Chine.
S'il s'agit donc de reconduire la Russie sur le
chemin du confinement aux ressources naturelles, on voit qu'il faut
la couper, d'abord et avant tout, de l'Ukraine...
13. Ces prétendus dictateurs qu'on immole
à tour de bras
Arrivé(e)s à ce point, et au-delà
des rapports existant entre la Russie et l'Ukraine, le panorama
dans lequel le Livre blanc de la défense et de la sécurité
nationale de 2008 situe les manœuvres possibles d'un Sarkozy
et de ses successeurs à l'Elysée devient un peu plus
précis :
"La consommation mondiale d'énergie
pourrait doubler d'ici 2030. Les pays de l'Union européenne
dépendent aujourd'hui à plus de 75 % pour leur consommation
de pétrole, de zones de production situées au Moyen-Orient,
en Afrique ou en Russie. Les chiffres sont comparables pour le gaz.
Les pays en forte croissance économique, comme l'Inde et
surtout la Chine, cherchent de nouvelles sources d'approvisionnement
sur l'ensemble de la planète. Concurrence et peut-être
conflits pourraient résulter de tensions trop fortes et non
régulées."
En tirant la leçon de ce que nous avons
vu précédemment à propos de l'économie
russe, il faut tout de suite insister sur le fait qu'il n'y a rien
de plus grave, pour les Etats capitalistes occidentaux, que de se
trouver en présence de pays susceptibles de produire des
biens manufacturés dans un contexte d'économie administrée,
c'est-à-dire capables de retenir, pour leurs peuples, une
part significative de la rente accompagnant les éventuelles
ressources naturelles du pays, de cette rente qui n'est donc pas
soumise directement à la liberté d'entreprendre qui
qualifie l'essentiel des prétendus "droits de l'hom-me"...
Dans ce cas, l'Occident utilise la fiction de la "dictature"
et devient immédiatement criminel : les destinées
tragiques de Slobodan Miloševic, Saddam Hussein, Muammar Gaddhafi
et (possiblement) Laurent Gbagbo en auront témoigné
jusque dans le pire de l'horreur...
14. De la coupe aux lèvres...
Le Livre blanc (2008) nous rappelle, comme en
passant, que certains espaces sont déjà à portée
de fusil :
"Les pays européens sont présents
militairement à des titres divers, au Tchad, en Palestine,
au Liban, en Irak et en Afghanistan. Dans ces conditions, l'Europe
et la France sont probablement appelées à s'engager
davantage encore à l'avenir dans l'ensemble de la zone, pour
aider à la prévention et au règlement des crises."
(page 44)
Il faut donc en tirer les conséquences
jusqu'au bout :
"La France et l'Europe ne peuvent se
désintéresser du continent qui leur est le plus proche.
L'Afrique, riche de nombreux atouts, dispose d'un potentiel humain
et économique considérable. A long terme, ces capacités
pourraient lui permettre de figurer parmi les acteurs de premier
plan de la croissance économique et de la sécurité
mondiales. Néanmoins, la poursuite de l'essor démographique,
la faiblesse des structures étatiques et la mauvaise gouvernance
risquent de freiner encore longtemps le développement et
une répartition équitable de ses gains." (page
44)
...qui pourraient devenir les nôtres...
un tout petit peu : il va donc falloir y mettre bon ordre... en
faisant régner l'équité que promet la mise
en œuvre des droits de l'homme (à coups de fusil)...
Ensuite, et comme chacun le sait bien, l'appétit
vient en mangeant :
"La zone qui s'étend de la Mauritanie
au Pakistan restera cruciale pour l'Europe à l'horizon 2025.
Les prévisions démographiques postulent un doublement
de la population d'ici 2030, tandis que les perspectives économiques
demeurent limitées, les taux de chômage élevés,
les systèmes d'éducation peu adaptés, et les
régimes politiques contestés." (page 45)
Tout un Far-West, direction plein Sud... qui ne
pourra guère espérer se tourner un jour vers la production
d'objets manufacturés... Adieu, la meilleure protection contre
les saisies d'une... rente... qui est pourtant déjà
là et qui tend ses petits bras à l'Europe et à
son fer de lance militaire, la France :
"Les richesses naturelles sont essentiellement
constituées d'hydrocarbures (deux tiers des réserves
mondiales)." (page 45)
Tout ça : deux tiers des réserves
mondiales d'hydrocarbures ! Rien que pour quelques coups de fusil
bien ajustés... Nous serions bien bêtes de nous en
priver.
