Kosovo ou Unmikistan : le royaume de la corruption, de l’illégalité et du crime
Maciej Zaremba
Maciej Zaremba, le réputé journaliste
du Dagens Nyheter, le très influent quotidien suédois, brosse
un portrait de l'incapacité et des abus de l'UNMIK (Mission d'administration
intérimaire des Nations Unies au Kosovo-Métochie).
Cette mission, la plus grande de l'histoire de l’ONU,
agit en tant que “premier Etat des Nations Unies au monde”, dans
lequel les forces internationales n'assurent pas seulement la paix et l'eau
potable, mais établissent un tout nouvel ordre. Mais dans ce nouvel ordre
règne la corruption et l'illégalité, écrit Maciej
Zaremba, après avoir séjourné six mois dans la province
serbe, qu'il surnomme “Unmikistan, pays d’avenir”.
après avoir parlé avec les citoyens du Kosovo, les officiels actuels
et ceux qui les ont précédés, ainsi qu'avec les représentants
des pouvoirs locaux et des organisations internationales, se référant
aux comptes rendus, mais également à tout ce qu' il a vu
de ses “propres yeux” sur le terrain, Zaremba a découvert
avec stupéfaction les liens des officiels de l'UNMIK et de la mafia locale
albanaise sous la protection des Nations Unies. S’ajoutent également
les masses d'abus financiers restés sans jugement, les cas de violation
des droits de l'homme, la corruption et l'incompétence des officiels.
Selon le journaliste suédois d’origine polonaise, l'organisation
mondiale dont le rôle est d'assurer la protection des biens et des droits
de l’homme des habitants du Kosovo, de préparer les fondements
de la démocratie, d’assurer une justice efficace et une économie
fonctionnelle de marché, a obtenu des résultats contraires à
ceux qui étaient programmés dans sa mission. Le Kosovo est devenu
un repaire d’injustice et de criminalité, un lieu sans loi, le
centre européen du commerce des femmes et de la drogue ! ! !
Le règne du marché noir
Dans la première des quatre parties qui composent
son texte sur “l’Unmikistan”, l’auteur présente
aux lecteurs la vie quotidienne au Kosovo. On commence par l’aérodrome
sur lequel s’est posé son avion et qui est dirigé par la
direction islandaise pour l’aviation civile, les services de téléphonie
mobile sont assurés par une compagnie française avec comme code
d’accès celui de Monaco. On trouve tous les six kilomètres
des pompes à essence, “un record fantastique, qui malheureusement
ne sert que pour le blanchiment d’argent de la contrebande, de la drogue,
des armes et de l’esclavage sexuel” dit Zaremba.
Dans les magasins le savon est de Bulgarie, les chemises de Taiwan, la farine
de la Tchéquie, l’eau de Hongrie. après huit ans et 22 milliards
d’euros dépensés, règne le marché noir, alors
que le marché légal est en collapsus total !
La plupart des habitants ont l’électricité seulement quelques
heures par jour et certains encore moins. Comment, se demande-t-on, “alors
que l’Etat est dirigé par les Nations Unies qui ont investi 700
millions d’euros dans les deux centrales électriques dans une région
si riche en lignite qu' elle pourrait éclairer tous les Balkans,
le Kosovo ne peut-il pas produire suffisamment d’électricité,
mais pollue l’air 70 fois plus que la norme permise par l’Union
Européenne ?”
En étudiant comment fonctionne le système au Kosovo, Zaremba a
compris que les officiels trop payés de l’UNMIK ne sont pas sur
place pour lutter contre la criminalité, le plus grand fléau au
Kosovo, car une telle mission nécessiterait une stratégie, du
courage, du dévouement et de la responsabilité, mais “ne
ressentent de responsabilité que pour leurs propres carrières,
où le Kosovo n’est qu' une épisode.”
Ainsi, les sept “gouverneurs”, les chefs de l’UNMIK, n’ont
parlé dans leurs rapports que de la stabilité et des progrès
de la situation. “C’était la seule manière qui leur
permettait d’avancer et de faire carrière.”
“Vous vous attendriez à ce que la mission de l’ONU soit comme
une expédition polaire, avec des buts précis, un commandement
décidé, des moyens appropriés, des experts assidus. Vous
auriez tout le droit de le penser, compte tenu de leurs énormes salaires,
et du fait que pour chaque poste dans la mission ont postulé 229 candidats.
