De l'annexion de la RDA à une Union Européenne
comme directoire des monopoles ouest-allemands... vingt ans de contre-révolution
en Allemagne
Rui Paz
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Cela fait 20 ans, le 3 octobre, que l'Allemagne Fédérale
entamait officiellement le processus d'annexion et de colonisation de la République
démocratique allemande. La grande bourgeoisie et les serviteurs du capital
monopoliste ont l'habitude de présenter les événements
qui ont conduit à la fin du socialisme en RDA comme un acte « révolutionnaire
» ou « libérateur », mais le temps s'est chargé
de démontrer qu'il s'agissait et qu'il s'agit toujours d'un long processus
contre-révolutionnaire, aux proportions dévastatrices. Ceux qui
à partir de 1990, dans une orgie de vandalisme politico-culturel, ont
détruit les bibliothèques et les livres, les galeries et les tableaux,
fermé les cliniques et les académies, licencié les enseignants,
écarté les journalistes et changé le nom des rues portant
le patronyme de communistes, de socialistes et d'anti-fascistes comme Clara
Zetkin, ce sont les mêmes qui dans les vingt dernières années
sont revenus sur les droits des travailleurs, ont démantelé l'
« État social », intensifié le militarisme et les
guerres d'agression et qui, dans un processus honteux de révision et
de falsification de l'historien, cherchent à blanchir le grand capital
de ses crimes et à criminaliser les forces de résistance.
L'existence du premier État socialiste allemand a toujours
été une épine dans le cœur de l'impérialisme.
après la seconde guerre mondiale, la lutte du mouvement ouvrier et l'existence
du socialisme en RDA ont contraint les groupes monopolistes, qui s'étaient
enrichis à l'ombre de la terreur nazie, à faire des concessions
à la classe ouvrière. Mais l'objectif de liquidation du socialisme
qui avait mené Hitler à envahir l'Union soviétique restait
toujours inscrit à son agenda contre-révolutionnaire.
Malgré de graves déficiences, des déformations
de la démocratie socialiste et des contraintes importantes de l'ordre
international, les acquis réels du socialisme en RDA, comme l'élimination
de la misère, le plein emploi, l'éducation de haut niveau, l'accès
généralisé à la culture et au sport, la santé
universelle et gratuite, le logement à loyer très bas, des retraites
assurées une fois arrivé dans la vieillesse, etc., sont en contradiction
flagrante avec la réalité qui est vécu aujourd'hui dans
les pays capitalistes. On comprend mieux pourquoi de plus en plus la machine
de propagande du grand capital cherche à minimiser les acquis du socialisme,
ou à les discréditer, comme si ils étaient des vieilleries
du 19ème siècle, diffusant l'idée qu'il n'y a pas d'alternative
à un système, le capitalisme, qui génère autant
de chômage et de misère.
Une fois que la RDA a perdu sa souveraineté, une vague
de 30 000 fonctionnaires et d'administrateurs publics envoyés par Bonn
ont envahi le territoire de l'Allemagne de l'Est avec comme objectif de garantir
la liquidation des structures du socialisme et la transformation de l'appareil
d'Etat en un instrument au service du capital monopoliste. Presque toutes les
positions-clés ont été occupées par les allemands
occidentaux. Plus était importante la fonction, plus élevé
était le pourcentage de fonctionnaires occidentaux. En 1990, les 62 secrétaires
d'Etat des différents gouvernements régionaux de l'Est venaient
tous de RFA. A travers la « Treuhand » - un organisme créé
expressément pour privatiser et démanteler l'économie de
la RDA – la Deutsche Bank, et les monopoles occidentaux se sont empressés
de brader tout ce qu'il pouvait, dans certains cas arrêtant la production
et se débarrassant ainsi de concurrents peu commodes. Les citoyens de
l'ancienne RDA se sont retrouvés en un instant à vivre dans un
pays vendu. 85% des entreprises ont été accaparées par
le capital allemand occidental, tandis que 9% d'entre elles ont été
réparties entre le capital d'autres Etats européens, comme la
France, la Suisse, l'Autriche, l'Angleterre et la Hollande. Seules 6% sont restés
sous le contrôle d'Allemands de l'Est. La production industrielle a chuté
d'un tiers. L'hebdomadaire Die Woche a qualifié ce processus du «
plus grand démantèlement d'une nation industrialisée en
temps de paix ». (1)
Seulement entre Octobre 1990 et décembre 1994 ont été
liquidées, comme si elles avaient été dévastées
par une invasion de sauterelles, 75% de l'économie, des usines et unités
de production industrielle et agricole qui étaient propriété
de tout le peuple de RDA. 40 000 contrats de privatisation d'entreprises ou
de ses branches les plus rentables ont été signés par la
« Treuhand ». Dans cette même période, le pourcentage
d'emplois détruits dans ce secteur était de 90%, faisant chuter
leur nombre de 3 162 867 emplois, en 1990, à 179 791 en 1993. La force
de travail était de nouveau considérée comme une marchandise.
