Les yeux qui s’ouvrent : non, une « autre Europe » n’est pas possible !
Longtemps, j’ai adhéré au slogan « une autre Europe est possible ». Longtemps, j’ai cru réalisables les réformes
nécessaires pour remettre le projet d’union des peuples d’Europe sur les rails d’une véritable « construction européenne ».
Tous mes efforts ont donc été consacrés dans mes livres (en particulier dans « Europe, la trahison des élites ») et mes
articles, à démontrer que l’Union européenne n’est pas l’Europe promise ; ce qui, implicitement, pouvait signifier que
l’Europe promise était possible dans le cadre de l’UE.Ce fut tout le sens de ma démarche lorsqu’il y a dix ans, je me suis engagé avec fougue dans le combat pour un « non de
gauche » au traité constitutionnel européen – c’est-à-dire un non fondé sur la souveraineté populaire, sur la réalité des
rapports de force entre intérêts opposés, sur le refus de confondre nation et nationalisme.
Pour dénoncer le TCE, j’avais
publié une brochure à laquelle j’avais donné un titre qui se trouve tout à fait confirmé aujourd’hui par la renaissance en
force des nationalismes et le rejet d’Europe : «Quand l’Union européenne tue l’Europe».Nous voulions provoquer une crise qui remettrait la question européenne à plat et permettrait les réformes indispensables.
J’ai même, tout aussitôt après notre victoire, publié un livre intitulé « Quelle Europe après le non ? » dans lequel
j’énumérais les réformes nécessaires et possibles pourvu que la volonté politique exista.Puis vint le projet de traité de Lisbonne facilité par la forfaiture de Jacques Chirac refusant de retirer la signature de
la France en conséquence du rejet du TCE par la majorité du peuple français.
Ce projet, une véritable redite du TCE, put
être ratifié parce que les élus PS et Verts ont apporté leur appui pour réunir la majorité qualifiée qui manquait à Sarkozy
afin d’adapter la Constitution de la République aux nouveaux abandons de souveraineté.Ce qui émergeait n’était en rien cette « autre Europe », mais l’aggravation d’une UE au service du secteur privé, acharnée
au démantèlement des politiques sociales, vouée à l’organisation de la concurrence de tous contre tous, manifestant en
toutes circonstances le mépris le plus total pour les principes démocratiques. Et les forces politiques qui auraient dû
s’opposer à une telle orientation y adhéraient totalement.Puis vint la crise financière qui vit les responsables de cette crise protégés par les gouvernements et les victimes punies
par des politiques d’austérité. Cette crise servit de prétexte à de nouvelles avancées du pouvoir totalitaire
d’institutions échappant à tout réel contrôle démocratique : la Commission européenne, la Banque centrale européenne et la
Cour de Justice de l’UE.
Les traités ratifiés en 2012 (MES et TSCG) ont consacré de nouveaux et insupportables abandons de
souveraineté. Des traités qui furent soutenus avec la même force par la droite et par la social-démocratie européennes,
toutes deux résolument au service de la dictature des marchés. On ne réformait pas l’UE, on en aggravait les orientations
les plus néfastes pour les peuples.
La confirmation de l’impossibilité de réformer l’UE est venue de la bouche même de M. Juncker, l’actuel président de la
Commission européenne, un homme qui, pendant dix-huit ans à la tête du gouvernement de son pays, a favorisé l’évasion des
capitaux et donc l’incivisme fiscal dans les autres Etats membres : « il ne peut y avoir de choix démocratique contre les
traités européens déjà ratifiés » (Le Figaro, 2 février 2015). Des propos scandaleux qui pourtant n’ont été dénoncés par
aucun gouvernement, ni par le Parlement européen, ni par aucun parlement national.Et voici que se négocie un traité transatlantique qui transformera les 28 Etats européens en 28 colonies américaines, avec la Commission européenne dans le rôle, cette fois au grand jour, de gardienne des intérêts des firmes euro-américaines.
On ne peut plus s’illusionner sur la possibilité, dans le cadre de l’UE, de ses institutions et de son mode de
fonctionnement, d’une autre union des peuples d’Europe. Cette possibilité n’existe pas. Depuis 1979, à chaque scrutin
européen, le PS promet l’Europe sociale. Alors qu’il sait très bien que cette Europe sociale est impossible en vertu des
traités européens et des arrêts de la Cour de Justice de l’UE. A preuve : non seulement elle n’existe pas, mais l’UE est
l’instrument du patronat relayé par les gouvernements pour procéder au démantèlement des politiques sociales dans chaque
Etat.
Puisqu’une union démocratique et solidaire des peuples d’Europe n’existe pas dans le cadre de l’UE, c’est ce cadre, qui
fait obstacle, que l’on doit combattre. On ne sortira de cette dictature d’un mode nouveau qu’en dénonçant les traités
européens et les arrêts de la Cour de Justice de l’UE. On ne mettra fin à l’oligarchie technocratique qui dicte aux peuples
d’Europe les volontés patronales euro-américaines qu’en faisant disparaître la Commission européenne. On ne mettra pas fin
aux politiques européennes sans supprimer les institutions qui les engendrent.
Appliqué à l’UE actuelle, le slogan, « une autre Europe est possible » est devenu un mensonge. C’est une tromperie, dont
seuls profitent ceux qui bénéficient de l’UE telle qu’elle est : les firmes privées dont le profit toujours plus élevé est
la seule motivation. Car ce slogan retarde toute contestation fondamentale de l’UE, de ses institutions et de ses
politiques.
Source : http://www.jennar.fr/
sommaire Accueil |