Mais la mission n’a aucune de ces qualités. Qui peut encore croire
sérieusement que les forces de police, composées de ressortissants
de 44 nations – dont la moitié provient de pays semi-démocratiques
– vont risquer leurs vies pour appliquer l’ordre et la loi dans
une région qui n’en a jamais eus ?”
Les sources britanniques ont confié à Zaremba que le siège
des forces de polices de l’ONU croule sous des rapports sur la criminalité,
que personne n’a jamais ouverts. “La plupart des crimes n’ont
jamais été investigués, mais qui saurait le faire, quand
on voit la composition de l’UNMIK, même s’il en avait l’envie
?”
Pour les habitants du Kosovo l’instruction destinée à leur
apprendre à conduire les trains est faite par un “expert”
du port de Sierra Leone où le dernier train a disparu en 1975. Un gardien
de parking du Bengladesh n’a pas de permis de conduire et parle seulement
le bengali .Il a du bien graisser des pattes pour être embauché
par l’ONU...
La plupart des citoyens ne font pas confiance aux officiels de l’UNMIK.
Zaremba a découvert pourquoi. “Chaque vache en France est subventionnée
3 euros par jour, tandis qu' un habitant de Kosovo sur deux vit avec un
tiers de cette somme par jour. Si quelqu' un le vole, il n’a pratiquement
aucune chance qu' on retrouve le voleur, bien que le Kosovo ait le plus
grand nombre de policiers par habitant en Europe. 300.000 cas non résolus
attendent dans les tribunaux. Si vous êtes Serbe ou Rom on peut brûler
votre maison, tandis que les soldats de l’OTAN regardent calmement l’incendie.
Et ceci est arrivé de nombreuses fois.”.
L’Etat des Nations Unies et les sept pillards
Dans la seconde partie du texte de Zaremba, qui porte ce titre,
il ne s‘agit pas des sept chefs de l’UNMIK), mais des malheurs de
Madame Hisari, dame d'un certain âge et sans fortune, qui a perdu sa ligne
téléphonique, car son locataire, un certain Jo Truchler, directeur
de la KEK (la Compagnie d'Électricité du Kosovo) n’a pas
payé sa facture d’électricité qui s’élevait
à 6.900 euros, soit la valeur d’un salaire et demi moyen annuel,
tandis que son salaire en tant que fonctionnaire de l’UNMIK s’élevait
à 20.000 euros par mois. La propriétaire désespérée
s’est adressée au tribunal, mais on lui a dit que le tribunal n’avait
aucune compétence pour juger le personnel de l’UNMIK. La dame a
écrit à l’UNMIK , qui lui a répondu que l’UNMIK
n’était pas responsable des affaires privées de ses fonctionnaires
.
Entre temps, le locataire sans scrupules a quitté le Kosovo, avec 4,3
millions de $ qui sont apparus plus tard sur son compte dans une banque à
Gibraltar. Les investigations ont démontré que Truchler, à
qui on a confié la direction d’une des plus importantes compagnies
(celle-là même qui ne procure aux habitants que quelques heures
d’électricité par jour), a obtenu ce poste en falsifiant
des documents, n’étant ni économiste, ni ingénieur,
mais un petit escroc allemand !
“Ceux qui ne rentrent pas du Kosovo les poches remplies d’argent
sont des idiots ou des saints” a dit sous couvert d’anonymat un
interlocuteur de Zaremba. Un autre décrit le Kosovo comme “un Eldorado
pour les voleurs”, et un troisième lui a confié qu' il
avait été dans plusieurs missions des Nations Unies à travers
le monde, mais “qu' aucune n’était aussi pourrie que
celle de Kosovo”. Les trois personnes provenant de pays différents,
sont ou ont été à des postes importants dans la hiérarchie
de l’UNMIK. Marie Fuchi, qui a dirigé la Kosovo Trust Agency en
2003-2004, est formelle : l’aide parvenue au Kosovo s’est retrouvée
dans les mains de la mafia locale, et des sommes énormes ont été
dépensées pour des activités qui n’ont rien à
voir avec l’économie du Kosovo, mais ont servi à l’enrichissement
de la “nomenklatura” kosovare et des hauts fonctionnaires de l’UNMIK.