Le droit au travail avait disparu. Les travailleurs ont de nouveau été
réduits à être un facteur de coûts. Le potentiel scientifique
de l'ex-RDA a diminué d'au moins 60%. Le revenu des ménages locaux
était retombé à 40% du revenu des ménages occidentaux
et le pourcentage de femmes ayant une activité professionnelle est passé
de 86% à 56%.
Mais plus intensément par rapport à ce qui s'est
passé dans les autres anciens Etats socialiste de l'Est, en RDA la restauration
capitaliste a été réalisée par un centre de pouvoir
étranger, l'État allemand occidental, et sous une forme qui continent
tous les traits d'un processus de colonisation (2).
Le rôle de la social-démocratie
Et s'il revient au gouvernement de Helmut Kohl et à
la démocratie-chrétienne d'avoir trompé le peuple de RDA
avec la promesse des célèbres « paysages florissants »
et en entonnant le chant des sirènes sur les merveilles du capitalisme,
ce fut la social-démocratie et les gouvernements du chancelier Schroder
qui ont bien joué leur rôle en étendant définitivement
à toute l'Allemagne la contre-révolution social par le biais du
tristement célèbre « Agenda 2010 » et des mesures
« Hartz IV », qui ont fini non seulement par institutionnaliser
la pauvreté, mais aussi par imposer des formes modernes d'esclavage,
à travers des mesures brutales, attentatoires à la dignité
humaine, comme l'obligation pour les chômeurs de travailler pour un euro
de l'heure.
Pour les classes dominantes, la politique du gouvernement Schroder
a été marquée par des avantages fiscaux pour les banques,
les grands groupes économiques et les opérations de spéculation
financière, par la privatisation des télécoms, de la poste
et d'autres secteurs essentiels et rentables de l'État, par le renforcement
des gains réalisés pour les revenus du capital et des grandes
fortunes et par la dévalorisation des revenus du travail. Le résultat
de ces mesures fut la liquidation de la base financière de l' «
État », une fois que ses recettes dépendent fondamentalement
de la taxéation des revenus des travailleurs (3).
Premièrement, on a réduit les recettes de l'Etat
pour ensuite affirmer qu'il n'y avait pas d'argent pour que l'État puisse
remplir ses fonctions et devoirs constitutionnels. 20 ans après, 7 millions
de personnes dans toute l'Allemagne vivent en-dessous du niveau de pauvreté,
tandis que le nombre de millionnaires et de multi-millionnaires a augmenté
jusqu'à atteindre les 800 000 sur une population de 80 millions d'habitants.
L' « alliance pour l'emploi », conclue entre la
direction social-démocrate de la Fédération des syndicats
allemands (DGB) et le patronat, a conduit à la stagnation scandaleuse
des salaires et à la perte généralisée de pouvoir
d'achat pour les travailleurs, mais le patronat a continué à liquider
des millions d'emplois et à accumuler des profits fabuleux.
Le social-démocrate, Walter Riester, vice-président
du Syndicat des métallurgistes, a ouvert, en tant que Ministre du travail,
le secteur des retraites au capital privé et aux activités spéculatives.
Le social-démocrate Norbert Hansen, président du Syndicat des
cheminots, a approuvé le plan de privatisation des chemins-de-fer (reporté
en ce moment à cause de la crise financière), étant immédiatement
récompensé par un poste à la direction de l'entreprise.