Or, et c'est là une chance que nous nous
devons de ne surtout pas mésestimer : ces régions
ne se sortiront pas avant longtemps du bazar politique, économique
et social dans lequel elles se trouvent :
"L'hydrologie est très défavorable
et la région devrait connaître des problèmes
sévères d'accès à l'eau potable, renforcés
par les changements climatiques et les poussées migratoires.
Dans ce contexte, la radicalisation des sociétés,
l'opposition entre chiites et sunnites, les tentatives d'Al-Qaida
pour s'approprier les luttes nationales sont autant de risques de
déstabilisation supplémentaires. En outre, l'enlisement
des processus de paix, la persistance des conflits (Liban, Irak,
Afghanistan) ou des menaces de déstabilisation (Pakistan)
ne laissent pas prévoir de solutions dans les prochaines
années." (Le Livre blanc, page 45)
Mais, évidemment, il ne faudra pas non
plus se laisser endormir.
15. Oh, belle Afrique !
Regarde cette main secourable qui ne se tend vers
toi que pour t'étrangler !
Le Livre blanc nous l'a dit : il y a un gâteau
africain. Africain, sans doute... Mais n'est-il qu'africain ?
La France ne pourrait-elle pas, pour le compte
de l'Europe, faire elle-même les parts ? Tout en respectant
la pauvreté locale ordinaire ?
Mais si, certainement :
"L'abondance de matières premières
stratégiques et de ressources énergétiques
appelle une valorisation, d'abord au bénéfice des
populations africaines elles-mêmes. Elles constituent une
ressource essentielle pour l'Afrique. Par ailleurs, elles peuvent
contribuer à favoriser les technologies européennes.
Une stratégie européenne organisant un partenariat
équilibré avec les pays concernés, pour un
accès équitable à ces ressources, doit donc
être mise en oeuvre." (page 45)
Equilibre, équité... Les droits
de l'homme (à coups de fusil) pointent le bout de l'oreille.
Imaginons alors les Africains occupés à venir en France
pour y faire régner l'équilibre et l'équité
autour des richesses naturelles... et surnaturelles... essentielles
à celle-ci. Ils seraient bien bons... Mais ils auraient sans
doute à refranchir très vite la frontière au
triple galop.
Or, la France, en Afrique, elle a, elle, des troupes
au sol, dans les airs et au-delà des airs, et sur l'eau et
sous l'eau... et puis quantité d'autres moyens tout à
fait convaincants. Elle y a même pris racine.
Car, si la France - et derrière elle l'Europe
- s'efforcent de caresser le monstre dans le sens du poil, elles
savent tout de même que c'est effectivement un monstre...
Voilà ce que le Livre blanc se charge de nous rappeler, ou
de rappeler à ses "zélites" :
"L'Afrique subsaharienne est une des
seules régions du monde où la pauvreté a augmenté
en dépit d'une croissance économique soutenue depuis
le début des années 2000. A l'horizon 2030, la Banque
mondiale estime à 3,3 % par an le taux de croissance réelle
du PIB de cette partie du continent. Compte tenu du taux d'accroissement
démographique annuel de 2,5 %, la population sera de 1,04
milliard d'habitants en 2025. Le risque d'une évolution relativement
faible du PIB par habitant demeurera élevé."
(page 46)
Surtout dans le cadre d'un équilibre et
d'une équité dûment infligés par le capitalisme,
le colonialisme et l'impérialisme occidentaux...
D'un point de vue intérieur à l'Afrique
subsaharienne elle-même, ce ne serait bien sûr pas une
nouveauté... Et d'ailleurs, cela ne nous regarde pas... Nous
ne faisons pas de l'ingérence... Pas plus qu'il ne faut...
Ce qui n'empêche pas qu'il y ait tout de même un hic,
et majeur. Ce que le Livre blanc s'empressait de nous signaler dès
2008 :
"Certaines conséquences de cette
situation sont d'ores et déjà identifiées :
augmentation du nombre et de la taille des mégalopoles ;
rareté alimentaire aggravée par les atteintes à
la biosphère, le réchauffement climatique et l'augmentation
de la demande ; risques épidémiques et absence de
structures sanitaires adéquates (sida et paludisme notamment)
; croissance de la population dont plus de la moitié aura
moins de 25 ans en 2025, avec l'importants taux de chômage
; fortes poussées migratoires, y compris en direction de
l'Europe." (page 46)
L'Europe, malheureux !... L'Europe !