Dans “L’histoire des sept pillards, Zaremba nous explique comment
ils ont procédé. Bo Olsen (le nom est inventé) était
un petit employé dans son pays d’origine et, au Kosovo, il devient
conseiller international dans la Compagnie de télécommunications
PTK. Il ne mérite même pas le tiers de son salaire (11.000 euros
mensuels), mais il réussit à se maintenir grâce au “vautour”,
une Albanaise du Kosovo adjointe d’Olsen, qui touche “seulement”
1;000 euros, mais qui d’un autre côté peut librement employer
un nombre illimité de fonctionnaires étrangers pour des salaires
dix fois plus élevés que le sien, à la condition qu' Olsen
et elle en touchent une partie.
Le troisième complice est un certain Kevin Jeffry, directeur dans la
même Compagnie PTK .Il amène de Londres un de ses amis, en tant
qu' “expert financier”, qui touche 16.000 euros par mois,
avec des suppléments pour sa voiture de fonction et celle privée
pour le week-end, et qui en guise de travail joue pendant six mois au poker
sur internet.
Apparait le Britannique Roger Reynolds qui, par l’intermédiaire
de la PTK qui l’emploie, trouve la Compagnie Norway Invest et, pour 300.000
euros investis, lui procure un contrat avec l’UNMIK pour 10 millions d’euros.
Ensuite, il quitte la PTK pour Norway-Invest avec un salaire de 20.000 euros
mensuels payés par le juteux contrat. La police financière italienne
(“un rayon de lumière dans l’histoire noire du Kosovo”,
remarque Zaremba) découvre que le directeur de la compagnie norvégienne
qui a obtenu le contrat avec l’UNMIK est un criminel ordinaire .Le contrat
a été annulé, mais le Kosovo n’a jamais récupéré
les 300.000 euros .
Pour améliorer la distribution d’énergie électrique
au Kosovo, l’UNMIK engage la compagnie irlandaise ESB International pour
aider la KEK qui a 70.000 euros de pertes par an, qui coupe l’électricité
aux utilisateurs cinq fois par jour et réussi à se faire payer
un kilowatt utilisé sur deux. Les Irlandais restent trois ans, ramassent
10 millions d’euros et laissent la KEK dans le même état
où ils l’ont trouvée.
Zaremba consacre une partie importante de son texte à la France. En se
référant à des do-cuments officiels, il note qu'en 1999,
il paraît évident que Bernard Kouchner va être nommé
achef de la mission. Le Premier ministre Lionel Jospin et le gouvernement français
formé une mission spéciale afin “d'éviter les erreurs
de la Bosnie”, c'est-à-dire d'obtenir la possibilité que
la France récupère une grande partie de l'aide qu'elle envoie
au Kosovo. En clair, les compagnies françaises doivent avoir la primauté
pour obtenir les marchés au Kosovo. Kouchner s'est bien employé
à le faire. Il a rejeté la proposition des experts locaux de confier
la téléphonie mobile au Kosovo à Siemens et l'a accordée
à la société française Alcatel . “Le résultat
: Le Kosovo a depuis sept ans la téléphonie mobile la moins performante
et la plus chère de toute la région’, a conclu le Conseil
de l'Europe. On téléphone au Kosovo, mais toutes les fois qu'on
le fait, l'argent tombe dans les caisses de la France et de Monaco, avec la
bénédiction de l'Agence des Nations Unies pour les télécommunications,
ITU, qui a “prêté” son numéro d’appel
0377.
Injustices à répétition
Zaremba continue à nous donner une longue liste d'exemples
des illégalités, de la criminalité et de la corruption
qui règnent au Kosovo. Djezide Zodjani, qui travaillait aux chemins de
fer, à été licenciée après avoir travaillé
pendant 29 ans, en compagnie d'autres employées. L'UNMIK a mis à
la porte des femmes qui avait une grande expérience de l'entreprise,
et pris à la place des jeunes gens qui n’en ont aucune. Les femmes
licenciées se sont plaintes au tribunal pour la discrimination frappante.
Elles ont été déboutées car “les décisions
de l'UNMIK ne peuvent pas être mises en question, au Kosovo elles sont
au-dessus des lois.” Madame Zodjani s’étonne : “Est-t-il
possible que l’ONU nous enseigne d’une part des principes qui d’autre
part ne peuvent pas lui être appliqués ?” Et Zaremba de préciser
: “C’est exactement comme cela. Il existe seulement deux régions
en Europe, dont les citoyens ne peuvent pas porter plainte au tribunal pour
les droits de l’homme à Strasbourg : la Biélorussie et le
Kosovo.”