Le social-démocrate, Klaus Zwiekel, président du Syndicat des
métallurgistes a permis, en tant que membre du conseil de surveillance
de Mannesmann, sa vente à Vodafone en échange de bonus exorbitants
offerts à la direction de l'entreprise, ayant désormais à
s'asseoir sur le banc des accusés au côté du grand patron
du capitalisme allemand, Joseph Ackermann, le président de la Deutsche
Bank. En un moment où il est vital pour les travailleurs d'intensifier
la lutte de résistance contre le vol des salaires et la démolition
des droits des travailleurs, le président de la DGB, le social-démocrate
Michael Sommer, s'est refusé à exiger du gouvernement et du parlement
l'abrogation de la législation qui empêche les grèves générales
et impose de graves limitations aux droits des travailleurs. Le premier acte
du président et des membres de la direction du Syndicat des services,
après la fusion dans ce syndicat des cinq organisation du secteur des
services, fut de doubler leurs propres salaires de 100 000 à 190 000
annuels, sous prétexte qu'il leur fallait des salaires plus élevés
pour pouvoir négocier sur un pied d'égalité avec le patronat.
Tout cela démontre comment la contre-révolution
a corrompu la social-démocratie, a provoqué l'abandon des positions
de classe au sein des syndicats et a placé à leur tête des
dirigeants qui s'identifiaient avec le grand capital et la bourgeoisie. Ce processus
dégradant de mise en œuvre de la contre-révolution sociale
et de reculs démocratiques par un parti dénommé «
social-démocrate » a eu des effets désastreux sur le SPD
lui-même, ayant provoqué, pour la première fois en 150 années
d'existence, l'abandon du parti par son président, la plus grande scission
de la base syndicale social-démocrate qu'il n'y ait jamais eu et la perte
de plus de la moitié de son électorat.
Hégémonie allemande, Union Européenne
et militarisme
On peut dire que le processus de dévastation
et de colonisation de la RDA fut le banc d'essai pour l'accélération
du projet fédéraliste, militariste et de domination du capital
monopoliste de l'UE.
Maastricht, Amsterdam, Nice, l'élargissement à
l'Est, l'Euro et la Banque centrale européenne, le Traité de Lisbonne,
sont imprégnés des mécanismes similaires à ceux
qui ont conduit à la perte de la souveraineté de la RDA, à
la destruction de ses structures économiques, à la désindustrialisation,
à la fin de son autonomie monétaire, à l'affaiblissement
du rôle de l'État dans les domaines social et culturel, au chômage
de masse et à la paupérisation massive de la population. Au nom
de la « capacité de décision » d'une UE élargie
à 27 membres, l'Allemagne va transformer l'UE eu un projet de satellisation
de nombreux pays européens et les soumettre à ses intérêts
Tout comme pour l'annexion de la RDA – imposée inconstitutionnellement
et au mépris de l'article 146 de la Constitution allemande qui prévoit
la consultation populaire – Berlin assurera son hégémonie,
en liquidant à Nice le principe de l'égalité entre Etats
et en le remplaçant par la majorité proportionnée à
la population, interdisant la consultation populaire sur le Traité de
Lisbonne et étouffant ainsi la volonté des peuples, qui avait
déjà refusé en France, en Hollande et en Irlande la «
Constitution européenne ». Joseph Fischer, qui deviendra plus tard
Ministre des affaires étrangères de Schroder, formulait déjà
en 1991, encore comme président du groupe parlementaire du parti «
Les Verts », les ambitions de l'Allemagne dans le cadre de l'UE: «
L'Allemagne retrouvera désormais (…) avec la fin de la guerre froide
et la finalisation de son unification avec le consentement international, ce
qu'en Europe et dans le monde, en deux grandes guerres on lui a nié,
c'est-à-dire, une sorte d'hégémonie douce sur l'Europe
résultant de ses dimensions, de son pouvoir économique et de sa
situation géographique (…) » (4)
Aujourd'hui, même le meilleur allié de l'Allemagne
au sein de l'Union européenne, la France, se plaint du fait que Berlin
est en train de ruiner les autres pays européens, mettant en garde contre
le fait que l' « excédent commercial allemand pourrait devenir
intenable pour ses voisins de la zone euro », ce qui s'est confirmé
pleinement avec l'attitude de Berlin vis-à-vis de la crise de l'euro
et du déficit de la Grèce. L'euro est fait à la mesure
des intérêts de l'économie allemande. La plus grande part
de ses exportations, précisément les deux-tiers, d'une valeur
de 627 milliards d'euros (2007) est en direction des pays de l'UE, tandis que
la plupart d'entre eux n'ont pas la moindre possibilité d'exporter à
grande échelle vers l'Allemagne.
