Ce mardi 4 juillet 2006, le tribunal de La Haye a rejeté la demande d’extradition par la Turquie de Bahar Kimyongür. Celui-ci a été immédiatement libéré et est rentré en Belgique.
Jean Pestieau
On se souvient que Bahar, citoyen belge, a été
arrêté le 28 avril alors que, parti en voiture de Bruxelles, il
venait d’entrer aux Pays-Bas pour participer à l’organisation
d’une activité culturelle. Son arrestation était motivée
par une demande d’extradition introduite par les autorités turques
qui le qualifient de « terroriste ». Le sociologue Jean-Paul Paye
explique : « l’ ‘enlèvement’ de Bahar Kimyongür
montre une collaboration étroite entre appareils policiers et judiciaires
de différents pays, la Belgique et les Pays-Bas, qui violent leur propre
légalité afin de satisfaire les exigences d’un Etat (la
Turquie) qui pratique la torture et l’assassinat politique. Les documents
déposés par le procureur au Tribunal de La Haye montreraient que
la Belgique a effectivement livré son ressortissant. » Les autorités
belges ne pouvant extrader un de ses ressortissants, elles auraient laissé
le sale boulot aux Pays-Bas ! Bravo madame la Ministre de la Justice ! Le mandat
international se fonde sur la notion d’appartenance à une organisation
terroriste : Bahar ferait partie du DHKP-C, organisation révolutionnaire
turque reprise sur la liste des organisations terroristes établie par
le Conseil de l’Union européenne.
C’est pour cette raison que, fondamentalement, Bahar avait été condamné à quatre ans de prison – en première instance - en février 2006 par la Justice belge.
Face à une telle situation, un large front s’est constitué pour défendre les droits démocratiques en général et ceux de Bahar en particulier. Sa cheville ouvrière est le ‘Comité liberté d’expression et d’association’ (CLEA) qui a mobilisé une large frange de l’opinion publique en Belgique à travers un travail remarquable dont témoigne le site http://perso.orange.fr/clea.be/index.php .
Ce 4 juillet, le juge du Tribunal de La Haye a rejeté la thèse du Parquet néerlandais qui réclamait l’extradition de Bahar vers la Turquie sur base de ses opinions opposées à celles des autorités répressives turques. Il a suivi l’argumentation de la défense de Bahar qui a mis en avant qu' on ne pouvait l’extrader sur base de ses opinions telles que : manifester dans l’hémicycle du Parlement européen à Bruxelles contre la présence d’un ministre turc ; être présent au procès de la militante révolutionnaire turque, Ferhye Erdal, lorsqu' elle était jugée en Belgique ; exprimer ses opinions sur la répression en Turquie et en diffusant les points de vue du DHKC ; etc. Bahar a été alors libéré.
Le 11 septembre 2006, se tiendra le procès en appel de Bahar qui conteste sa condamnation (à 4 ans de prison ferme) de février 2006. Quelle sera l’attitude de la Cour d’appel belge ? S’aligner sur le jugement de La Haye ou s’obstiner à nourrir l’appareil de répression turque ?
A La Haye, un coup d’arrêt a été mis au démantèlement de ce qu' on appelle l’Etat de droit. C’est un encouragement pour toutes les luttes de défense des droits démocratiques comme ceux des sans papiers.