En continuant sa série d’articles, le journaliste narre le cas
instructif de Bedri Shabani, emplo-yé de douane qui a perdu son travail
pour avoir dénoncé un abus de pouvoir dans les dou-anes. Muni
d’une documentation irréfutable qui prouvait que ses chefs avaient
touché des pots de vin de contrebandiers, il est allé à
la police des Nations Unies.
Le temps a passé, mais il n’a eu aucune nouvelle. Il s’est
alors adressé aux journalistes.
“C’était très courageux et en accord avec ce que les
Nations Unies préconisent au Kosovo, mais, d’une certaine manière,
irréfléchi, car au Kosovo on tue pour des choses beaucoup moins
graves. Cela a tout de même porté ses fruits. Le chef de la douane
a été emprisonné. Mais bientôt il a été
relâché car, à ce moment là, le chef de l’UNMIK
était le diplomate allemand Michael Steiner qui entretenait des relations
intimes avec la fille d’un des responsables de la douane, qui était
le meilleur ami du chef emprisonné. ”
Shabani a écrit au Secrétaire général des Nations
Unies Kofi Anan, car on lui avait dit que le Secrétaire général
était la plus haute instance au Kosovo.
Grande erreur. Le pauvre Shabani a été renvoyé de son travail.
Le tribunal de Pristina a jugé ce renvoi illégal, mais le chef
de la douane de l’Unmik a refusé d’appliquer le jugement
du tribunal instauré par l’ONU et qui juge d’ après
les lois édictées par cette même ONU.
Au Kosovo, il y a des milliers de Shabani et de Zodjani pour lesquels les Nations
Unies représentent l’illégalité et la perte de toutes
illusions, dit Zaremba.
A la fin de sa série d’articles sur les abus de pouvoir au Kosovo,
Zaremba avertit ses lecteurs :
“Si vous croyez que ces problèmes n’ont aucun rapport avec
vous, permettez-moi de vous informer que la mafia du Kosovo vend de l’héroïne
à Kalmar (port de la Suède), Saint Saint-Denis, Lyon etc., et
fait le trafic de la prostitution à Oslo, à Paris, à Londres
etc. Et selon toute vraisemblance, elle va sponsoriser le gouvernement à
Pristina quand cette région obtiendra son indépendance.”
… Si l’obtient ???
Les courageux Suédois
Un point positif dans la sombre description de Zaremba
a été la défense de Caglavica et Gracanica, le 17 mars
2004, par les soldats suédois.
Sous le titre “La bravoure, le courage et les guêtres”, le
journaliste s’indigne que malgré la présence de 17.000 soldats
de l’OTAN et 4.000 policiers des Nations Unies, 200 extrémistes
albanais aient pu provoquer des émeutes où furent tuées
19 personnes, blessées 900 autres, détruites une trentaines d’églses
et incendiées 700 maisons.
Quand les Albanais commencèrent à jeter des cocktails Molotov
sur un monastère serbe du XIVe siècle, un message fût envoyé
aux soldats Allemands que pas un seul cheveu ne manquera sur leurs têtes
s’ils quittaient leur position, car dans le cas contraire ils en pâtiraient.
Les Allemands retirèrent leurs véhicules blindés et regardèrent
le monastère brûler. Leur commandant, le général
Hölger Kamerhof, expliqua que les soldats avaient suivi le règlement,
qui prescrivait de sauver les vies humaines, et non les bâtiments ! Les
Français firent de même avec le monastère de Devic, qui
était sous leur protection, ainsi que toutes les maisons serbes à
Svinjare, relate Zaremba.
Le détachement suédois, sous le commandement du colonel Hans Hekanson,
et qui comportait des soldats Tchèques, Finlandais, Slovaques et Irlandais,
intervint selon sa conscience.
35 soldats sur 700 furent blessés mais défendirent courageusement
Caglavica et le monastère de Gracanica.
Le courage du colonel et de ses 20 soldats a été récompensé
par la médaille du courage de la Suède, et leur commandant, le
général Anders Brenstrom, a été décoré
par l’OTAN.
Traduit par Vera Uskokovic.
B. I . N° 127, décembre 2007