Avec le changement du rapport de forces, provoqué par
la contre-révolution en URSS et en Europe de l'Est, s'est opéré
également une mutation extrêmement dangereuse de la doctrine militaire
allemande. Pendant plus de 40 ans prévaudra en Allemagne, avec comme
base les fondements constitutionnels résultants de la tragédie
de la seconde guerre mondiale et de la défaite du nazisme, le principe:
« plus jamais la guerre! ». Mais à partir de l'annexion de
la RDA et de la dissolution du pacte de Varsovie (1991), les forces de la contre-révolution
sont arrivés à renverser cette orientation de telle façon
qu'aujourd'hui il serait plus correct d'affirmer: « plus jamais de guerre...
sans l'Allemagne ». Dès lors, les efforts pour transformer les
Forces armées en une armée d'agression se sont succédés
à un rythme hallucinant. Il faut avoir en tête que ce processus
a été entamé 10 ans avant le 11 septembre 2001 et de la
« guerre contre le terrorisme ».
Le général Klaus Neumann, protégé
du chancelier Helmut Kohl, fut un des premiers à formuler les principes
de la nouvelle doctrine militaire, soulignant que la Bundeswehr « devra
être préparée à intervenir en dehors du territoire
de l'Allemagne fédérale, dès lors qu'entrent en jeu les
intérêts allemands » (5).
Plus tard, à Bruxelles, déjà comme président du
comité militaire de l'OTAN, dans une interview à la revue Der
Spiegel (mai 1995), il dira que« nous ne sommes plus dans la salle des
machines du navire de l'ONU, de la CSCE, de l'OTAN et de l'UE mais au poste
de commande ». Le premier document officiel de la nouvelle doctrine militaire
agressive sont les « Orientations pour la politique de défense
», publiées par le Ministère de la Défense fédéral
le 26 novembre 1992 (6).
On y souligne ici que l'Allemagne est « une puissance moyenne continentale
avec des intérêts dans le monde entier ». Ce qui lui confère
le droit d'intervenir militairement pour « garantir les routes du commerce
mondial, l'accès sans obstacles aux marchés et aux matières-premières
».
Les ministres de la Défense du chancelier Schroder (SPD)
seront encore plus explicites. Rudolf Scharping, le principal instigateur de
l'agression contre la Yougoslavie, inventeur du « Plan fer à cheval
», expliquera au forum du SPD sur la « Sécurité »
(Janvier 2001) que « d'ici à 25 ans, le gaz de la Mer du Nord sera
épuisé, mais dans la région d'Afghanistan et du Caucase
il y a de tout » et que « la sécurité régionale
est de l'intérêt de tous ceux qui désirent extraire de l'énergie
de cette région ». En 2002, le nouveau ministre de la Défense,
Peter Struck, a lancé la célèbre expression selon laquelle
« dans l'Hindou Kouch, on défend notre liberté ».
L'invocation de la « liberté » est le carburant avec lequel
le capitalisme a alimenté l'instauration de dictatures, la pratique de
la torture, l'exécution de massacres, de bombardements et de guerres
pour imposer sa domination mondiale. Aujourd'hui aussi en Allemagne, la contre-révolution
et le revanchisme continuent à se servir du lieu commun de la «
liberté » pour dissimuler l'aggravation de l'exploitation et de
l'oppression des travailleurs et des peuples et pour imposer par la force des
armes son hégémonie.
Notes
(1) Die Woche. Das verkaufte
Land, 5.11.1999
(2) Ekkehard Lieberam. Wesens-und Strukturveränderungen
der Lohnabhängigenklasse in Ostdeutschland, 2007.
(3) Was war die DDR wert? Berlin, 2000.
(4) Die EU, Kerneuropa und Osterweitung.
Hambourg, 2003. S.109
(5) Information für die Truppe, 11/1991.
(6) Marxistische Blätter, 3 - 97.
Militär – Macht - Politik. S. 34.
Source http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/article-de-l-annexion-de-la-rda-a-une-union-europeenne-comme-directoire-des-monopoles-ouest-allemands-vingt-ans-de-contre-revolution-en-allemagne-58442187.html
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