Qui n'aura pas tort, de saisir l'Afrique à
la gorge, et dans les meilleurs délais !... Sous la conduite
déterminée d'une France impériale!... Oh, les
beaux jours...
16. Au moins jusqu'en 2025, voire même
2030 !...
Dès 2008, nous le constatons, il était
clair que la chasse à courre en Afrique pourrait s'étendre
au moins jusqu'en 2025, voire même jusqu'en 2030... Une génération,
ou à peu près, pourrait-on dire.
C'est donc sur cette longue période qu'il
va falloir mettre en application cette phrase de la page 45 du Livre
blanc rapportée précédemment : "Une stratégie
européenne organisant un partenariat équilibré
avec les pays concernés, pour un accès équitable
à ces ressources, doit donc être mise en oeuvre."
Les motifs se présentent, d'avance, en
masses compactes :
"La carence fréquente des structures
étatiques et l'extension des zones de non-droit, les économies
de rente au profit d'une minorité et l'existence de réseaux
criminels disposant de moyens militaires importants constituent
autant de facteurs d'inquiétude. Les problèmes de
l'Afrique ont des incidences directes sur nos intérêts
: immigration clandestine, radicalisation religieuse en terrain
musulman et développement de sectes fondamentalistes en terrain
chrétien, implantation des groupes terroristes se réclamant
d'Al-Qaida, apparition de nouvelles routes de la drogue, trafics
d'armes illicites, réseaux de prolifération, blanchiment
d'argent et risques sanitaires. La bande sahélienne, de l'Atlantique
à la Somalie, apparaît comme le lieu géométrique
de menaces imbriquées et, à ce titre, appelle une
vigilance et un investissement spécifiques dans la durée."
(Le Livre blanc, page 46)
Panorama tout ce qu'il y a de plus terrible !...
"Pourtant, contrairement à ce
que cette liste laisserait présager, le tableau est loin
d'être entièrement négatif et l'Afrique possède
de nombreux atouts, qu'elle fait valoir de plus en plus : la zone
subsaharienne comprend des richesses vitales pour l'économie
mondiale ; sa jeunesse est une chance ; de nouvelles générations,
qu'il faut encourager, accèdent aux responsabilités
économiques et politiques." (page 46)
Autrement dit : nous pourrions en prendre pour
cent ans, peut-être. Avec, très bientôt, la possibilité
d'accaparer, plus ou moins, des "richesses vitales pour l'économie
mondiale".
Ainsi n'est-ce sans doute pas par hasard que nous
aurons entendu l'un des derniers présidents de notre république
(Hollande) placer son mandat sous l'autorité ancienne d'un
Jules Ferry. C'est bien celui-ci qui aura écrit :
"Aujourd'hui, ce sont des continents
que l'on annexe, c'est l'immensité que l'on partage, et particulièrement
ce vaste continent noir, plein de mystères farouches et de
vagues espérances..."
(On pourra, ici, se référer à
cette vidéo de Françoise Petitdemange)
D'ailleurs, si ce n'est pas nous - l'Europe gentiment
emmenée vers la caverne d'Ali Baba par la France -, il y
en aura d'autres, et des gens d'ailleurs très peu recommandables,
faut-il le souligner ?
"Enfin, l'expansion et l'influence
croissantes des pays du Moyen-Orient et de l'Asie en Afrique, attirés
par les ressources et le potentiel africains, sont un des faits
marquants des dix dernières années. Elles se font
parfois au détriment de l'action du FMI et de la Banque mondiale,
qui tentent de lier l'aide à la gouvernance. En mars 2008,
la Chine a ouvert la ligne de crédit la plus importante à
un pays africain : 50 milliards de dollars au profit du Nigeria,
tandis que la République démocratique du Congo a récemment
signé avec Pékin des accords qui portent sur des investissements
de 12 milliards de dollars." (pages 48-49)
Vous avez dit "gouvernance" ? Eh bien
oui, il paraît que la Chine néglige de contraindre
les pays avec lesquels elle traite, en Afrique ou ailleurs, à
adopter les "droits de l'homme", c'est-à-dire les
règles de la liberté d'entreprise !... Oh, coupable
hérésie !
Source : http://www.micheljcunysitegeneral.sitew.fr/
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